Du rebond au risque de récession: comment la guerre a plombé l’économie mondiale

Des résidents font la queue pour entrer dans une pharmacie à Sloviansk, dans l'est de l'Ukraine, le 11 mai 2022. (Photo, AFP)
Des résidents font la queue pour entrer dans une pharmacie à Sloviansk, dans l'est de l'Ukraine, le 11 mai 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 22 août 2022

Du rebond au risque de récession: comment la guerre a plombé l’économie mondiale

Des résidents font la queue pour entrer dans une pharmacie à Sloviansk, dans l'est de l'Ukraine, le 11 mai 2022. (Photo, AFP)
  • Les grandes institutions internationales n'ont eu de cesse de rabaisser leurs prévisions de croissance mondiale pour l'année
  • Devant cette inflation débridée, la politique du carnet de chèques est redevenue la norme parmi les pays développés, deux ans après les plans d'aides massifs liés aux confinements, et malgré des dettes publiques historiquement élevées

PARIS: Ce devait être l'année de la confirmation après une puissante reprise en 2021, loin des confinements. Mais après six mois de guerre, 2022 devrait plutôt être celle de la soupe à la grimace pour l'économie mondiale. 

Deux « petites » économies font vaciller le monde 

"Il y a six mois à peine, le paysage économique était très différent de celui d'aujourd'hui", rappelle l'agence de notation S&P Global dans une note. De bonnes perspectives de croissance se dessinaient dans le monde et l'inflation était perçue comme "largement transitoire". 

"Les choses ont changé, et pas pour le mieux", poursuit l'agence. 

Les grandes institutions internationales n'ont eu de cesse de rabaisser leurs prévisions de croissance mondiale pour l'année. Le Fonds monétaire international (FMI) l'anticipe désormais à 3,2% contre près de 5% en octobre 2021. 

Difficile pourtant d'imaginer le 24 février, jour de l'invasion russe de l'Ukraine, que deux pays pesant seulement 2% du PIB et du commerce mondial selon l'OCDE feraient plonger la planète dans le marasme. 

Malgré leur poids modeste, l'Ukraine et la Russie sont une plaque tournante du commerce de céréales et d'énergie, et la guerre a fait exploser les prix. 

Aliments, essence, matériaux... Les prix flambent 

De l'Europe aux Etats-Unis, de l'Amérique du Sud à l'Afrique, le constat est souvent le même. 

A Tunis, "les catégories populaires vivent une catastrophe", témoigne Naima Degaoui, une ancienne infirmière de 70 ans. "Les prix montent presque partout, c'est la pêche, c'est l'abricot, c'est le piment dont le prix a été multiplié par quatre, c'est la viande rouge", égrène-t-elle. 

A 11 000 kilomètres, à Valparaiso au Chili, Nayib Pineira, un assistant social de 33 ans, constate que "tout est beaucoup plus cher". Il faut compter 1 300 pesos pour un litre d'essence, "pratiquement ce que paye un européen, mais avec un salaire européen", compare-t-il. 

La flambée des prix alimentaires liée à celle des coûts du transport et de produits tels que le blé, des huiles, et des engrais, a été telle que l'ONU a averti sur le risque d'un "ouragan de famines" en Afrique, bien que les prix se soient apaisés ces dernières semaines. 

L'industrie aussi sent le coup de chaud: des secteurs très gourmands en énergie tels que la chimie, la sidérurgie, ou la métallurgie souffrent, minant l'industrie manufacturière en Allemagne et en Italie. En Chine et au Japon, le secteur est fragilisé par la stratégie chinoise de zéro Covid. 

Dirigeants et banquiers centraux dépassés 

Devant cette inflation débridée, la politique du carnet de chèques est redevenue la norme parmi les pays développés, deux ans après les plans d'aides massifs liés aux confinements, et malgré des dettes publiques historiquement élevées. 

Aides au chauffage, ristournes à la pompe, blocage des prix, impôt sur les bénéfices des pétroliers... Les Etats européens ont rivalisé d'imagination, tandis que les Etats-Unis ont adopté leur "Inflation Reduction Act", un plan d'investissement de 370 milliards de dollars. 

Le soutien public a été rendu d'autant plus indispensable par le durcissement de la politique monétaire des banquiers centraux afin de réduire l'inflation. "Elles n'ont plus le choix", résume Bertrand Candelon, professeur de finance à l'Université catholique de Louvain. 

Ces fortes hausses de taux ont déjà entrainé une déroute sur les marchés financiers, les Etats-Unis enregistrant leurs pires pertes semestrielles depuis 14 ans sur l'indice S&P500. 

Ralentissement mondial... puis récession ? 

Les indicateurs mondiaux incitent peu à l'optimisme: la confiance des consommateurs américains est proche de son plus bas historique, le moral des entrepreneurs allemands à un plancher en deux ans, tandis que l'immobilier chinois subit une sévère crise. 

Sur l'énergie, l'Europe fait face à "un hiver de tous les dangers" prévient M. Candelon dans l'hypothèse ou la Russie coupait davantage le robinet du gaz. 

Couplé à la politique moins accommodante des banques centrales, ce marasme fait craindre une récession d'ampleur mondiale, bien qu'elle soit à ce stade écartée par les grands prévisionnistes. 

Car des signaux suggèrent que l'économie mondiale a des ressources. Le marché de l'emploi européen et américain affiche une santé de fer, faisant dire à l'administration Biden que les Etats-Unis ne traversent actuellement pas une récession malgré leurs deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. 

Les analystes de HSBC comparent eux dans une note l'économie mondiale à l'expérience de physique quantique dite du chat de Schrodinger caché dans une boîte: "l'économie mondiale pourrait à la fois être en récession ou non", affirment-ils, tout comme le chat pourrait être vivant ou mort. 


Le pétrole faiblit après l'augmentation de la production de l'Opep+

Cette décision marque la dernière étape d'un renversement progressif des réductions volontaires de production de 2,2 millions de barils par jour mises en œuvre par huit membres de l'OPEP+ en 2023.
Cette décision marque la dernière étape d'un renversement progressif des réductions volontaires de production de 2,2 millions de barils par jour mises en œuvre par huit membres de l'OPEP+ en 2023.
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  • Ryad, Moscou et six autres membres du cartel ont annoncé une hausse de leur « production de 547 000 barils par jour en septembre 2025 par rapport au niveau de production » en août, a indiqué l'Opep dans un communiqué.
  • Pour l'instant, les prix du pétrole ont mieux résisté que prévu au début de la réouverture des vannes en avril, soutenus par une demande estivale traditionnellement forte et une prime de risque géopolitique élevée.

LONDRES : Les cours du pétrole ont baissé lundi, après l'annonce dimanche par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) d'une forte hausse de la production, le marché anticipant une offre abondante au quatrième trimestre.

Ryad, Moscou et six autres membres du cartel ont annoncé une hausse de leur « production de 547 000 barils par jour en septembre 2025 par rapport au niveau de production » en août, a indiqué l'Opep dans un communiqué.

Cette décision, attendue par le marché, marque le retour complet de l'une des trois tranches de réduction de la production, celle de 2,2 millions de barils par jour, que l'Opep+ avait mises en œuvre en 2022 et 2023 pour lutter contre l'érosion des prix.

Vers 9 h 30 GMT (11 h 30 à Paris), le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en octobre perdait 1,15 % à 68,87 dollars.

Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate pour livraison en septembre, perdait 1,22 % à 66,51 dollars. 

« La question est maintenant de savoir si le groupe va commencer à mettre en œuvre la prochaine série, soit 1,66 million de barils par jour », affirme Arne Lohmann Rasmussen, de Global Risk Management.

Pour l'instant, les prix du pétrole ont mieux résisté que prévu au début de la réouverture des vannes en avril, soutenus par une demande estivale traditionnellement forte et une prime de risque géopolitique élevée.

Mais à partir de l'automne, « l'équilibre entre l'offre et la demande indique des prix du pétrole plus bas », précise l'analyste.

Si rien ne change sur le marché, « le groupe a terminé ses hausses d'approvisionnement », selon les analystes d'ING. Beaucoup dépend cependant « de ce qui arrivera aux flux pétroliers russes ».

La semaine dernière, Donald Trump a menacé Moscou de sanctions si le conflit en Ukraine ne prenait pas fin d'ici « dix jours ».

Il a notamment évoqué des « droits de douane secondaires » pour les pays qui continuent d'acheter des produits provenant de Russie, ciblant notamment l'Inde, deuxième acheteur de pétrole russe après la Chine, avec près de 1,6 million de barils par jour.

« Si aucun autre acheteur ne se présentait pour ce pétrole, l'excédent prévu pour le quatrième trimestre et l'année 2026 serait effacé, ce qui laisserait l'opportunité à l'Opep+ d'augmenter encore sa production », expliquent les analystes d'ING.


Le dollar hésitant, le franc suisse toujours affecté par les droits de douane

Le président du Credit Suisse, Axel Lehmann, affirme que la banque a déjà pris « le médicament » pour réduire les risques (Shutterstock)
Le président du Credit Suisse, Axel Lehmann, affirme que la banque a déjà pris « le médicament » pour réduire les risques (Shutterstock)
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  • Vendredi, le rapport mensuel du ministère du Travail a montré que moins d'emplois avaient été créés aux États-Unis en juillet, mais aussi les mois précédents, ce qui a fait bondir la probabilité d'une baisse des taux en septembre.
  • Le franc suisse continue de pâtir des droits de douane exorbitants de 39 % visant les importations suisses aux États-Unis, annoncés par Donald Trump le 1er août.

LONDRES : Le dollar tangue lundi, après avoir dévissé en fin de semaine en raison de la dégradation du marché de l'emploi américain, tandis que le franc suisse souffre des surtaxes douanières qui doivent entrer en vigueur jeudi.

Vers 9 h 40 GMT (11 h 40, heure de Paris), la devise américaine progressait de 0,09 % par rapport à l'euro, à 1,1576 dollar, et reculait de 0,20 % contre la livre britannique, à 1,3306 dollar.

Vendredi, le rapport mensuel du ministère du Travail a montré que moins d'emplois avaient été créés aux États-Unis en juillet, mais aussi les mois précédents, ce qui a fait bondir la probabilité d'une baisse des taux en septembre.

Mais les membres de la Réserve fédérale (Fed) ont récemment « rejeté l'idée qu'une telle baisse était acquise », tempère Derek Halpenny, de MUFG.

Après un début d'année en forte baisse (- 10,7 % sur les six premiers mois de l'année), la devise américaine avait remonté d'environ 3,3 % au mois de juillet, d'après l'indice dollar, qui la compare à un panier d'autres grandes monnaies.

M. Halpenny souligne que « l'une des conséquences des mauvaises données de vendredi est la possibilité » que le dollar réagisse à nouveau « négativement » aux nouvelles annonces douanières, alors qu'il semblait y être immunisé depuis quelque temps.

Les menaces de Donald Trump sur l'indépendance de la Fed constituent une nouvelle ombre au tableau pour le dollar.

Vendredi, le président républicain a demandé le renvoi de la cheffe de la principale agence de statistiques économiques des États-Unis, l'accusant de manipuler les chiffres de l'emploi à des fins politiques, ce qui a surpris certains économistes.

Le même jour, l'une des gouverneurs de la Fed, Adriana Kugler, a annoncé sa démission, à quelques mois de la fin de son mandat.

Son successeur, qui sera désigné par Donald Trump, pourrait à terme remplacer le président de la Fed, Jerome Powell, lorsqu'il quittera son poste en mai prochain. Il sera probablement « plus enclin à acquiescer aux demandes de baisse des taux du président Trump », estime Kathleen Brooks, de XTB.

Le franc suisse continue de pâtir des droits de douane exorbitants de 39 % visant les importations suisses aux États-Unis, annoncés par Donald Trump le 1^(er) août.

La devise helvétique reculait de 0,53 % lundi, à 0,8083 franc suisse pour un dollar.

Les analystes s'attendent par ailleurs à ce que la Banque d'Angleterre abaisse son taux directeur d'un quart de point de pourcentage jeudi, pour le ramener à 4 %. 

Cours du lundi et celui du vendredi 

09:40 GMT – 21:00 GMT

EUR/USD: 1.1576 to 1.1587

EUR/JPY: 170.97 – 170.79

EUR/CHF: 0.9357 – 0.9315

EUR/GBP: 0.8699 – 0.8725

USD/JPY: 147.69 to 147.40

USD/CHF: 0.8083–0.8040

GBP/USD: 1.3306/1.3279


Pétrole : dernière salve de l'Opep+ avant une pause

Une réunion virtuelle a eu lieu en marge de la 38e réunion ministérielle de l'OPEP et des pays non membres de l'OPEP. (Photo Fournie)
Une réunion virtuelle a eu lieu en marge de la 38e réunion ministérielle de l'OPEP et des pays non membres de l'OPEP. (Photo Fournie)
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  • En pleine reconquête de parts de marché, Ryad, Moscou et six autres producteurs de pétrole de l'Opep+ se réunissent dimanche pour, selon toute attente, augmenter une nouvelle fois leurs quotas.
  • Bousculé à la fois par la politique commerciale erratique de Donald Trump et par les tumultes géopolitiques mondiaux qui menacent l'approvisionnement, l'avenir du marché pétrolier est difficile à prédire pour les experts.

LONDRES : C'est devenu un rendez-vous mensuel : en pleine reconquête de parts de marché, Ryad, Moscou et six autres producteurs de pétrole de l'Opep+ se réunissent dimanche pour, selon toute attente, augmenter une nouvelle fois leurs quotas.

La rencontre en ligne des huit ministres de l'Énergie doit fixer l'objectif pour septembre et parachever une série de hausses entamée en avril.

Début juillet, ils avaient déjoué les pronostics en accélérant le rythme à 548 000 barils par jour (b/j), contre 411 000 les mois précédents. Ils devraient poursuivre sur cette cadence, selon les analystes interrogés par l'AFP.

Selon Giovanni Staunovo d'UBS, cette hausse est « largement prise en compte dans les prix » et il ne prévoit pas de remous à la réouverture des marchés lundi.

Le cours du Brent, référence mondiale, évolue actuellement autour de 70 dollars. Si l'on est loin des sommets à 120 dollars atteints au printemps 2022 à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) préfèrent désormais se concentrer sur la reconquête du terrain.

Ils ont opéré ce tournant ces derniers mois, après avoir longtemps lutté contre l'érosion des prix en organisant une raréfaction de l'offre via plusieurs coupes de production.

C'est l'une d'entre elles, de 2,2 millions de barils par jour, consentie par l'Arabie saoudite, la Russie, l'Irak, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Kazakhstan, l'Algérie et Oman, qui est actuellement réintroduite sur le marché. 

- « Trouver un équilibre » -

Une hausse de 548 000 barils par jour signifierait le retour complet de cette tranche, avant des horizons plus incertains.

« Notre scénario de base parie sur le fait que le groupe marquera ensuite une pause dans ses hausses », avance Warren Patterson, chez ING.

Les prix du pétrole ont mieux résisté que prévu au début de la réouverture des vannes en avril, soutenus par une demande estivale traditionnellement forte et une prime de risque géopolitique élevée, notamment depuis le début de la guerre entre l'Iran et Israël.

De plus, entre mars et juin, l'augmentation effective de la production a été moindre que celle des quotas affichés sur la même période, comme le soulignait récemment M. Staunovo dans une note.

Cependant, « le marché devrait connaître un excédent important d'offre de pétrole à partir du quatrième trimestre de cette année, et l'Opep+ devra veiller à ne pas aggraver cet excédent », estime M. Patterson.

« L'alliance s'efforce de trouver un équilibre entre regagner des parts de marché et éviter une chute brutale des cours du pétrole », ajoute Tamas Varga, de PVM.

L'Arabie saoudite, son membre le plus influent, compte particulièrement sur la rente pétrolière pour financer ses projets d'investissement et de modernisation du pays.

Pour l'instant, le retour des autres coupes de production (environ 3,7 millions de barils par jour) doit être discuté lors de la prochaine réunion ministérielle de l'Opep+ fin novembre, avec l'ensemble des 22 membres cette fois. 

- Environnement instable -

Bousculé à la fois par la politique commerciale erratique de Donald Trump et par les tumultes géopolitiques mondiaux qui menacent l'approvisionnement, l'avenir du marché pétrolier est difficile à prédire pour les experts.

Dernier rebondissement en date, le président américain a donné mardi un délai de « dix jours » à Moscou pour mettre un terme au conflit en Ukraine, sous peine de sanctions américaines contre la Russie.

« Nous allons imposer des droits de douane et d'autres choses », a averti le milliardaire républicain, qui avait précédemment évoqué une surtaxe indirecte de 100 % sur les pays qui achètent des produits russes, notamment des hydrocarbures, afin d'assécher les revenus de Moscou.

Le locataire de la Maison Blanche a notamment ciblé l'Inde, deuxième importateur de barils russes avec environ 1,6 million de barils par jour depuis le début de l'année.

Cela pourrait inciter l'Opep+ à poursuivre son offensive. Mais elle « ne réagira qu'en cas de perturbations réelles de l'offre », estime Giovanni Staunovo.