Le navire Ocean Viking débarque 230 migrants en France, une première

Un enfant migrant joue dans une boîte en carton portant l'inscription «France» à bord du navire de sauvetage Ocean Viking, le 10 novembre 2022, en mer Tyrrhénienne entre l'Italie et la Corse. (Photo, AFP)
Un enfant migrant joue dans une boîte en carton portant l'inscription «France» à bord du navire de sauvetage Ocean Viking, le 10 novembre 2022, en mer Tyrrhénienne entre l'Italie et la Corse. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 11 novembre 2022

Le navire Ocean Viking débarque 230 migrants en France, une première

Un enfant migrant joue dans une boîte en carton portant l'inscription «France» à bord du navire de sauvetage Ocean Viking, le 10 novembre 2022, en mer Tyrrhénienne entre l'Italie et la Corse. (Photo, AFP)
  • «J'ai bien précisé, à la demande du président de la République, que c'est à titre exceptionnel que nous accueillons ce bateau (…)», a déclaré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin
  • L'accueil de ce bateau a suscité l'ire de l'extrême droite en France, à l'image de Marine Le Pen, qui y voit «un signal dramatique de laxisme»

TOULON: Le navire humanitaire Ocean Viking doit débarquer vendredi au port militaire de Toulon (sud de la France) 230 migrants secourus en Méditerranée, une première en France qui suscite de vives tensions avec l'Italie et déclenche une nouvelle polémique sur le sujet brûlant de l'immigration.

Après trois semaines d'errance à la recherche, vaine, d'un port sûr en Italie, l'Ocean Viking, bateau ambulance affrété par l'ONG française SOS Méditerranée accostera à Toulon, "à titre exceptionnel" et en vertu "d'un devoir d'humanité", a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin jeudi.

Le navire, dont le sort a suscité plusieurs jours de bras de fer entre Paris et Rome, doit arriver au port militaire à 08H00 (07H00 GMT)pour débarquer les migrants qui seront immédiatement placés dans une "zone d'attente", a précisé le ministère de l'Intérieur.

Les rescapés à bord de l'Ocean Viking dont 57 enfants secourus au large de la Libye "ne pourront pas sortir du centre administratif où on va les mettre et ne seront donc pas techniquement sur le sol français", a indiqué M. Darmanin.

Leur arrivée en France crispe particulièrement à l'extrême droite, qui a crié au "laxisme" par la voix de Marine Le Pen tandis que la gauche et les écologistes ont salué une "décision digne des valeurs" de la France.

Expulsions directes?

À partir de vendredi, toutes ces personnes, qui viennent de différents pays dont certains en guerre comme la Syrie, feront l'objet d'un suivi sanitaire, puis de contrôles de sécurité des services de renseignement, avant d'être entendus par l'Office français de protection des réfugiés (Ofpra), qui attribue le statut de réfugié, a indiqué le ministère de l'Intérieur.

En pleine présentation d'un projet de loi sur l'immigration qui prévoit de réformer les procédures d'asile pour parvenir à expulser davantage, l'entourage de Gérald Darmanin a précisé que "ceux qui ne reçoivent pas l'asile seront éloignés directement depuis la zone d'attente vers leur pays d'origine".

Deux-tiers des personnes ne resteront de toutes façons pas en France, puisqu'elles seront relocalisées dans neuf pays, a précisé le ministère, citant l'Allemagne qui doit en accueillir environ 80, le Luxembourg, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, la Lituanie, Malte, le Portugal et l'Irlande.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a vertement critiqué le nouveau gouvernement d'extrême droite italien qui a refusé d'ouvrir ses ports à l'Ocean Viking, alors que le droit maritime l'y obligeait: "L’Italie a été très inhumaine".

Il a annoncé la suspension "à effet immédiat" de l'accueil prévu de 3.500 migrants actuellement en Italie et promis de tirer "les conséquences" sur les autres aspects de sa "relation bilatérale".

De son côté, SOS Méditerranée a dit éprouver "un soulagement teinté d'amertume". "Les rescapés ont vécu un véritable calvaire", a indiqué à l'AFP la directrice de l'ONG, Sophie Beau. Quatre des 234 migrants que comptait le navire ont dû être évacués jeudi vers la Corse, dont trois pour raisons médicales.

Pression sur l'Italie

A bord, la nouvelle du débarquement avait suscité des scènes de liesse, a confié un photographe embarqué avec SOS Méditerranée, évoquant des embrassades, des chants et des larmes de joie chez ces personnes dont certaines viennent d'Erythrée, de Syrie ou du Soudan du Sud.

Il est "urgent que les Etats européens mettent en place un mécanisme de répartition pérenne", a plaidé une nouvelle fois Sophie Beau, alors que l'Italie multiplie les déclarations antimigrants.

"L'Europe doit augmenter encore la pression sur le gouvernement italien pour le contraindre à respecter ses engagements", a estimé de son côté Delphine Rouilleault, qui dirige l'association France terre d'asile.

Depuis juin, un système de relocalisation, qui avait déjà connu un premier volet en 2019, prévoit qu'une douzaine d'Etats membres, dont la France et l'Allemagne, accueillent de manière volontaire 8.000 migrants arrivés dans des pays dits de "première ligne" comme l'Italie.

Cependant, seuls 117 ont été relocalisés en vertu du mécanisme adopté en juin. Un nombre insuffisant, juge l'Italie.

Depuis le début de l'année, 1.891 migrants ont disparu en Méditerranée, en tentant de rejoindre l'Europe, dont 1.337 en Méditerranée centrale, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.