Combattre la hausse des cas de harcèlement sexuel en Irak

En Irak, des enfants sont victimes d’agressions sexuelles et sont même blâmés pour cela (Photo, AFP).
En Irak, des enfants sont victimes d’agressions sexuelles et sont même blâmés pour cela (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 25 octobre 2022

Combattre la hausse des cas de harcèlement sexuel en Irak

Combattre la hausse des cas de harcèlement sexuel en Irak
  • Une enquête récente menée par une organisation de défense des droits des femmes a montré que 38,8% des femmes en Irak avaient été victimes de harcèlement sexuel physique
  • Ces incidents ont été signalés par des femmes harcelées sur les marchés, dans les transports en commun, dans la rue ou sur leur lieu de travail

En Irak, les histoires de femmes et de filles victimes de harcèlement sexuel sont devenues courantes et fréquentes, le plus souvent sans que l'accusé n’ait à répondre de ses actes. Le harcèlement sexuel est devenu un phénomène courant dans la société irakienne. Personne ne peut imaginer qu'en Irak, de petites filles et de petits garçons sont agressés sexuellement et même blâmés pour cela.

À la base, la majorité des gens pense que rien ne peut mieux protéger une femme contre les préjudices et le harcèlement que le port du hijab, qui refléterait sa chasteté et sa pureté – à cela s’ajoute la méconnaissance de la classification correcte du harcèlement sexuel et des abus sexuels.

À l'échelle internationale, le harcèlement sexuel comprend les avances sexuelles indésirables, les demandes de faveurs sexuelles et tout autre harcèlement verbal de nature sexuelle. En comparaison, l'abus sexuel désigne un comportement sexuel ou un acte sexuel imposé à une personne sans son consentement.

Selon une étude publiée par l’auteur irakienne Balsam Mustafa ainsi que Ban Layla, les familles irakiennes donnent à leurs fils l'autorité et le droit d'imposer des restrictions et un contrôle sur la vie, les choix et les décisions personnelles de leurs sœurs. «Au contraire, les filles sont élevées pour se soumettre à l'autorité masculine tout en les tenant responsables de se protéger en se couvrant et en se dissociant pour ne pas tomber dans la honte, le péché et l'interdit. Sinon, elles devront faire face à de terribles conséquences», peut-ont lire dans l’étude.

Une enquête récente menée par une organisation de défense des droits des femmes a montré que 38,8% des femmes en Irak avaient été victimes de harcèlement sexuel physique et 30,6% harcèlement verbal. Un peu moins de 15% avaient été exposées à un harcèlement sexuel sous-jacent, comme des commentaires sexuels importuns, des blagues et des insinuations.

Ces incidents ont été signalés par des femmes harcelées sur les marchés, dans les transports en commun, dans la rue ou sur leur lieu de travail, que ce soit dans le secteur public ou privé.

Les femmes en Irak sont non seulement victimes de leurs harceleurs, mais aussi de la société. Blâmer les victimes et les tenir responsables de ce qu'elles ont vécu en raison de leur tenue vestimentaire ou de leur profession est un crime en soi.

Le nombre de plaintes est faible en raison de la peur des femmes de voir leur réputation entachée ou d'être licenciées de leur travail

Dalia al-Aqidi

Les femmes portant un hijab ou une abaya traditionnelle ont également subi leur lot d'agressions, ce qui prouve que la théorie selon laquelle seules les femmes non couvertes sont victimes de harcèlement sexuel est erronée. Une vidéo qui a circulé sur les plates-formes de réseaux sociaux irakiennes la semaine dernière montrait une femme portant une abaya harcelée physiquement par un cheikh âgé dans un marché public.

L'avocat irakien Mohammed Jumaa m'a confié que le nombre de plaintes pour harcèlement sexuel était faible en raison de la peur des femmes de voir leur réputation entachée ou d'être licenciées de leur travail. «Des femmes et des filles sont tuées parce qu'elles ont été agressées sexuellement, victimes de chantage ou de menaces. Pour certaines familles, il s’agit d’un déshonneur qui devrait être enterrée. Par ailleurs, des femmes victimes se sont suicidées, et personne n’a cherché à en connaître la raison ou à rechercher le coupable», a-t-il affirmé.

Même certains journalistes et militants en Irak ne sont pas assez décents pour défendre les femmes contre ce crime odieux. Lorsqu'une jeune femme a mis en ligne une vidéo de son harceleur, un journaliste inexpérimenté a accusé la victime de commettre un crime en dénonçant l’homme. Il l'a décrite comme une «femme d’expérience», une insulte selon les normes irakiennes. Une avocate invitée à son émission de télévision était d'accord avec lui, affirmant que la femme devrait avoir honte d'avoir filmé l'homme alors qu'il s'exhibait devant elle dans un bus public.

Une autre activiste et journaliste a indiqué dans une interview télévisée que des hommes étaient les victimes de ces femmes. «Nous vivons dans une société fermée du Moyen-Orient; malheureusement, nous voyons ici une émulation de la culture occidentale, notamment chez les filles de moins de 20 ans, qui portent des vêtements inappropriés. Notre expérience d'ouverture et de liberté est toute récente», a-t-elle précisé.

Il semble que cette soi-disant activiste, ainsi que de nombreuses autres personnes partageant les mêmes idées, aient oublié l'histoire moderne de leur pays et le rôle essentiel des femmes dans la société irakienne.

L'avocate irakienne Zakia Ismail Hakki a été la première femme juge au Moyen-Orient quand elle a été nommée à ce poste en 1959. La même année, l'Irak est devenu le premier pays arabe à nommer une femme ministre au gouvernement, lorsque Naziha al-Dulaimi a été nommée ministre des Municipalités.

L'Irak était également le seul pays de toute la région à cette époque à promulguer une loi garantissant un statut personnel équitable pour les femmes. La loi n° 188 de 1959 limite la polygamie, fixe l'âge minimum du mariage à 18 ans, égalise l'héritage pour les deux sexes et donne aux femmes le droit de demander le divorce.

Un pays doté des femmes ayant un tel niveau d’instruction et une histoire aussi profonde que l’Irak ne devrait pas toucher le fond en 2022, en permettant aux hommes de harceler librement les femmes sans conséquences graves, qu’il s’agisse de fonctionnaires corrompus ou de l'homme ordinaire dans la rue.

 

• Dalia al-Aqidi est Chercheure Principale au Center for Security Policy.
Twitter: @DaliaAlAqidi
 

Clause de non-responsabilité: les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com