En Équateur, l'autre «Cité de Dieu» rongée par la misère et la violence

Marisol Chavez, chef de quartier, portant sa fille Joselyn Mojica, dans le quartier Cañaveral de la coopérative Ciudad de Dios, dans le secteur Monte Sinai de Guayaquil, en Équateur, le 26 juillet 2022.  (Photo de Marcos PIN / AFP)
Marisol Chavez, chef de quartier, portant sa fille Joselyn Mojica, dans le quartier Cañaveral de la coopérative Ciudad de Dios, dans le secteur Monte Sinai de Guayaquil, en Équateur, le 26 juillet 2022. (Photo de Marcos PIN / AFP)
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Publié le Samedi 20 août 2022

En Équateur, l'autre «Cité de Dieu» rongée par la misère et la violence

  • En périphérie du grand port équatorien de Guayaquil, aujourd'hui sous le joug du narcotrafic, le quartier de la «Cité de Dieu» concentre misère et violences
  • Les premières personnes à s'installer ici furent des protestants évangéliques qui lui donnèrent le même nom que la célèbre favela brésilienne

GUAYAQUIL, Équateur : L'endroit porte un nom biblique, ses habitants y vivent pourtant un enfer au quotidien : en périphérie du grand port équatorien de Guayaquil, aujourd'hui sous le joug du narcotrafic, le quartier de la «Cité de Dieu» concentre misère et violences.

A l'image du film éponyme de 2002, qui contait la vie de l'une des favelas les plus violentes de Rio de Janeiro, la «Cité de Dieu» campe sur une colline verdoyante du nord-ouest de Guayaquil, la deuxième plus grande ville équatorienne où ont été commis  861 homicides, soit le tiers de ceux recensés depuis le début de l'année en Equateur.

Elle est l'un des 55 bidonvilles implantés dans ce vaste quartier -surnommé Mont Sinaï-, où des constructions illégales ont poussé comme des champignons ces dernières années, au rythme de la prospérité croissante de l'immense port à partir des années 2000.

Un demi-million de personnes vivent à Mont Sinaï, sur 9.300 hectares (100 km2), sans services de base et le plus souvent dans des habitations de fortune, selon le dernier recensement municipal de Guayaquil (2,8 millions d'habitants au total).

Rien que dans la «Cité de Dieu», près de 40.000 pauvres s'entassent dans des logements de bois, de tôles et de briques à moitié terminés, si exigus que les toilettes sont à l'extérieur.

- «Piège à pauvreté» -

Les premières personnes à s'installer ici furent des protestants évangéliques qui lui donnèrent le même nom que la célèbre favela brésilienne.

Marisol Chavez, 40 ans, est l'une des cheffes du quartier. Dans sa modeste maison, deux lits inondés de peluches sont poussés l'un contre l'autre. Expulsée d'un autre quartier illégal, elle est arrivée sur la colline en 2019 et survit de petits commerces informels. Mais la naissance de son dernier bébé l'oblige désormais à rester chez elle.

«Nous n'avons presque rien et nous souffrons beaucoup», abrège-t-elle. Ici, «il n'y avait rien, juste des mauvaises herbes, de la terre, et des arbustes aux épines piquantes».

Le surpeuplement des logements à Guayaquil (14,6%) dépasse la moyenne nationale (9,6%), selon l'autorité statistique INEC. La pauvreté (20,1%) y est également plus élevée que dans le reste du pays (16,7%).

La «Cité de Dieu» n'a pas non plus d'eau potable. L'eau est amenée à prix d'or par des camions-citernes cahotant sur les chemins de terre.

La misère, la surpopulation, l'absence de services et la violence constituent ce que l'agence ONU-Habitat appelle un «piège à pauvreté», auquel des communautés entières ne peuvent échapper pendant des générations, en l'absence de toute alternative.

«Nous vivons piégés, quitter ma maison signifie payer un loyer et il n'y a pas d'argent», résume Rosa Obando, qui vit dans le quartier depuis 15 ans.

- «Sous surveillance» -

A mesure que les narcos ont accru leur emprise sur le port de la ville, les gangs criminels ont étendu leur pouvoir sur un Mont Sinaï surpeuplé.

«Logement sous surveillance», peut-on lire sur un panneau coulé sur une masure. Un avertissement à «ceux qui doivent de l'argent à Los Choneros», soufflent des voisins.

«Los Choneros» sont l'une des 26 organisations criminelles opérant aujourd'hui en Equateur, voisin autrefois pacifié de la Colombie et du Pérou (les deux plus grands producteurs mondiaux de cocaïne), devenu aujourd'hui un centre d'expédition de poudre blanche vers l'Europe et les Etats-Unis. Le pays est désormais un sanctuaire pour le crime organisé que se disputent de multiples gangs, souvent sous la tutelle des sanguinaires cartels mexicains de Sinaloa, Gulf et Los Zetas.

Les gangs extorquent les communautés du Mont Sinaï en échange d'une prétendue «sécurité». C'est le prix à payer pour pouvoir vivre ici, confient, apeurés, ses habitants.

Dans quelques jours, les membres de ces gangs iront de maison en maison en facturant «deux dollars», a prévenu l'un des leaders d'une faction locale, selon l'un des habitants, s'exprimant sous couvert d'anonymat par peur des représailles.

Les gangs recrutent à tour de bras et utilisent les jeunes, la plupart du temps désœuvrés, comme main-d'œuvre bon marché.

Ces gamins «ont cent fois plus de chances d'être pris dans le trafic de drogue», se navre César Cardenas, directeur de l'Observatoire des services publics de Guayaquil.

«Rien ici ne leur permet d'avoir un projet de vie ou de se projeter dans l'avenir», se navre-t-il.

Avant les premières installations illégales, un trafiquant de drogue avait construit ici son hacienda, rappelle l'architecte et urbaniste Rosa Rada.

Avec la construction de la route Perimetral, qui relie la zone industrielle au port, la colline a commencé à être «urbanisée» en 1984.

Il faut encore aujourd'hui près d'une demi-heure aux habitants de la «Cité de Dieu» pour se rendre à pied jusqu'à cette route, puis plus d'une heure de transport public pour aller jusqu'au centre-ville.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.