Les «  larmes de sirène  », une pollution omniprésente aux origines multiples

Ces pellets, souvent ingérés par les animaux marins, peuvent par conséquent se retrouver dans l'alimentation humaine. (AFP).
Ces pellets, souvent ingérés par les animaux marins, peuvent par conséquent se retrouver dans l'alimentation humaine. (AFP).
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Publié le Jeudi 26 janvier 2023

Les «  larmes de sirène  », une pollution omniprésente aux origines multiples

  • Utilisés comme matière première par l'industrie, ces "granulés plastiques industriels" ou GPI sont conditionnés en sac de 25 kilos (contenant un million de billes chacun)
  • Les fuites peuvent avoir lieu à n'importe quel moment du processus de production : de la production des pellets à leur transformation en objets plastiques, en passant par le transport et le recyclage

BREST: Parfois appelées "larmes de sirène", les micro-billes de plastique ont déferlé en masse sur les côtes françaises ces dernières semaines. Ce phénomène se produit à bas bruit depuis les années 70 mais il atteint parfois des proportions catastrophiques.

Entre 17.000 et 167.000 tonnes de micro-billes de plastique s'échappent chaque année dans la nature européenne, selon une estimation réalisée pour la Commission européenne en 2018.

Sur les côtes françaises, "on en trouve depuis les années 70", souligne Nicolas Tamic, adjoint au directeur du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), basé à Brest, dans le nord-ouest du pays.

Utilisés comme matière première par l'industrie, ces "granulés plastiques industriels" ou GPI sont conditionnés en sac de 25 kilos (contenant un million de billes chacun) et entrent dans la fabrication de la plupart des objets en plastique, du pare-choc de voiture au saladier.

Ces pellets, souvent ingérés par les animaux marins, peuvent par conséquent se retrouver dans l'alimentation humaine.

Ils représentent la deuxième source de pollution aux microplastiques sur les plages françaises, selon le Cedre, qui assure un suivi régulier sur toutes les façades maritimes françaises. "Sur les plages qu'on suit, on trouve 1.100 GPI pour 100 mètres de plage", hors pollution accidentelle, précise Kevin Tallec, ingénieur environnement au Cedre.

"Tous les hivers en Bretagne", région du nord-ouest de la France, "on voit plus de déchets plastiques que d'habitude parce qu'il y a des tempêtes et plus de brassage dans l'océan, ce qui fait qu'on a des arrivages plus importants sur les plages", explique-t-il.

Les fuites peuvent avoir lieu à n'importe quel moment du processus de production : de la production des pellets à leur transformation en objets plastiques, en passant par le transport et le recyclage.

Mais les pollutions les plus impressionnantes se produisent généralement lors de la chute d'un conteneur en mer.

Pollution massive au Sri-Lanka 

Au Sri-Lanka, le naufrage du porte-conteneurs MV X-Press Pearl en juin 2021, au large de Colombo, avait libéré 75 milliards de pellets en plastique, dont une grande partie se sont échoués sur les côtes.

"Sur certaines plages, il y avait plus de deux mètres de GPI", décrit M. Tallec. Des cadavres de dauphins, de baleines et de tortues s'étaient échoués en masse sur les plages et la pollution avait affecté 80 kilomètres de littoral ainsi que des zones de pêche.

A Durban, en Afrique du Sud, ce sont deux conteneurs, chargés de 50 tonnes de pellets, qui sont tombés à la mer, à la suite d'une tempête en novembre 2017. Plus légers, les conteneurs de pellets sont en effet souvent placés au-dessus de la pile sur les bateaux et tombent donc en premier.

"Pendant deux ans, les Sud-Africains ont nettoyé les côtes sur 300 kilomètres. Sur les 50 tonnes tombées à la mer, ils en ont récupéré 35 tonnes", explique M. Tallec. "Tous les pays dans le monde qui ont fait face à ce type de pollution ont montré qu'il était impossible de récupérer l'ensemble des GPI tombés."

Sur les côtes françaises, la pollution a commencé dès le mois de novembre et des pellets ont été retrouvés de la pointe du Finistère à la Vendée. Si leurs caractéristiques sont similaires, le Cedre n'a pas pu déterminer leur origine exacte.

"La chute d'un conteneur nous paraît l'hypothèse la plus probable", avance cependant Antidia Citores, porte-parole de la Fondation Surfrider, qui plaide pour une "obligation de déclaration au niveau international" en cas de perte de conteneur.

Une proposition reprise par le secrétaire d’État à la Mer français Hervé Berville qui a annoncé mardi "avoir lancé au nom de la France une demande de faire des pertes de conteneurs par les navires un axe de travail prioritaire de l'Organisation Maritime Internationale (OMI)".

Pour l'ONG Fauna & Flora International, il faut également que l'OMI classe "les pellets comme des polluants marins". "Cela déclencherait immédiatement des améliorations importantes dans la manière dont les pellets sont emballés, étiquetés, rangés et transportés autour du monde", a estimé Tanya Cox, spécialiste des plastiques marins pour l’association.

"La principale mesure, c'est surtout la réduction de la production de plastique", ajoute Mme Citores.


Voile à l'école: plainte et vague d'indignation après le départ d'un proviseur menacé de mort

Les élèves arrivent au lycée Maurice Ravel à Paris, le 1er septembre 2015, pour la rentrée. PHOTO AFP / KENZO TRIBOUILLARD (Photo par KENZO TRIBOUILLARD / AFP)
Les élèves arrivent au lycée Maurice Ravel à Paris, le 1er septembre 2015, pour la rentrée. PHOTO AFP / KENZO TRIBOUILLARD (Photo par KENZO TRIBOUILLARD / AFP)
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  • Le proviseur «a tout simplement fait son travail» en demandant «à une jeune femme d'appliquer la loi, c'est-à-dire de retirer son voile dans l'établissement scolaire», a souligné Attal
  • Un jeune homme de 26 ans, originaire des Hauts-de-Seine, a été arrêté et doit être jugé le 23 avril à Paris pour avoir menacé de mort le chef d'établissement sur internet

PARIS: L'annonce du départ du proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel, menacé de mort après une altercation avec une élève pour qu'elle enlève son voile, a suscité une vague d'indignation, jusqu'au Premier ministre qui a annoncé mercredi une plainte pour "dénonciation calomnieuse" contre la jeune femme.

"L'Etat, l'institution, sera toujours aux côtés de ses agents, de ceux qui sont en première ligne face à ces atteintes à la laïcité, face à ces tentatives d'entrisme islamiste dans nos établissements scolaires", a affirmé Gabriel Attal sur TF1, après avoir reçu dans l'après-midi le proviseur avec sa ministre de l'Education Nicole Belloubet.

"J'ai décidé que l'Etat allait porter plainte contre cette jeune femme pour dénonciation calomnieuse", a-t-il déclaré. "Il ne faut rien laisser passer", selon le Premier ministre qui a rappelé les morts de Dominique Bernard et Samuel Paty, deux enseignants tués dans des attentats islamistes.

Le proviseur "a tout simplement fait son travail" en demandant "à une jeune femme d'appliquer la loi, c'est-à-dire de retirer son voile dans l'établissement scolaire", a encore souligné Gabriel Attal, en vertu de la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l'école de 2004.


Retour de mission en mer Rouge: des missiles en moins, «  la fierté » en plus

Pendant la mission de la frégate, l'alerte pouvait survenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit: un long klaxon pour appeler au poste de combat. (AFP).
Pendant la mission de la frégate, l'alerte pouvait survenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit: un long klaxon pour appeler au poste de combat. (AFP).
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  • Dans le central opérations, cerveau du navire d'où les opérations sont dirigées depuis des dizaines d'écrans de contrôle, le quartier-maître Robin dit qu'il se souviendra de sa quatrième mission
  • "C'était la première fois où on pouvait mettre du concret sur ce pour quoi on s'entraîne, on se dit qu'on ne fait pas ça pour rien, on se sent utile", relate l'opérateur radar de surface de 22 ans

TOULON: Les couvercles des silos de missiles ont été noircis par les tirs contre les drones lancés par les rebelles Houthis: à bord de la frégate française Languedoc, de retour à Toulon après une mission en mer Rouge, l'équipage se dit fier d'avoir fait face à l'épreuve du feu.

Dans le central opérations, cerveau du navire d'où les opérations sont dirigées depuis des dizaines d'écrans de contrôle, le quartier-maître Robin dit qu'il se souviendra de sa quatrième mission.

"C'était la première fois où on pouvait mettre du concret sur ce pour quoi on s'entraîne, on se dit qu'on ne fait pas ça pour rien, on se sent utile", relate l'opérateur radar de surface de 22 ans.

Du 5 décembre au 25 février, la frégate multi-missions (Fremm) a été déployée en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, voie maritime stratégique où des navires commerciaux font régulièrement l'objet d'attaques depuis le Yémen de la part des rebelles Houthis.

A quatre reprises, la frégate a dû ouvrir le feu avec ses missiles Aster 15 contre des drones lancés par les Houthis contre elle ou les navires qu'elle escortait.

"Il y en a qui passent 20 ans dans la Marine sans avoir vécu ça", estime le quartier-maître, qui, avec les 136 membres d'équipage, confie, à l'occasion d'une visite du ministre des Armées Sébastien Lecornu, s'être senti "très fier".

Si l'amiral Pierre Vandier, alors chef d'état-major de la Marine, avait prévenu en 2020 les futurs officiers de l'Ecole navale qu'ils entraient "dans une marine qui va probablement connaître le feu" et qu'ils devaient "s'y préparer", les ouvertures du feu en situation de combat restent rares.

La dernière remontait au 14 avril 2018 avec le tirs de trois missiles de croisière naval (MdCN), déjà depuis la Languedoc, lors de l'opération Hamilton contre des sites liés au programme d'armement chimique syrien.

Au poste de combat

- "Quand est-ce que le bateau avait tiré un missile Aster pour la dernière fois ?", s'enquiert le ministre auprès du commandant, le capitaine de vaisseau Laurent Saunois.

- "Il n'y en avait jamais eu".

- "Oui... On a changé d'époque", constate le ministre qui note une "accumulation des menaces".

Depuis le déploiement de la Fremm Languedoc, renforcée puis remplacée sur zone par l'Alsace et maintenant par la Lorraine, 22 missiles Aster ont été tirés par la Marine française contre des drones et missiles balistiques houthis.

Les rebelles yéménites, soutenus par l'Iran, sont à l'origine d'au moins 50 attaques de navires depuis l'automne, selon le Pentagone.

Pendant la mission de la frégate, l'alerte pouvait survenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit: un long klaxon pour appeler au poste de combat.

Le 20 février, il est minuit passé et le quartier-maître Robin passe en quelques minutes de sa couchette à son poste quand il n'est pas de service sur le radar: pompier en combinaison ignifugée paré à intervenir si le navire était touché.

"Avant le tir, on entend +Engagement Aster+ puis on le sent partir, ça fait trembler le navire", relate-t-il, confiant que l'entraînement paie: "C'est répété et répété et quand ça arrive vraiment on passe en mode automatique et on le fait".

Les automatismes développés à l'entraînement sont primordiaux pour faire vite et bien, abonde le pacha: une fois le drone détecté, le navire a dix minutes avant qu'il n'arrive au navire mais "pour un missile balistique, comme l'Alsace a eu en traiter, c'est dix secondes", explique-t-il au ministre.

Pour l'amiral Christophe Cluzel, patron de la Force d'action navale regroupant tous les navires de surface français, "c'est rassurant pour un commandant de force, ça montre que l'entraînement est adapté au réel".

Cela montre aussi les besoins: pendant que la Languedoc était déployée, des systèmes optroniques d'identification et de conduite de tir Paseo - sortes d'énormes jumelles permettant de vérifier visuellement ce qui n'est au départ qu'un écho radar - ont été montés en urgence sur les frégates Alsace et Lorraine avant leur mission en mer Rouge.


Après la France, l'infox virale sur Brigitte Macron exportée à l'international

Emmanuel et Brigitte Macron. (AFP).
Emmanuel et Brigitte Macron. (AFP).
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  • Face caméra, la blogueuse américaine Candace Owens assure dans sa chronique du 11 mars "mettre sa réputation en jeu" pour se faire l'écho d'un "scoop" qu'auraient révélé des "journalistes français"
  • L'Américaine s'en prend violemment à Brigitte Macron - née Trogneux - assurant, documents et photos à l'appui, qu'elle serait en réalité une femme transgenre née sous le prénom Jean-Michel

PARIS: Après la France, l'infox selon laquelle Brigitte Macron serait "née homme" atteint les Etats-Unis, l'extrême droite américaine s'appropriant à son tour cette rumeur rocambolesque aux relents sexistes et transphobes, en pleine campagne présidentielle.

"DINGUE : c'est le plus gros scandale de l'histoire de l'humanité". Face caméra, la blogueuse américaine Candace Owens assure dans sa chronique du 11 mars "mettre sa réputation en jeu" pour se faire l'écho d'un "scoop" qu'auraient révélé des "journalistes français".

Dans une vidéo vue plus d'un million et demi de fois sur YouTube avant sa suppression, l'Américaine s'en prend violemment à Brigitte Macron - née Trogneux - assurant, documents et photos à l'appui, qu'elle serait en réalité une femme transgenre née sous le prénom Jean-Michel.

Deux hashtags accompagnent la vidéo -#JeanMichelTrogneux et #BrigitteGate- mentionnés ensuite dans des dizaines de milliers de messages sur X, selon l'outil d'analyse des réseaux sociaux Visibrain.

Cette rumeur circulait déjà en France, explosant fin 2021 à quelques semaines de la présidentielle, des internautes assurant qu'un vaste complot cacherait ce "secret". Et d'en profiter pour relayer des accusations de pédocriminalité à l'encontre de la Première dame.

Itinéraire d'une rumeur

Des allégations, très relayées en France par des mouvances mêlant complotistes, covido-sceptiques ou extrême droite, qui avaient poussé Brigitte Macron à saisir la justice.

Au point qu'Emmanuel Macron les avait même évoquées le 8 mars dernier, Journée internationale des droits des femmes : "Les pires des choses, ce sont les fausses informations et les scénarios montés avec des gens qui finissent par y croire et qui vous bousculent dans votre intimité", avait-il déploré.

En guise de "source", Candace Owens cite "Faits et Documents", une "lettre d'informations confidentielles". Fondée en 1996 par une figure de l'extrême droite, Emmanuel Ratier, et aujourd'hui écrite par Xavier Poussard, la publication avait en 2021 relayé les "recherches" menées par Natacha Rey, se présentant comme "journaliste indépendante".

"'Faits et documents' a depuis continué de sortir des dossiers sur Brigitte Macron. Mais ce qui est nouveau, c'est que Xavier Poussard a commencé à traduire son argumentaire fin 2023 sous les conseils de (l'ancien publicitaire, NDLR) Aurélien Poirson, connu sur X sous le nom de Zoé Sagan, et dit l'avoir envoyé en anglais à l'entourage de Donald Trump", explique à l'AFP Emmanuelle Anizon, grand reporter à l'Obs qui a rencontré les deux hommes et publié le 22 mars "L'Affaire Madame" , sur la genèse de cette infox.

"Le duo Poussard, qui a des connections politiques, et Poirson, qui a un sens de la communication très aiguisé, m'a expliqué qu'il rêvait d'exporter cette rumeur outre-Atlantique", poursuit l'autrice.

Sexisme

Une tactique efficace : d'abord diffusée sur des réseaux confidentiels comme le forum 4Chan, l'infox explose "lorsque des influenceurs (...) comme l'ex-présentateur de Fox News Tucker Carlson ou Candace Owens, qui possèdent une très grosse audience, lui donnent de la visibilité", retrace Sophie Chauvet, doctorante en sciences de l'information.

Des personnalités ultra-conservatrices connues pour relayer des thèses complotistes et racistes, et proches de Donald Trump, candidat à la présidentielle de novembre.

La rumeur "avait déjà circulé en France et était disponible clé en main au moment voulu (...), dans une démarche opportuniste", analyse Sebastian Dieguez, spécialiste du complotisme à l'Université de Fribourg (Suisse).

L'ex-Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern et l'ex-Première dame américaine Michelle Obama avaient elles aussi été ciblées par les mêmes rumeurs, en 2017 et 2018.

"Le récit d'une personne 'secrètement trans' est une caractéristique de longue date des violences sexistes en ligne",  cela repose sur le "principe que les identités transgenres, surtout 'cachées', sont si odieuses qu'une fois la vérité révélée, ces femmes perdront toute crédibilité et tout pouvoir", analysait en 2021 l'institut de recherche américain Wilson Center dans un rapport.

« Des élites perverties »

"Le fond de l'affaire, c'est de dire que les élites sont perverties, malades, et ont une sexualité bizarre, dans le but de diaboliser un adversaire politique (via) des thématiques prisées par l''alt-right' (extrême droite américaine, NDLR) sur la transidentité, l'homophobie et la pédophilie", relève Sebastian Dieguez.

Face à cela, "des hommes forts doivent restaurer l'ordre et la moralité, à l'image de Donald Trump ou Vladimir Poutine", selon cette grille de lecture.

D'autant qu'aux Etats-Unis, "l'imaginaire pédosataniste est particulièrement développé, depuis les évangélistes dans les années 1970 puis avec le mouvement (complotiste d'extrême droite, NDLR) QAnon, et accepté, relayé par des personnalités de premier plan comme Trump", soulève Julien Giry, chercheur en sciences de l’information et de la communication.