Construire un avenir sain avec l’OMS

Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, participe à une séance d’informations sur la pandémie de Covid-19 à Genève, en Suisse, le 3 juillet 2020. (Reuters)
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, participe à une séance d’informations sur la pandémie de Covid-19 à Genève, en Suisse, le 3 juillet 2020. (Reuters)
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Publié le Samedi 14 novembre 2020

Construire un avenir sain avec l’OMS

Construire un avenir sain avec l’OMS
  • Aucun pays ne peut agir comme défenseur indépendant de la santé mondiale en dehors de l'OMS
  • Dans un monde profondément interconnecté en dépit du nationalisme croissant, le rôle des institutions internationales demeure pertinent

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est dans les tranchées de la lutte contre le coronavirus mais elle fait encore l’objet de vives critiques pour sa gestion initiale de la pandémie. L’organisation était trop complaisante à l’égard de la Chine et a faisait souvent écho aux messages de Pékin ; il lui a fallu trop de temps pour déclarer une urgence sanitaire mondiale, et le virus avait déjà fait 4 000 morts avant qu'elle ne parle de pandémie. La désinformation, associée à une peur mondiale compréhensible au pire de la crise ont conduit de nombreuses personnes à discréditer l'organisation et à remettre en question ses intentions. Le tollé a finalement poussé les États-Unis, le plus grand pays donateur, à rompre ses liens avec l'organisation et à interrompre son financement.

Je n’ai pas l’intention de ternir ou de polir ici la réputation de l’OMS puisque l’organisation a certainement commis des erreurs importantes, non seulement durant les premières semaines de la pandémie de coronavirus, mais aussi tout au long de son histoire. Nous nous souvenons par exemple de ses échecs lors de l’épidémie d’Ébola entre 2013 et 2015 en Afrique de l’Ouest, et de sa réponse lente qui a éventuellement entraîné la mort de plus de 11 000 personnes.

La question est donc : avons-nous toujours besoin de l’OMS ? En termes simples, oui. Aucune autre organisation ou aucun autre pays ne peut jouer le rôle de l’OMS. Bien que le nombre d’organisations dans le domaine de la santé mondiale augmente rapidement, seule l’OMS compte 194 États membres, ce qui lui permet de s’engager dans une action collective. Elle joue également un rôle déterminant dans le développement de la recherche, emploie des milliers d’agents de santé qui travaillent souvent dans des régions reculées où la vie est difficile, plaide pour un changement des politiques et, enfin, repose sur des partenariats multilatéraux.

Fondée après la Seconde guerre mondiale, l’OMS est dans la création d’un réseau coordonné et mondial d’alliances et de partenariats pour répondre aux urgences sanitaires dans et entre les pays. Avec un budget annuel modeste d’environ 4,4 milliards de dollars, elle a joué un rôle important dans de nombreuses découvertes médicales, telles que le développement du vaccin contre l’Ébola. Son exploit le plus notable est probablement sa campagne mondiale coordonnée qui a conduit à l’éradication de la variole.

Toutefois, les organisations multinationales comme l’OMS ne peuvent pas assumer cette responsabilité toutes seules. En effet, cela exige la coopération de gouvernements, de donateurs privés, de philanthropes et d’innovateurs. Un exemple de réussite est l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP), menée par les gouvernements nationaux avec cinq partenaires —  l'OMS, Rotary International, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux États-Unis, l'UNICEF et la Fondation Bill et Melinda Gates. Le partenariat tout aussi crucial entre Cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, prince héritier d'Abou Dhabi, et la Fondation Gates soutient également cette initiative.

Dans un monde profondément interconnecté, le rôle des institutions internationales reste pertinent.

Asma I. Abdulmalik

D’après l’OMS, l’IMEP a reçu l’année dernière 2,6 milliards de dollars supplémentaires de la part de donateurs lors du Forum « Reaching the Last Mile » à Abou Dhabi. La Fondation Gates a fait don de la plus grande somme, 1,08 milliards de dollars, suivie par le Royaume-Uni qui a offert 514,8 millions de dollars. Quant au prince héritier d’Abou Dhabi, qui a organisé cet évènement en collaboration avec la Fondation Gates, il a fait don de 160 millions de dollars. En 2014, Cheikh Mohammed a lancé la Campagne des Émirats contre la polio, dans le cadre du programme d’assistance EAU-Pakistan, qui a contribué à la vaccination de plus de 86 millions d’enfants au Pakistan depuis son lancement.

Nous sommes aujourd’hui sur le point d'éradiquer complètement la polio, avec un total de 132 cas signalés seulement (53 cas en Afghanistan et 79 au Pakistan).

Ce modèle de partenariat est un exemple des succès incroyables que nous pouvons réaliser si nous nous unissons pour atteindre un objectif commun. Cela montre également qu'il est presque impossible de remplacer le rôle de l'OMS, même avec ses lacunes. C’est pourquoi la décision de Trump de cesser de financer l’organisation n’était pas juste insensée, mais aussi dangereuse. Et c’est pourquoi l’une des premières décisions de Biden en tant que président devrait être de réintégrer l’OMS.

Ceux qui critiquent l’OMS devraient penser au vide que son absence créerait. Aucun pays ne peut agir comme défenseur indépendant de la santé mondiale en dehors de l'OMS. S'il est vrai que l'OMS ne peut prétendre à une indépendance absolue, puisqu'elle dépend du financement d'autres pays et qu'elle a un pouvoir limité, elle parvient toujours à accomplir beaucoup. Vu que nous ne pouvons pas prétendre que l'organisation n’a pas de défauts, la meilleure approche ne serait-elle pas de remédier à ses lacunes sans harcèlement et, surtout, sans rompre les liens ?

Dans un monde profondément interconnecté en dépit du nationalisme croissant, le rôle des institutions internationales demeure pertinent. La gouvernance mondiale est importante et la coopération mondiale est toujours nécessaire. Nous avons certainement appris cela durant cette année. Nous devons favoriser ces partenariats et encourager des approches nouvelles et innovantes.


Asma I. Abdulmalik est une fonctionnaire émiratie et une auteure qui s’intéresse aux questions de genre et de développement. Twitter: @Asmaimalik

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com