Ethiopie: malgré l'accord de paix, peur, pillages et pénuries restent le quotidien au Tigré

Le chef de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, d'origine tigréenne, a annoncé le 15 décembre que son oncle avait été "assassiné par l'armée érythréenne", avec cinquante autres villageois. (Photo Fabrice COFFRINI / AFP)
Le chef de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, d'origine tigréenne, a annoncé le 15 décembre que son oncle avait été "assassiné par l'armée érythréenne", avec cinquante autres villageois. (Photo Fabrice COFFRINI / AFP)
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Publié le Vendredi 23 décembre 2022

Ethiopie: malgré l'accord de paix, peur, pillages et pénuries restent le quotidien au Tigré

  • Erythréens et nationalistes amhara nourrissent une animosité historique envers le Tigré.
  • Des habitants et des travailleurs humanitaires de diverses parties du Tigré ont affirmé à l'AFP - la plupart sous couvert d'anonymat pour des raisons de sécurité - que pillages et persécutions de civils se poursuivaient dans la région

NAIROBI: Malgré un accord de paix début novembre, le Tigré vit dans le désarroi et la peur, avec un quotidien fait de pénuries, mais aussi de violences, expulsions et pillages commis par des alliés de l'armée éthiopienne, selon des habitants et travailleurs humanitaires.

Depuis l'accord signé à Pretoria entre les autorités rebelles du Tigré, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), et le gouvernement fédéral éthiopien, les combats ont cessé. De l'aide alimentaire et médicale arrive peu à peu et la capitale régionale Mekele a été raccordée au réseau électrique national.

Mais des habitants et des travailleurs humanitaires de diverses parties du Tigré ont affirmé à l'AFP - la plupart sous couvert d'anonymat pour des raisons de sécurité - que pillages et persécutions de civils se poursuivaient dans la région.

Ils accusent l'armée de l'Erythrée, pays qui borde la frontière nord du Tigré, et des combattants de la région de l'Amhara, jouxtant sa frontière sud, deux forces qui ont prêté main-forte à l'armée éthiopienne dans le conflit mais dont les dirigeants n'ont pas participé aux discussions de Pretoria.

Les accès et communications au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain.

Selon deux travailleurs humanitaires ayant parcouru la région entre fin novembre et début décembre, ces troupes sont présentes sur des centaines de kilomètres, depuis le Tigré occidental jusqu'au Tigré central, de la ville d'Humera à celle d'Adwa.

Elles sont arrivées en octobre à Shire, dans le nord-ouest de la région, où règne depuis un climat de terreur, selon un habitant.

"Depuis deux mois, Shire est quasiment une ville morte", racontait-il mi-décembre, évoquant des "pillages et enlèvements continus". "Les femmes ont peur de sortir de chez elles par crainte de violences sexuelles", ajoutait-il.

Il décrivait aussi "une existence très précaire", les habitants faisant la queue pour puiser de l'eau, les ânes qui ont remplacé les voitures dans les rues, l'absence d'argent...

Pillages, enlèvements, viols

Mi-novembre, un travailleur humanitaire basé à Shire racontait déjà à l'AFP: "Les forces amhara se livrent au pillage de maisons et de bureaux gouvernementaux, ainsi qu'à des enlèvements principalement de jeunes, hommes et femmes. (...) Les soldats érythréens continuent également de piller et de kidnapper des jeunes".

"L'armée éthiopienne et les autres forces de sécurité (dont la police, ndlr) regardent et n'interviennent pas", affirmait-il.

Le 1er décembre, il faisait également état de "onze cas de viols" recensés par son organisation.

Les autorités rebelles, qui ont "désengagé" deux-tiers de leurs combattants après l'accord, accusent régulièrement l'armée érythéenne d'exactions et de "massacres" de civils.

Le chef de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, d'origine tigréenne, a annoncé le 15 décembre que son oncle avait été "assassiné par l'armée érythréenne", avec cinquante autres villageois.

Une habitante d'Adwa a raconté à l'AFP le 22 décembre connaître "une famille de sept personnes qui a été assassinée par les Erythréens à Mariam-Shewito", un village à une dizaine de kilomètres de la ville.

Erythréens et nationalistes amhara nourrissent une animosité historique envers le Tigré.

L'Erythrée est une ennemie jurée du TPLF depuis une sanglante guerre frontalière en 1998-2000, quand ce parti était au pouvoir en Ethiopie (1991-2018).

Certains Amhara estiment, eux, avoir été volés de terres fertiles rattachées au Tigré à l'arrivée au pouvoir du TPLF en 1991. Au début du conflit en novembre 2020, des forces régionales et milices amhara ont investi cette zone du Tigré occidental.

«On a peur»

Dans le sud-ouest du Tigré, un habitant de la ville de Mai Tsebri affirmait début décembre que "les nouveaux dirigeants (arrivés depuis octobre) de la région de l'Amhara ont interdit de parler le tigrigna (la langue tigréenne, ndlr), déportent et expulsent les Tigréens de souche et pillent leurs propriétés".

"On est inquiets, on a peur pour notre sécurité et notre avenir", confiait-il.

"Les nouveaux dirigeants ont commencé à délivrer des cartes d'identité aux habitants qu'ils considèrent comme appartenant à l'ethnie amhara, ainsi qu'aux colons arrivés avec les nouvelles autorités", ajoutait-il.

Un travailleur humanitaire qui a visité cette région fait également état de l'arrivée de nombreux Amhara, notamment à Humera, parallèlement à des expulsions de Tigréens vers l'autre rive de la rivière Tekeze, qui délimite le Tigré occidental. Il évoquait aussi des camps de détention.

Dès mars 2021, les Etats-Unis avaient dénoncé des actes de "nettoyage ethnique" au Tigré occidental, des accusations renouvelées par des ONG quelques mois plus tard, mais toujours démenties par les autorités.

Contactés, le gouvernement régional amhara et le gouvernement fédéral n'ont pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP.

«Brisés et déprimés»

A travers le nord du Tigré, "il y a un très grave manque de médicaments, d'hygiène et d'assainissement", explique un deuxième travailleur humanitaire, qui a voyagé début décembre de Shire à Adwa.

Dans la capitale tigréenne Mekele, toujours sous contrôle rebelle, "les gens se sentent globalement brisés et déprimés par la situation ainsi que par la pénurie générale de nourriture, de médicaments et de logement", explique un autre travailleur humanitaire basé dans la ville.

"Le marché a commencé à reprendre vie à mesure que l'approvisionnement s'améliore, mais les produits de première nécessité sont toujours très chers", ajoutait-il dans une interview le 6 décembre.

A l'hôpital Ayder, le principal de la ville, "la situation reste la même qu'il y a 18 mois", affirme un des responsables, Kibrom Gebreselassie: "Il n'y a toujours pas de budget, les médicaments que nous recevons proviennent de dons qui couvrent à peine la consommation d'un à deux jours des patients".

Le médecin, ainsi qu'un habitant de la ville, décrivent tous deux "un sentiment mitigé" dans la population.

"Tout le monde est fatigué de la guerre, la paix est ce que les gens veulent par-dessus tout. Mais tout le monde craint que l'accord de paix ne soit utilisé pour dissimuler les crimes contre l'humanité commis ces deux dernières années", explique Kibrom Gebreselassie, dénonçant des "massacres" qui continuent.

"Le peuple tigréen (...) est laissé seul face à des forces étrangères occupantes qui tuent en toute impunité", estime-t-il. "Aimer la paix ne signifie pas renoncer à la justice".

S'il n'a pas vu jusqu'à présent "de progrès prometteurs", il se veut "optimiste": "Après tout ce bain de sang et cette haine, les choses ne reviennent pas rapidement à la normale, il faut du temps".


Réunion sur Gaza vendredi à Miami entre Etats-Unis, Qatar, Egypte et Turquie

L'émissaire américain Steve Witkoff se réunira vendredi à Miami (Floride, sud-est) avec des représentants du Qatar, de l'Egypte et de la Turquie pour discuter des prochaines étapes concernant la bande de Gaza, a appris l'AFP jeudi auprès d'un responsable américain. (AFP)
L'émissaire américain Steve Witkoff se réunira vendredi à Miami (Floride, sud-est) avec des représentants du Qatar, de l'Egypte et de la Turquie pour discuter des prochaines étapes concernant la bande de Gaza, a appris l'AFP jeudi auprès d'un responsable américain. (AFP)
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  • Le Qatar et l'Egypte, qui font office de médiateurs autant que de garants du cessez-le-feu dans le territoire palestinien ravagé par deux ans de guerre, ont récemment appelé à passer à la prochaine phase du plan de Donald Trump
  • Celle-ci prévoit le désarmement du Hamas, le retrait progressif de l'armée israélienne de tout le territoire, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale

WSAHINGTON: L'émissaire américain Steve Witkoff se réunira vendredi à Miami (Floride, sud-est) avec des représentants du Qatar, de l'Egypte et de la Turquie pour discuter des prochaines étapes concernant la bande de Gaza, a appris l'AFP jeudi auprès d'un responsable américain.

Le Qatar et l'Egypte, qui font office de médiateurs autant que de garants du cessez-le-feu dans le territoire palestinien ravagé par deux ans de guerre, ont récemment appelé à passer à la prochaine phase du plan de Donald Trump.

Celle-ci prévoit le désarmement du Hamas, le retrait progressif de l'armée israélienne de tout le territoire, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale.

Le cessez-le-feu à Gaza, entré en vigueur en octobre entre Israël et le Hamas, demeure précaire, les deux camps s'accusant mutuellement d'en violer les termes, tandis que la situation humanitaire dans le territoire reste critique.

Le président américain n'en a pas moins affirmé mercredi, dans une allocution de fin d'année, qu'il avait établi la paix au Moyen-Orient "pour la première fois depuis 3.000 ans."

La Turquie sera représentée à la réunion par le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan.

Dans un discours, le président turc Recep Tayyip Erdogan a quant à lui affirmé que son pays se tenait "fermement aux côtés des Palestiniens".

 

 


Zelensky dit que l'Ukraine a besoin d'une décision sur l'utilisation des avoirs russes avant la fin de l'année

ze;"Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a déclaré Zelensky. (AFP)
ze;"Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a déclaré Zelensky. (AFP)
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  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé jeudi que l'Ukraine avait besoin d'une décision européenne sur l'utilisation des avoirs russes gelés avant la fin de l'année
  • "Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a-t-il déclaré. Il avait indiqué auparavant que Kiev aurait un "gros problème" si les dirigeants européens ne parvenaient pas à un accord

BRUXELLES: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé jeudi que l'Ukraine avait besoin d'une décision européenne sur l'utilisation des avoirs russes gelés avant la fin de l'année, lors d'une conférence de presse à Bruxelles en marge d'un sommet des dirigeants de l'UE sur le sujet.

"Nos partenaires ont été informés que la décision doit être prise d'ici la fin de cette année", a-t-il déclaré. Il avait indiqué auparavant que Kiev aurait un "gros problème" si les dirigeants européens ne parvenaient pas à un accord sur l'utilisation de ces avoirs pour financer l'Ukraine. En l'absence d'accord, Kiev sera à court d'argent dès le premier trimestre 2026.

 

 


Trump impose des restrictions d'entrée à sept autres pays et aux Palestiniens

Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
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  • Donald Trump élargit les interdictions d’entrée aux États-Unis à sept pays supplémentaires, dont la Syrie, et inclut les Palestiniens munis de documents de l’Autorité palestinienne
  • La Maison Blanche invoque la sécurité nationale, tout en prévoyant des exceptions limitées, dans le cadre d’un durcissement général de la politique migratoire

WASHINGTON: Donald Trump a étendu mardi les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens.

Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales.

Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles.

S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays.

L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale.

Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison Blanche.

De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis.

Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale.

Du coup, les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.