Climat: l'UE finalise les modalités d'une «taxe carbone» à ses frontières

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Publié le Lundi 12 décembre 2022

Climat: l'UE finalise les modalités d'une «taxe carbone» à ses frontières

  • L'idée est d'éviter un «dumping écologique» qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d'Europe, tout en encourageant le reste du monde à adopter les standards européens
  • Il ne s'agit pas véritablement d'une taxe, mais d'un «ajustement» aux frontières, consistant à appliquer aux importations les critères du marché du carbone européen

BRUXELLES: Verdir les importations industrielles en faisant payer les émissions carbones liées à leur production: l'UE finalise lundi les modalités d'un mécanisme inédit, qui doit aussi signer la fin des "droits à polluer" gratuits alloués aux industriels européens.

Avec l'envolée du prix de la tonne de CO2, l'idée est d'éviter un "dumping écologique" qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d'Europe, tout en encourageant le reste du monde à adopter les standards européens.

L'appellation populaire de "taxe carbone" est trompeuse: il ne s'agit pas véritablement d'une taxe, mais d'un "ajustement" aux frontières ("CBAM" en anglais), consistant à appliquer aux importations les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l'UE sont tenus d'acheter des "droits à polluer".

L'importateur devra déclarer les émissions directement liées au processus de production, et si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un "certificat d'émission" au prix du CO2 dans l'UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence.

Commission et Etats défendent une application progressive du mécanisme sur dix ans à partir de 2026. Les eurodéputés, eux, demandent une mise en oeuvre graduelle entre 2027 et 2032.

La collecte des recettes pourrait être confiée aux Etats ou à une nouvelle autorité européenne centralisée -- autre question en suspens.

Voici plusieurs aspects de ce dispositif à l'impact mondial, au coeur d'ultimes pourparlers entre le Parlement européen et les Etats membres.

Secteurs concernés 

La proposition de la Commission européenne, reprise par les Etats, vise les importations dans les cinq secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité).

Le Parlement européen a réclamé d'élargir la liste (hydrogène, plastiques, chimie). Selon Bruxelles, l'inclusion de produits chimiques organiques s'avérerait extrêmement complexe.

Quotas gratuits

Actuellement, les industriels européens se voient allouer des quotas gratuits couvrant une partie de leurs émissions, pour soutenir leur compétitivité face aux importations non soumises aux mêmes critères environnementaux.

L'équivalent de 98,5 milliards d'euros leur ont ainsi été distribués entre 2013 et 2021, selon l'ONG WWF.

A mesure que montera en puissance l'"ajustement aux frontières", les quotas gratuits distribués aux secteurs concernés seront supprimés progressivement.

Un point crucial: en traitant à égalité importations et production locale, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et contrer les accusations de "protectionnisme".

Mais le calendrier reste âprement discuté. Les eurodéputés réclament une suppression très progressive, permettant aux entreprises de recevoir encore 50% d'allocations gratuites en 2030, avant leur disparition complète en 2032. Les Etats veulent en maintenir jusqu'en 2035.

La question ne sera réglée qu'en fin de semaine dans le cadre d'autres négociations sur le marché du carbone, prévient Pascal Canfin, président de la commission Environnement au Parlement européen.

Les ONG environnementales appellent à accompagner ces quotas gratuits, tant qu'ils existent, de conditions drastiques en termes d'investissements verts.

Aides à l'exportation

Autre point controversé: le Parlement veut que les sites industriels européens, sous certaines conditions, continuent de recevoir des allocations gratuites pour leur production destinée aux exportations vers des pays hors-UE sans tarification carbone comparable.

Les Etats restent réticents à tout "rabais à l'exportation".

"Nous n'avons aucun dispositif pour nous assurer qu'une entreprise qui investit pour décarboner, ce qui est coûteux, ne se trouve pas défavorisée sur le marché mondial", fait valoir Pascal Canfin.

"Sans solution viable alternative, les exportations européennes souffriront de la concurrence", alors qu'elles pâtissent déjà des coûts énergétiques, s'alarme Aegis Europe, alliance d'une vingtaine d'industries (sidérurgie, engrais...). Selon elle, de telles aides seraient compatibles aux règles de l'OMC.

Ce que réfute Pascal Lamy, ex-directeur général de l'OMC et responsable de l'Institut Jacques Delors.

"Ce n'est pas compatible car le CBAM n'est pas une taxe, c'est très différent d'une TVA sur laquelle on accorderait des exemptions aux exportateurs. Il serait très périlleux de risquer un contentieux là-dessus", a-t-il expliqué à l'AFP.

Emissions «indirectes»

Les eurodéputés souhaitent inclure les émissions "indirectes" générées par l'électricité utilisée pour la production des produits importés. Une idée écartée initialement par la Commission et les Etats qui jugeaient le traçage trop complexe.

Les revenus attendus, qui pourraient dépasser 14 milliards d'euros annuels, alimenteront le budget général de l'UE, contribuant à rembourser le plan de relance post-Covid.

Des ONG appellent, elles, à les réserver strictement à la décarbonation et à l'aide aux pays en développement affectés.

Avec l'extension des standards européens au reste du monde, "l'objectif est quand même que ce dispositif ne rapporte plus aucune recette le plus vite possible", rappelle M. Lamy.


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.