Arabes du Golfe… Les éternels préjugés

 Aseel Al-Hamad, pilote de course saoudienne et membre du conseil d'administration de la Fédération automobile saoudienne (SAMF) est photographié sur la grille avant le Grand Prix de Formule 1 d'Arabie saoudite 2022 sur le circuit de la corniche de Djeddah le 27 mars 2022. (AFP).
Aseel Al-Hamad, pilote de course saoudienne et membre du conseil d'administration de la Fédération automobile saoudienne (SAMF) est photographié sur la grille avant le Grand Prix de Formule 1 d'Arabie saoudite 2022 sur le circuit de la corniche de Djeddah le 27 mars 2022. (AFP).
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Publié le Jeudi 24 novembre 2022

Arabes du Golfe… Les éternels préjugés

Arabes du Golfe… Les éternels préjugés
  • Le mode de vie des Arabes du Golfe n’est pas celui des Européens et il est compliqué d’inscrire cette information dans la durée
  • Il existe un biais cognitif important dans la perception de la figure de l’Arabe riche

Je donne parfois un cours ayant pour objectif de briser les préjugés sur les sociétés arabes du Golfe à mes étudiants de master. À vrai dire, cela fait plusieurs années que je répète continuellement ce cours au fil des promotions qui se succèdent.

Souvent, je fais intervenir des managers et des personnalités du Golfe qui leur parlent de leurs activités, du changement dans leurs pays, notamment en Arabie saoudite, de la société arabe locale et des opportunités qui s’ouvrent dans la région. Ces interventions contribuent à donner une image plus réaliste des sociétés du Golfe, que je m’attache à dévoiler dans Arab News, mais aussi dans mon livre La femme est l’avenir du Golfe.

Évidemment, les étudiants sont souvent conquis et ravis de constater que les a priori qu’ils avaient sur les monarchies du Golfe sont très exagérés et ne correspondent pas à la réalité que mes intervenants leur montrent.

Toutefois, lorsque je revois ces étudiants quelques semaines après mon cours, les clichés sont quasiment tous revenus. Les femmes seraient soumises, elles n’auraient aucun droit, l’intolérance régnerait et le fanatisme serait la norme. Ce type de réaction est très fréquent et s’avère assez frustrant, car, après cinq années de présence dans le Golfe, ce n’est clairement pas la dynamique que j’observe.

Cette difficulté à admettre le changement s’explique par plusieurs aspects.

D’abord, la différence culturelle est très complexe à matérialiser à distance. Le mode de vie des Arabes du Golfe n’est pas celui des Européens et il est compliqué d’inscrire cette information dans la durée.

Ensuite, les préjugés ont la vie dure et la rapidité du changement est très complexe à expliquer. L’Occidental que je suis ayant passé cinq années sur place a lui-même parfois du mal à réaliser l’ampleur du changement sociétal s’étant déroulé sous ses yeux en une demi-décennie. À cela s’ajoute l’influence de la communication négative visant délibérément les monarchies pétrolières et qui sont pilotées par des intérêts économiques, religieux ou tout simplement par des États qui cherchent à leur nuire.

Enfin, et c’est le point qui, selon moi, est le plus important et qui se vérifie notamment à l’occasion de la Coupe du monde au Qatar, il existe un biais cognitif important dans la perception de la figure de l’Arabe riche. Culturellement, l’Occidental garde une vision de l’Arabe comme de quelqu’un de soumis, pour ne pas dire inférieur et il fera valoir des éléments qu’il pointera beaucoup moins dans d’autres pays. La peine de mort pour trafic de drogue est en vigueur à Singapour et à Hong Kong, mais plus en Arabie saoudite, et pourtant, c’est ce dernier pays qui se retrouve sous le feu des critiques. On peut parler aussi de la pénalisation de l’homosexualité que l’on retrouve dans la plupart des pays d’Afrique, mais on condamnera plus facilement les monarchies du Golfe dont au moins une d’entre elles, le royaume de Bahreïn, l’a dépénalisée bien avant la France.

Concernant la situation des femmes, ce biais est encore plus caricatural. Les pays d’Extrême-Orient ne laissent quasiment aucune possibilité à une femme d’être l’égale d’un homme en termes économiques et on retrouve pourtant quasiment systématiquement pointés du doigt les pays du Golfe dont la dynamique en la matière est pourtant spectaculaire.

Si les monarchies du Golfe ont des points à améliorer en termes de droits individuels, le fait qu’il soit pratiquement impossible de mettre en avant les progrès réalisés sans être soupçonné d’être sous influence montre que l’Occident a encore du mal à concevoir que des Arabes peuvent être riches et vivre comme ils l’entendent avec les ressources qu’ils produisent. C’est à ce biais qu’il va falloir s’attaquer pour que l’image des pays du Golfe soit durablement perçue de façon plus équilibrée.

Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School.

Ses derniers livres: Femmes, musulmanes, cadres… Une intégration à la française et La femme est l’avenir du Golfe, aux éditions Le Bord de l’Eau.

Twitter: @LacheretArnaud 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.