Energie, Ukraine, Chine: l'acier craque

Une photo prise le 29 octobre 2008 montre une vue générale de l'usine de fer et d'acier dans la ville industrielle ukrainienne de Marioupol. Alexander KHUDOTEPLY / AFP
Une photo prise le 29 octobre 2008 montre une vue générale de l'usine de fer et d'acier dans la ville industrielle ukrainienne de Marioupol. Alexander KHUDOTEPLY / AFP
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Publié le Mardi 06 septembre 2022

Energie, Ukraine, Chine: l'acier craque

  • Au premier semestre, la production mondiale d'acier brut a chuté de 5,4% par rapport aux six premiers mois de 2021
  • Symbole de cet effondrement, l'usine sidérurgique d'Azovstal à Marioupol, utilisée comme camp retranché par l'armée ukrainienne, a été réduite à l'état de ruine dans les combats acharnés contre les Russes

PARIS: Hausse des prix de l'énergie, incertitudes liées à la guerre en Ukraine, et surtout ralentissement des investissements chinois ont nettement freiné la production d'acier dans le monde cette année, mettant en pause l'ambitieuse transition énergétique lancée par la sidérurgie européenne.

Au premier semestre, la production mondiale d'acier brut a chuté de 5,4% par rapport aux six premiers mois de 2021, à 1,1 milliard de tonnes, selon l'association World Steel qui regroupe 64 pays producteurs.

Le recul est violent en Russie, dans ses satellites (Biélorussie, Kazakhstan, Moldavie, Ouzbékistan) et en Ukraine: la production totale d'acier y accuse une chute de 18,8% à 50,5 millions de tonnes au premier semestre, selon World Steel.

Symbole de cet effondrement, l'usine sidérurgique d'Azovstal à Marioupol, utilisée comme camp retranché par l'armée ukrainienne, a été réduite à l'état de ruine dans les combats acharnés contre les Russes. ArcelorMittal, deuxième sidérurgiste mondial, a par ailleurs annoncé dès le début de la guerre en mars l'arrêt de la principale usine du pays, à Kryvy Rig.

En Europe (27 pays), le recul s'est élevé à 5,6% pour 86 millions de tonnes (Mt) de janvier à juin.

Le recul le plus conséquent est chez le premier continent producteur, l'Asie, avec -4,8% à 812,6 Mt. Seul le Moyen Orient tire son épingle du jeu, avec une production en hausse de 4,4% à 25,3 Mt.

Usines arrêtées

"Ce sont les marchés qui baissent, c'est d'abord la demande de nos clients qui baisse, l'industrie automobile par exemple. Et la flambée des prix de l'énergie en Europe est un facteur aggravant", dit ArcelorMittal.

Le sidérurgiste a annoncé le week-end dernier qu'il mettrait à l'arrêt deux de ses haut-

fourneaux en Europe, à Brême (Allemagne) à partir de fin septembre, ainsi qu'à Gijon dans les Asturies (Espagne).

"Les coûts élevés du gaz et de l'électricité pèsent fortement sur notre compétitivité", a expliqué Reiner Blaschek, le patron d'ArcelorMittal Allemagne.

En France, où le sidérurgiste exploite deux usines, un des trois hauts fourneaux de Dunkerque (nord) est à l'arrêt depuis juillet dans le cadre de la décarbonation du site, et un deuxième le sera pour maintenance pendant au moins six semaines.

Le sidérurgiste a aussi annoncé l'arrêt temporaire de deux lignes de galvanisation de l'acier et une ligne d'agglomération (traitement du minerai de fer) dans le nord de la France ainsi qu'un four de réchauffage à Fos-sur-Mer, dans le sud.

"La Chine qui a été pendant plus de 20 ans le moteur de la croissance de la sidérurgie mondiale en construisant infrastructures, routes, et usines, a annoncé qu'elle allait stabiliser voire décroître sa consommation d'acier", rappelle à l'AFP Marcel Genet, expert en sidérurgie et fondateur de la société Laplace Conseil. Or, la consommation chinoise représentait 90% de la croissance de l'acier des 20 dernières années.

Ce qui place l'acier européen, en pleine transition énergétique, en position particulièrement précaire.

Besoin de renouvelables et de nucléaire

"Jusqu'à l'an dernier tous les sidérurgistes présents en Europe, l'allemand ThyssenKrupp, l'indien Tatasteel ou ArcelorMittal notamment étaient d'accord pour une transition ordonnée du secteur", rappelle M. Genet.

C'est-à-dire en remplaçant progressivement les vieux hauts fourneaux utilisateurs de charbon, qui émettent de l'ordre de deux tonnes de CO2 par tonne d'acier produite, par un principe dit "de réduction directe" alimenté par du gaz. Ce qui permettrait de diviser par deux les émissions de CO2 de la sidérurgie d'ici à 2040, rappelle M. Genet.

L'étape suivante de la transition énergétique était le passage à l'hydrogène dit "vert" (produit lui-même avec de l'électricité d'origine renouvelable) à la place du gaz, dans l'espoir de ne plus générer du tout de CO2 en produisant de l'acier.

Le plan a été validé par la Commission européenne, qui a fait entrer le gaz dans la taxonomie des énergies jugées acceptables pour la transition. Mais la guerre en Ukraine a interrompu tous ces scénarios, car le prix du gaz naturel a été multiplié par 10 depuis un an.

"Aujourd'hui, tous les projets de développement de l'acier européen sont en standby", dit M. Genet.

Selon lui, "il faudrait accélérer l'arrivée des énergies renouvelables et du nucléaire" si on veut continuer à faire de l'acier en Europe.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".