Chlordécone: la colère gronde en Martinique face au risque de «déni de justice»

Un homme travaille dans une bananeraie à Basse-Pointe, sur l'île française des Caraïbes, la Martinique, le 24 novembre 2022. (Photo de Charly Triballeau / AFP)
Un homme travaille dans une bananeraie à Basse-Pointe, sur l'île française des Caraïbes, la Martinique, le 24 novembre 2022. (Photo de Charly Triballeau / AFP)
Short Url
Publié le Dimanche 11 décembre 2022

Chlordécone: la colère gronde en Martinique face au risque de «déni de justice»

  • Utilisé dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, le Chlordécone, pesticide toxique, a été autorisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu'en 1993, sous dérogation, quand le reste du territoire français en avait interdit l'usage
  • Aujourd’hui, certaines régions de Martinique et de Guadeloupe sont imprégnées de ce pesticide pour plusieurs siècles

FORT-DE-FRANCE : Un vent de colère enfle en Martinique depuis que le parquet de Paris a requis un non-lieu dans le dossier des plaintes pour l'empoisonnement des Antilles au chlordécone. Manifestants et élus évoquent un risque de «déni de justice».

Utilisé dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, ce pesticide toxique a été autorisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu'en 1993, sous dérogation, quand le reste du territoire français en avait interdit l'usage. Il n'a été banni des Antilles que 15 ans après les alertes de l’Organisation mondiale de la santé.

«Je suis guérie du cancer du sein et de l’utérus, mais je souffre encore beaucoup», confie en Martinique une ancienne ouvrière de vergers de bananiers, Cristiane Césaire. Cette habitante du nord de l'île a perdu son père et ses deux frères, emportés par le cancer de la prostate. Son troisième frère est en cours de traitement pour cette même maladie. Et sa mère est décédée des suites d'un cancer du sein et cancer de l'utérus.

«Avec mes parents, nous travaillions dans les champs de bananes à Basse-Pointe», raconte-t-elle à l'AFP. «Le patron ne nous donnait aucune protection, pas de gants, pas de bottes, et nos ongles, nos doigts, nos orteils étaient rongés».

Depuis l'annonce des réquisitions le 25 novembre, manifestations et rassemblements se multiplient sur l'île.

Samedi, 800 personnes selon la police ont manifesté à Fort-de-France pour rejeter l'éventuel non-lieu. La même semaine, près de 200 s'étaient rassemblées pour une marche au flambeau.

Le parquet de Paris a notamment estimé que les faits dénoncés dès 2006 et 2007 par des associations guadeloupéennes et martiniquaises étaient prescrits ou non caractérisés.

«Tout ça est insupportable», dénonce Philippe Pierre-Charles, porte-parole du collectif Lyannaj pou dépolyé Matinik. «L’Etat dit qu’il a une part de responsabilité, mais s’il a une part, c’est qu’il y a d'autres personnes qui ont leur part. Qui sont ces personnes? Il faut que la justice passe».

Pour Me Louis Boutrin, la prescription soulevée par le parquet ne tient pas. Mais surtout, cet avocat de l'association martiniquaise Pour une Ecologie Urbaine, partie civile, dénonce ce qu'il appelle «une ruse» avec les lois de la République, en évoquant le refus d’entendre quelques témoins, notamment des ouvriers et exploitants agricoles.

«Ces témoignages étaient en mesure de faire tomber la prescription», affirme l’avocat, car certains soutiennent que les stocks de chlordécone déjà présents sur l’île ont continué d’être écoulés au-delà de son interdiction, en 1993.

- «Nécessaire réparation» –

Les élus martiniquais ne sont pas en reste. Dans un courrier officiel du 6 décembre, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique, Serge Letchimy, a interpellé Emmanuel Macron face au risque de «déni de justice».

«Les populations ne sauraient se satisfaire de cette situation qui piétinerait la vérité, absoudrait les coupables et mépriserait les victimes», écrit-il. «L'empoisonnement à la chlordécone fait partie de ces affaires, complexes et longues, mêlant responsabilités publiques et privées, recherche de la vérité et quête de la nécessaire réparation.»

Dans l'hémicycle également, le chlordécone s'est invité dans les débats.

Le 6 décembre, à l’occasion des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le député martiniquais Marcelin Nadeau a interpellé le ministre délégué aux Outre-mer sur «le silence et l’impunité sous couvert de non-lieu», dénonçant «un fort sentiment de mépris à l’égard des peuples empoisonnés».

Si Jean-François Carenco a souhaité ne pas commenter les décisions judiciaires, il a tenu à rappeler qu’Emmanuel Macron avait été en 2018 «le premier à avoir reconnu la responsabilité de l’Etat dans la pollution du chlordécone».

Aujourd’hui, certaines régions de Martinique et de Guadeloupe sont imprégnées de ce pesticide pour plusieurs siècles. Et ce n’est pas sans conséquences: selon un dernier rapport publié le 6 décembre par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), près de 90% des populations de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées au chlordécone; 14% des Guadeloupéens et 25% des Martiniquais présentent une chlordéconémie trop importante, soit un taux de chlordécone trop élevé dans le sang.

Les Antilles détiennent le triste record du taux de cancer de la prostate le plus élevé au monde. Depuis le 22 décembre 2021, il est reconnu comme maladie professionnelle, ouvrant la voie à une indemnisation pour les ouvriers agricoles.


Grenoble: l'adolescent blessé par balles toujours dans le coma

Le garçon, dont l'identité "n'est toujours pas certaine à cette heure", pourrait être "un mineur de presque 14 ans né en Algérie en décembre 2011", connu dans les fichiers de police sous "diverses identités" pour trafic de stupéfiants en région parisienne et à Grenoble, a indiqué le parquet de Grenoble dans un communiqué. (AFP)
Le garçon, dont l'identité "n'est toujours pas certaine à cette heure", pourrait être "un mineur de presque 14 ans né en Algérie en décembre 2011", connu dans les fichiers de police sous "diverses identités" pour trafic de stupéfiants en région parisienne et à Grenoble, a indiqué le parquet de Grenoble dans un communiqué. (AFP)
Short Url
  • Le parquet avait indiqué dimanche, dans un premier temps, que le mineur était âgé de 12 ans, né en décembre 2012
  • L'adolescent a été atteint de 3 balles, une dans le dos et deux dans les jambes et se trouvait en arrêt cardio-respiratoire lors de l'arrivée des secours: "il est toujours dans le coma et son pronostic vital reste engagé", précise le parquet

GRENOBLE: L'adolescent atteint dimanche par trois balles près d'un point de vente de drogue à Grenoble est toujours dans le coma avec un pronostic vital engagé et ses agresseurs en fuite, a indiqué lundi le parquet.

Le garçon, dont l'identité "n'est toujours pas certaine à cette heure", pourrait être "un mineur de presque 14 ans né en Algérie en décembre 2011", connu dans les fichiers de police sous "diverses identités" pour trafic de stupéfiants en région parisienne et à Grenoble, a indiqué le parquet de Grenoble dans un communiqué.

Le parquet avait indiqué dimanche, dans un premier temps, que le mineur était âgé de 12 ans, né en décembre 2012.

L'adolescent a été atteint de 3 balles, une dans le dos et deux dans les jambes et se trouvait en arrêt cardio-respiratoire lors de l'arrivée des secours: "il est toujours dans le coma et son pronostic vital reste engagé", précise le parquet.

Le drame s'est déroulé dimanche vers 3H00 du matin près d'un point de vente de drogue du quartier Chorier-Berriat, dans l'ouest de la capitale iséroise. Neuf étuis de balles de 9 mm avaient été retrouvés sur place. "Le ou les auteurs des tirs n'ont pas été interpellés à cette heure", précise le communiqué.

Le mineur faisait l'objet d'une convocation devant le tribunal pour enfants de Grenoble le 10 décembre 2025, après avoir été contrôlé en possession de cannabis et de cocaïne sur un point de deal connu, situé près du lieu où il a été blessé dimanche, selon la même source.

Il avait à plusieurs reprises fugué du foyer où il était hébergé, a-t-on ajouté.

Un homme se présentant comme son grand frère, également connu de la police sous plusieurs alias, s'est présenté à l'hôpital où il a été transporté, indique également le parquet.


Macron reçoit Zelensky en vue d'un accord d'armement «historique» pour défendre le ciel ukrainien

Emmanuel Macron a accueilli lundi matin Volodymyr Zelensky sur la base aérienne de Villacoublay, près de Paris, avant la signature d'un accord d'armement qualifié d'"historique" par le président ukrainien pour "renforcer" l'aviation de combat et la défense aérienne de l'Ukraine. (AFP)
Emmanuel Macron a accueilli lundi matin Volodymyr Zelensky sur la base aérienne de Villacoublay, près de Paris, avant la signature d'un accord d'armement qualifié d'"historique" par le président ukrainien pour "renforcer" l'aviation de combat et la défense aérienne de l'Ukraine. (AFP)
Short Url
  • Dimanche, sur le réseau X, Volodymyr Zelensky a évoqué "un accord historique" qui prévoit "un renforcement significatif" de l'"aviation de combat, de la défense aérienne, et d'autres équipements de défense" de Kiev
  • Il s'agit selon la présidence française de "mettre l'excellence française en matière d'industrie d'armement au service de la défense de l'Ukraine" et de "permettre d'acquérir les systèmes qui lui sont nécessaires pour répondre à l'agression russe"

VELIZY-VILLACOUBLAY: Emmanuel Macron a accueilli lundi matin Volodymyr Zelensky sur la base aérienne de Villacoublay, près de Paris, avant la signature d'un accord d'armement qualifié d'"historique" par le président ukrainien pour "renforcer" l'aviation de combat et la défense aérienne de l'Ukraine.

Les industriels vont notamment présenter au dirigeant du pays en guerre depuis 2022 avec la Russie l'avion de combat français Rafale et son armement, le système de défense anti-aérienne SAMP-T de nouvelle génération, ainsi que plusieurs systèmes de drones. Une "lettre d'intention", dont la teneur précise n'a pas été dévoilée, doit ensuite être signée.

Dimanche, sur le réseau X, Volodymyr Zelensky a évoqué "un accord historique" qui prévoit "un renforcement significatif" de l'"aviation de combat, de la défense aérienne, et d'autres équipements de défense" de Kiev.

Il s'agit selon la présidence française de "mettre l'excellence française en matière d'industrie d'armement au service de la défense de l'Ukraine" et de "permettre d'acquérir les systèmes qui lui sont nécessaires pour répondre à l'agression russe".

L'Elysée a notamment évoqué "la défense du ciel ukrainien", alors que le président ukrainien a renouvelé samedi son appel pour obtenir davantage de systèmes de défense aérienne, au lendemain de nouvelles frappes russes massives contre son pays. Dans la nuit de dimanche a lundi, d'autres frappes ont tué au moins trois personnes dans la région de Kharkiv, dans l'est de l'Ukraine, selon les autorités locales.

Cette neuvième visite du dirigeant ukrainien en France depuis le début de l'invasion russe en février 2022 intervient alors que la situation sur le front est compliquée pour son pays, à l'orée de l'hiver. Et que l'Ukraine est ébranlée par un scandale de corruption ayant poussé deux ministres à la démission et forcé Volodymyr Zelensky à prendre des sanctions contre l'un de ses proches.

"Sur les sujets de la corruption, il faut être extraordinairement vigilant. On l'est et on l'est en particulier dans ce processus d'adhésion à l'Union européenne" entamé par l'Ukraine, a rappelé samedi le ministre délégué chargé de l'Europe, Benjamin Haddad, sur la chaîne LCI.

Volodymyr Zelensky a déjà signé le mois dernier une lettre d'intention en vue d'acquérir 100 à 150 avions de chasse suédois Gripen, une manière d'afficher un tournant par rapport aux cessions d'armements par les pays occidentaux alliés et de planifier le renforcement à long terme de la défense ukrainienne après l'issue du conflit.

La France a déjà livré des chasseurs Mirage à Kiev, mais il n'avait jusqu'ici pas été question de voir l'Ukraine se doter du Rafale, fleuron de l'aviation de combat français.

Le système de défense anti-aérienne SAMP-T de nouvelle génération qui sera aussi présenté au dirigeant ukrainien doit être livré à la France à partir de 2027 et dispose de capacités d'interception étendues contre les missiles par rapport au SAMP-T, dont un exemplaire est déployé en Ukraine.

"Force multinationale" 

Après cette visite à Villacoublay, au sud-ouest de Paris, les deux dirigeants participeront dans l'après-midi à l'Elysée à un "forum drones franco-ukrainien".

Kiev entend utiliser cette année plus de 4,5 millions de drones, qui sont responsables de 70% des destructions de matériels ennemis sur le front. Le pays a développé pour cela un agile réseau de production. L'Ukraine utilise également des drones pour abattre les drones Shahed lancés chaque nuit contre elle.

Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky se rendront par ailleurs au mont Valérien, à l'ouest de Paris, visiter l'état-major de la "force multinationale Ukraine" que Paris et Londres préparent pour qu'elle puisse être déployée dans le cadre d'un accord de cessez-le-feu et des "garanties de sécurité" à fournir à Kiev.

Mis en place par la "coalition de volontaires", à laquelle participent, selon l'Elysée, 35 pays en incluant l'Ukraine, cet état-major "fonctionne" et est "dès à présent" capable "de déployer une force dès le lendemain d'un cessez-le-feu", assure-t-on côté français.

Les garanties de sécurité envisagées pour l'Ukraine, échafaudées depuis des mois par cette coalition, comprennent un soutien à l'armée de Kiev et des volets terrestre, maritime et aérien. Mais leur mise en œuvre reste conditionnée à un très hypothétique arrêt des combats.

 

 


Assurance chômage: les syndicats demandent au gouvernement de renoncer formellement à une réforme globale

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu sur l'avenue des Champs-Élysées à Paris, le 11 novembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu sur l'avenue des Champs-Élysées à Paris, le 11 novembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Syndicats et organisations patronales (sauf Medef) réclament le retrait du cadrage financier sur l’assurance chômage
  • Ils veulent ouvrir une négociation sur les contrats courts et les ruptures conventionnelles sans nouvelles économies imposées

PARIS: Les cinq syndicats représentatifs de salariés et deux organisations patronales, à l'exception du Medef, demandent au gouvernement de renoncer formellement à son projet de nouvelles négociations sur l'assurance chômage, dans un courrier commun consulté par l'AFP.

Dans ce courrier adressé vendredi soir au Premier ministre Sébastien Lecornu, la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC, côté syndicats, et la CPME et l'U2P (artisans), côté patronal, lui demandent de retirer le cadrage financier qui avait été communiqué en août par le gouvernement Bayrou pour fixer les économies souhaitées sur l'assurance chômage.

Ce retrait doit leur permettre, expliquent-elles, d'ouvrir, "dans les prochaines semaines, une négociation interprofessionnelle portant sur la question des contrats courts". Une négociation qui "sera également l’occasion d'examiner la question des ruptures conventionnelles", selon leur courrier.

Depuis la chute du gouvernement Bayrou, Sébastien Lecornu a semblé abandonner l'idée d'une nouvelle réforme globale de l'assurance chômage pour cibler "les ruptures conventionnelles (qui) peuvent donner lieu à des abus".

Le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou a souligné jeudi avoir "proposé aux partenaires sociaux" de s'"emparer" de ce sujet. "On voudrait aller assez vite pour trouver quelques centaines de millions d’euros d’économies", a-t-il dit au Parisien.

Une telle discussion se ferait, plaident les syndicats dans leur courrier, "dans une approche globale et équilibrée, avec l’objectif partagé de renforcer la qualité de l'emploi et de sécuriser les parcours professionnels".

Dans sa lettre de cadrage, en août, le gouvernement Bayrou avait demandé aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention d'assurance chômage en réalisant 2 à 2,5 milliards d'euros d'économies par an entre 2026 et 2029.

Elle fixait le 15 novembre comme date butoir pour un accord, mais les discussions n'ont jamais eu lieu.

Les partenaires sociaux sont chargés de négocier les règles de l'indemnisation du chômage mais s'il ne parviennent pas à un accord, l'État définit les règles par décret.

Cette lettre avait été jugée inacceptable par les syndicats notamment en raison de l'ampleur des efforts demandés, alors que les principales règles de la dernière réforme, datant de novembre 2024, étaient entrées en vigueur en avril dernier, en théorie pour quatre ans.

"On n'a pas arrêté de demander au gouvernement de renoncer à la lettre de cadrage et on continue à leur demander de l'abandonner explicitement par un écrit, sinon ce sera une épée de Damoclès avec des décrets qui pourraient nous arriver très prochainement ou avec un autre gouvernement qui nous dirait qu'on n'a pas respecté la lettre de cadrage", s'inquiète auprès de l'AFP le secrétaire confédéral de la CGT, Denis Gravouil.