Elon Musk a pris le contrôle de Twitter et licencié des dirigeants

Elon Musk est finalement allé au bout: l'extravagant entrepreneur, qui cherche déjà à sauver l'humanité avec des voitures électriques, des fusées, des tunnels et des implants cérébraux, a pris jeudi le contrôle de Twitter. (AFP)
Elon Musk est finalement allé au bout: l'extravagant entrepreneur, qui cherche déjà à sauver l'humanité avec des voitures électriques, des fusées, des tunnels et des implants cérébraux, a pris jeudi le contrôle de Twitter. (AFP)
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Publié le Vendredi 28 octobre 2022

Elon Musk a pris le contrôle de Twitter et licencié des dirigeants

  • Après des mois d'une saga à rebondissements, le nouveau patron a immédiatement licencié le patron Parag Agrawal et deux autres dirigeants
  • Au début du mois, à quelques jours de l'ouverture d'un procès que Twitter semblait bien parti pour gagner, Elon Musk a finalement proposé de conclure la transaction au prix initialement convenu

SAN FRANCISCO: "L'oiseau est libéré", a tweeté Elon Musk jeudi soir, après avoir acheté le réseau social à l'oiseau bleu pour 44 milliards de dollars, ouvrant un nouveau chapitre incertain pour la plateforme au coeur de la vie politique et médiatique des Etats-Unis et de nombreux pays.

Après des mois d'une saga à rebondissements, le nouveau patron a immédiatement licencié le patron Parag Agrawal et deux autres dirigeants, le directeur financier Ned Segal et la responsable des affaires juridiques Vijaya Gadde, selon des sources anonymes de la chaîne CNBC et du Washington Post.

Twitter n'a pas répondu à une sollicitation de l'AFP dans l'immédiat.

Elon Musk avait jusqu'à vendredi pour conclure l'acquisition du réseau social, faute de quoi un procès aurait eu lieu en novembre.

Elon Musk, entrepreneur baroque, visionnaire et insaisissable

Elon Musk est finalement allé au bout: l'extravagant entrepreneur, qui cherche déjà à sauver l'humanité avec des voitures électriques, des fusées, des tunnels et des implants cérébraux, a pris jeudi le contrôle de Twitter.

Né en Afrique du Sud, citoyen américain et canadien, dirigeant de SpaceX et Tesla, l'homme le plus riche du monde est devenu une figure centrale du néo-capitalisme américain avec ses ambitions extra-planétaires et ses idéaux politiques, qu'il partage avec ses 110 millions d'abonnés sur Twitter.

Après des mois de péripéties, il s'est finalement emparé de ce réseau social qu'il adore critiquer.

A 51 ans, l'entrepreneur en série est déjà à la tête de Tesla, premier constructeur de véhicules électriques au monde, et de SpaceX, sa société spatiale qui doit aider la Nasa à envoyer des astronautes sur la Lune d'ici 2025.

Sa fortune est estimée par Forbes à environ 221 milliards de dollars.

Il l'a amassée principalement grâce à Tesla et s'en sert pour financer ses diverses aventures personnelles comme Neuralink, une start-up qui ambitionne de relier directement le cerveau humain à l'ordinateur, et The Boring Company, qui entend révolutionner les transports urbains avec des tunnels.

Quel que soit le secteur, il met en avant son désir de sauver l'humanité, l'environnement ou la démocratie. Interviewé sur ses raisons d'acquérir Twitter, il avait évoqué un "risque pour la civilisation" si les utilisateurs perdaient confiance en la plateforme.

«X Æ A-12»

Mégalomane, bourreau de travail, Elon Musk donne, au fil des tweets, un aperçu de sa personnalité, soucieux de son image de patron rebelle, amateur de joutes verbales et de provocations, anti-politiquement correct.

Une ligne insaisissable qui plaît de plus en plus à certains républicains. "Son style libertarien a un peu de droite radicale en lui", estime Roger Kay, de Endpoint Technologies Associates.

Sur Twitter, il a récemment livré ses conseils pour mettre fin à la guerre en Ukraine - un avis pas vraiment du goût de Kiev -, défié Vladimir Poutine en duel ou comparé le Premier ministre canadien Justin Trudeau à Adolf Hitler.

En 2018, il avait fumé du cannabis lors d'un entretien filmé, tout en évoquant la conquête spatiale, la fin du monde et la libido des singes bonobos.

En mai 2021, il a révélé être atteint du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme.

Divorcé trois fois, M. Musk est père de dix enfants, dont un décédé à 10 semaines. L'une d'entre eux, une fille transgenre, a déposé une demande officielle pour changer de nom de famille en même temps que de genre afin de couper tout lien avec son père.

Et la presse américaine a révélé en juillet qu'il avait eu des jumeaux en novembre avec une dirigeante de Neuralink, quelques semaines avant la naissance d'Exa Dark Sideræl Musk, qu'il a eue avec la chanteuse Grimes. C'est la petite sœur de "X Æ A-12", un garçon.

Culte Tesla 

L'homme clive, entre une armée de fans qui l'adulent et assurent sa publicité, et ceux qui le détestent. Mais il est difficile de nier le succès de Tesla.

Longtemps déficitaire, l'entreprise est désormais un immense succès industriel et financier, avec un profit record de 5,5 milliards de dollars en 2021 et une valorisation boursière immense (710 milliards de dollars), qui pèse quatre fois celle de Toyota, premier constructeur mondial.

Ce n'était pas gagné. De 2017 à 2019, la société était "constamment au bord de la faillite", a-t-il expliqué. "Je vivais dans l'usine de Fremont (Californie), je dormais par terre pour que l'équipe voie que je n'étais pas dans ma tour d'ivoire", a-t-il raconté.

Plusieurs plaintes pour harcèlement sexuel et discriminations ont été déposées contre la direction de cette usine, accusée de "ségrégation raciale" par la Californie.

«Civilisation spatiale»

Né à Pretoria, en Afrique du Sud, le 28 juin 1971 d'un père ingénieur et d'une Canadienne mannequin, Elon Musk fait ses études au Canada puis aux Etats-Unis.

A 24 ans, il crée, avec son frère Kimbal, Zip2, un éditeur de logiciels en ligne. Il devient millionnaire avant ses 30 ans en le revendant au fabricant d'ordinateurs Compaq en 1999 pour plus de 300 millions de dollars.

Le jeune entrepreneur fonde ensuite X.com, qui sera fusionnée avec PayPal, puis rachetée par eBay en 2002 pour 1,5 milliard.

Avec SpaceX, fondée dans la foulée, il a enchaîné les succès, la compagnie devenue cheville ouvrière des nouvelles ambitions de la Nasa.

"Le but global est de permettre à la vie de se développer sur plusieurs planètes et de faire de l'humanité une civilisation spatiale", avait affirmé M. Musk dans un entretien accordé à Time Magazine, qui l'a nommé fin 2021 personnalité de l'année.

L'opération traînait en effet depuis l'annonce fin avril d'une offre d'acquisition à 44 milliards de dollars, acceptée à contrecoeur par Twitter. L'entrepreneur a cherché à s'en extraire unilatéralement début juillet, accusant l'entreprise de lui avoir menti mais le conseil d'administration de la société a saisi la justice.

Au début du mois, à quelques jours de l'ouverture d'un procès que Twitter semblait bien parti pour gagner, Elon Musk a finalement proposé de conclure la transaction au prix initialement convenu.

Mercredi, il s'est rendu au siège de Twitter à San Francisco et s'est rebaptisé "Chief Twit" sur son profil --"twit" voulant dire "crétin" en anglais.

Il a ensuite retweeté une photo de lui entouré d'employés de Twitter, dans un café du bureau.

Jeudi soir, plusieurs salariés du groupe californien ont affiché leur soutien à l'ancienne direction.

"Merci à Parag Agrawal, à Vijaya Gadde et Ned Segal pour leur contribution collective à Twitter", a ainsi écrit Biz Stone, cofondateur du réseau, saluant leur "talent immense" et leur "humanité".

Elon Musk et Twitter, chronique d'un mariage arrangé dans la douleur

Une cour assidue, une rupture brutale, un retour de flamme: Elon Musk n'a cessé de souffler le chaud et le froid autour de son acquisition de Twitter, plateforme mondiale d'informations et d'influences.

La prise de participation

Le 4 avril, Elon Musk révèle dans un document déposé auprès de la SEC, le régulateur boursier américain, avoir acquis près de 73,5 millions d'actions ordinaires de Twitter, soit 9,2% de la valeur en Bourse de l'entreprise, qui s'envole à Wall Street.

Le lendemain, le directeur général du réseau social, Parag Agrawal, annonce que le patron de Tesla a intégré le conseil d'administration de Twitter, avant d'indiquer le 10 avril qu'Elon Musk a renoncé à y siéger.

L'offre

Et pour cause, le fantasque homme d'affaires d'origine sud-africaine formule le 14 avril une offre de rachat de l'intégralité de l'entreprise au prix unitaire de 54,20 dollars par action. Il y indique qu'il s'agit de "sa meilleure offre et de son offre finale". Elle valorise alors Twitter à environ 44 milliards de dollars.

Twitter résiste d'abord. Mais le conseil d'administration du groupe finit par céder et annonce le 25 avril un accord définitif de rachat par Elon Musk.

Levée de fonds

Le 29 avril, la SEC révèle qu'Elon Musk a vendu pour 9,6 millions d'actions Tesla pour environ 8,4 milliards de dollars.

Le 5 mai, le dirigeant affirme avoir en outre sécurisé 7,14 milliards de dollars de financement, grâce à des investisseurs parmi lesquels le cofondateur d'Oracle Larry Ellison.

Musk sème le doute

Puis l'affaire devient de plus en plus trouble. Elon Musk assure d'abord le 10 mai qu'il permettra à Donald Trump, qui avait été exclu de Twitter après avoir jeté de l'huile sur le feu lors de l'assaut de ses partisans sur le Capitole le 6 janvier 2021, de réintégrer le réseau social.

Le 13 mai, il indique suspendre le rachat à cause de son inquiétude quant au nombre réel de faux comptes sur le réseau social, faisant plonger l'action du groupe d'environ 20%.

Le 16 mai, à Parag Agrawal qui tentait d'expliquer sur Twitter les mesures prises pour lutter contre les faux comptes, il répond par un émoji en forme de crotte.

Il menace une nouvelle fois, le 6 juin, de retirer son offre car le réseau social "résiste activement" à ses demandes d'informations sur les spams et les faux comptes, ce que dément la plateforme.

Le 16 juin, il a un échange mitigé avec les employés de Twitter, assurant qu'il vise un milliard d'utilisateurs et insistant sur son ambition de réduire la modération sur le site, inquiétant les salariés.

Le renoncement

Enfin, le 8 juillet, le patron de Tesla et SpaceX informe Twitter qu'il met fin à l'accord à cause de "déclarations fausses et trompeuses" de la part de l'entreprise sur les faux comptes.

Le conseil d'administration de Twitter annonce dans la foulée une action judiciaire pour faire respecter les termes de l'accord. Les poursuites sont lancées le 12 juillet devant une cour spécialisée en droit des affaires.

La présidente de la cour accorde à Twitter un procès rapide, contre le voeu d'Elon Musk qui voulait demander une quantité astronomique de données au réseau social.

Le mariage relancé

Le 4 octobre, à moins de deux semaines du procès qui devait s'ouvrir le 17 octobre, Elon Musk fait finalement savoir qu'il relance son offre, au prix qu'il avait annoncé en avril, 54,20 dollars l'action.

Le milliardaire ne détaille pas les raisons de ce revirement, mais certains l'imputent au mauvais tour que prendrait pour lui la procédure judiciaire, ses avocats ayant du mal à étayer ses accusations sur la prolifération de faux comptes.

Le 6 octobre, la juge ajourne la procédure et donne jusqu'au 28 octobre aux deux parties pour conclure la transaction, faute de quoi le procès aurait lieu en novembre.

La prise de pouvoir

Le 27 octobre, Elon Musk devient propriétaire de la plateforme.

Sa première décision : licencier Parag Agrawal et deux autres dirigeants, le directeur financier Ned Segal et la responsable des affaires juridiques Vijaya Gadde, selon des médias américains.

La veille, il s'était rendu au siège de Twitter à San Francisco et s'était rebaptisé "Chief Twit" sur son profil - "twit" voulant dire "crétin" en anglais.

«Avenir de la civilisation»

Fin avril, peu après avoir signé l'accord initial de rachat, Elon Musk avait critiqué publiquement des cadres de Twitter et s'était moqué de Vijaya Gadde.

Sa prise de contrôle inquiète une grande partie des salariés de Twitter, de nombreux utilisateurs et des ONG qui appellent les réseaux sociaux à mieux lutter contre les abus, du harcèlement à la désinformation.

Car le multimilliardaire, se présentant comme un ardent défenseur de la liberté d'expression, veut assouplir la modération des contenus. Il a ouvert la porte à un retour de Donald Trump, évincé de Twitter peu après avoir soutenu ses partisans qui ont pris part à l'assaut du Capitole en janvier 2021.

Des élus républicains et soutiens de Donald Trump ont d'ailleurs salué le changement potentiel d'orientation de Twitter. "LIBERTE D'EXPRESSION!!!", a par exemple tweeté jeudi soir Marjorie Taylor Greene, une élue d'extrême droite.

Mais les annonceurs, eux, préfèrent généralement adosser leurs pubs à des contenus consensuels.

Jeudi, Elon Musk a tenté de les rassurer en affirmant vouloir permettre à toutes les opinions de s'exprimer sur le réseau social, sans pour autant en faire une plateforme "infernale" où tout serait permis.

Il est "important pour l'avenir de la civilisation d'avoir une place publique en ligne où une grande variété d'opinions peuvent débattre de façon saine, sans recourir à la violence", a-t-il écrit dans un message spécifiquement adressé aux marques, qui rapportent l'essentiel des revenus de Twitter.

Il assure aussi qu'il n'a pas engagé le rachat parce que c'était "facile" ou "pour se faire de l'argent", mais pour "essayer d'aider l'humanité".

Prêts, partenaires et beaucoup d'apport personnel: comment Musk finance le rachat de Twitter

Pour régler la facture du rachat de Twitter, Elon Musk a mis sur la table une partie de son patrimoine personnel, complété par des fonds d'investissements et d'autres grandes fortunes, ainsi que des prêts bancaires. Voici le détail du financement.

Initialement, le patron de Tesla ne souhaitait consacrer à l'opération qu'environ 15 milliards de dollars de ses propres deniers. Une partie importante du montage, soit 12,5 milliards de dollars, devait provenir de prêts adossés à ses actions Tesla, ce qui lui évitait de les vendre.

Mais il a finalement décidé de proposer davantage en numéraire et de renoncer à cet emprunt. En deux vagues, en avril et en août, le bouillant quinquagénaire a cédé pour environ 15,5 milliards de dollars d'actions du constructeur de voitures électriques.

Le natif de Pretoria (Afrique du Sud), dont la fortune est estimée à environ 220 milliards de dollars par le magazine Forbes, va donc débourser directement un peu plus de 27 milliards de dollars. A noter qu'il était entré au capital en début d'année et contrôle déjà 9,6% de Twitter après des achats d'actions sur le marché.

A cela s'ajoutent quelque 5,2 milliards de dollars apportés par des fonds d'investissement et grandes fortunes, notamment le co-fondateur de l'éditeur de logiciel Oracle, Larry Ellison, qui a fait un chèque d'un milliard, ou Qatar Holding, contrôlé par le fonds souverain du Qatar, Qatar Investment Authtority.

En échange de leur investissement, tous recevront des titres et deviendront actionnaires de Twitter.

Le solde, soit 13 milliards de dollars, est assuré par des prêts bancaires, débloqués par un groupe d'établissements dans lequel figurent Morgan Stanley, Bank of America, les japonais Mitsubishi UFJ Financial Group et Mizuho, Barclays et les françaises Société Générale et BNP Paribas.

Selon des documents communiqués à l'Autorité américaine de régulation des marchés, la SEC, Morgan Stanley prête, à elle seule, environ 3,5 milliards de dollars.

Ces prêts sont adossés à Twitter et c'est le groupe, et non Elon Musk, qui en assurera la charge financière et le remboursement.

Jusqu'ici la société californienne a peiné à dégager des bénéfices et a notamment publié une perte opérationnelle (résultat directement lié à l'activité) sur les six premiers mois de 2022. Cette dette mettra donc la plateforme sous pression financière.

«Départs volontaires»

Elon Musk veut par ailleurs renforcer la lutte contre les spams. Il a aussi fait des allusions cryptiques à "X", sa vision d'une application à tout faire (messagerie, réseau social, services financiers...), comme WeChat en Chine.

Un employé, qui a parlé à l'AFP sous couvert d'anonymat, a calculé que plus de 700 salariés avaient quitté le groupe californien depuis juin, d'après les chiffres en interne.

"Ce sont plutôt des départs volontaires, soit pour des raisons éthiques, soit pour des raisons bassement financières, parce qu'une entreprise non cotée, c’est moins intéressant", estime-t-il.

Le dirigeant a, en effet, prévu de sortir Twitter de la Bourse.

Au début du mois, il avait pourtant déclaré lors d'une conférence qu'il était "essentiel" que Tesla soit coté à Wall Street, "parce que si le public n'aime pas ce que fait Tesla, le public peut acheter des actions et voter différemment".

"C'est très important que je ne puisse pas juste faire ce que je veux", avait-il ajouté, hilare.


Espagne: la maison mère de Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier se lance en Bourse

 Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
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  • Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur
  • C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig

MADRID: Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe.

Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur comme Estée Lauder, Hermès, Kering et LVMH.

C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig, en assurant viser une "approche de long terme".

Fondé en 1914 à Barcelone par l'entrepreneur Antonio Puig Castellò, le groupe de parfums et cosmétiques espagnol s'est fait une place ces dernières années parmi les géants du luxe et de la mode, en multipliant les acquisitions de marques de prestige.

La maison catalane contrôle ainsi les griffes Paco Rabanne, Nina Ricci, Charlotte Tilbury, Carolina Herrera, Dries Van Noten et Jean Paul Gaultier. Il a également noué des contrats de licence avec Prada, Christian Louboutin et Comme des Garçons.

Contrôle familial

L'introduction en Bourse de Puig se fera vendredi au prix de 24,50 euros par action. Elle est présentée par les analystes comme le plus gros lancement boursier de l'année en Espagne et comme l'un des principaux en Europe.

Le montant fixé pour l'action Puig valorise le groupe barcelonais à près de 14 milliards d'euros. Cela lui permettra d'intégrer directement l'Ibex 35, indice vedette regroupant les 35 plus grosses entreprises espagnoles.

Cette opération d'envergure se déclinera en deux phases: une émission de nouvelles actions, devant rapporter 1,25 milliard d'euros, et la vente de parts détenues par Exea, la holding de la famille Puig, pour près de 1,36 milliard d'euros.

Cette double opération pourrait être complétée par une vente de titres réservée à certains investisseurs pour un total de 390 millions d'euros, selon le groupe. De quoi lever au total quelque 3 milliards d'euros.

Malgré cette opération, la famille Puig assure qu'elle restera l'actionnaire majoritaire de l'entreprise avec 71,7% des parts. Elle conservera, en outre, une très large majorité des droits de vote (92,5%) au sein de son conseil d'administration.

« Muscle financier »

L'introduction en Bourse du groupe catalan avait été officialisée le 8 avril, après avoir été évoquée pour la première fois le 20 octobre par Marc Puig en personne dans un entretien au quotidien économique Financial Times.

Le PDG de 62 ans avait alors estimé qu'elle permettrait d'imposer une "discipline" de marché à l'entreprise et d'éviter les possibles "difficultés" auxquelles les sociétés familiales sont confrontées lors du passage de témoin entre générations.

Il arrive, en effet, "que les entreprises familiales perdent leur position sur le marché. Elles peuvent commencer à mourir lentement et personne au sein de l'entreprise n'en est conscient", avait insisté le petit-fils d'Antonio Puig, à la tête du groupe depuis 2004.

Selon Javier Cabrera, analyste chez XTB, ce lancement boursier devrait permettre à la maison de beauté catalane d'acquérir du "muscle financier", en profitant de la "bonne dynamique boursière du secteur".

De fait, le contexte est actuellement porteur pour le luxe, dont les poids lourds ont enregistré des niveaux de ventes record en 2023, malgré un léger ralentissement après deux années de croissance à deux chiffres.

Puig a, pour sa part, réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros et dégagé un bénéfice net de 465 millions d'euros, en hausse de 16% sur un an. Et cette dynamique pourrait s'accélérer.

Les acquisitions réalisées ces dernières années permettent "une forte croissance" et une "diversification des revenus" du groupe, observe Javier Cabrera, qui insiste sur ses bons résultats en Chine, marché devenu incontournable pour le secteur du luxe.


Liban: l'Union européenne annonce une aide d'un milliard d'euros pour soutenir l'économie

Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
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  • Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés
  • Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens

BEYROUTH: La cheffe de la Commission européenne a annoncé jeudi à Beyrouth une aide d'un milliard d'euros pour soutenir la "stabilité socio-économique" du Liban et appelé ce pays à bien coopérer dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Les fonds seront "disponibles à partir de cette année jusqu’en 2027. Nous voulons contribuer à la stabilité socio-économique du Liban", a déclaré Ursula von der Leyen, ajoutant "compter sur une bonne coopération" des autorités libanaises dans la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe.

Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens, soit le plus grand ratio par habitant au monde.

Le petit pays méditerranéen, frontalier de la Syrie, n'a de cesse d'exhorter la communauté internationale de les rapatrier, les armes s'étant tues dans plusieurs régions syriennes.

Les migrants, demandeurs d'asile et réfugiés qui quittent le Liban par bateau à la recherche d'une vie meilleure en Europe se dirigent souvent vers Chypre qui affirme être en première ligne face aux flux migratoires au sein de l'UE.

"La réalité actuelle de cette question est devenue plus grande que la capacité du Liban à la traiter", a déclaré le Premier ministre libanais Najib Mikati, lors d'une conférence de presse en présence de Mme. von der Leyen et du président chypriote Nikos Christodoulides.

Augmentation des ressortissants syriens à Chypre 

"Nous renouvelons notre demande à l'UE, (...) d’aider les personnes déplacées dans leur pays (d'origine et non au Liban), pour les encourager à rentrer volontairement", a-t-il poursuivi.

De son côté, Chypre, qui fait état d'une augmentation des arrivées de ressortissants syriens, estime que la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a déclenché des violences à la frontière israélo-libanaise, a affaibli les efforts de Beyrouth pour empêcher les départs.

De janvier à avril 2024, plus de 40 bateaux transportant environ 2.500 personnes ont accosté à Chypre, a indiqué à l'AFP l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Chypre avait conclu il y a des années avec le Liban un accord pour le retour de migrants en situation irrégulière.

Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés et de la manière de contrôler le flux migratoire vers son pays.


TotalEnergies: le gouvernement remonté contre un possible transfert de sa cotation à New York

Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
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  • Aujourd'hui, TotalEnergies a déjà des titres inscrits à Londres et à New York, mais de manière secondaire
  • M. Pouyanné avait notamment évoqué la frilosité de l'Europe vis-à-vis de sa stratégie qui consiste à continuer d'investir dans les énergies fossiles

PARIS: Confronté à la réflexion de TotalEnergies quant au transfert de la cotation principale du groupe à New York, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a affirmé jeudi qu'il comptait se battre pour que ce déménagement de la Bourse de Paris "n'ait pas lieu".

 

"Je suis là pour faire en sorte que ça n'ait pas lieu, parce que je pense que c'est une décision qui est grave", a déclaré M. Le Maire sur BFMTV/RMC.

"Est-ce que l'intérêt suprême de la nation est de garder le siège social de Total en France et la cotation principale de Total en France? Oui, et donc je me battrai pour ça", a-t-il ajouté.

"Nous avons besoin de Total", a-t-il souligné, mentionnant le plafonnement à moins de 2 euros du litre du carburant dans ses stations françaises.

L'affaire est partie des déclarations surprises de Patrick Pouyanné à l'agence Bloomberg. Dans un entretien publié le 26 avril, Patrick Pouyanné avait dit réfléchir à une cotation principale à la Bourse de New York. Près de la moitié de l'actionnariat de TotalEnergies est désormais constituée d'actionnaires institutionnels (fonds de pension, gestionnaires d'actifs, assureurs...) nord-américains.

"Ce n'est pas une question d'émotion. C'est une question d'affaires", avait ajouté le dirigeant de l'entreprise, tout en assurant que le siège social de ce fleuron du CAC 40 resterait bien à Paris.

Son argument principal: "une base d'actionnaires américains qui grossit", ce qui amène l'entreprise à s'interroger sur la façon de "donner accès plus facilement aux actions pour les investisseurs américains", a-t-il expliqué aux analystes, le 26 avril.

Appétit américain pour les fossiles 

Las du manque d'appétit des investisseurs européens pour le secteur pétrogazier, alors que le groupe estime investir beaucoup dans les énergies vertes, le PDG chercherait à se rapprocher des investisseurs américains moins contraints par des règles d'investissement durable.

"Les politiques au sens large ESG (environnement, social et de gouvernance, NDLR) en Europe ont plus de poids", a ainsi justifié M. Pouyanné lundi devant des sénateurs français.

Le PDG observe que "la base d'actionnaires européens de TotalEnergies diminue, notamment la base française" qui a reculé de "7% au cours des quatre dernières années, largement à cause des réglementations, de la pression qui est faite sur eux".

En filigrane, le patron pointe du doigt le changement en France du label Investissement socialement responsable (ISR), qui exclut désormais les entreprises exploitant du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, une mesure décidée par Bercy lui-même fin 2023. Ahmed Ben Salem, analyste du groupe financier Oddo BHF, nuance ce point en indiquant que les fonds labellisés ISR représentaient 1,7% de l'actionnariat de TotalEnergies.

Pendant que l'UE muscle sa réglementation pour flécher les investissements vers la transition écologique, aux Etats-Unis la pression de certains Etats, comme le Texas, pour ne pas délaisser les entreprises d'énergies fossiles a poussé de grands gérants d'actifs à abaisser leurs ambitions climatiques.

"Nous observons clairement plus d'appétit pour les actions d'entreprises des secteurs énergétique, pétrole et gaz du côté de l'Amérique du Nord qu'en Europe", a dit M. Pouyanné aux analystes.

Conséquence de ce manque d'appétit: une valorisation moins importante. TotalEnergies avance "exactement les mêmes résultats trimestriels qu'une entreprise comme Chevron". Le groupe énergétique américain est valorisé 300 milliards de dollars en Bourse, contre 175 milliards pour TotalEnergies.

Le mirage d'un marché européen 

La faute au cloisonnement des marchés financiers en Europe, selon M. Le Maire, qui avait dans un premier temps estimé dimanche sur LCI qu'il fallait offrir à TotalEnergies "les moyens de se développer" en accélérant sur l'union des marchés de capitaux (UMC) dans l'UE.

L'UMC permettrait d'augmenter la taille du marché boursier européen pour que les entreprises s'y financent davantage. Ahmed Ben Salem n'est cependant pas convaincu des changements éventuels pour TotalEnergies: "Il faut des acheteurs sur le secteur, pas seulement des liquidités."

La moindre valorisation de TotalEnergies "est aussi subie par les autres majors européennes", explique-t-il à l'AFP, citant l'exemple du britannique Shell qui "est dans la même réflexion" concernant une cotation principale à New York.

Au Sénat, le patron n'a pas exclu de reconsidérer la question si "plus d'actionnaires européens (...) rachètent du TotalEnergies".