Révélé et accentué durant la pandémie, le mal-être des étudiants perdure

Des piétons marchent sous de fortes chutes de neige à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 18 janvier 2023. (Photo de Philippe LOPEZ / AFP)
Des piétons marchent sous de fortes chutes de neige à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 18 janvier 2023. (Photo de Philippe LOPEZ / AFP)
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Publié le Vendredi 20 janvier 2023

Révélé et accentué durant la pandémie, le mal-être des étudiants perdure

  • «On a des étudiants complètement en burn-out (...) Les consultations pour des problèmes de dépression ou d'anxiété ont explosé»
  • Cette fragilité n'est pas nouvelle mais ici comme ailleurs, elle a été mise en lumière par la crise sanitaire et les situations d'isolement qu'elle a engendrées

BORDEAUX: Bastien achève cette année un master de journalisme, "le métier de ses rêves". Mais il se dit "profondément malheureux" et confie avoir "craqué" psychologiquement à l'automne, comme des milliers d'autres étudiants en situation de mal-être.

"Pour la première fois de ma vie, je suis allé voir un médecin pour arrêter une semaine", raconte à l'AFP cet étudiant en deuxième année de master à l'Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA). "Je ne sais pas si l'on peut dire que c'était un burn-out mais j'ai craqué. Le médecin m'a prescrit d'aller voir un psy."

A l'espace santé rattaché à l'Université de Bordeaux , le nombre de séances financées par des "chèques psy" a doublé entre 2021 et 2022, passant de 2.440 à 4.800, selon Kévin Dagneau, responsable de la vie étudiante et directeur de cabinet du président.

"On a des étudiants complètement en burn-out (...) Les consultations pour des problèmes de dépression ou d'anxiété ont explosé".

Cette fragilité n'est pas nouvelle mais ici comme ailleurs, elle a été mise en lumière par la crise sanitaire et les situations d'isolement qu'elle a engendrées.

"Avant le Covid, on s'interrogeait sur la santé physique des étudiants. Avec la pandémie, on s'est rendu compte qu'ils pouvaient aussi souffrir mentalement", poursuit M. Dagneau.

Christophe Tzourio, épidémiologiste à l'Université de Bordeaux, coordonne depuis dix ans une étude, "I-Share", sur la santé mentale de milliers d'étudiants. Durant la pandémie, ce chercheur et son équipe ont comparé 1.500 d'entre eux à 2.500 autres jeunes adultes.

"Dès le premier confinement, les étudiants ont développé plus de maladies mentales que les non-étudiants. Au deuxième, 54% étaient déprimés, contre 27% des autres jeunes", souligne le scientifique qui a lancé une nouvelle étude comparative. Les résultats ne sont pas encore disponibles mais "il est certain que ça ne va pas mieux", affirme M. Tzourio.

«Je joue ma vie»

À l'IJBA, Bastien Marie, 22 ans, achève un cursus de cinq années d'études. Boursier, il ne peut se permettre de rester sans emploi à sa sortie d'école dans quelques mois: "Mes parents n'ont pas les moyens de m'entretenir après".

Cela pèse lourd sur ses jeunes épaules. "Je joue ma vie. Là, c'est la balle de match, la finale (...) Mon quotidien ne se résume qu'à une chose: +Travaille à fond, donne tout ce que tu as, sacrifie tout pour avoir des chances de travailler l'année prochaine+."

"On ne se rend pas compte qu'il y a une accumulation de pression mentale sur les jeunes générations", estime le professeur Tzourio. "Ces jeunes-là en souffrent beaucoup plus que les anciennes générations. Certains pensent que ce sont des chouineurs, c'est faux."

Sur les réseaux sociaux, les discussions entre étudiants témoignent de leur angoisse et de leur stress; beaucoup disent "chercher un psy" et demandent à se faire recommander des praticiens. "En art, on est tellement anxieux qu'on fait des burn-out", témoigne une étudiante sur une plate-forme. "Pendant mon stage, j'ai été arrêté deux semaines sur conseil de ma psy, j'étais à la limite du burn-out", confie un étudiant en droit.

Premiers secours

Lancée en 2020 dans quatre universités, une formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM) s'est étendue depuis à de nombreux établissements: en 2022, 968 étudiants ont été formés dans la seule région Nouvelle-Aquitaine, selon Florence Touchard, infirmière à l'Université de Bordeaux et formatrice.

"Le mal-être est plus important qu'avant la pandémie", avec notamment "des troubles dépressifs, de l'anxiété"; conséquence de leurs périodes d'isolement, "les étudiants ont plus de mal à aller vers les autres, ils sont plus vite épuisés", constate-t-elle.

Éléonore Pinto, 23 ans, étudiante diplômée en ergonomie, a été formée en PSSM à l'Université de Bordeaux.

"Dans ma vie personnelle, j'ai pu utiliser certaines clés données par la formation pour aider une jeune personne de 18 ans qui traversait une crise difficile", raconte celle pour qui le Covid "a eu au moins le bon effet de briser un tabou: avant, les jeunes restaient dans leur coin à aller mal. Aujourd'hui, ils en parlent".


Jordan Bardella, le nouvel atout de l'extrême droite française

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire  (Photo, AFP).
M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire (Photo, AFP).
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  • Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021
  • M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers

Il est le nouvel atout du Rassemblement national, celui qui espère faire du parti d'extrême droite la première formation de France aux prochaines européennes. Jordan Bardella, 28 ans, séduit de plus en plus d'électeurs, en dépit de critiques récurrentes sur son manque de fond et sa "duplicité".

Formules ciselées pour cogner et sourire à toute épreuve pour les selfies: la tête de liste du RN donne un coup de jeune au parti historique de l'extrême droite française fondé au début des années 1970 par Jean-Marie Le Pen, 95 ans.

La stratégie de dédiabolisation entamée il y a une dizaine d'années par sa fille Marine Le Pen, qui a lissé l'image du parti et rompu avec les déclarations antisémites et racistes de son fondateur, trouve son aboutissement avec Bardella. Il s'est imposé en moins de cinq ans dans un paysage politique en plein renouvellement.

Crédité de 32% des intentions de vote à moins de cinq semaines du scrutin, loin devant la liste de la majorité présidentielle d'Emmanuel Macron à 17%, le jeune homme au physique de gendre idéal "séduit dans toutes les catégories", résume le sondeur Frédéric Dabi dans La Croix.

"Le Rassemblement national devient un parti attrape-tout, présent dans toutes les catégories et géographies", abonde Gilles Finchelstein, de la fondation Jean Jaurès, pour qui "le RN sans le moindre doute finira en tête, comme en 2014 et 2019."

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire, pour apparaître proche des préoccupations des Français: pouvoir d'achat, immigration, insécurité...

Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021, tandis que Marine Le Pen, arrivée deux fois au deuxième tour de l'élection présidentielle derrière Emmanuel Macron, prépare l'échéance de 2027.

Il a été son porte-parole lors de la dernière campagne de 2022. Il a également conduit la liste RN aux dernières européennes de 2019, arrivée en tête juste devant celle de la majorité présidentielle.

Le scrutin européen du 9 juin pourrait parachever cette ascension à une double condition: "arriver en tête et avec un score supérieur à celui de 2019", résume l'un de ses proches.

M. Bardella, à qui Marine Le Pen a promis le poste de Premier ministre si elle est élue en 2027, a fait monter les enchères en indiquant qu'il demanderait une dissolution de l'Assemblée nationale si son parti arrive en tête, posant ainsi les enjeux en termes français plus qu'européens.

Esquive 

La tête de liste de l'extrême droite a d'ailleurs davantage fait campagne sur des thèmes nationaux, alimentant ainsi les critiques de ses opposants sur sa méconnaissance et son désintérêt pour l'Europe.

M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers, et est critiqué pour son "absentéisme" au Parlement européen. L'eurodéputée de la gauche radicale Manon Aubry le qualifie de "député fantôme".

Il n'est "pas très à l'aise" sur les dossiers européens, dit une ministre macroniste, "il se tait et se cache", abonde une autre.

Lors d'un meeting à Perpignan le 1er mai, il a prononcé un plaidoyer fourre-tout pour une "Europe des nations", "des réalités", "des gens", "du concret", "des identités", "des frontières", "du juste échange, du patriotisme économique, de la priorité nationale, de la préférence européenne".

Mais lors d'une conférence le 25 avril pour présenter son programme, organisée après le discours sur l'Europe du président Macron, il a esquivé les questions des journalistes.

Jeudi soir, le candidat d'extrême droite a tenu un premier débat télévisé avec la tête de liste macroniste, Valérie Hayer, qui a accusé le RN de "duplicité" sur l'Europe et d'être la "courroie de transmission" de la Russie.

M. Bardella a répliqué coup pour coup et éludé les critiques sur certains membres de sa liste comme Thierry Mariani, connu pour ses positions pro-Kremlin.

Un autre débat avec le Premier ministre Gabriel Attal pourrait avoir lieu prochainement.


Affaire Ghosn: Rachida Dati demande mardi à la justice l'abandon des poursuites

La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
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  • La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire
  • L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté

PARIS: La ministre de la Culture Rachida Dati demande une nouvelle fois mardi à la cour d'appel de Paris d'abandonner les poursuites qui la visent depuis 2021 dans l'affaire sur les contrats noués avec une filiale de Renault-Nissan, quand Carlos Ghosn en était le PDG.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire.

L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté, selon cette source.

Les avocats de la ministre, Mes Olivier Baratelli et Olivier Pardi, ont précisé à l'AFP que seule la prescription des faits serait examinée.

"Tout est prescrit, archi prescrit, depuis des années", estiment-ils.

Les deux conseils font valoir "la découverte d'éléments nouveaux, fondamentaux attestant que plus d'une quarantaine de dirigeants de Renault, de Nissan et de l'alliance Renault-Nissan (incarnée par la filiale néerlandaise RNBV, NDLR), étaient clairement informés de la mission d'avocat de Rachida Dati, de sa réalité, de ses prestations et du montant des honoraires".

Jamais sollicités

Le délai de prescription - trois ans à l'époque - débuterait donc au moment de la signature de la convention entre RNBV et Mme Dati en 2009 et non en 2019 avec la plainte d'une actionnaire de Renault.

"Par ailleurs, les responsables du Parlement européen affirment, de manière concordante, n'avoir jamais été sollicités pour une quelconque intervention au profit de l'alliance et encore moins de Renault", ajoutent Mes Pardo et Baratelli.

Les avocats avaient déjà saisi la chambre de l'instruction pour faire constater en vain la prescription des faits.

L'ancienne garde des Sceaux et ancienne maire LR du VIIe arrondissement de Paris est mise en examen depuis juillet 2021 pour "corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public".

Les soupçons portent sur les 900.000 euros que lui a versés entre 2010 et 2012 RNBV, alors qu'elle était avocate et députée européenne (2009-2019).

Les investigations ont cherché à déterminer si la convention d'honoraires aurait pu servir à masquer une activité de lobbying au Parlement européen interdite à tout élu.

Carlos Ghosn, lui, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international dans cette affaire depuis avril 2023: l'ancien grand patron ne s'était pas présenté à une convocation en vue d'une éventuelle mise en examen pour corruption en mai 2022.

Mme Dati comme M. Ghosn contestent toute irrégularité.

Les investigations, débutées en juillet 2019, sont terminées depuis septembre 2023.

Le parquet national financier (PNF) doit prochainement prendre ses réquisitions, puis la juge d'instruction ordonnera ou non un procès devant le tribunal correctionnel de Paris.


Le gouvernement confie un rapport à deux hauts fonctionnaires sur les Frères musulmans

Le Premier ministre français Gabriel Attal, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et à la Famille Sarah El Hairy et la ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Nicole Belloubet écoutent le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) Olivier Klein (à gauche) prononcer un discours lors de la cérémonie de remise du prix Ilan Halimi pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à l'hôtel Matignon à Paris, le 14 février 2024. (Photo Yoan Valat Pool AFP)
Le Premier ministre français Gabriel Attal, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et à la Famille Sarah El Hairy et la ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Nicole Belloubet écoutent le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) Olivier Klein (à gauche) prononcer un discours lors de la cérémonie de remise du prix Ilan Halimi pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à l'hôtel Matignon à Paris, le 14 février 2024. (Photo Yoan Valat Pool AFP)
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  • Cette mission menée par le diplomate François Gouyette, qui a été en poste dans de nombreux pays arabes, et le préfet Pascal Courtade doit dresser un «état des lieux de l'influence de l'islam politique en France»
  • Ces travaux sont présentés comme étant dans la droite ligne du discours des Mureaux (Yvelines) sur le séparatisme prononcé par Emmanuel Macron en 2020

PARIS : Le gouvernement a décidé de confier une mission à deux hauts fonctionnaires sur «l'islamisme politique et la mouvance des Frères musulmans» chargée de rendre un rapport à l'automne, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur.

Cette mission menée par le diplomate François Gouyette, qui a été en poste dans de nombreux pays arabes, et le préfet Pascal Courtade doit dresser un «état des lieux de l'influence de l'islam politique en France».

Ces travaux sont présentés comme étant dans la droite ligne du discours des Mureaux (Yvelines) sur le séparatisme prononcé par Emmanuel Macron en 2020 et qui a débouché sur la loi sur les principes et valeurs de la République de 2021.

«Le séparatisme islamiste est un projet politico-religieux théorisé, caractérisé par des écarts répétés avec les principes de la République visant à construire une contre-société», est-il écrit dans le communiqué diffusé dimanche soir.

«La mouvance des Frères musulmans tient un rôle majeur dans la diffusion d'un tel système de pensée», complète le communiqué.