Quand la cocaïne sud-américaine et la violence des cartels déferlent sur l'Europe

Sur cette photo d'archives prise le 7 janvier 2022, des douaniers belges recherchent de la drogue dans un conteneur au port d'Anvers. (Photo de François Walschaerts / AFP)
Sur cette photo d'archives prise le 7 janvier 2022, des douaniers belges recherchent de la drogue dans un conteneur au port d'Anvers. (Photo de François Walschaerts / AFP)
Un agent belge vérifie une caisse de bananes lors d'un contrôle douanier pour la drogue dans le hangar d'une entreprise fruitière du port d'Anvers. (Valeria Mongelli / AFP)
Un agent belge vérifie une caisse de bananes lors d'un contrôle douanier pour la drogue dans le hangar d'une entreprise fruitière du port d'Anvers. (Valeria Mongelli / AFP)
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Publié le Lundi 16 janvier 2023

Quand la cocaïne sud-américaine et la violence des cartels déferlent sur l'Europe

  • Dans la capitale française, comme dans la plupart des grandes villes européennes, la «coke» coule à flots
  • 2022 s'annonce encore meilleure: 162 tonnes ont été saisies l'an dernier dans les seuls ports d'Anvers (Belgique) et Rotterdam (Pays-Bas), selon les douanes des deux pays

PARIS : "Un c'est 70, deux c'est 120." Le livreur présente quelques boulettes à la jeune femme qui l'a rejoint au bas de son immeuble du très chic VIe arrondissement de Paris. Sous le plastique, de la cocaïne venue tout droit d'Amérique du Sud.

"C'est comme tous les livreurs à domicile, ceux qui 'speedent' avec des courses ou des sushis", s'amuse le jeune dealer, "je reçois des commandes et je tourne dans Paris".

Dans la capitale française, comme dans la plupart des grandes villes européennes, la "coke" coule à flots.

Quelques dizaines de minutes suffisent pour en prendre commande sur une messagerie cryptée type WhatsApp ou Signal et la faire porter chez soi comme une pizza. En matière de stupéfiants aussi, "l'ubérisation" a révolutionné le marché.

"Les consommateurs préfèrent passer par une plateforme (de messagerie) et se faire livrer en bas de chez eux par un mec qui ressemble à un Deliveroo", décrit la commissaire Virginie Lahaye, cheffe des "stups" parisiens. "C'est beaucoup plus facile que d'aller dans un coin un peu sordide en banlieue."

En 2021, quelque 3,5 millions d'Européens ont goûté au moins une fois à la cocaïne, selon l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT). Un niveau "historique", quatre fois supérieur à celui mesuré il y a vingt ans.

La demande de poudre blanche suit la même progression que l'offre. Vertigineuse.

Le volume des saisies sur le Vieux Continent, seul baromètre officiel en la matière, a battu un nouveau record en 2021 avec 240 tonnes, selon l'Office de police européen (Europol), contre 213 tonnes en 2020 et 49 dix ans plus tôt.

2022 s'annonce encore meilleure: 162 tonnes ont été saisies l'an dernier dans les seuls ports d'Anvers (Belgique) et Rotterdam (Pays-Bas), selon les douanes des deux pays.

"Un tsunami", résume le patron de la police judiciaire fédérale belge, Eric Snoeck.

Incontournable coca

Le périple de la cocaïne débute à des milliers de kilomètres de là.

Sur les pentes des hauts-plateaux de Colombie, du Pérou et de Bolivie, poussent les feuilles dont est extraite la drogue popularisée au XIXe siècle par Sigmund Freud et une poignée de chimistes européens pour ses vertus médicinales.

Dans la région du Catatumbo (nord-est de la Colombie), la coca a pris depuis belle lurette la place des cultures vivrières. C'est grâce à elle que José del Carmen Abril nourrit sa famille de huit enfants.

"La coca (...) a remplacé le gouvernement qui n'est jamais venu par ici", commente, chapeau de paille sur la tête, ce père de famille de 53 ans. "Avec elle, nous avons pu construire des écoles, des centres de santé, des routes et des habitations."

Dans un pays où le salaire quotidien minimum ne dépasse pas 7 dollars, un planteur de coca peut en gagner cinq fois plus.

Plus de 200 000 familles colombiennes récoltaient de la coca en 2018, selon l'ONU. Les milliards de dollars dépensés depuis des décennies par Bogota et son principal soutien Washington dans leur "guerre contre la drogue" n'y ont rien changé: la production n'en finit pas de croître.

Elle a même battu un record historique en 2021: 1 400 tonnes de poudre produites contre 1 228 tonnes l'année précédente, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et la criminalité (ONUDC). Une hausse de 14%.

Les experts estiment à plus de 2 000 tonnes le volume total de cocaïne proposé sur le marché mondial en 2021.

Producteur de coca, José del Carmen Abril y a pris sa part. Mais il refuse d'être taxé de "narco". Les paysans comme lui sont "des paysans qui récoltent (...) et n'ont pas de salaire minimum", se défend-il. Les trafiquants, eux, "se font combien de millions avec un kilo de cocaïne ?"

Une fois récoltées, ses feuilles sont confiées à des chimistes qui les mélangent à de l'essence, de la chaux, du ciment et du sulfate d'ammonium pour obtenir une pâte blanche vendue dans le Catatumbo autour de 370 dollars le kilo.

Cette pâte est ensuite enrichie dans d'autres laboratoires d'un cocktail d'acides et de solvants pour devenir la "coke". Pure, son prix a passé la barre des 1 000 dollars le kilo.

Cartels mexicains

La Colombie fournit à elle seule les deux tiers de la cocaïne mondiale. Mais la chute des cartels de Medellin et Cali au milieu des années 1990 et l'accord de paix signé en 2016 avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) ont bouleversé le marché.

Simples intermédiaires à la fin du siècle dernier, les Mexicains ont profité de l'atomisation de leurs rivaux colombiens pour arracher le contrôle quasi total du secteur, du financement de la production à la supervision des exportations.

Longtemps, les cartels de Sinaloa ou de Jalisco ont privilégié leur marché "naturel", les Etats-Unis. Ils visent désormais en priorité l'Europe, où la consommation flambe.

Europol y évalue aujourd'hui le marché annuel de la vente au détail de cocaïne entre 7,6 à 10,5 milliards d'euros.

"Le marché US est saturé et la coke se vend en Europe à un prix 50 à 100% supérieur", décrypte le patron du renseignement douanier français, Florian Colas. "Autres avantages pour les trafiquants, le risque pénal est sans doute moins dissuasif en Europe qu'aux Etats-Unis et les options logistiques sont multiples entre les deux continents."

Comme 90% du commerce mondial, l'essentiel de la "blanche" traverse l'Atlantique dans des conteneurs maritimes, dissimulée dans des cargaisons parfaitement légales de bananes, de sucre en poudre ou de conserves.

Le reste circule en avion dans les valises ou les intestins de "mules" qui embarquent à Cayenne, en Guyane française, pour Paris. Quand elle ne se faufile pas au fond des mers à bord de sous-marins ou de submersibles téléguidés, comme ceux saisis en juillet dernier par la police espagnole.

Au début des années 2000, les Mexicains avaient établi leur tête de pont européenne sur la Costa del Sol espagnole, un des nœuds du trafic de cannabis marocain.

L'arrestation quelques années plus tard de plusieurs "barons" et surtout l'explosion du transport maritime les a convaincus de réorienter leur trafic vers les principaux ports à conteneurs du continent, dans le nord de l'Europe.

Embarqués dans le port brésilien de Santos, tenu par la mafia de Sao Paulo, celui de Guayaquil en Equateur, en Colombie, au Panama ou au Pérou, les pains de "neige" cinglent vers Anvers, Rotterdam, Hambourg (en Allemagne) ou Le Havre (en France).

"C'est par là que passe l'essentiel de la drogue destinée à l'Europe", détaille la directrice adjointe des douanes françaises, Corinne Cléostrate. "Certaines cargaisons font étape aux Antilles. D'autres filent vers les Balkans ou transitent en Afrique de l'Ouest, avant de remonter vers l'Europe."

Mafias européennes

Ces routes sont gérées selon un "business plan" bien rodé.

Les cartels mexicains vendent "leur" produit aux multinationales européennes du crime. Parfois via des courtiers qui répartissent les cargaisons, collectent leur financement et mutualisent les pertes en cas de saisie.

"Ces organisations criminelles peuvent être concurrentes", observe la policière Stéphanie Cherbonnier. "Mais elles créent aussi des alliances car elles doivent unir leurs compétences, leur savoir-faire, pour faire rentrer la drogue."

"Mocro-maffia" d'origine marocaine aux Pays-Bas et en Belgique, pègre albanaise, serbe ou kosovare et Ndrangheta calabraise se répartissent le marché selon leur localisation et leurs spécialités (logistique, protection, blanchiment...).

Ces groupes pilotent la réception de la drogue dans les ports, confiée à des "petites mains" du cru au nom d'un strict cloisonnement des tâches.

Leurs moyens sont considérables car le trafic de cocaïne offre une rentabilité sans pareil: le kilo acheté 1.000 dollars en Amérique du Sud est vendu 35.000 euros en Europe. Une fois sortie des ports et coupée - jusqu'à 40% - la marchandise est vendue au client autour de 70 euros le gramme.

Un bénéfice qui autorise toutes les corruptions.

Dockers, agents portuaires ou chauffeurs-routiers, douaniers et policiers parfois, sont achetés pour laisser les "petites mains" récupérer le butin dans les conteneurs.

Au Havre, décrit un policier français, les 2 200 dockers qui règnent en maîtres sur les piles de conteneurs rouges, bleus ou verts entassés sur ses quais, sont devenus les complices préférés et souvent obligés des trafiquants.

Ces dernières années, plusieurs ont été condamnés en France à des années de prison ferme pour avoir "collaboré".

L'un d'eux a décrit à son avocat l'engrenage qui l'a plongé dans le trafic: "Avant, je récupérais des cartouches de cigarettes ou du parfum pour les revendre. Ça me rapportait 200 à 300 euros par mois. Puis un jour, des mecs nous ont demandé de sortir des sacs. Ils nous ont offert 1 000 euros le sac. Ça a commencé comme ça..."

Certains dockers leur prêtent un badge pour entrer sur le port, d'autres déplacent un conteneur chargé de drogue hors du champ des caméras ou "autorisent" la sortie d'un autre.

A Rotterdam, le plus grand port d'Europe, policiers et douaniers ont surpris des petits soldats du trafic cachés dans des "conteneurs hôtels" avec vivres et couvertures pour attendre l'arrivée d'un chargement de cocaïne.

Le "ticket de sortie" d'une "boîte" - un conteneur - peut se monnayer jusqu'à 100 000 euros au Havre où, confesse un douanier, "on ne contrôle que 1% des conteneurs parce qu'on n'a pas les moyens de faire plus".

Exécution

En plus d'acheter complicités ou silences, ces sommes folles nourrissent une violence qui déborde largement dans les rues des villes portuaires.

Dans le quartier résidentiel anversois de Deurne, Steven de Winter en a connu au moins trois vagues.

En mai dernier, une maison de son quartier, occupée par une famille connue pour son implication dans le trafic, a été attaquée à l'explosif alors que des voisins célébraient un mariage dans un jardin tout proche.

"Ce n'est plus possible", enrage l'employé de banque de 47 ans, "ça suffit !"

En cinq ans, le parquet de la cité flamande dit avoir recensé "plus de 200 actes de violence liés à la drogue": menaces, agressions ou jets d'engins explosifs.

Le 9 janvier encore, une fillette de 11 ans a été tuée dans sa maison anversoise visée par des tirs. Le bourgmestre Bart De Wever a immédiatement fait le lien avec "une guerre de la drogue".

Aux Pays-Bas, les groupes criminels sont allés encore plus loin.

Le 6 juillet 2021, il est 19h30 quand le célèbre journaliste Peter R. de Vries quitte le studio d'Amsterdam où il a participé à un talk-show télévisé. A l'entrée d'un parking souterrain, le reporter est abattu de plusieurs coups de feu.

Spécialiste des affaires criminelles, il était le confident du principal témoin à charge dans le procès de Ridouan Taghi, un chef présumé de la "Mocro-maffia" arrêté à Dubaï en 2019.

Séquestration de dockers, torture de rivaux, élimination de gêneurs: les trafiquants sont prêts à tout pour défendre leur commerce. Le démantèlement l'an dernier du réseau de messagerie crypté Sky/ECC a ouvert une fenêtre inédite sur leurs méthodes.

"On a découvert une violence complètement inouïe", souffle le policier belge Eric Snoeck. "Il y a très, très peu de retenue par rapport au fait de torturer quelqu'un qui a une bonne information ou tout simplement d'exécuter quelqu'un qui n'a pas respecté un contrat (...) ça fait froid dans le dos."

En 2020, la police néerlandaise avait découvert des conteneurs aménagés en chambre de détention et de torture...

Les mafias de la cocaïne visent de plus en plus haut. Un projet d'enlèvement du ministre belge de la Justice a été déjoué en septembre. Aux Pays-Bas, c'est la princesse héritière Amalia et le Premier ministre Mark Rutte qui semblaient visés cet automne.

«Guerre totale»

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Sur cette photo d'archives prise le 7 novembre 2022, un douanier français teste un colis suspecté d'être de la cocaïne à l'aéroport d'Orly, au sud de Paris. (AFP) 

Pour enrayer la vague qui déferle sur l'Europe, policiers et magistrats ont engagé une "guerre totale".

En développant renseignement et "ciblage", en musclant la coopération internationale et en renforçant la sécurité des ports, les saisies ont battu des records chaque année. Près de 110 tonnes en 2022 à Anvers, le principal point d'entrée de la "blanche" en Europe, contre 89,5 tonnes en 2021.

"Ça signifie que nos méthodes sont plus efficaces mais aussi que les flux augmentent", concède la douanière française Corinne Cléostrate.

Jamais confirmé, un "chiffre noir" circule: seuls 10% du volume de la cocaïne en circulation seraient interceptés.

"Nous avons des terminaux de plus en plus automatisés, cela rend plus difficile la tâche (des trafiquants)", note le chef des douaniers chargés des interceptions à Rotterdam, Ger Scheringa. A Rotterdam, les saisies ont nettement reculé de 72,8 à 46,8 tonnes de 2021 à 2022.

Mais les trafiquants ont déjà ouvert des "itinéraires bis" vers des ports moins surveillés. C'est le cas de Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire (ouest) en France, où près de 600 kilos de "coke" ont été saisis en 2022.

Les polices européennes ont également renforcé la chasse aux têtes du trafic.

Fin novembre, Europol a annoncé le démantèlement d'un "super cartel" qui contrôlait un tiers du trafic de cocaïne vers l'Europe: 49 suspects arrêtés en France, Espagne, Pays-Bas, Belgique et surtout à Dubaï, un de leurs repaires favoris.

En première ligne de cette guerre, les douaniers français de Martinique ne se font pourtant guère d'illusion.

Inlassablement, ils surveillent et inspectent les yoles de pêche, voiliers et cargos qui voguent dans les eaux turquoises du canal de Sainte-Lucie, face aux côtes sud-américaines.

"Les trafiquants connaissent nos méthodes (...) on fait au mieux mais il faut savoir reconnaître qu'on ne pourra pas tout attraper", concède le patron des douaniers de l'île, Jean-Charles Métivier. "On a souvent un coup de retard."

Pendant ce temps à Paris, le commerce bat son plein, avec ses guerres des prix et ses offres commerciales.

"Big promo, 50 euros: 1 caro", (un gramme de "coke"), promet un message posté sur la boucle d'une messagerie.


L'écrivain israélien David Grossman qualifie de "génocide" la situation à Gaza

Des Palestiniens reçoivent de la soupe de lentilles dans un point de distribution de nourriture dans la ville de Gaza, le 1er août 2025. (AFP)
Des Palestiniens reçoivent de la soupe de lentilles dans un point de distribution de nourriture dans la ville de Gaza, le 1er août 2025. (AFP)
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  • Le célèbre écrivain israélien David Grossman a qualifié de "génocide" la manière dont son pays mène la guerre dans la bande de Gaza
  • Allant à contre-courant du gouvernement israélien, M. Grossman affirme rester "désespérément fidèle" à l'idée de deux Etats, la Palestine et Israël

ROME: Le célèbre écrivain israélien David Grossman a qualifié de "génocide" la manière dont son pays mène la guerre dans la bande de Gaza, affirmant en avoir "le cœur brisé", dans une interview publiée vendredi dans le quotidien italien La Repubblica.

"J'ai refusé pendant des années d'utiliser ce terme: "génocide". Mais maintenant je ne peux pas m'empêcher de l'utiliser, après ce que j'ai lu dans les journaux, après les images que j'ai vu et après avoir parlé avec des personnes qui y ont été", dit-il.

"Je veux parler comme une personne qui a fait tout ce qu'elle pouvait pour ne pas en arriver à qualifier Israël d'Etat génocidaire", assure-t-il.

"Et maintenant, avec une douleur immense et le cœur brisé, je dois constater ce c'est ce qui se passe devant mes yeux. "Génocide". C'est un mot avalanche: une fois que tu l'as prononcé, il ne fait que grossir, comme une avalanche. Et il apporte encore plus de destruction et de souffrance", ajoute M. Grossman dont les œuvres ont été traduites en de nombreuses langues, dont le français, l'anglais ou l'italien.

Interrogé sur ce qu'il pensait en lisant les chiffres sur les morts à Gaza, il a répondu: "je me sens mal".

"Mettre ensemble les mots +Israël+ et +famine+, le faire en partant de notre histoire, de notre supposée sensibilité aux souffrances de l'humanité, de la responsabilité morale que nous avons toujours dit avoir envers chaque être humain et non seulement envers les juifs... tout ça c'est dévastateur", poursuit M. Grossman.

Allant à contre-courant du gouvernement israélien, M. Grossman affirme rester "désespérément fidèle" à l'idée de deux Etats, la Palestine et Israël, "principalement parce que je ne vois pas d'alternative", saluant dans ce contexte la volonté du président français Emmanuel Macron de reconnaître en septembre l'Etat palestinien.

"Je pense que c'est une bonne idée et je ne comprends pas l'hystérie avec laquelle elle a été accueillie en Israël", dit-il.

"Il est clair qu'il faudra avoir des conditions précises: pas d'armes. Et la garantie d'élections transparentes dont sera exclu quiconque pense à utiliser la violence contre Israël", a conclu l'écrivain.


L'émissaire de Trump promet davantage d'aides humanitaires après une visite à Gaza

Des Palestiniens de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, se précipitent vers un avion effectuant un largage d'aide au-dessus du territoire palestinien assiégé par Israël, le 1er août 2025. (AFP)
Des Palestiniens de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, se précipitent vers un avion effectuant un largage d'aide au-dessus du territoire palestinien assiégé par Israël, le 1er août 2025. (AFP)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a effectué vendredi une visite dans la bande de Gaza dévastée par la guerre, promettant d'y augmenter l'aide humanitaire
  • L'ONG Human Rights Watch (HRW) a fustigé le système de distribution d'aide mis en place par Israël et les Etats-Unis via la Fondation humanitaire à Gaza (GHF), devenu selon elle un "piège mortel" pour les Gazaouis

Gaza, Territoires palestiniens: L'émissaire américain Steve Witkoff a effectué vendredi une visite dans la bande de Gaza dévastée par la guerre, promettant d'y augmenter l'aide humanitaire, au moment où la pression s'accentue sur Israël face aux pertes humaines dans le territoire palestinien affamé.

En amont de cette visite de l'émissaire du président Donald Trump, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a fustigé le système de distribution d'aide mis en place par Israël et les Etats-Unis via la Fondation humanitaire à Gaza (GHF), devenu selon elle un "piège mortel" pour les Gazaouis.

Après près de 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque sanglante du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, la bande de Gaza assiégée par Israël est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire.

Entretemps, les bombardements et tirs israéliens ont continué dans le territoire palestinien, où la Défense civile a fait état de 22 Palestiniens tués, dont huit qui attendaient de l'aide.

"Qu'ont fait nos fils et nos filles? Qu'ont fait les enfants pour mériter cette famine? Ayez pitié de nous!", se lamente la sexagénaire Yasmine al-Farra à l'hôpital Nasser de Khan Younès (sud), où elle pleure son fils tué.

Steve Witkoff et l'ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, ont visité dans la matinée un centre de la GHF "afin de connaître la vérité sur les sites d'aide", a indiqué M. Huckabee.

- "Nourrir les gens" -

M. Witkoff a ensuite précisé sur X que leur visite, de "plus de cinq heures", avait pour but "de fournir à @POTUS (le président Trump) une compréhension claire de la situation humanitaire et d'élaborer un plan visant à livrer de la nourriture et une aide médicale aux habitants de Gaza".

Selon le site américain Axios, M. Trump a déclaré travailler sur un plan à Gaza "pour nourrir les gens".

La GHF a lancé ses opérations fin mai, après près de trois mois de total blocus humanitaire imposé par Israël, écartant le système d'aide mis en place par l'ONU.

Depuis, 1.373 Palestiniens qui attendaient de l'aide ont été tués à Gaza, dont 859 près des sites de la GHF, une organisation au financement opaque, "la plupart" par l'armée israélienne, a affirmé l'ONU.

Dans un rapport, HRW a dénoncé un système humanitaire "militarisé" qui a provoqué selon l'ONG des "bains de sang". Elle a qualifié de "crimes de guerre" les "meurtres de Palestiniens en quête de nourriture, par les forces israéliennes".

L'armée israélienne, sollicitée par l'AFP, a dit examiner les rapports faisant état de victimes civiles près des zones de distribution d'aides.

Depuis une semaine, des avions de plusieurs pays ont largué des vivres à Gaza. Les autorités israéliennes ont annoncé que plus de 200 camions d'aide avaient été distribués jeudi par les organisations internationales.

Les agences internationales jugent ces aides insuffisantes et selon l'ONU 6.000 camions attendent le feu vert israélien pour entrer à Gaza.

- Vidéo d'un otage -

M. Witkoff, qui s'était rendu à Gaza en janvier, a rencontré jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, sous pression à la fois en Israël pour tenir ses engagements à détruire le Hamas et libérer les Israéliens kidnappés le 7-Octobre, et à l'étranger pour faire taire les armes à Gaza.

L'attaque du 7-Octobre a entraîné côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont toujours otages à Gaza, dont 27 ont été déclarées mortes par l'armée.

L'offensive de représailles lancée par Israël à Gaza, a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza, jugées fiables par l'ONU.

Vendredi, le Hamas a diffusé une vidéo d'un otage israélien, identifié par les médias israéliens comme Evyatar David, 24 ans. L'otage y apparaît amaigri et visiblement affaibli, détenu dans un tunnel.

L'AFP n'a pas pu déterminer l'authenticité de la vidéo, ni la date de son enregistrement.

Dans un rapport d'enquête publié vendredi, la chaîne publique britannique BBC a affirmé avoir recueilli des témoignages de membres du personnel médical, de groupes de défense des droits humains et de témoins sur plus de 160 enfants touchés par balle pendant la guerre à Gaza. Elle a ajouté que 95 avaient été touchés à la tête ou à la poitrine et que, selon des témoins, 57 d'entre eux auraient été visés par l'armée israélienne.

Interrogée à ce sujet, l'armée israélienne a déclaré que "toute atteinte intentionnelle aux civils, et en particulier aux enfants, est strictement interdite" par l'armée israélienne et le droit international.


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.