Rapatriements de familles de djihadistes: la France condamnée par la CEDH

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). (Photo, AFP)
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 14 septembre 2022

Rapatriements de familles de djihadistes: la France condamnée par la CEDH

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). (Photo, AFP)
  • «En exécution de son arrêt, la Cour précise qu'il incombe au gouvernement français de reprendre l'examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l'entourant des garanties appropriées contre l'arbitraire», a indiqué la CEDH
  • Paris devra verser 18 000 euros à l'une des familles de requérants et 13 200 euros à l'autre au titre des frais et dépens

PARIS: Les proches de mères djihadistes et de leurs enfants nés en Syrie, détenus dans des camps du nord-est du pays, ont fait condamner mercredi la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), un revers pour Paris mais qui ne consacre pas un "droit général au rapatriement" pour les personnes toujours retenues dans les camps syriens. 

"En exécution de son arrêt, la Cour précise qu'il incombe au gouvernement français de reprendre l'examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l'entourant des garanties appropriées contre l'arbitraire", a indiqué la Grande chambre de la CEDH, sa plus haute instance. 

Selon la Cour basée à Strasbourg, "le rejet d'une demande de retour présentée dans ce contexte doit pouvoir faire l'objet d'un examen individuel (...) par un organe indépendant". 

Paris devra verser 18 000 euros à l'une des familles de requérants et 13 200 euros à l'autre au titre des frais et dépens. 

"C'est la fin du fait du prince et la fin de l'arbitraire", a commenté après la lecture de l'arrêt Me Marie Dosé, l'une des avocates des quatre requérants, parents de deux Françaises bloquées dans des camps en Syrie avec leurs trois enfants. 

« Choix cynique » 

"Depuis 2019, la France a fait le choix de ne rapatrier que certains enfants au 'cas par cas', sans que personne ne sache ni ne comprenne sur quels critères, sans aucune transparence ni contrôle effectif", a-t-elle estimé, dénonçant un "choix cynique". 

Ses clients avaient demandé en vain aux autorités françaises le rapatriement de leurs proches, avant de saisir la CEDH, jugeant leurs filles et petits-enfants exposés à des "traitements inhumains et dégradants". 

Dans son arrêt, la Cour pointe "l'absence de toute décision formalisée" de la part des autorités françaises quant au refus de les rapatrier les proches des requérants, qui ont écrit, sans obtenir de réponse, au président de la République Emmanuel Macron et au ministre des Affaires étrangères. 

Leurs filles avaient quitté la France en 2014 et 2015 pour rejoindre la Syrie où elles ont donné naissance à deux enfants pour l'une, un pour l'autre. Désormais âgées de 31 et 33 ans, elles sont retenues depuis début 2019 dans les camps d'Al-Hol et de Roj (nord-est). 

La Cour a conclu à la violation par Paris de l'article 3.2 du protocole 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui stipule que "nul ne peut être privé d'entrer sur le territoire de l'Etat dont il est le ressortissant". 

"On est soulagé parce que ça a été un combat de trois ans", a réagi le père d'une des deux jeunes femmes, qui souhaite garder l'anonymat. "Ma fille va aussi bien qu'elle peut (...) Mon petit-fils n'a toujours pas vu un arbre, à part du sable". 

"La France se doit de prendre toutes les mesures pour mettre fin à de tels traitements", a réagi dans un communiqué la Défenseure des droits, Claire Hédon. "L'une d'entre elles (...) est à l'évidence l'organisation de leur retour sur le sol français." 

Adeline Hazan, présidente de l'Unicef France, a elle aussi estimé qu'il était "plus que temps de rapatrier et de réintégrer tous ces enfants" en France. 

Cet arrêt de la CEDH ne consacre pas pour autant un droit systématique au rapatriement des nationaux, notamment liés au djihadisme : "la Cour considère que les citoyens français retenus dans les camps du nord-est de la Syrie ne sont pas fondés à réclamer le bénéfice d'un droit général au rapatriement", précise la juridiction. 

« Vulnérabilité » 

En revanche, elle peut avoir à le faire lors de "circonstances exceptionnelles", comme lorsque ici un enfant se trouve "dans une situation de grande vulnérabilité". 

Cet arrêt, qui vise au premier chef la France, concerne également les 45 autres pays membres du Conseil de l'Europe et leurs ressortissants détenus en Syrie. Lors de la lecture de la décision, outre la représentante de la France, des représentants d'autres pays (Danemark, Suède, Royaume-Uni, Norvège, Pays-Bas, Espagne...) étaient présents. 

Ailleurs en Europe, l'Allemagne ou la Belgique ont déjà récupéré la plus grande partie de leurs djihadistes. 

Mais début juillet, Paris a fait revenir 35 mineurs et 16 mères, premier rapatriement massif depuis la chute en 2019 du "califat" du groupe État islamique (EI). 

"On n'a pas attendu la décision de la CEDH pour avancer", a réagi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. "Chaque dossier, chaque situation humaine au fond, fait l'objet d'un examen attentif", a-t-il assuré. 

Il reste une centaine de femmes et près de 250 enfants français dans des camps en Syrie. 


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.