La COP27 doit être une affaire d'Afrique et d'action

Short Url
Publié le Vendredi 11 novembre 2022

La COP27 doit être une affaire d'Afrique et d'action

La COP27 doit être une affaire d'Afrique et d'action
  • Il faut que les pays développés et en développement entreprennent les réformes nécessaires pour que les investissements aillent vers des projets énergétiques solides et durables
  • L'Afrique dispose de 60% des meilleures ressources solaires du monde, mais seulement 1% de la capacité photovoltaïque solaire est installée

Après la Conférence des nations unies sur le changement climatique qui s'est tenue à Glasgow en novembre dernier, connue sous le nom de «COP26», l'Égypte a pris le relais du Royaume-Uni et l'on espère maintenant que la COP27, déjà présentée comme «la première COP pour l'Afrique», sera également une «COP pour l'action». Je pense que ces deux concepts – fournir une action climatique pragmatique et placer l'Afrique au cœur du débat mondial sur le climat – sont inextricablement liés.
D'ici à 2050, un quart de la population mondiale sera africaine; ses besoins en énergie et en développement augmentent plus rapidement que partout ailleurs dans le monde. Il est de plus en plus évident que traiter l'Afrique et le monde en développement comme de véritables partenaires est une condition préalable à la concrétisation d'une action efficace contre le changement climatique.
D'après mon expérience, les dirigeants des pays en développement sont aussi déterminés à lutter contre le changement climatique que n'importe quel dirigeant du monde développé. Mais ils sont également confrontés à des tâches domestiques urgentes telles que l'industrialisation de leurs économies, la transformation de leurs secteurs agricoles pour nourrir des populations en croissance rapide et la création d'emplois pour leurs jeunes.
Ils veulent poursuivre ces objectifs d'une manière qui soit compatible avec la volonté du monde de s'unir pour stopper le changement climatique. Mais on ne peut attendre d'eux qu'ils le fassent au détriment de leur propre développement économique. En outre, la mesure dans laquelle ils peuvent décarboniser ou «s’affranchir» des besoins en combustibles fossiles sera déterminée à la fois par les décisions qu'ils prendront au niveau national et par le soutien – financier, technologique et sur le plan de l’ouverture des marchés mondiaux – qu'ils recevront des pays développés.

Les pays riches doivent reconnaître que les objectifs de développement des pays pauvres ne sont pas négociables.

Tony Blair

Ce qu'il faut – et ce qui, selon moi, pourrait être considéré comme l'héritage durable de la COP27 –, c'est un nouveau consensus entre les pays développés et le monde en développement. Au cœur de ce consensus, il faut que les pays riches, dont l'industrialisation et la croissance économique sont largement responsables de la crise climatique, reconnaissent que les objectifs de développement des pays pauvres ne sont pas négociables. Les aspirations de leurs populations sont légitimes et elles méritent que nous les soutenions afin qu’elles se réalisent.
Le premier pilier de ce nouveau consensus implique que les pays riches collaborent avec les pays en développement pour élaborer des plans nationaux de transition énergétique sur mesure qui soient techniquement possibles, financièrement viables et politiquement acceptables. Ces solutions énergétiques sur mesure permettront aux pays à revenu faible ou intermédiaire de poursuivre leurs objectifs de développement supérieurs.
Mon institut a déjà travaillé sur de tels projets avec plusieurs pays, dont l'Indonésie, le Mozambique et le Nigeria, et j'espère que leur adoption deviendra la norme dans les années à venir. Une stratégie moins coopérative, comme les tentatives des gouvernements occidentaux pour imposer des plans de transition, soit explicitement, soit en restreignant les choix d'investissement d'un pays (par exemple, le financement du gaz), risque d'être inefficace, voire contre-productive.
Ensuite, il faut que les pays développés et en développement entreprennent les réformes nécessaires pour que les investissements aillent vers des projets énergétiques solides et durables. Les pays développés doivent tenir leurs promesses financières et être francs au sujet des conditions auxquelles ils les offrent. Malheureusement, cela n'a pas toujours été le cas dans le passé, ce qui a suscité la méfiance des dirigeants de pays qui se sont retrouvés dans l'incapacité de planifier leurs besoins énergétiques sans un soutien financier fiable.
Pour leur part, les pays en développement doivent mettre en place des systèmes de gouvernance plus solides pour s'assurer que les financements sont bien utilisés, dans le but de créer une réserve de projets susceptibles d'être investis. Mon institut travaille avec dix-huit gouvernements à travers l'Afrique et nous avons appris à ne pas sous-estimer l'importance d'un gouvernement robuste et efficace pour garantir des investissements substantiels dans un secteur clé de l'économie. Il faudra également progresser dans les années à venir sur un nouvel objectif de financement du climat, qui doit être aligné sur les besoins (en se concentrant beaucoup plus sur les pays en développement que sur les pays à revenu intermédiaire, comme c'est le cas actuellement).
Enfin, comme pour tout autre problème politique complexe aujourd'hui, les dirigeants du monde entier doivent s'appuyer sur la technologie. Dans tous les grands secteurs économiques, la technologie a le potentiel d'accélérer la réduction des émissions et d'offrir aux pays en développement une voie vers un développement économique durable. L'hydrogène, les technologies d'optimisation numérique, les biocarburants, la capture du carbone sont tous très prometteurs. Elles doivent être développées, et rapidement.
Il reste également beaucoup à faire pour créer les marchés qui permettront d'offrir ces technologies à grande échelle. Par exemple, l'Afrique dispose de 60% des meilleures ressources solaires du monde, mais seulement 1% de la capacité photovoltaïque solaire est installée. Des plans globaux de transition énergétique peuvent contribuer à combler cet écart choquant.
L’élaboration d'un nouveau consensus ne sera pas achevée lors d'un seul sommet de la COP. Mais des mesures vitales, voire décisives, peuvent être prises en Égypte au cours de ce mois avant que le relais ne soit passé aux Émirats arabes unis, où, dans un an, les dirigeants mondiaux se réuniront pour la COP28.
Tony Blair, ancien Premier ministre du Royaume-Uni, est président exécutif du Tony Blair Institute for Global Change. Droits: Project Syndicate, 2022.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.