Ces médecins maghrébins au statut précaire indispensables aux hôpitaux français

Selon les chiffres obtenus auprès des structures de santé, ils sont près de 4 000 médecins, originaires d’Algérie, de Tunisie, du Maroc. (Photo, Martin BUREAU/AFP)
Selon les chiffres obtenus auprès des structures de santé, ils sont près de 4 000 médecins, originaires d’Algérie, de Tunisie, du Maroc. (Photo, Martin BUREAU/AFP)
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Publié le Mercredi 22 juillet 2020

Ces médecins maghrébins au statut précaire indispensables aux hôpitaux français

  • « Notre évolution professionnelle est semée d’embûches et d’informations contradictoires »
  • « Obtenir l’équivalence est un vrai parcours du combattant qui peut parfois durer jusqu’à dix ans »

Ils sont médecins généralistes ou spécialistes, réanimateurs, urgentistes, virologues ou oncologues et exercent dans les hôpitaux franciliens. Très actifs durant la période de la pandémie du Covid-19, ces praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) disposent d’un statut précaire.

Selon les chiffres obtenus auprès des structures de santé, ils sont près de 4 000 médecins, originaires d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Liban et de Syrie à pratiquer la médecine, avec un statut précaire. Depuis des années, ils sont victimes d’inégalités. Leur statut, non reconnu, ne leur permet pas d’effectuer certaines tâches administratives. Ils ne peuvent pas, par exemple, signer un certificat de décès.

Diplômes de médecine en poche, ils sont venus en France pour suivre une spécialisation à l’université, ou pour faire carrière, mais leur avenir reste incertain. « Notre statut empêche tout projet à long terme. Notre évolution professionnelle est semée d’embûches et d’informations contradictoires. Nous n’avons pas le droit par exemple de nous inscrire au tableau de l’Ordre des médecins », nous confie Karima, qui exerce dans un hôpital de la Seine-Saint-Denis. 

On les appelle les Padhue, et ils sont indispensables au fonctionnement des services de réanimation et des urgences. En pleine pandémie du Covid-19, dans un article du Parisien, Dany Toledano, cheffe du service de réanimation à l’hôpital de Montfermeil expliquait : « Si les Padhue n'avaient pas été là, nous n'aurions jamais pu augmenter nos capacités de réanimation... Cela aurait été une catastrophe ! » Dany Toledano ajoute que près de la moitié des actes de réanimation de cet hôpital sont assurés par des praticiens étrangers. 

Le sésame: l’équivalence

« Obtenir l’équivalence est un vrai parcours du combattant qui peut parfois durer jusqu’à dix ans », explique Hocine Saal, chef du service des urgences de l’hôpital André-Grégoire à Montfermeil et vice-président du SNPadhue, le syndicat national des Padhue. 

Pour changer de statut, ces médecins doivent passer un concours très sélectif. Alors que les centres hospitaliers ne cessent de réclamer plus de médecins dans les services, peu de postes sont ouverts et encore moins sont proposés aux candidats étrangers. Pire encore, en réanimation, gynécologie, dermatologie ou ophtalmologie, le manque de médecins est devenu préoccupant. « Le SNPadhue met tout en œuvre pour que les praticiens étrangers puissent intervenir dans les structures de soins avec des statuts équivalents à leurs collègues français. Nous misons sur l’excellence de la médecine française », souligne Hocine Saal.

Les médecins étrangers ont un statut de stagiaire associé (l’équivalent du statut d’interne), or ces professionnels sont déjà médecins dans leurs pays d'origine. Selon les informations recueillies par Arab News, ils touchent un salaire de 1 500 euros par mois. Quant à ceux d’entre eux qui ont passé un examen de contrôle des connaissances – devenant praticiens associés – ils perçoivent, eux, entre 2 000 et 2 600 euros de revenu mensuel, selon leur ancienneté. Pour rappel, leurs homologues praticiens hospitaliers français ou européens gagnent un salaire moyen de 5 800 euros par mois. 

« Les Padhue sont particulièrement représentés dans les services les plus difficiles, aux urgences, en gériatrie, en réanimation, en anesthésie et en gynécologie-obstétrique. Ce sont souvent eux qui assurent les gardes les week-ends et les jours fériés. Régulariser tous ces médecins qui accomplissent le même travail que leurs collègues français permettrait de répondre au problème de désert médical des zones rurales », explique Lynda, médecin spécialiste dans un cabinet privé, qui a obtenu sa qualification dans les années 2000.

« Ces médecins traversent de longues années de précarité avant d’être pleinement intégrés. Les Padhue font pourtant le même travail que leurs homologues diplômés en France ou dans les pays membres de l’Union européenne », s’insurge Lamia, médecin spécialiste qui a connu le même parcours avant d’être régularisée en 2003. 

Akila Lazri est arrivée en France en 2002 avec un niveau de troisième année de médecine de la faculté d’Alger. Face aux difficultés liées à l’équivalence des acquis académiques, elle s’est orientée dans un premier temps, pour des raisons financières, vers la filière paramédicale, et poursuit en parallèle des études supérieures en philosophie, son autre passion. « Il m’a fallu plus de dix ans pour me relancer dans mes études de médecine. À 33 ans, j’ai refait ma première année, et poursuivi mon parcours à l’université de médecine à Paris, nous confie-t-elle. Souvent mes confrères français me demandent : “médecin étrangère ?” Et c’est avec beaucoup de fierté que j’aime répondre : “étrangère oui, mais médecin française”. »

En avril dernier, une lettre ouverte, signée par 13 médecins dont Amine Benyamina, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif et Mathias Wargon, chef de service des urgences du centre hospitalier de Saint-Denis, a été adressée au Premier ministre Édouard Philippe. Cette lettre décrit le travail énorme accompli par les médecins étrangers durant la crise sanitaire. « Ces médecins ont lutté au quotidien, en première ligne. Ils méritent la reconnaissance de la République pour leur engagement, car leurs salaires sont souvent dérisoires par rapport à ceux de leurs collègues, et ils risquent de retomber dans la précarité et l'incertitude quant à leur avenir une fois la crise surmontée. Dans cette période où tous les soignants ont risqué leur vie au service de la France, ils étaient là, à leurs côtés », peut-on lire dans le document. 

Selon les informations recueillies auprès des professionnels de santé, les autorités publiques s’apprêteraient à régulariser ces praticiens. La récente crise sanitaire a démontré, plus que jamais leur compétence, leur dévouement, mais aussi leur situation extrêmement fragile. Affaire à suivre…


 


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.

 


Lecornu recevra les socialistes mercredi, annonce Olivier Faure

Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure. (AFP)
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  • Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi
  • Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs

PARIS: Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu recevra mercredi matin les responsables du Parti socialiste, avec qui il devra négocier à l'automne un accord sur le budget 2026 pour éviter une censure, a annoncé leur Premier secrétaire Olivier Faure.

"On a rendez-vous mercredi matin et donc nous le verrons pour la première fois", a déclaré M. Faure lundi sur France 2. Les Ecologistes de Marine Tondelier et le Parti communiste de Fabien Roussel ont également indiqué à l'AFP être reçus mercredi, respectivement à 14H et 18H.

Depuis sa nomination mardi, Sébastien Lecornu a commencé ses consultations avec d'abord les partis de son "socle commun" (bloc central et LR), puis les syndicats et organisations patronales avec qui il a des entretiens encore lundi et mardi.

Mais le rendez-vous le plus attendu est celui avec les socialistes. Déjà menacé de censure par LFI et le RN, c'est eux qui peuvent éviter à M. Lecornu de connaître le même sort que ses prédécesseurs.

Au coeur de ce rendez-vous le projet de budget 2026 que le nouveau gouvernement devra présenter avant la mi-octobre au Parlement.

Les socialistes posent notamment comme conditions un moindre effort d'économies l'année prochaine que ce qu'envisageait François Bayrou et une fiscalité plus forte des plus riches, à travers la taxe sur les très hauts patrimoines élaborée par l'économiste Gabriel Zucman (2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros).

Mais Sébastien Lecornu, s'il s'est dit prêt samedi à "travailler sans idéologie" sur les questions "de justice fiscale" et de "répartition de l'effort", a déjà fait comprendre son hostilité à cette taxe Zucman, et notamment au fait de taxer le patrimoine professionnel "car c'est ce qui permet de créer des emplois".

"Quand on parle patrimoine professionnel, vous pensez à la machine outil ou aux tracteurs mais pas du tout. On parle d'actions, la fortune des ultrariches, elle est essentiellement en actions", lui a répondu M. Faure.

"Si vous dites que, dans la base imposable, on retire ce qui est l'essentiel de leur richesse, en réalité, vous n'avez rien à imposer", a-t-il argumenté.

"C'était déjà le problème avec l'Impôt sur la fortune (ISF, supprimé par Emmanuel Macron) qui touchait les +petits riches+ et épargnaient les +ultrariches+ parce que les +ultrariches+ placent leur argent dans des holdings", a-t-il reconnu.

 


Pour Sébastien Lecornu, un premier déplacement consacré à la santé

Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
Sébastien Lecornu assiste à la présentation du supercalculateur Asgard au Mont Valérien à Suresnes, près de Paris, le 4 septembre 2025. (AFP)
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  • Déplacement symbolique à Mâcon : Pour son premier déplacement, Sébastien Lecornu met l'accent sur l'accès aux soins et le quotidien des Français
  • Conscient de l'absence de majorité, il consulte partis et syndicats, cherchant des terrains d'entente sur le budget, tout en laissant la porte ouverte à une fiscalité plus juste

PARIS: Sébastien Lecornu se rend samedi en province, à Mâcon, pour son premier déplacement en tant que Premier ministre consacré à la santé et à "la vie quotidienne" des Français, délaissant pendant quelques heures les concertations qu'il mène activement à Paris avant de former un gouvernement.

Quatre jours à peine après sa nomination, le nouveau et jeune (39 ans) locataire de Matignon va à la rencontre des Français, pour qui il reste encore un inconnu. Il échangera notamment avec des salariés d'un centre de santé de Saône-et-Loire dont le but est d'améliorer l'accès aux soins.

Lui-même élu local de l'Eure, où il a été maire, président de département et sénateur, ce fils d'une secrétaire médicale et d'un technicien de l'aéronautique avait assuré dès le soir de sa nomination "mesurer les attentes" de ses concitoyens et "les difficultés" qu'ils rencontraient.

Celles-ci sont souvent "insupportables" pour accéder à un médecin ou à un professionnel de santé, parfois "source d'angoisse", souligne son entourage. Le Premier ministre entend dans ce contexte "témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des personnels soignants" et "réaffirmer la volonté du gouvernement de faciliter l’accès aux soins".

Il s'agit aussi pour Sébastien Lecornu de convaincre l'opinion, autant que les forces politiques, du bien-fondé de sa méthode: trouver des terrains d'entente, en particulier sur le budget, permettant de gouverner sans majorité.

Sébastien Lecornu est très proche d'Emmanuel Macron, avec qui il a encore longuement déjeuné vendredi à l'Elysée.

- Mouvements sociaux -

Sa nomination coïncide avec plusieurs mouvements sociaux. Le jour de sa prise de fonction, une mobilisation lancée sur les réseaux sociaux pour "bloquer" le pays a réuni 200.000 manifestants, et une autre journée de manifestations à l'appel des syndicats est prévue jeudi.

"Il y a une grande colère" chez les salariés, a rapporté Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, premier syndicat de France, à l'issue d'une entrevue vendredi avec le nouveau Premier ministre, qui lui a dit travailler sur une "contribution des plus hauts revenus" dans le budget 2026.

C'est sur le budget que ses deux prédécesseurs, François Bayrou et Michel Barnier, sont tombés. Et Sébastien Lecornu cherche en priorité une forme d'entente avec les socialistes.

Mais il lui faut dans le même temps réduire les déficits, alors que l'agence de notation Fitch a dégradé vendredi soir la note de la dette française.

Le centre et la droite de la coalition gouvernementale se disent prêts à taxer plus fortement les ultra-riches sans pour autant aller jusqu'à l'instauration de la taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines, mesure phare brandie par les socialistes et dont LR ne veut pas.

Une telle mesure marquerait en tout cas une des "ruptures" au fond prônées par Sébastien Lecornu à son arrivée, puisqu'elle briserait le tabou des hausses d'impôts de la macronie.

- Méthode -

Sébastien Lecornu veut aussi des changements de méthode.

Il a d'abord réuni jeudi --pour la première fois depuis longtemps-- les dirigeants des partis du "socle commun", Renaissance, Horizons, MoDem et Les Républicains, afin qu'ils s'entendent sur quelques priorités communes.

Un format "présidents de parti" qui "permet de travailler en confiance, de façon plus directe, pour échanger sur les idées politiques, sur les arbitrages", salue un participant.

Avant les oppositions et à quelques jours d'une deuxième journée de manifestations, il a consulté les partenaires sociaux, recevant vendredi la CFDT et Medef, avant la CGT lundi.

En quête d'un compromis pour faire passer le budget, le chef de gouvernement pourrait repartir du plan de son prédécesseur François Bayrou délesté de ses mesures les plus controversées. A l'instar de la suppression de deux jours fériés.

L'hypothèse d'une remise sur les rails du conclave sur les retraites semble aussi abandonnée. Les partenaires sociaux refusent de toute façon de le rouvrir.

Des gestes sont attendus à l'égard des socialistes alors qu'à l'Elysée, on estime que le Rassemblement national, premier groupe à l'Assemblée nationale, se range désormais comme la France insoumise du côté du "dégagisme".

Cultivant une parole sobre voire rare, Sébastien Lecornu ne s'exprimera qu'à l'issue de ces consultations "devant les Français", avant la traditionnelle déclaration de politique générale, devant le Parlement.