Il n’était pas dit que la conquête du Haut-Karabakh serait tellement rapide. Cependant, petit à petit, et malgré de lourdes pertes, les forces azerbaïdjanaises ont continué à avancer courageusement contre les soldats arméniens. Les troupes azéries se retrouvent désormais au seuil de leur plus grand trophée: la ville de Shushi. C'est à ce moment que la guerre atteindra son moment décisif de victoire ou de défaite.
La guerre a commencé le 27 septembre avec des difficultés initiales pour l'Azerbaïdjan, confronté à des positions bien retranchées depuis plus de deux décennies. Après plus d’une semaine de bombardements massifs et des dizaines de frappes précises de drones, les forces de Bakou ont réussi à franchir la première ligne de défense arménienne dans le sud-est du Karabakh. Ce qui a suivi a été une combinaison d'une retraite de combat et d'une déroute désordonnée pour les troupes arméniennes et artsakhiotes pendant que les forces terrestres azéries occupaient des territoires et des bases abandonnées bien approvisionnées. Fin octobre, ils contrôlaient déjà quatre des sept « régions occupées » autour du Karabakh proprement dit (l'ancien oblast autonome du Haut-Karabakh). Mais Bakou en voulait plus.
La force motrice de cette guerre a été les drones azerbaïdjanais. S'il existe un large éventail de véhicules aériens sans pilote dans l'inventaire de Bakou - au moins huit -, c'est le Bayraktar TB2 de fabrication turque, qui a été décisif dans cette guerre. D'autres, comme le IAI Harop, de fabrication israélienne, - une munition rôdeuse, plus qu'un vrai drone - ont eu un impact, mais loin de l’efficacité du Bayraktar. Une analyse indépendante montre que le Bayraktar a détruit environ 100 chars arméniens.
Après presque une semaine de consolidation et de renforcement, alors que les drones se concentraient sur les positions d'artillerie et d'infanterie arméniennes retranchées, les forces azéries ont entamé une grande attaque pour s’emparer de Shushi le 2 novembre. Connue sous le nom de Shusha en Azerbaïdjan, la ville forteresse qui se trouve au cœur même du Karabakh a été le principal objectif azéri depuis le début de cette guerre. Sa résonance dans la société azérie est profonde - l’importance culturelle et symbolique de la ville a conduit certains à la décrire comme « le Saint-Pétersbourg d’Azerbaïdjan ». Le slogan « Vers Shusha » est un refrain courant en Azerbaïdjan; le président Ilham Aliyev lui-même a déclaré à plusieurs reprises que « sans la libération de Shusha, notre victoire est certainement incomplète ».
Des vidéos de combats féroces ont émergé. Bien que les forces arméniennes aient infligé des pertes et détruit des véhicules, elles n'ont pas été en mesure d'empêcher les Azéris d'atteindre le village de Karintak (Dashalti en azerbaïdjanais) avant le 3 novembre. Ce village se situe au pied de la falaise sur laquelle se trouve Shushi. Bien qu'il n'y ait aucune preuve indiquant que les forces azéries ont pris le contrôle de la ville, le fait qu'elles aient atteint ce point est un sombre présage pour les défenseurs arméniens.
Les nouvelles empirent. Le lendemain, les forces azéries franchissent une étape importante - la route entre Stepanakert et Lachin / Berdzor, et encore plus loin en Arménie proprement dite. En tant que principale artère d'approvisionnement reliant le territoire à l'Arménie, le soi-disant couloir de Lachin est peut-être l'emplacement stratégique le plus important du Karabakh.
Néanmoins, des images de drones arméniens montrent des frappes d'artillerie sur des commandos azéris sur l'autoroute de Lachin elle-même, à seulement 2 km de Shushi. Cependant, le porte-parole du président azerbaïdjanais a en effet confirmé plus tard que l'Arménie contrôlait toujours la route.
Il est important de noter que le schéma de cette guerre est que, là où les forces spéciales de Bakou apparaissent, une force azérie majeure n’est pas loin derrière.
Shushi a été le théâtre d’un bombardement intense presque perpétuel. Une tentative arménienne de déloger les forces azéries de leurs positions avancées récemment occupées a échoué, laissant les Azéris aux abords de la ville. Un reportage vidéo de la chaine russe ANNA News a montré les bombardements sur la ville, ainsi que les positions de première ligne juste à l’extérieur. Un soldat a déclaré que les Azéris se trouvaient « à trois ou quatre kilomètres », ce qui correspond à l'image peinte par les médias sociaux.
Qu'est-ce-que tout cela veut dire? Tout simplement, la période de la mi-novembre va décider de la guerre du Karabakh. Si les Arméniens peuvent d'une manière ou d'une autre repousser les Azéris et maintenir leurs positions élevées, ils ont une chance de stabiliser et de forcer cette guerre dans une impasse. Ils ont, bien entendu, les hauteurs et Shushi constitue une forteresse naturelle presque parfaite, entourée de hautes falaises sur trois côtés.
Shushi a été le théâtre d’un bombardement intense presque perpétuel. Une tentative arménienne de déloger les forces azéries de leurs positions avancées récemment occupées a échoué, laissant les Azéris aux abords de la ville
Neil Hauer
Toute agression à son encontre sera extrêmement sanglante, expliquant peut-être la présence (et l’utilité) des mercenaires syriens de Bakou.
Comme l'a décrit un mercenaire capturé aux interrogateurs arméniens fin octobre, le plan d'assaut prévoyait que trois groupes de 150 à 200 Syriens chacun attaquent Shushi directement depuis différentes directions - une mission presque suicide. Même avec le contrôle du ciel, un assaut ne serait pas facile.
Ensuite, il y a l'autre possibilité. Si les forces azéries attaquent Shushi et s'en emparent, elles auraient une position dominante sur le reste du Karabakh - notamment, au-dessus de Stepanakert, la capitale, qui se trouve parfaitement sous la montagne, à seulement 10 km. Pour les Arméniens, reprendre une position comme celle de Shushi serait presque impossible, ce que les Azéris ont découvert à leurs dépens après l'avoir perdue lors de la première guerre en 1992. Il y aura encore de durs combats de rue à venir, mais leurs gains seront tout sauf réaffirmés.
D'une manière ou d'une autre, la mi-novembre marquera décidément un moment décisif de cette guerre.
• Neil Hauer est un analyste de la sécurité qui vit actuellement à Erevan, en Arménie, où il observe la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il était récemment à Stepanakert, dans le Haut-Karabakh. Habituellement basé à Tbilissi, en Géorgie, son travail se concentre, entre autres, sur la politique, les minorités et la violence dans le Caucase.
Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com









