L'aide nécessaire à l'Ukraine prive de financement d'autres points chauds de la planète

Des réfugiés ukrainiens sont évacués d'Irpin vers Kiev après l'invasion de l'Ukraine par les forces russes. (Shutterstock)
Des réfugiés ukrainiens sont évacués d'Irpin vers Kiev après l'invasion de l'Ukraine par les forces russes. (Shutterstock)
Les réfugiées qui ont rejoint les centres d'accueil pour fuir la guerre en Éthiopie sont désormais confrontées à la baisse de l'aide humanitaire, les donateurs accordant davantage d'attention aux millions de personnes déplacées en Ukraine. (AFP)
Les réfugiées qui ont rejoint les centres d'accueil pour fuir la guerre en Éthiopie sont désormais confrontées à la baisse de l'aide humanitaire, les donateurs accordant davantage d'attention aux millions de personnes déplacées en Ukraine. (AFP)
Sacha (12 ans), un réfugié ukrainien, pose pour une photo dans le Centre d'aide humanitaire installé dans le hall de la Global Expo à Varsovie, le 15 juillet 2022. (AFP)
Sacha (12 ans), un réfugié ukrainien, pose pour une photo dans le Centre d'aide humanitaire installé dans le hall de la Global Expo à Varsovie, le 15 juillet 2022. (AFP)
La guerre en Ukraine a affaibli l'aide humanitaire destinée aux réfugiés, comme ceux qui vivent dans ce camp pour personnes déplacées surpeuplé à la frontière turco-syrienne. (AFP)
La guerre en Ukraine a affaibli l'aide humanitaire destinée aux réfugiés, comme ceux qui vivent dans ce camp pour personnes déplacées surpeuplé à la frontière turco-syrienne. (AFP)
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Publié le Lundi 05 septembre 2022

L'aide nécessaire à l'Ukraine prive de financement d'autres points chauds de la planète

Des réfugiés ukrainiens sont évacués d'Irpin vers Kiev après l'invasion de l'Ukraine par les forces russes. (Shutterstock)
Les réfugiées qui ont rejoint les centres d'accueil pour fuir la guerre en Éthiopie sont désormais confrontées à la baisse de l'aide humanitaire, les donateurs accordant davantage d'attention aux millions de personnes déplacées en Ukraine. (AFP)
Sacha (12 ans), un réfugié ukrainien, pose pour une photo dans le Centre d'aide humanitaire installé dans le hall de la Global Expo à Varsovie, le 15 juillet 2022. (AFP)
La guerre en Ukraine a affaibli l'aide humanitaire destinée aux réfugiés, comme ceux qui vivent dans ce camp pour personnes déplacées surpeuplé à la frontière turco-syrienne. (AFP)
  • Les Nations unies ont récolté à peine un tiers des 48,7 milliards de dollars sollicités cette année pour venir en aide à 200 millions de personnes
  • Le manque de financement s'explique par la taille des aides humanitaires dont le monde a besoin à l'heure actuelle

NEW YORK/BOGOTA (Colombie): En raison du besoin grandissant d'aide humanitaire et de la priorité accordée à l'Ukraine, les acteurs du secteur se retrouvent à court d'argent; ils peinent à répondre aux crises urgentes qui sévissent dans d’autres régions du monde, comme en Syrie, en Afghanistan et en Éthiopie.

Pour l’année 2022, les Nations unies estiment à plus de 48,7 milliards de dollars (1 dollar = 1,01 euro) les fonds nécessaires aux organisations d'aide humanitaire actives dans les zones de conflit et de catastrophe pour secourir plus de 200 millions de personnes. Au mois d’août de cette année, elles n'avaient récolté qu'un tiers de la somme requise.

Cette situation est en partie imputable à la taille même des besoins humains dans le monde, des guerres simultanées aux catastrophes naturelles en passant par les crises financières et par les répercussions de la pandémie de Covid-19.

Un autre facteur ponctionne les coffres des agences humanitaires: la guerre en Ukraine. Depuis l'invasion de ce pays par la Russie, en février dernier, ce dossier a occupé le devant de la scène dans les pays occidentaux en termes d'aide internationale.

En effet, les Nations unies ont exhorté les donateurs à allouer cette année plus de 6 milliards de dollars pour soutenir les Ukrainiens déplacés ou affectés par les combats. Leur premier appel a récolté un montant supérieur aux fonds sollicités pour soutenir l'Ukraine. La deuxième campagne est sur le point de récolter la totalité des fonds requis.

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Des réfugiés ukrainiens assistent à une foire à l'emploi destinée aux Ukrainiens organisée par la Chambre d'industrie et de commerce (IHK) à Berlin, le 2 juin 2022. (AFP)

En revanche, les programmes d'aide ne sont parvenus à réunir qu'une petite part des fonds nécessaires pour secourir les populations dans les autres points chauds de la planète: au Moyen-Orient (Irak, Syrie et Yémen), en Afrique (République démocratique du Congo, Éthiopie et Sud-Soudan), en Asie du Sud (Afghanistan, Bangladesh et Myanmar) et en Amérique latine (Colombie, Haïti et Venezuela).

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies consacrée à la situation en Syrie, le 29 août dernier, Joyce Msuya, secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et coordinatrice adjointe des secours d'urgence au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha), a exprimé «sa profonde inquiétude quant aux préjudices irréversibles occasionnés par le manque persistant de financement».

«Cette situation risque de compromettre l'assistance vitale et de restreindre les investissements consacrés aux moyens de subsistance et aux services de base. Ce manque de financement entraîne de lourdes conséquences: davantage de jeunes abandonnent l'école, les taux de malnutrition grimpent et les interventions qui visent à protéger les individus sont moins nombreuses.»

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Des enfants se tiennent à côté d'une tente dans un camp inondé réservé aux Syriens déplacés par le conflit à proximité du village de Kafr Uruq, dans la province d'Idlib, contrôlée par les rebelles, au nord de la Syrie, le 17 janvier 2021. (Fichier AFP)

Au sujet de sa mission en Syrie, Mme Msuya précise qu’«il faut agir sans tarder; sinon, on risque de perdre toute une génération de jeunes Syriens».

On constate en effet une baisse des budgets d'aide alloués aux projets en Syrie et à l'aide aux réfugiés syriens accueillis dans les pays voisins. Cette baisse se poursuit en dépit de la recrudescence récente de la violence dans le nord de la Syrie (notamment dans la campagne d'Alep et dans le Nord-Est, contrôlé par les Kurdes), de la crise des déplacements qui perdure et des besoins humanitaires qui s'imposent de plus en plus. Cette série de crises survient dans un contexte où le processus politique se trouve enlisé et où le régime se tient au bord de la faillite économique.

Certains observateurs reprochent aux pays occidentaux, qui financent la plus grande partie de l'aide humanitaire, de suivre une politique de «deux poids, deux mesures», voire de faire preuve d'un racisme flagrant: ils financent à tour de bras les projets d'aide destinés à leurs concitoyens européens (majoritairement blancs et chrétiens) pris dans la crise ukrainienne et refusent de soutenir des projets indispensables au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Asie du Sud ou encore à l'Amérique latine.

«Je suis profondément préoccupé par le manque de financement auquel sont confrontées une douzaine d'opérations menées dans plusieurs pays, du Bangladesh à la Colombie», a confié Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des nations unies pour les réfugiés, lors d'une conférence de presse organisée en juillet. «Il faut insister et répéter sans relâche ce message [dans nos pays]: les actions humanitaires ne peuvent pas être accordées exclusivement à l'Ukraine.»

Le directeur général de l'OMS (Organisation mondiale de la santé, NDLR), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a suscité un tollé auprès des diplomates en avril dernier lorsqu'il a accusé la communauté internationale d'appliquer une politique de deux poids, deux mesures dans sa réponse aux crises qui touchent les différentes ethnies.

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Des réfugiés se reposent à l'ombre d'une tente de fortune dans la ville de Semera, dans la région d'Afar, en Éthiopie, le 14 février 2022. (AFP)

M. Ghebreyesus, originaire d'Éthiopie, a souligné que le monde ne répondait pas de la même manière aux crises humanitaires qui affectaient les Noirs et à celles qui touchaient les Blancs. Il estime qu'«une infime partie» de l'attention accordée à l'Ukraine est consacrée à d'autres pays.

Selon lui, la guerre en Ukraine retient une plus grande attention alors que d'autres régions, notamment la région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie, ne reçoivent pas la sollicitude qu'elles méritent. Le conflit du Tigré, qui a éclaté en novembre 2020, a provoqué des milliers de morts et des millions de personnes déplacées.

«Le monde ne prête pas le même degré d'attention aux vies des Noirs qu’à celles des Blancs», s’est ému M. Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse. «Toute l'attention portée à l'Ukraine est très importante, bien sûr, parce que cela a un impact sur le monde entier», a-t-il ajouté.

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Des réfugiés éthiopiens qui ont fui les combats dans la région du Tigré transportent des matériaux de construction à l'aide d'une charrette tirée par un âne, au camp d'Oum Rakuba, dans l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan. (AFP)

«Mais pas même une fraction [de cette attention] n'est accordée au Tigré, au Yémen, à l'Afghanistan, à la Syrie et à d'autres pays. Il me faut être direct et honnête, le monde ne traite pas les races humaines de la même façon. Certaines sont plus égales que d'autres. Et quand je dis cela, cela me fait de la peine. C'est très difficile à accepter, mais c'est ce qui arrive.»

Il est vrai que les donateurs occidentaux accordent une importance géopolitique manifeste à la guerre en Ukraine, dans la mesure où elle affecte leurs intérêts nationaux – et qu’elle oblige les pays européens voisins à accueillir 6 millions d'Ukrainiens. Néanmoins, cette situation suscite des inquiétudes quant à la politisation de l'aide.

Martin Griffiths, secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence au sein de l’organisation, réfute le fait que les Ukrainiens soient privilégiés par rapport à d'autres ethnies. Il exprime toutefois son inquiétude quant au manque de fonds alloués aux autres zones sinistrées du monde.

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Des réfugiés ukrainiens assistent à un concert au Centre d'aide humanitaire situé dans le centre Global Expo, à Varsovie, en Pologne, le 15 juillet 2022. (AFP)

«L’idée selon laquelle l'attention de la communauté internationale est restreinte n'est pas nouvelle. Ce n'est pas l'Ukraine qui a inventé cette notion, même si la crise que ce pays traverse a été pour nous une épreuve particulièrement intense», explique M. Griffiths à Arab News.

«L'attention de la communauté internationale se limite sans aucun doute au problème du moment et c'est l'Ukraine qui détient cette place, comme on peut l'imaginer. Cela ne représente pas une politique discriminatoire, à mon avis.»

«Le financement nous préoccupe parce que nous nous inquiétions de savoir si les États membres n'auraient pas les moyens de soutenir le Yémen, la Syrie, l'Afghanistan et d'autres pays encore. Et, sur ce point, les indices demeurent assez contradictoires.»

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Sur cette photo on voit des Syriens déplacés de la ville frontalière de Ras al-Aïn, contrôlée par la Turquie et ses mandataires syriens, dans le camp de Wassukanni, dans le gouvernorat de Hassaké, au nord-est de la Syrie. (AFP)

«De toute évidence, au cours des premières semaines de la guerre d'Ukraine, la plupart des donateurs ont préservé leurs fonds pour financer d’autres conflits que celui de l'Ukraine. Cette tendance s'est estompée au fil du temps.»

«Je n'utiliserais jamais l'expression “deux poids, deux mesures” pour décrire cette situation. Une chose m'inquiète tout de même: les personnes qui vivent dans d'autres régions bénéficient-elles de l'attention et de la priorité qu'elles méritent?»

Stéphane Dujarric est le porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Il tient à souligner que l'aide apportée dans d'autres régions du monde n'a pas été délibérément sacrifiée au profit de l'Ukraine.

«Le secrétaire général doit gérer plusieurs dossiers à la fois. S'il se concentre sur l'Ukraine, cela ne signifie pas qu'il fait abstraction des autres crises», confie M. Dujarric à Arab News.

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Sur cette photo on voit des Syriens déplacés de la ville frontalière de Ras al-Aïn, contrôlée par la Turquie et ses mandataires syriens, dans le camp de Wassukanni, dans le gouvernorat de Hassaké, au nord-est de la Syrie. (AFP)

«Il ne se passe pas un jour sans que j'évoque les autres crises humanitaires. Je m'attache à mettre l’accent sur le manque de financement, qui est tragique pour toutes ces personnes, pas seulement pour celles qui vivent dans des camps en Irak ou en Syrie. Mais on sait aussi que les rations ont été réduites au Yémen ou dans la Corne de l'Afrique, faute de fonds.»

«Et le problème n'est pas que l'argent manque dans le monde. Nous savons qu'il y a suffisamment d'argent... Tout le monde essaie de faire progresser la situation. Mais l'argent est indispensable pour affronter ces crises humanitaires.»

«Lorsque les besoins humanitaires sont financés à raison de 10%, 20% ou 30%, cela sous-entend que nous sommes en manque d'argent pour nourrir, loger et fournir des services de santé aux populations.»

À la question posée par Arab News sur la possibilité d'accuser les pays donateurs d'appliquer une politique de deux poids, deux mesures dans les priorités qu’ils donnent au financement de l'aide, M. Dujarric a répondu: «Je ne suis pas en position de m'exprimer sur les motivations des donateurs ou sur les processus qu'ils emploient.»

«Certains États membres font preuve d'une grande générosité. D'autres, en revanche, auraient pu être plus généreux. C’est la réalité. Nous sommes également conscients que le secteur privé dispose de sommes considérables. Les fondations possèdent beaucoup d'argent. L'argent ne fait pas défaut dans le monde.»

«Ce qui fait vraiment défaut, c'est le fait que l'argent ne va pas aux personnes qui risquent littéralement de mourir de faim. Les donateurs se trouvent confrontés à des besoins divergents et nous sommes conscients de cette réalité. Nous comprenons également que certains donateurs préfèrent se concentrer sur les crises qui les touchent directement. Nous ne pouvons que les remercier pour les dons qu'ils accordent au peuple ukrainien. Tous ceux qui ont besoin d'aide le méritent. Nous souhaitons simplement que toutes les populations bénéficient de l'aide.»

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Des milliers de personnes chassées de leurs maisons depuis l'offensive turque d'octobre 2019 sur la frontière syrienne avec la Turquie vivent dans des camps de fortune dans les régions contrôlées par les Kurdes. (AFP)

En 2019, les Nations unies ont sollicité une aide de 27,8 milliards de dollars pour financer l'ensemble de leurs programmes humanitaires. 10 milliards de dollars de moins ont été récoltés. En 2020, l'objectif s’élevait à 38,6 milliards de dollars et le manque à gagner a grimpé à 19,4 milliards de dollars.

Le financement de l'aide s'est légèrement amélioré en 2021. La somme requise pour couvrir l’année 2022 a de nouveau augmenté, pour atteindre 48,7 milliards de dollars. Ce chiffre représente environ 8 milliards de dollars supplémentaires par rapport aux prévisions établies par les Nations unies avant le début de l'année. La moitié de ce montant sera probablement couverte. Par conséquent, ce sont les personnes les plus vulnérables du monde qui en paieront sans doute le prix.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un médecin syrien condamné à perpétuité en Allemagne pour crimes contre l'humanité sous Assad

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
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  • Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups
  • "Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad"

FRANCFORT: Un médecin syrien, accusé de tortures d'opposants au régime de Bachar al-Assad, a été condamné à la prison à vie lundi par la justice allemande, après un procès fleuve de plus de trois ans à Francfort.

Arrivé en Allemagne en 2015, où il a exercé comme chirurgien orthopédique jusqu'à son arrestation en 2020 après avoir été reconnu par d'autres réfugiés syriens, Alaa Moussa était jugé pour de multiples crimes sur des détenus dans des hôpitaux militaires de Damas et de Homs durant la guerre civile en Syrie.

Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups.

"Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad" aux manifestations des opposants.

Dénonçant "une violation massive des droits de l'Homme" par l'accusé, le juge a souligné que le verdict était aussi une façon de montrer "que la souffrance des victimes n'est pas oubliée".

"Outre les difficultés inhérentes à un délai de 12 ans, le régime syrien a tenté jusqu'à sa chute (en décembre 2024, ndlr) d'exercer une influence sur la procédure" allemande, a-t-il poursuivi, évoquant des menaces sur des proches des témoins.

Etant donné la gravité des faits, la condamnation à la perpétuité d'Alaa Moussa a été assortie d'une peine de sûreté pour une durée non encore définie (qui sera décidée au bout de quinze ans d'incarcération).

Lors de son procès commencé le 19 janvier 2022, entouré de hautes mesures de sécurité, Alaa Moussa avait été confronté à plus d'une cinquantaine de témoins et d'anciennes victimes.

Certains avaient témoigné masqués et beaucoup avaient fait état de menaces et d'intimidation à l'encontre de leur famille restée au pays alors que l'ombre des services secrets syriens planait sur les audiences.

Une situation qui s'est détendue après la chute, durant le procès, du dictateur Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024 et désormais réfugié en Russie.

Parmi les témoins, un ancien lieutenant d'Alep, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, emprisonné après avoir refusé de tirer sur des manifestants en novembre 2011.

"Puni pour ses actes" 

Il avait affirmé avoir vu Alaa Moussa infliger des injections à des malades allongés sur le sol, qui sont décédés peu après, dans l'hôpital militaire où il sévissait.

"Aucun tortionnaire, quel que soit le lieu où il a commis son crime, ne peut être certain d'échapper à la justice. Il devra toujours s'attendre à être puni pour ses actes", a asséné le juge Christoph Koller lors de son verdict.

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle.

Il y a deux semaines, la justice allemande avait ainsi condamné à la prison à vie un ancien chef d'une milice syrienne soutenant l'ex-président Bachar al-Assad, reconnu coupable notamment de meurtre, d'actes de torture et de séquestration entre 2012 et 2014.

Lors du premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad tenu en Allemagne, Anwar Raslan, un ex-gradé des services de renseignement syriens, avait été condamné en janvier 2022 à la prison à vie pour le meurtre de 27 prisonniers et des faits de torture sur au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib.

Des procès sur les crimes commis en Syrie ont également eu lieu ailleurs en Europe, notamment en France et en Suède.

Le conflit en Syrie, déclenché par des protestations pacifiques violemment réprimées en 2011, a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et ravagé l'économie et les infrastructures du pays.


Ukraine: l'aide européenne compense le désengagement américain, selon le Kiel Institute

Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
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  • « L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.
  • Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

PARIS : Selon l'institut de recherche allemand Kiel Institute, une hausse de l'aide des pays européens à l'Ukraine a permis début 2025 de combler le vide laissé par le désengagement de la nouvelle administration américaine de Donald Trump.

« L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.

Alors que « les États-Unis, qui étaient auparavant le plus gros donateur à l'Ukraine, n'ont pas annoncé de nouvelle enveloppe depuis début janvier », l'Ukraine a tout de même reçu plus d'aide de janvier à avril 2025 qu'en moyenne les années précédentes sur la même période. 

« Reste à savoir s'il s'agit d'une hausse temporaire ou du début d'une évolution plus durable du rôle de l'Europe en tant que principal soutien de l'Ukraine », a déclaré Christoph Trebesch, qui dirige l'équipe du Kiel Institute chargée de suivre les engagements en faveur de l'Ukraine, cité dans le communiqué.

Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

En revanche, « il est frappant de constater le peu d'aide allemande allouée ces derniers mois », a-t-il commenté. « Au lieu d'augmenter son soutien après l'arrivée de Trump au pouvoir, nous observons une forte baisse de l'aide allemande par rapport aux années précédentes. »

« La tendance est la même pour l'Italie et l'Espagne », a-t-il précisé. 

Au 30 avril 2025, 294 milliards d'euros au total ont été alloués à des dépenses précises en faveur de l'Ukraine (sur 405 milliards promis), selon les derniers chiffres du Kiel Institute. Les 111 milliards restants ont été promis à long terme, mais pas encore alloués.

Sur la somme déjà donnée, 140 milliards d'euros correspondent à de l'aide militaire, 133 milliards à de l'aide financière et 21 milliards à de l'aide humanitaire.

Les principaux donateurs sont l'Union européenne et ses membres (131 milliards d'euros donnés ou alloués), les États-Unis (115 milliards) et le Royaume-Uni (19 milliards).

En matière d'aide militaire, l'Europe, le Royaume-Uni compris, « dépasse pour la première fois depuis juin 2022 les États-Unis », selon le Kiel Institute. Les Européens ont déjà donné ou alloué 72 milliards d'euros d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de la guerre, contre 65 milliards pour les États-Unis. 


Les dirigeants du G7, dont Trump, se rejoignent au Canada tandis qu'un conflit oppose l'Iran et Israël

Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
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  • Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël.
  • La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

KANANASKIS, CANADA : Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël, alors que leurs dirigeants, dont le président américain, se retrouvent pour un sommet sous tension dans les Rocheuses canadiennes.

Il s'agit du premier grand sommet depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir en janvier, ce qui a fragilisé l'unité du club des grandes démocraties industrialisées (Allemagne, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, France, Italie et Japon).

Le président américain, qui n'a cessé de menacer le Canada ces derniers mois, est arrivé en fin de journée dans ce pays, avec sur la tête une casquette blanche portant son slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »).

Pour cette réunion qui se déroule à Kananaskis, dans le parc national de Banff, dans l'ouest du Canada, il retrouvera ses alliés du G7 ainsi que les dirigeants de nombreux autres pays invités : l'Inde, l'Ukraine, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Australie seront notamment présents.

La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

Mais parviendront-ils à parler d'une voix commune, notamment sur cette région du monde ?

Israël a stupéfié le monde vendredi en ouvrant un nouveau front avec une campagne militaire surprise et massive contre l'Iran.

Selon une source gouvernementale citée par l'AFP, les dirigeants du G7 travaillent à une déclaration commune. Reste à décider s'il s'agit d'appeler à la désescalade ou simplement de soutenir Israël en affirmant que le pays a le droit de se défendre. 

Mais cette guerre n'est pas le seule enjeu des discussions à Kananaskis. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est parmi les invités et doit s'entretenir avec Donald Trump

Le président américain, qui s'est rapproché de façon spectaculaire de Moscou, a de nouveau eu un entretien téléphonique samedi avec le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier lui a dit être prêt à un nouveau round de négociations.

De leur côté, les Européens tentent de convaincre Donald Trump de promulguer de nouvelles sanctions contre Moscou, ciblant plus précisément les ventes de pétrole russe. 

Tous les pays souhaitent par ailleurs aborder l'aspect commercial avec le président Trump. En imposant des taxes douanières d'au moins 10 % sur la plupart des produits entrant aux États-Unis, ce dernier a dévié le cours de la mondialisation et menacé l'économie mondiale d'un ralentissement général. 

Ce sommet du G7 est la première visite du président américain sur le sol canadien depuis qu'il a menacé son voisin du nord, estimant qu'il serait préférable qu'il devienne le 51^e État américain.

Le Premier ministre canadien, Mark Carney, et Donald Trump se rencontreront lundi matin lors d'un tête-à-tête. Outre MM. Carney et Zelensky, le dirigeant américain doit aussi rencontrer la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum.