Dans les coulisses de Paranormal, la nouvelle série arabe de Netflix

La série Paranormal est diffusée sur Netflix. (Photo fournie)
La série Paranormal est diffusée sur Netflix. (Photo fournie)
Short Url
Publié le Lundi 09 novembre 2020

Dans les coulisses de Paranormal, la nouvelle série arabe de Netflix

  • Écrit par le célèbre écrivain égyptien Ahmed Khaled Tawfik, l’ouvrage faisait partie d’une série de 81 livres intitulée «Ma Wara'a Al Tabiei» et racontait l'histoire d'un hématologue malchanceux, le Dr Refaat Ismaeil
  • Pour le rôle principal de Refaat Ismaeil, Salama a choisi le comédien égyptien Ahmed Amin, connu pour ses vidéos virales et sa série télévisée primée Al Plateau

DUBAÏ: En 1993, le cinéaste égyptien Amr Salama n'avait que 11 ans. Pour la première fois de sa vie, il a décidé de lire un livre pour s'amuser. Écrit par le célèbre écrivain égyptien Ahmed Khaled Tawfik, l’ouvrage faisait partie d’une série de 81 livres intitulée «Ma Wara'a Al Tabiei» et racontait l'histoire d'un hématologue malchanceux, le Dr Refaat Ismaeil, et ses interactions avec le monde du surnaturel. La vie d’Amr Salama ne sera plus jamais la même. 

Les ouvrages de Tawfik ont permis à Amr Salama de se découvrir une passion pour les contes, et c'est un auteur qu'il n'a pas oublié. Devenu lui-même un célèbre conteur d'histoires qui a réalisé des films comme Asmaa (2011) et Sheikh Jackson (2017), Amr Salama a décidé de porter cette série de livres précieux au petit écran. Il a travaillé d'arrache-pied en coulisses pour donner vie à Paranormal, nom donné à cette série en anglais.

«J’étais quasiment seul à porter tout le projet, raconte Salama à Arab News. J'ai contacté le Dr Tawfik et il m'a accordé les droits. J'ai essayé alors de convaincre différents réseaux et acheteurs de financer le programme.»

Q
Paranormal est réalisé par le cinéaste égyptien Amr Salama. (Fourni)

En coopération avec son partenaire de production et fondateur de Film Clinic, Mohammed Hefzy, Amr Salama a proposé l'idée à Netflix qui souhaitait à l'époque se lancer dans la production de contenus originaux dans le monde arabe. Tous deux voulaient faire les choses comme il se doit et réaliser une série de niveau international avec le budget que méritait le travail de Tawfik. Netflix a donné son accord, et, au terme de deux ans de travail, Paranormal est devenu une réalité.

«Il fallait faire de cette formidable série de livres un feuilleton télévisé, mais nous ignorions comment procéder. Le marché n'était pas disposé à accueillir une telle production», explique M. Hefzy. «Avec Netflix, le rêve se réalisait. Le voyage a été long, mais cela valait la peine d'attendre, car nous avons appris beaucoup de choses. Ce projet était impossible à réaliser plus tôt… Il est impossible de réaliser une série de cette ampleur, en termes de production, de défis et de risques. Aucun diffuseur ou service de streaming arabe n'aurait pris le risque de réaliser une série de cette ampleur, avec un budget et un genre encore jamais testé dans les séries arabes et égyptiennes.»

Au lieu d'essayer de mettre la série dans un cadre moderne, Amr Salama et son équipe ont minutieusement recréé le Caire des années 1960 –reconstituant tout: de la mode au langage contemporain, en passant par les rues elles-mêmes.

Q
Amr Salama et le coproducteur et fondateur de Film Clinic, Mohammed Hefzy, ont proposé l'idée à Netflix. (Fourni)

«Je voulais créer un plan visuel et une ambiance particulière. C'était un travail très intense, et je faisais très attention aux détails», explique M. Salama. «Chaque équipe a fourni un effort considérable. Le Caire est une ville très dynamique qui semble changer tous les mois. Pour 90 % d’entre eux, les accessoires utilisés dans Paranormal ont été créés par Ali Hossam Ali, le designer de la production. De plus, nous avons passé pas mal de temps à regarder des films des années 1960 pour pouvoir retranscrire leur façon de parler, de se saluer ou de se dire bonsoir. Parfois un seul mot peut faire la différence. C'était un véritable voyage, mais nous avons pu réaliser tout ce que nous avions prévu.»

M. Salama a également fait appel au cinéaste émirati Majid al-Ansari, directeur du film salué par la critique Zinzana (2015, «Rattle the Cage»). Tous deux ont partagé le travail derrière les caméras.

«J'ai eu la chance de rencontrer Majid al-Ansari. J'avais déjà regardé le film Zinzana, et, lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, nous avons découvert que nous partagions les mêmes goûts cinématographiques. C'était un partenariat idéal. Majid s'attendait à une culture différente lorsqu'il est arrivé en Égypte, mais il s'est adapté en quelques jours. C'était une expérience incroyable. C'est un homme extraordinaire. Sur le plan artistique, il a beaucoup apporté au projet», raconte Amr Salama.

Q
Pour le rôle principal de Refaat Ismaeil, Amr Salama a fait appel à l'acteur comique égyptien Ahmed Amin. (Fournie)

Il a été difficile de décider de la manière de présenter les livres appréciés de Tawfik non seulement aux fans, mais aussi à de nouvelles audiences à travers le monde. Même le choix parmi les 81 livres a été une tâche difficile. Amr Salama a préféré ne pas essayer de satisfaire tout le monde, mais plutôt de combler les attentes du seul fan auquel il essaie de plaire depuis longtemps: le garçon de 11 ans qui s'est épris du monde de Tawfik.

«La grande variable était mon attachement à certaines histoires, dont celles que j’ai toujours en mémoire», explique M. Salama. «Nous espérons que cette série touchera les gens du monde entier. Nous avons donc choisi des histoires qui sont typiquement égyptiennes et qui sont liées à notre culture. Elles sont sans doute plus difficiles à réaliser, mais nous y sommes parvenus. En fin de compte, les romans sont là et on peut les lire. Je leur apporte ma vision personnelle en tant que producteur, réalisateur et artiste. Cette traduction peut plaire aux uns mais pas aux autres. Voilà pourquoi il faut rester très fidèle à sa propre vision.»

Pour le rôle principal de Refaat Ismaeil, Salama a choisi le comédien égyptien Ahmed Amin, connu pour ses vidéos virales et sa série télévisée primée Al Plateau. Pour Ahmed Amin, Paranormal représente un pas dans une tout autre direction. Il rêvait pourtant de jouer ce personnage depuis qu'il était enfant. Il a mis toute son énergie pour réussir à l'interpréter.

Q
Salama et son équipe ont minutieusement reconstruit le Caire des années 1960. Ils ont reproduit tous les éléments : la mode, le langage contemporain et même les rues. (Fournie)

«Depuis l’âge de 13 ans, je suis fasciné par ce personnage», raconte Ahmed Amin à Arab News. «La chose la plus “paranormale” qui me soit arrivée, c'est que j'ai réussi à l'incarner à l'âge de 40 ans. Je me sens responsable envers les lecteurs et le public de Netflix, ainsi qu'envers l'ouvrage lui-même.»

Pour Razanne Jammal, actrice britanno-libanaise qui joue le rôle de Maggie Mckillop – la camarade de classe d'Ismail devenue une collègue dont il est amoureux – les efforts que tous ont déployés ont porté leurs fruits et se sont traduits par l'expérience la plus enrichissante de sa carrière.

«Je n'ai jamais travaillé de ma vie sur un plateau aussi harmonieux. Il y avait autant de femmes que d'hommes, l'esprit était particulièrement coopératif. Tout le monde se soutenait, et tout le monde était si passionné.  Pour nous, c'était important que notre travail acharné passe à l'écran», explique-t-elle.

Tawfik est décédé en 2018 à l'âge de 55 ans. Cependant, les acteurs et l'équipe de Paranormal – dont certains sont ses plus grands fans – ont fait de leur mieux pour rendre justice à son héritage. Aujourd'hui, alors que la série est lancée sur Netflix, les spectateurs du monde entier vont enfin découvrir le monde qu'il a conçu.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël en finale de l'Eurovision malgré les critiques

A l'intérieur de la salle, l'Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute le concours, a comme à l'accoutumée interdit tout drapeau autre que ceux des participants et toute bannière à message politique. (AFP).
A l'intérieur de la salle, l'Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute le concours, a comme à l'accoutumée interdit tout drapeau autre que ceux des participants et toute bannière à message politique. (AFP).
Short Url
  • Israël participe depuis 1973 à l'Eurovision, qu'il a remporté pour la quatrième fois en 2018
  • Vendredi, le pays faisait figure de deuxième favori pour la victoire finale derrière la Croatie et devant la Suisse, selon le comparateur de sites de paris en ligne Oddschecker.com

MALMO: Israël s'est qualifié pour la finale samedi de l'Eurovision de la chanson à Malmö, en Suède, où des milliers de personnes ont manifesté contre sa participation à ce concours en raison de la guerre à Gaza.

La jeune artiste Eden Golan a décroché son ticket jeudi soir avec la chanson "Hurricane", dont la version initiale avait dû être modifiée car elle faisait allusion à l'attaque du groupe islamiste Hamas qui a ensanglanté Israël le 7 octobre.

Israël intègre ainsi le groupe de 26 pays qui s'affronteront samedi pour succéder à la Suède comme lauréate de cette compétition suivie par plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs chaque année.

"Je suis si reconnaissante à tous ceux qui ont voté pour nous et qui nous ont soutenus", a déclaré l'Israélienne âgée de 20 ans. "C'est vraiment un honneur d'être ici, sur scène, de jouer et de montrer notre voix, de nous présenter avec fierté", a-t-elle souligné.

Israël participe depuis 1973 à l'Eurovision, qu'il a remporté pour la quatrième fois en 2018.

Vendredi, le pays faisait figure de deuxième favori pour la victoire finale derrière la Croatie et devant la Suisse, selon le comparateur de sites de paris en ligne Oddschecker.com.

Avant la demi-finale, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait déclaré que la candidate de son pays avait "déjà gagné".

"Non seulement vous participez fièrement et de manière admirable à l'Eurovision, mais vous affrontez avec succès une horrible vague d'antisémitisme", a-t-il dit dans un message vidéo adressé à la chanteuse.

Sécurité renforcée 

Près de 12.000 personnes ont manifesté jeudi dans la ville hôte contre la participation d'Israël, exprimant leur indignation face à la guerre à Gaza. Un nouveau rassemblement est prévu samedi.

"Cette année on boycotte complétement", a confié Cecilia Brudell, 31 ans, dans la foule où figurait aussi la militante pour le climat Greta Thunberg.

"Hurricane" a toutefois été interprété sans accroc ni interruption jeudi soir par Eden Golan devant les 9.000 spectateurs de la Malmö Arena, exaltés par la compétition.

A l'intérieur de la salle, l'Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute le concours, a comme à l'accoutumée interdit tout drapeau autre que ceux des participants et toute bannière à message politique.

La sécurité a par ailleurs été renforcée tant dans la Malmö Arena que dans le reste de cette ville du sud de la Suède, où vit la plus importante communauté d'origine palestinienne du pays et où les drapeaux palestiniens côtoient les fanions aux couleurs acidulées.

"L'UER prend toutes les précautions nécessaires pour faire de ce lieu un endroit sûr et uni pour tous", s'est félicité après la demi-finale Eden Golan, qui a fait l'objet de menaces sur les réseaux sociaux.

La neutralité du télé-crochet avait été bousculée mardi lors de la première demi-finale par le chanteur suédois Eric Saade, qui portait un keffieh palestinien autour du bras.

Un geste regretté par l'UER et par la télévision publique suédoise SVT, qui revendiquent le caractère apolitique de ce rendez-vous populaire.

Appels au boycott 

L'an dernier, l'UER avait interdit au président ukrainien Volodymyr Zelensky de s'exprimer lors du concours.

Cette année, le conflit en Ukraine a été éclipsé par la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre quand des commandos du Hamas ont mené une attaque contre Israël qui a fait plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.

En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive à Gaza, qui a fait jusqu'à présent 34.904 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

"Il doit y avoir des manifestations, les gens doivent exprimer leurs opinions, les gens doivent boycotter", a déclaré Magnus Børmark, candidat pour la Norvège avec son groupe Gåte, qui, comme huit autres participants ont publiquement appelé à un cessez-le-feu durable.

Les représentants de certains pays avaient envisagé de boycotter le concours pour protester contre la présence d'Israël, mais n'ont finalement pas donné suite.

100.000 visiteurs attendus 

Des renforts policiers sont venus de toute la Suède mais aussi du Danemark et de la Norvège pour sécuriser le concours.

Alors que la Suède a relevé l'an dernier son niveau d'alerte après des actes de profanation du Coran, "il n'y a pas de menace dirigée contre l'Eurovision", a assuré Jimmy Modin, un porte-parole de la police.

Pour les fans -- la ville attend jusqu'à 100.000 visiteurs samedi --, "c'est ce qui est sur scène qui est important: les contributions, les artistes et la musique, et non la politique", estime le professeur d'histoire des idées Andreas Önnerfors, spécialiste de l'Eurovision.

Presque septuagénaire, ce concours qui a été suivi en 2023 par 162 millions de téléspectateurs est "une démonstration de la tolérance européenne que l'on ne trouve pas sous d'autres formes ni dans d'autres lieux", souligne-t-il.

Au sein de la communauté juive de Malmö, certains comptent toutefois quitter la ville pour le week-end.

"Avec l'Eurovision, il y a comme une intensification. Le sentiment d'insécurité s'est accru après le 7 octobre, de nombreux juifs sont inquiets", a expliqué un porte-parole, Fredrik Sieradzki.

D'après lui, les nombreuses manifestations propalestiniennes n'ont toutefois pas donné lieu à des appels visant les juifs de la ville.

La sécurité autour de la synagogue a tout de même été renforcée et jeudi un rassemblement pro-israélien a été entouré par des policiers lourdement armés.


La disparition d’une femme est le thème de départ de la nouvelle pièce de Betty Taoutel dans « Mono Pause »

« Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », explique Betty Taoutel (Photo: fournie)
« Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », explique Betty Taoutel (Photo: fournie)
Short Url
  • L’histoire d’une femme qui traverse un chamboulement intérieur, exacerbé par tout ce qu’elle a vécu ces dernières années au Liban
  • Une pièce qui raconte la rencontre de deux personnes, l’une en quête de solitude et l’autre fuyant la solitude

DUBAÏ : Pour son retour au théâtre après quatre ans d’absence, l’auteure-metteuse en scène et comédienne Betty Taoutel, fait bien des mystères. « C’est l’histoire de la disparition volontaire d’une femme. Les événements se déroulent dans une maison de la montagne libanaise », raconte Betty. 

« Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », explique la dramaturge qui, dès août 2023, va s’atteler à l’écriture de Mono Pause.

L’histoire d’une femme (qu’elle interprète elle-même) qui traverse un chamboulement intérieur, exacerbé par tout ce qu’elle a vécu ces dernières années au Liban et qui décide volontairement de disparaître pour prendre une pause. Partie se réfugier dans une maison de montagne, elle y croisera en chemin un homme. Un personnage que Taoutel, qui écrit toujours des rôles spécifiques pour ses acteurs, a spécialement concocté pour son ami le professeur Jacques Mokhbat, spécialiste des maladies infectieuses et comédien à ses heures perdues.

--
Partie se réfugier dans une maison de montagne, elle y croisera en chemin un homme. Un personnage que Taoutel a concocté pour son ami le professeur Jacques Mokhbat. (Photo : fournie)

« Il m’avait contactée quelques mois plus tôt et m’avait fait part de sa lassitude de baigner dans ce tourbillon de virus et de pandémie. Et de son envie de prendre congé de la médecine en remontant sur les planches d’un théâtre. Son désir de jouer a été l’un des facteurs déclencheurs de cette pièce qui, sans évoquer directement les événements traversés, dépeint leurs conséquences sur nos vies, nos caractères et notre seuil de tolérance », signale l’auteure, qui a également signé la mise en scène de Mono Pause.

--
"Mono Pause" : la nouvelle pièce de Betty Taoutel. (Photo: fournie)

Une pièce qui, à travers ce duo d’acteurs sur scène, « accompagnés des voix off de cinq autres personnages », raconte aussi la rencontre de deux personnes, « l’une en quête de solitude et l’autre fuyant la solitude », consent-elle à dévoiler.


«Juste un défi»: une artiste peint avec ses mains et ses pieds dix tableaux simultanément

L'artiste néerlandais Rajacenna van Dam peint dix tableaux à la fois avec ses mains et ses pieds, en direct dans un musée à Vlaardingen, le 3 mai 2024 (Photo, AFP).
L'artiste néerlandais Rajacenna van Dam peint dix tableaux à la fois avec ses mains et ses pieds, en direct dans un musée à Vlaardingen, le 3 mai 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Un astronaute, un autoportrait, un panda avec des lunettes et sept autres peintures, posées à l'envers par terre, sur une table et sur deux chevalets, voient le jour sous les coups de brosse de la jeune femme
  • C'est parti d'une blague, un défi pour contrer l'ennui mais aujourd'hui, c'est du sérieux

VLAARDINGEN, Pays-Bas:  Armée de deux pinceaux entre les orteils et deux autres dans les mains, une concentration extrême dessinée sur son visage, Rajacenna van Dam, artiste néerlandaise de 31 ans, peint simultanément dix tableaux dans un musée aux Pays-Bas.

Un astronaute, un autoportrait, un panda avec des lunettes et sept autres peintures, posées à l'envers par terre, sur une table et sur deux chevalets, voient le jour sous les coups de brosse de la jeune femme aux cheveux bouclés.

C'est parti d'une blague, un défi pour contrer l'ennui mais aujourd'hui, c'est du sérieux : les bras et les jambes tendus, un coup de pinceau par ci, un coup de pinceau par là, Rajacenna, son nom d'artiste, est une perfectionniste et a planifié tous ses gestes en amont dans sa tête.

"Je travaille un peu sur un tableau, puis je reviens à un autre tableau, donc je déplace constamment ma concentration entre tous les tableaux", explique auprès de l'AFP Rajacenna, gauchère d'origine.

"Il y a cinq ans, j'ai commencé à peindre à deux mains, pour le défi et pour aller plus vite, et j'ai découvert que j'étais ambidextre", se souvient-elle.

Et un jour, un journaliste demande en plaisantant si elle peut aussi peindre avec les pieds.

Elle essaie, "pour le fun". Après des mésaventures avec du scotch entre les orteils, elle essaie de la pâte à modeler pour coincer le pinceau. Elle finit par y arriver, poste une vidéo sur internet qui devient virale et les commandes commencent à tomber.

La différence entre les tableaux peints à la main et ceux au pied n'est pas visible. A part pour elle.

"Je vois vraiment une grande différence car c'est un peu moins précis", dit-elle, invitée pour cette performance par un musée dans sa ville natale, Vlaardingen, dans le sud des Pays-Bas.

«Extraordinaire»

"Je m'ennuie assez vite, donc j’aime me mettre au défi, et faire tout ça en même temps provoque en moi une sorte de sensation de méditation, ce qui me calme beaucoup", raconte l'artiste, qui adorait déjà dessiner étant enfant.

Elle délaisse l'activité durant la puberté puis à 16 ans, un dessinateur de rue en Italie ravive la passion en elle. Aujourd'hui, ses vidéos en ligne ont des millions de vues, notamment celles où on la voit peindre avec ses mains et ses pieds plusieurs tableaux en même temps.

A sa connaissance, elle est la seule à faire ça. "Mais j'espère que les gens seront inspirés à faire plus de choses, ou de se mettre au défi un peu plus, comme dessiner avec les pieds", dit l'artiste, dont les tableaux partent pour des sommes entre 6.000 et 12.000 euros, selon son père, Jaco van Dam.

Elle a été remarquée par des célébrités telles que le chanteur Justin Bieber, qui a qualifié son travail d'"incroyable" lorsqu'elle lui a présenté un portrait de lui-même.

"C'est aussi très spécial pour nous en tant que parents, elle nous surprend aussi et je ne comprends pas non plus comment elle fait", déclare le père de Rajacenna auprès de l'AFP.

Au mur du musée trône un portrait d'Einstein peint par la jeune artiste. Un clin d'oeil à une étude dont fait l'objet son cerveau menée par le neuroscientifique turco-allemand Onur Güntürkün, selon lequel la jeune femme "est capable de choses que les neurosciences jugent impossible".

"Un scanner cérébral a déjà révélé auparavant que ses hémisphères cérébraux droit et gauche sont trois fois plus connectés que la moyenne", affirme Jaco van Dam auprès de l'AFP.

De quoi impressionner le commun des mortels qui déambule dans le musée, comme ce couple de retraités.

"C'est extraordinaire que quelqu'un soit capable de faire ça", s'exclame Anton van Weelden, 75 ans.

"Et en plus, les tableaux sont très beaux et réalistes", dit-il, avouant qu'il s'emmêlerait les pinceaux s'il venait à s'aventurer sur ce terrain-là. "Je n'arriverais même pas à peindre comme ça avec ma main droite".