Que présuppose le nouvel accord sur la frontière maritime libano-israélienne?

Une photo prise le 5 août 2021 dans le nord de la ville israélienne de Metoula, près de la frontière avec le Liban, montre des drapeaux libanais et israéliens. (AFP)
Une photo prise le 5 août 2021 dans le nord de la ville israélienne de Metoula, près de la frontière avec le Liban, montre des drapeaux libanais et israéliens. (AFP)
La marine israélienne a été déployée en juin alors que les tensions se sont exacerbées dans le conflit maritime entre le Liban et Israël lorsqu'une plate-forme de forage israélienne a pénétré dans les eaux contestées. (AFP)
La marine israélienne a été déployée en juin alors que les tensions se sont exacerbées dans le conflit maritime entre le Liban et Israël lorsqu'une plate-forme de forage israélienne a pénétré dans les eaux contestées. (AFP)
Les officiels libanais et à leur tête, le président, Michel Aoun, rencontrent l'envoyé américain, Amos Hochstein (5e G), et son équipe au palais présidentiel à Baabda le 1er août 2022. (Dalati & Nohra via AFP)
Les officiels libanais et à leur tête, le président, Michel Aoun, rencontrent l'envoyé américain, Amos Hochstein (5e G), et son équipe au palais présidentiel à Baabda le 1er août 2022. (Dalati & Nohra via AFP)
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Publié le Vendredi 14 octobre 2022

Que présuppose le nouvel accord sur la frontière maritime libano-israélienne?

  • Les pourparlers sous médiation américaine sur la frontière maritime contestée ont duré plus de dix ans
  • Le différend portait sur l'accès à des champs gaziers essentiels en Méditerranée orientale

LONDRES: Dix ans après le début des efforts de médiation des États-Unis, le Liban et Israël sont finalement parvenus à un accord délimitant leur frontière maritime, dans ce que les experts décrivent comme un moment «historique». Toutefois, certains observateurs sont plus prudents.

«Cela fait au moins dix ans qu'on l'attend», déclare l'ambassadeur Frederic Hof, ancien directeur du Centre Rafic Hariri pour le Moyen-Orient du Conseil atlantique, qui a servi de médiateur américain en 2012 sous la présidence de Barack Obama.

«Nous devons être prudents à ce stade. Il y a encore un long processus de ratification en Israël. On peut se demander si, après les élections du 1er novembre, l'accord sera maintenu en cas de changement de gouvernement», souligne-t-il à Arab News.

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Une plate-forme du champ de gaz naturel Leviathan dans la mer Méditerranée, vue depuis la plage de Nahsholim, sur la côte nord d'Israël. (AFP)

«Du côté libanais, il y a quelques questions. La question évidente est: y a-t-il effectivement des gisements de gaz naturel commercialisables sous les eaux libanaises? Et, étant donné qu'il n'y aura probablement pas de revenus avant cinq ans, le système politique libanais va-t-il subir quelques changements qui permettraient au peuple libanais de bénéficier de tout cela?»

Le différend remonte à 2012, lorsque les deux pays ont échoué à parvenir à un accord sur l'emplacement de leur frontière maritime commune. Israël a initialement fait pression pour la ligne 1 (voir la carte), tandis que le Liban était favorable à la ligne 29. 

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M. Hof, qui a été le premier médiateur américain nommé dans le cadre du processus, a proposé une ligne plus proche de l'option préférée des Israéliens. En fin de compte, cependant, la frontière qui a été convenue est la ligne 23, qui est plus proche de la frontière préférée du Liban.

Au cœur du conflit se trouvent deux gisements de gaz naturel offshore: le gisement inexploité de Cana dans les eaux territoriales libanaises et le gisement de Karich en territoire israélien. La contestation des ressources s'est intensifiée en juillet lorsque le Hezbollah, la milice libanaise soutenue par l'Iran, a lancé une attaque de drones sur le champ de Karich. Les défenses aériennes israéliennes ont réussi à abattre les trois drones avant qu'ils n'atteignent leur cible. On espère que l'accord frontalier conclu cette semaine permettra d'éviter des incidents similaires.

Selon les détails de l'accord qui ont fuité, les revenus du gaz extrait du champ de Cana seront partagés entre le Liban et la société énergétique française Total, et 17 % des revenus de Total iront à Israël. Israël continuera à avoir des droits exclusifs sur le champ de Karich.

 

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Des véhicules de la force de maintien de la paix des Nations unies patrouillent à Naqoura, au sud de la ville libanaise de Tyr, à la frontière avec Israël, le 6 juin 2022. (AFP)

 

Bien que l'accord règle la question de la frontière maritime, il n'affecte pas la frontière terrestre non encore reconnue entre les deux pays, la «ligne bleue», délimitée en 2000 et supervisée par la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

Évoquant les raisons pour lesquelles un accord sur la frontière maritime n'a pas pu être conclu il y a dix ans, lorsque le processus a commencé, Frederic Hof précise que le gouvernement de Najib Mikati – qui est aujourd'hui le Premier ministre intérimaire du Liban – avait déjà commencé à «s'effondrer progressivement».

Il ajoute : «Désormais, la décision semble être entre les mains des trois présidents du Liban (le président, le Premier ministre et le président du Parlement) et, à moins que les choses ne changent, ce que je ne pense pas, tous les trois semblent convenir que le Liban s’en est bien sorti par rapport à cette médiation.»

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Najib Mikati (à droite), rencontre l'envoyé américain, Amos Hochstein, et l'ambassadrice américaine, Dorothy Shea (à gauche), au palais présidentiel de Baabda, le 14 juin 2022 (photo Dalati & Nohra via AFP).

D'autres, comme Tony Badran, chargé de recherche à la Fondation pour la défense des démocraties et analyste du Levant pour le magazine Tablet, déclarent à Arab News que «ce qui a changé désormais, c'est que l'administration Biden a abandonné le cadre précédent de la division de la zone contestée selon un ratio de 55/45, et a réussi à faire pression sur un gouvernement boiteux et docile pour qu'il concède 100 % des demandes du Hezbollah».

Les responsables américains considèrent également l'accord maritime, dont la médiation a été assurée par Amos Hochstein, conseiller principal de l'administration Biden pour la sécurité énergétique, comme une victoire diplomatique qui, à terme, améliorera la sécurité et la stabilité globales dans la région.

«En fin de compte, les États-Unis ont réussi à négocier un accord entre le Liban et Israël – deux pays ennemis – pour conclure un accord sur la frontière maritime qui, selon eux, stabiliserait la situation entre les deux pays et rendrait la guerre plus difficile», déclare à Arab News Laury Haytayan, directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord du Natural Resource Governance Institute.

En effet, elle estime qu'Israël, qui bénéficie déjà d'un approvisionnement énergétique suffisant, a correctement identifié les avantages sécuritaires offerts par un accord qui favorise les revendications territoriales du Liban par rapport à l'intérêt économique personnel israélien.

«Si le Liban est stable, et que le Liban se concentre sur son économie, ils pensent qu'ils seront moins intéressés par la guerre» et, à leur tour, moins dépendants du Hezbollah et de l'Iran, ajoute Mme Haytayan.

Les responsables à Beyrouth avaient cependant probablement d'autres préoccupations à l'esprit. Alors que le Liban est confronté à une catastrophe économique, le gouvernement intérimaire est impatient de montrer qu'il joue le jeu de la communauté internationale en exigeant des réformes en échange d'une aide.

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Des partisans du Hezbollah libanais écoutant le leader du groupe, Hassan Nasrallah, qui s'adresse à eux à travers un écran géant, le 9 août 2022. (AFP)

Laury Haytayan explique que l'objectif principal du Liban est de placer «une carte entre les mains de la classe politique afin qu’elle l’utilise pour parler à la communauté internationale et aux Américains pour la première fois, afin que ces derniers arrêtent les sanctions».

Depuis l'effondrement économique du Liban en 2019, aggravé par la pandémie de Covid-19 et l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth en août 2020, les États-Unis ont exercé une pression soutenue sur le gouvernement libanais pour qu'il s'attaque à une corruption endémique.

Parmi les personnes placées sous sanctions par les États-Unis figure le gendre du président, Michel Aoun, Gebran Bassil, qui est un ancien ministre des Affaires étrangères et l'actuel chef du Courant patriotique libre (CPL).

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Gebran Bassil, l'actuel chef du Courant patriotique libre du Liban. (AFP)

Parce que l'élite libanaise a la réputation de se remplir les poches au détriment des deniers publics, les citoyens ne peuvent s'empêcher d'être pessimistes quant à la perspective de voir les revenus pétroliers résultant de l'accord frontalier utilisés à bon escient.

«Je pense que la menace que les revenus ne soient pas utilisés au profit du peuple libanais, et pour la reconstruction du Liban, vient de l'existence d'une classe politique totalement corrompue et totalement incompétente au Liban, qui bénéficie du soutien et de la protection du Hezbollah», précise M. Hof.

Bien qu'il faille attendre au moins cinq ans avant que le Liban ne perçoive le moindre avantage financier des explorations gazières, il existe plusieurs avantages indirects à court terme, souligne Mme Haytayan.

Un engagement public de Total à commencer les opérations de forage dans le champ de Cana pourrait contribuer à convaincre davantage d'entreprises d'investir au Liban, ce qui donnerait au gouvernement libanais des «atouts supplémentaires pour négocier, avec le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, la communauté internationale, les États-Unis et les Européens», déclare Laury Haytayan. «Cela permettrait d'alléger la pression des réformes qui pèse sur eux depuis trois ans et demi.»

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La société TotalEnergies s'est engagée à commencer les opérations de forage dans le champ de Cana dès qu'Israël et le Liban auront réglé leur différend frontalier maritime. (Dossier AFP)

Le président américain, Joe Biden, a appelé son homologue libanais, Michel Aoun, pour féliciter le Liban de l'accord maritime.

«Tout le monde est heureux que le Liban ait conclu cet accord avec Israël, et la classe politique libanaise reprend un nouveau souffle avec cette dynamique politique», note Mme Haytayan.

L'accord sur la frontière maritime est sans aucun doute un grand pas en avant. Toutefois, Frederic Hof doute qu'il conduise à une quelconque normalisation des relations entre Israël et le Liban dans un avenir proche. Il considère plutôt les années à venir comme un test de la volonté de réforme de la politique libanaise et de la volonté de l'élite de faire passer les besoins du public avant les siens.

«Cinq ans est l'estimation la plus fréquente (pour l'exploration gazière)», explique M. Hof. «Cela donne au peuple libanais cinq ans pour faire de son mieux pour créer un système reflétant l'État de droit, la responsabilité, la transparence et pour construire un État libanais capable d'utiliser ces ressources accordées par Dieu.»

Quant à Tony Badran, il indique que l'accord a conduit le Hezbollah à «émerger clairement comme le principal interlocuteur de l'administration Biden, et de la France, au Liban – une reconnaissance qu'il est le seul parti qui compte au Liban, et qui le domine».

«L'administration Biden a non seulement aidé le Hezbollah dans son objectif de contraindre Israël à céder sous le feu, mais aussi, l'accord lui-même cimente le partenariat de la France avec le Hezbollah, ainsi que d'autres investissements étrangers potentiels.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Hezbollah dit recourir à de nouvelles armes dans ses attaques contre Israël

Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
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  • Le Hezbollah, selon l'analyste militaire Khalil Helou, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars»
  • Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël

BEYROUTH, Liban : Le puissant Hezbollah libanais a eu recours ces dernières semaines à de nouvelles armes dans son conflit avec Israël, dont un drone capable de lancer des missiles avant d'exploser en attaquant ses cibles.

Depuis le début de la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas le 7 octobre, le Hezbollah armé et financé par l'Iran affirme attaquer des objectifs militaires principalement dans le nord d'Israël à partir du sud du Liban, où il est fortement implanté, pour soutenir le mouvement islamiste palestinien.

- Drones et missiles -

Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël.

Il a publié une vidéo montrant le drone volant vers un site où se trouvent des chars, avant de lancer deux missiles puis d'exploser contre sa cible.

C'est la première fois que le mouvement annonce l'utilisation d'une telle arme depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers.

L'armée israélienne a déclaré que trois soldats avaient été blessés dans l’explosion d'un drone à Metoulla.

Selon le Hezbollah, la charge explosive du drone pèse entre 25 et 30 kilos.

L'importance de cette arme, explique à l'AFP l'analyste militaire Khalil Helou, un général de brigade à la retraite, réside dans sa capacité à lancer l'attaque depuis l'intérieur du territoire israélien.

Le Hezbollah, selon lui, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars».

- Missiles iraniens -

Mercredi, le mouvement libanais a annoncé avoir lancé des «drones d'attaque» contre une base militaire proche de Tibériade dans le nord d'Israël, à environ 30 kilomètres de la frontière avec le Liban.

C'est la première fois selon des experts qu'il cible un objectif en profondeur du territoire israélien.

Ces dernières semaines, le Hezbollah a aussi annoncé avoir utilisé simultanément dans une seule attaque contre des sites ou des convois militaires israéliens, des drones explosifs et des missiles guidés.

Il a aussi eu recours à des «missiles guidés» et à des missiles iraniens de type Burkan, Almas et Jihad Moughniyé, du nom d'un commandant du Hezbollah tué par Israël en 2015 en Syrie.

Mais, dit M. Helou, le Hezbollah continue d'utiliser en premier lieu dans ses attaques, des missiles antichars Kornet, qui ont une portée entre 5 et 8 kilomètres.

Le missile antichars russe Konkurs fait également partie de son arsenal et peut échapper au système de défense antimissiles israélien Dôme de fer.

- «Guerre d'usure» -

Le Hezbollah, qui possède un énorme arsenal, a maintes fois annoncé disposer de plusieurs armes et missiles avancés capables d'atteindre Israël en profondeur.

Le 5 avril, son secrétaire général Hassan Nasrallah avait affirmé que le mouvement n'avait «pas encore employé ses principales armes» dans la bataille.

Depuis octobre 2023, le Hezbollah et Israël testent leurs méthodes d'attaque et leurs tactiques militaires, estiment des analystes.

Mais selon M. Helou, le mouvement libanais «ne veut pas élargir le cercle de la guerre. Il s'agit d'une guerre d'usure» dans laquelle il tente de pousser l'armée israélienne à mobiliser davantage de soldats à sa frontière nord et de la dissuader de «lancer une attaque d'envergure au Liban».

 


Israël: tiraillements au sommet de l'Etat sur fond de «bataille décisive» à Rafah

Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
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  • La bataille de Rafah à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique»
  • Faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu, avertissent les experts

JÉRUSALEM : Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la «bataille décisive» pour anéantir le mouvement palestinien Hamas.

En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.

Mais, la bataille à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique», s'opposant publiquement au Premier ministre qui peu avant avait écarté «toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza» avant que «le Hamas soit anéanti».

«Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement», a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahu de déclarer que ce ne sera pas le cas.

Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des Finances Bezalel Smotrich et de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême-droite, acteurs-clé de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de Gallant.

- «Prix à payer» -

«Avec les critiques de Gallant (...) des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien», estime sur X Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.

Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu.

«Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer», indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).

«Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout», abonde Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahu d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé fin mars qu'une «Autorité palestinienne redynamisée» pouvait jouer un rôle pour «créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza», territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.

Une idée balayée par M. Netanyahu, pour qui l'Autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de «soutenir» et «financer le terrorisme», n'est «certainement pas» une option pour diriger la bande de Gaza.

Pour Yoav Gallant, «le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux».

«C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël» car «l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire» d'Israël ces prochaines années et «le prix à payer serait un bain de sang (...) ainsi qu'un lourd coût économique», a-t-il estimé.

- Combats «acharnés» -

La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1.170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Et alors qu'Israël dit avoir entamé la «bataille décisive» de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire.

L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir «achevé le démantèlement de la structure militaire» du Hamas dans le nord. Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats «peut-être les plus acharnées» dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre.

Un signe que «l'anéantissement» du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche. Quant aux espoirs caressés d'une trêve négociée au Caire avec le Hamas, ils se sont évanouis avec le début des opérations dans Rafah.

L'accord de trêve «est dans une impasse totale» et «Israël fait semblant qu'il y a des progrès», explique Mme Zonszein. Les tiraillements au sommet de l'Etat, «plus les désaccords avec les Etats-Unis et le refus de l'Egypte de laisser passer de l'aide» depuis l'offensive israélienne à Rafah, «tout cela commence à faire beaucoup», ajoute-t-elle.

 


Des enfants parmi les victimes alors que les forces israéliennes intensifient leurs attaques contre le Hezbollah

Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
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  • Le Sud-Liban est confronté à une « escalade de la violence », déclare un vétéran de l'armée à Arab News
  • L'ambassade des Etats-Unis se joint aux appels à élire un nouveau président libanais pour « unir la nation »

BEYROUTH : Deux enfants d'une famille de réfugiés syriens ainsi qu’un combattant du Hezbollah ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes ayant touché une zone située à plus de 30 km à l'intérieur de la frontière sud du Liban.

Les frappes israéliennes ont ciblé les villages de Najjariyeh et Addousiyeh, tous deux situés au sud de la ville côtière de Saïda, tuant des enfants et un combattant du Hezbollah qui conduisait un camion pick-up au moment de la frappe.

En riposte à ces raids, le Hezbollah a lancé des dizaines de roquettes en direction de la Haute Galilée, la Galilée occidentale, du bassin de la Galilée et du Golan.

Les médias israéliens ont rapporté que 140 roquettes avaient été tirées vers le nord du pays.

CONTEXTE

Le Hezbollah a échangé des tirs transfrontaliers avec les forces israéliennes presque quotidiennement depuis l'attaque du Hamas au sud d'Israël, le 7 octobre,ce qui a déclenché la guerre à Gaza,depuis déjà  huit mois.

Les tensions entre les forces israéliennes et le Hezbollah ont atteint un niveau critique avec des attaques de drones menées en profondeur dans le territoire libanais et le nord d'Israël.

Le général à la retraite Khaled Hamadé de l'armée libanaise a mis en garde contre une « escalade vers des violences plus graves dans le sud du Liban ».

Le Hezbollah insiste pour conditionner un cessez-le-feu dans le sud du Liban à la fin des hostilités dans la bande de Gaza.

Contrairement à la situation dans la bande de Gaza, aucune initiative n'est prise pour arrêter les affrontements entre Israël et le Hezbollah, selon Hamadé.

Dans un communiqué, le Hezbollah a revendiqué avoir visé la base logistique Tsnobar d'Israël dans le Golan avec 50 roquettes Katyusha en réponse à la frappe sur Najjarieh.

Selon les médias israéliens, des salves de roquettes ont visé des bases militaires à Katzrin et des zones au nord du lac de Tibériade.

Deux personnes ont été blessées dans des explosions de roquettes à Karam bin Zamra dans la Haute Galilée, ont ajouté les médias.

Les caméras de surveillance à Najjarieh ont capturé un drone israélien suivant un camion pick-up alors que le conducteur, nommé Hussein Khodor Mehdi, tentait de s’enfuir.

Le premier missile lancé par le drone a raté sa cible, mais un second a frappé le camion, le mettant en feu et tuant son conducteur. Trois passants ont également été blessés.

Le Hezbollah a déclaré que Mehdi, 62 ans, était un « martyr sur la route de Jérusalem ».

La radio de l'armée israélienne a affirmé que la victime était un commandant de haut rang dans l'armée de l'air du Hezbollah et que les chasseurs de l'armée avaient visé des infrastructures du Hezbollah à Najjarieh.

La deuxième frappe aérienne a touché une salle de congrès et une usine de ciment, blessant plusieurs membres d'une famille de réfugiés syriens. Deux enfants, Osama et Hani Al-Khaled, sont décédés des suites de leurs blessures.

Le Hezbollah a revendiqué avoir visé le site militaire d'Al-Raheb avec l'artillerie et les positions israéliennes à Al-Zaoura avec une salve de roquettes Katioucha.

Selon une source sécuritaire, les dernières cibles du Hezbollah comprenaient des ballons de surveillance près de Tibériade et à Adamit en Galilée.

Tôt vendredi, le Hezbollah a attaqué le nouveau quartier général du 411e Bataillon d'Artillerie au Kibboutz Jaatoun, à l'est de Nahariyya, à l’aide de drones en réponse à la mort de deux combattants du Hezbollah, Ali Fawzi Ayoub, 26 ans, et Mohammed Hassan Ali Fares, 34 ans, la veille.

Dans son sermon du vendredi, cheikh Mohammed Yazbek, chef du Conseil de la charia du Hezbollah, a déclaré que le groupe menait « sa guerre féroce dans le nord de la Palestine, pourchassant l'ennemi, aveuglant ses opérations d'espionnage et franchissant les lignes rouges, tout en traquant ses soldats dans leurs cachettes jusqu'à ce que la guerre à Gaza prenne fin ».

L'ambassade des États-Unis au Liban a lancé une mise en garde concernant le conflit à la frontière sud et la vacance présidentielle dans le pays.

L'élection d'un président est cruciale pour garantir la participation du Liban aux discussions régionales et aux futurs accords diplomatiques concernant sa frontière méridionale, a souligné l'ambassade.

Le Liban « a besoin et mérite un président capable d’unir la nation, de donner la priorité au bien-être de ses citoyens et de former une coalition large et inclusive pour restaurer la stabilité politique et mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires », a ajouté le communiqué.

Les ambassadeurs d'Égypte, de France, du Qatar, d'Arabie saoudite et des États-Unis au Liban ont publié cette semaine une déclaration mettant en garde contre « la situation critique à laquelle est confronté le peuple libanais et les répercussions difficiles à gérer sur l'économie et la stabilité sociale du Liban en raison du retard pris dans la mise en œuvre des réformes nécessaires ».