Algérie: L'anglais en primaire au pas de course

Depuis des décennies, milieux conservateurs et laïcs se livrent une bataille acharnée autour de la place du français dans l'enseignement en Algérie (Photo, AFP).
Depuis des décennies, milieux conservateurs et laïcs se livrent une bataille acharnée autour de la place du français dans l'enseignement en Algérie (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 07 octobre 2022

Algérie: L'anglais en primaire au pas de course

  • Les enfants, qui ont repris le chemin de l'école le 21 septembre, démarrent désormais l'apprentissage de l'anglais dès la 3ème année de primaire
  • En moins de deux mois, 5 000 enseignants contractuels ont été recrutés et ont reçu une formation express

ALGER: L'Algérie, où le français reste très ancré soixante ans après la fin de la colonisation, vient d'introduire l'anglais à l'école primaire, une démarche saluée par les détracteurs de l'emprise de la langue de Molière, mais décriée par d'autres pour sa mise en oeuvre précipitée.

En Algérie, la question linguistique fait régulièrement l'objet de débats. Si le statut officiel de l'arabe fait consensus, la place du tamazight (berbère), devenu langue officielle en 2016, et du français, langue de l'enseignement scientifique et des affaires, héritée de l'ancienne puissance coloniale, soulève des polémiques sans fin.

Les enfants, qui ont repris le chemin de l'école le 21 septembre, démarrent désormais l'apprentissage de l'anglais dès la 3ème année de primaire, comme c'est déjà le cas pour le français, alors que jusqu'à présent ils ne le commençaient qu'au collège.

"Cette décision constitue une évolution, mais il aurait fallu bien préparer son introduction dans l'enseignement", réagit auprès de l'AFP Farouk Lazizi, père de deux élèves d'une école primaire à Alger.

C'est le président Abdelmadjid Tebboune qui a pris cette décision en Conseil des ministres le 19 juin. "Le français est un butin de guerre mais l'anglais est la langue internationale", a-t-il expliqué fin juillet.

Pendant l'été, le ministère de l'Éducation s'est engagé dans une course contre la montre pour mettre en oeuvre les instructions présidentielles.

En moins de deux mois, 5 000 enseignants contractuels ont été recrutés et ont reçu une formation express. Un manuel scolaire a été élaboré et distribué aux écoles en un temps record.

Précipitation

"Quand on se précipite sans réunir les conditions nécessaires, il y a lieu de s'interroger sur la réussite de cette mise en oeuvre", regrette Messaoud Boudiba, porte-parole du Cnapeste, un important syndicat du secteur.

Le linguiste Abderzak Dourari déplore le recours à des traducteurs pour combler le manque de professeurs.

"Faire appel à eux n'est pas le meilleur moyen d'enseigner la langue puisque le traducteur n'est pas formé pour enseigner", remarque-t-il avant d'ajouter: "si on n'a pas suffisamment d'enseignants compétents, il vaut mieux ne pas se lancer tout de suite".

Quelque 60 000 personnes ont postulé pour rejoindre le corps enseignant. Le ministère a exigé qu'elles produisent une licence en anglais ou en traduction.

"Enseigner quatre langues (arabe, berbère, français et anglais) dès le primaire va créer une confusion dans l'esprit" des enfants, estime le pédagogue et ex-enseignant d'anglais Ahmed Tessa.

En revanche, ceux qui souhaitent la fin de l'enseignement en français sont comblés.

"Nous nous félicitons de cette décision qui a tardé à venir", se réjouit Sadek Dziri, président de l'Unpef, un autre syndicat influent, arguant que "l'anglais est la langue des sciences et de la technologie".

Professeur d'anglais dans un collège algérois, Abdelahamid Abed salue lui aussi la décision de M. Tebboune, estimant que le "français a fait son temps".

"Il faut suivre le développement technologique. Il ne faut pas voir cette question sous l'angle de la rivalité entre le français et l'anglais mais d'un point de vue pragmatique", estime-t-il.

L'Algérie va pouvoir "renoncer au français qui est la langue du colonisateur et dont l'enseignement n'a pas donné de bons résultats", ajoute un parent d'élève.

«Pris au dépourvu»

Depuis des décennies, milieux conservateurs et laïcs se livrent une bataille acharnée autour de la place du français dans l'enseignement en Algérie.

L'introduction de l'anglais en primaire a relancé le débat, certains y voyant une volonté des autorités de remplacer le français par la langue de Shakespeare.

"Le président de la République a été clair. Il l'a qualifié de 'butin de guerre'. Ce qui signifie que l'Algérie bénéficie de cette langue dans sa vie institutionnelle et socio-économique", rétorque M. Tessa.

"Les cercles hostiles au français ont été pris au dépourvu par cette affirmation. Ils croyaient que le français allait être supprimé du primaire. Ils rêvent de le voir disparaître", analyse-t-il.

Pour le linguiste Dourari, "il serait vain et très difficile de substituer une langue à une autre dans le cas de l'Algérie", en raison du contexte "culturel, linguistique, historique mais aussi géographique".

"Nous avons plus de 8 millions d'Algériens qui vivent en France, des familles mixtes qui viennent, qui repartent. L'essentiel des contacts touristiques se font d'abord avec la France et pas avec l'Angleterre", a-t-il souligné.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.