Bakhmout, là où les troupes russes avancent encore

Les soldats ukrainiens contrôlent toujours la moitié ouest et nord de la ville (Photo, AFP).
Les soldats ukrainiens contrôlent toujours la moitié ouest et nord de la ville (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 19 octobre 2022

Bakhmout, là où les troupes russes avancent encore

  • Dans Bakhmout, il n'y a plus d'eau ni de gaz et l'électricité a été coupée il y a dix jours pour de bon
  • Le réseau téléphonique, par miracle, tient encore

BAKHMOUT: La journée, une pluie rituelle d'obus, et la nuit, un face à face de plus en plus rapproché qui rend fous certains soldats. Sur le front est de l'Ukraine, Bakhmout est l'une des dernières villes où les forces russes, ailleurs en repli, progressent encore.

La petite ville (70 000 habitants avant la guerre) réverbère depuis toutes les collines autour, le bruit régulier des obus, des frappes entrantes et sortantes.

Alors que partout l'armée russe est sur un mouvement de repli, Bakhmout est devenue, selon le président ukrainien Zelensky, le point le "plus difficile" pour les forces ukrainiennes, qui restent sur ce secteur en position défensive.

Les soldats ukrainiens contrôlent toujours la moitié ouest et nord de la ville, ont constaté samedi des journalistes de l'AFP.

Dans le centre, une ligne de démarcation, marquée par des croisillons de fer et des blocs de béton, a été érigée. A partir de là, c'est le "point zéro", la ligne de front ukrainienne et plus personne ne passe.

Derrière, dans le reste de l'agglomération et à sa sortie, c'est la "zone grise", où les combattants russes ou leurs soutiens mènent l'offensive.

Les forces séparatistes de la région de Donetsk, soutenues par la Russie et à la manoeuvre dans cette bataille, ont fait un bond à l'est et au sud, profitant de la proximité de leur base arrière avec la ville de Donetsk à 100 km.

Jeudi, elles ont annoncé avoir pris les deux faubourgs voisins, Opytine et Ivangrad.

18h00: premiers commandos

Depuis, les craintes d'une infiltration des forces russes dans la partie est de la ville, y compris de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner, selon une note du renseignement britannique, sont renforcées.

Et la bataille, selon les combattants ukrainiens interrogés par l'AFP, a viré en face à face rapproché avec ces milices supplétives.

"Ils (les troupes ennemies) commencent quand il fait sombre, vers 18h00 ils envoient des premiers commandos de reconnaissance", explique Anton, dit "Poliak", soldat ukrainien de 50 ans de la 93e brigade, de retour du front après une blessure légère et un état d'épuisement.

Mais ces soldats, qu'il appelle avec amertume "à usage unique", sont des recrues sans expérience, assure-t-il, "qu'ils envoient sous nos balles" pour "faire diversion", pendant que les commandos de sabotage russes, décrits comme plus expérimentés, manœuvrent plus loin.

"D'ici 5h00 du matin, on a sept ou huit attaques (de diversion) comme celles-là", explique-t-il.

Après quatre nuit et quatre jours, sans dormir, "Poliak", chauffeur de poids-lourd dans sa vie d'avant, reconnait avec la tension et la fatigue avoir eu des "hallucinations".

Une nuit, son unité a ouvert le feu, croyant déceler un commando russe dans la lunette de vision nocturne. Au petit matin, ils ont compris qu'ils avaient tiré sur des buches de bois. Depuis, le groupe parti dans la tranchée à 13 hommes, et revenu à 11, dont 5 blessés, a été mis au repos.

«J'erre»

Dans le centre encore sous contrôle ukrainien, après deux mois de combats actifs, chaque bâtiment, quand il tient encore debout, porte un stigmate: des vitres cassées, une toiture arrachée par une explosion.

Les civils vivent dans leurs caves, défient les bombardements pour se procurer de quoi manger, boire, se chauffer, charger un téléphone sur un générateur collectif ou s'aérer quelques minutes.

Dans Bakhmout, il n'y a plus d'eau ni de gaz et l'électricité a été coupée il y a dix jours pour de bon. Le réseau téléphonique, par miracle, tient encore. Un marché, avec quelques denrées disposées sur des planches de bois, permet aussi de s'approvisionner.

Une vieille femme de 80 ans, tenant un tuyau pour bricoler son poêle à bois, est postée dans la rue en état de choc.

"On ne peut même plus enterrer les gens!", se lamente-t-elle.

"Ma sœur est sous les débris (après une frappe) depuis la nuit du 12 au 13 octobre. Personne ne peut venir la récupérer. J'erre. Je ne sais pas où aller", explique cette ancienne apicultrice.

"Mes abeilles sont quelque part dans la forêt, livrées à elles-même. Nous aussi nous sommes livrées à nous-mêmes", conclue-t-elle en explosant en sanglots.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"