De nombreux Français de l’étranger n’ont pas d’assurance sociale, affirme Lakrafi

Amélia Lakrafi, députée de la 10e circonscription des Français établis hors de France, lors d'un entretien accordé à Arab News en français. (Photo capture d'écran).
Amélia Lakrafi, députée de la 10e circonscription des Français établis hors de France, lors d'un entretien accordé à Arab News en français. (Photo capture d'écran).
Short Url
Publié le Mercredi 12 octobre 2022

De nombreux Français de l’étranger n’ont pas d’assurance sociale, affirme Lakrafi

  • Au 1er janvier 2022, le nombre d’inscrits au registre des Français établis hors de France s’élevait à 1 614 772, en baisse de 4,2% par rapport à l’année précédente
  • Organisme de sécurité sociale à adhésion volontaire créé en 1978, la CFE propose une protection sociale, allant de la couverture santé à la retraite et la prévoyance pour les salariés à l’étranger

ABU DHABI: Alors que la santé et la sécurité sont les premiers sujets de préoccupation des Français vivant à l’étranger, les transformations économiques font que de plus en plus de Français n’ont pas de sécurité sociale à l’étranger ou s’assurent a minima, et pour cause: coût élevé des assurances maladie pour les résidents étrangers, manque de confiance et manque d’information.

La crise sanitaire et économique a provoqué le retour de beaucoup de Français expatriés. Au 1er janvier 2022, le nombre d’inscrits au registre des Français établis hors de France s’élevait à 1 614 772, en baisse de 4,2% par rapport à l’année précédente (chiffres du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français), même si la présence française globale à l’étranger est estimée à environ 3 millions de personnes. Depuis, cette tendance s’est inversée et le profil des expatriés est en train de changer. «Les entreprises veulent réduire les coûts de plus en plus, or envoyer un Français en contrat expatrié coûte très cher», explique Amelia Lakrafi, députée de la 10e circonscription des Français établis hors de France, dans un entretien accordé à Arab News en français. «En plus d’un salaire souvent important, il faut prévoir en général le logement en famille, le retour en France avec la famille et les frais de scolarité des enfants dans un lycée français à l’étranger. Dans le monde globalisé, les grands groupes trouvent leurs ressources au niveau du top management bien souvent sur place et préfèrent les employer sous contrat local.»

La CFE, une spécificité française

Avec la digitalisation et le télétravail, les modes de vie nomades se sont aussi popularisés, notamment chez les moins de trente ans. «On constate que beaucoup des jeunes de moins de trente ans ne sont pas assurés parce que dans beaucoup de pays ce n’est pas une obligation», déplore Mme Lakrafi. En cas d’accident, le manque de couverture sociale peut engendrer des frais d’hospitalisation importants qu’il faut bien tôt ou tard rembourser.

Pourtant, les Français disposent d’une solution qui leur permet d’être affiliés à la sécurité sociale française tout en résidant à l’étranger: la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Organisme de sécurité sociale à adhésion volontaire créé en 1978, la CFE propose une protection sociale, allant de la couverture santé à la retraite et la prévoyance pour les salariés à l’étranger.

Pour Éric Pavy, directeur général de la CFE, venu présenter la caisse aux Français des Émirats, c’est la seule solution qui offre des garanties de service public en termes de facilité d’accès: on peut y adhérer sans questionnaire médical et sans limite d’âge par exemple. «La CFE permet aussi de bénéficier de la carte vitale et du tiers payant en France; elle garantit aussi l’accès aux mêmes soins, aux mêmes tarifs que ceux réservés aux résidents.»

pavy
Éric Pavy, directeur général de la Caisse des Français de l’étranger (CFE). (Photo capture d'écran).

En outre, en cas de retour en France, «la grande différence entre vous et quelqu’un qui n’a jamais adhéré à la CFE est que vous serez considérés comme étant restés affiliés à la sécurité sociale, et donc vous n’aurez aucune carence avant d’être attachés de nouveau au régime obligatoire français», ajoute-t-il.

Par ailleurs, sur les trois millions de Français expatriés dans le monde, seulement quelque deux cent mille adhèrent à la CFE. «C’est peu», déplore Amelia Lakrafi. Les tarifs élevés de la CFE sont une des raisons de la non-adhésion. «Beaucoup disent que c’est trop cher. Cependant, plus les Français connaîtront la caisse et y adhéreront, plus on pourra baisser les prix, c’est de l’économie d’échelle», constate-t-elle. Si la moitié de ces trois millions de Français de l’étranger résident en Europe et n’ont pas donc besoin d’adhérer à la CFE, grâce aux mécanismes européens de coordination, il reste que «dans d’autres pays comme le Maroc ou les Émirats, on trouve davantage de personnes couvertes», explique Éric Pavy.

La Covid-19 a marqué un coup d’arrêt, voire un recul dans les adhésions à la CFE. «Du côté des entreprises, nous avons constaté un grand mouvement de retour en France des salariés. Du côté des adhésions individuelles, on a eu un bref ralentissement au début de la Covid, notamment au printemps 2020, la période la plus dure avec des confinements très stricts. Depuis plus d’un an, l’activité a repris. On est à +3 ou +4% d’adhérents individuels sur un an; c’est donc assez encourageant», ajoute le directeur de la CFE.

Offre pour les Français des EAU

En proie toutefois à de nombreuses critiques – tarifs élevés, remboursements lents et à des tarifs insuffisants –, la caisse a entamé sa réforme en 2019, en essayant d’apporter plus de transparence à son fonctionnement. «Les tarifs ont été simplifiés et dépendent maintenant de l’âge et de la situation familiale. Nous proposons aussi une nouvelle ligne de produits, explique M. Pavy, à l’instar d’une couverture à tarif réduit pour les moins de trente ans, ou d’une couverture spéciale pour les expatriés qui vivent à l'étranger et se soignent en France lors de courts ou longs séjours. Elle s’adresse aux personnes satisfaites de leur couverture locale, pour seulement vingt euros par mois.»

«Aussi, nous avons développé récemment un produit dédié aux Français des Émirats arabes unis, parce que la législation aux Émirats a évolué et impose maintenant d’avoir une couverture de santé locale. Or la CFE est une assurance française. Il fallait donc se conformer à la réglementation. Pour cela, nous avons trouvé un partenaire local, Dubai Insurance, et une complémentaire santé avec un réseau de soins et d’établissements partenaires qui font du tiers payant à cent pour cent, le MSH. Nous l’avons lancé depuis deux ans et nous enregistrons des adhésions avec une très forte progression ces derniers mois.»

Les préoccupations sociales: point commun des Français
 
Les préoccupations principales des 150 mille Français des 49 pays de la 10e circonscription, qui comprend les Émirats arabes unis, sont «la santé, la sécurité, l’économie et le business, suivis des écoles françaises et de la proximité avec les élus», constate Amelia Lakrafi. «L’ordre d’importance change en fonction du pays, mais les priorités restent les mêmes. À Dubaï on se sent en sécurité. Mais dans un pays comme le Tchad, la sécurité est la préoccupation numéros un.

«En Afrique, ce sera donc la peur de ne pas trouver de soins ou des soins de qualité, tandis que dans les pays du Golfe, ce sera le coût élevé des soins ou les cotisations des assurances locales revues à la hausse si vos frais médicaux sont importants. Cela est un frein même pour rester dans le pays. Alors il faut trouver des solutions, et la caisse CFE en est une… Ce n’est pas la seule, mais pour moi c’est la meilleure, parce que l’État est à bord. La CFE n’a pas vocation à faire des bénéfices, elle doit juste arriver à l’équilibre. Elle peut venir en aide aux Français le plus démunis dans la catégorie “Aidée”, qui peut les couvrir moyennant des cotisations très faibles. Mais de manière générale, la CFE est considérée comme chère. Elle est pourtant très compétitive au regard des autres assurances dans le Golfe», estime l’élue française qui vient d’entamer son deuxième mandat dont l’un des chantiers principaux sera la solidarité.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Short Url
  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Short Url
  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.