Pakistan: la police de Peshawar sidérée et en colère après l'attentat de la mosquée

Des policiers en civil se rassemblent sur les décombres d'une mosquée endommagée après l'attentat-suicide du 30 janvier à l'intérieur du quartier général de la police à Peshawar le 1er février 2023. (Photo Abdul MAJEED / AFP)
Des policiers en civil se rassemblent sur les décombres d'une mosquée endommagée après l'attentat-suicide du 30 janvier à l'intérieur du quartier général de la police à Peshawar le 1er février 2023. (Photo Abdul MAJEED / AFP)
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Publié le Jeudi 02 février 2023

Pakistan: la police de Peshawar sidérée et en colère après l'attentat de la mosquée

  • Un kamikaze portant un uniforme de police s'est infiltré lundi dans ce lieu placé sous haute protection et s'est fait exploser au milieu des policiers rassemblés pour la prière du midi, causant l'attentat le plus meurtrier au Pakistan depuis 2018
  • Cet attentat, qui a aussi fait une victime civile, a été mené en représailles aux opérations de la police, laquelle lutte sans répit contre les groupes islamistes armés à Peshawar

PESHAWAR: La mort de 83 policiers dans l'attentat suicide contre la mosquée de leur quartier général à Peshawar a laissé "sous le choc" une institution qui s'estime abandonnée à elle-même par l'Etat pakistanais face au terrorisme.

Un kamikaze portant un uniforme de police s'est infiltré lundi dans ce lieu placé sous haute protection et s'est fait exploser au milieu des policiers rassemblés pour la prière du midi, causant l'attentat le plus meurtrier au Pakistan depuis 2018.

Mercredi, quelques dizaines de policiers ont manifesté dans la ville pour exprimer leur exaspération, sous le regard approbateur de certains de leurs supérieurs.

"Nous sommes sous le choc, chaque jour nous avons des collègues qui meurent. Combien de temps encore allons-nous devoir supporter ça?", a déclaré l'un d'eux, sous couvert d'anonymat.

"Si ceux qui protègent les autres ne sont pas en sécurité, alors qui l'est dans ce pays?", a-t-il ajouté.

"Nous sommes sur la ligne de front de cette guerre (...), mais aujourd'hui nous avons l'impression d'être abandonnés", a relevé un de ses collègues, qui a aussi requis l'anonymat.

Cet attentat, qui a aussi fait une victime civile, a été mené en représailles aux opérations de la police, laquelle lutte sans répit contre les groupes islamistes armés à Peshawar (nord-ouest) et dans les anciennes zones tribales environnantes, selon les autorités.

Le choc est d'autant plus grand que ce complexe, qui abrite aussi les bureaux du renseignement et du contre-terrorisme, était l'une des zones les mieux surveillées de la ville.

'Demain, ce sera peut-être moi' 

"C'est incompréhensible pour moi", remarque Inayat Ullah, un policier de 42 ans qui a passé plusieurs heures sous les décombres avant d'être secouru et a perdu le pouce de sa main gauche.

"Quand on sort de chez soi, on ne sait jamais à quel endroit on pourrait être visé. Aujourd'hui, c'est lui (qui est dans un cercueil), demain ce sera peut-être moi", dit-il en parlant d'un de ses amis proches tué lundi.

Peshawar, à une cinquantaine de kilomètres de l'Afghanistan, a été endeuillée par des attentats quasi-quotidiens au début des années 2010, avant de connaître une certaine accalmie ces dernières années.

La police a attribué l'attaque à Jamaat-ul-Ahrar, une faction plus radicale, tantôt affiliée tantôt dissidente, des talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), qui lui-même a nié toute implication.

La région a longtemps été le fief du TTP, un groupe créé en 2007 par des jihadistes pakistanais alliés à Al-Qaïda qui a tué en moins d'une décennie des dizaines de milliers de civils pakistanais et membres des forces de sécurité.

Chassé des zones tribales par une opération militaire lancée par l'armée en 2014, il est revenu en force au Pakistan après le retour au pouvoir des talibans à Kaboul en août 2021.

Il dit concentrer ses attaques non plus contre les civils comme par le passé, mais contre les forces de sécurité. Presque quotidiennement, des patrouilles, des barrages ou des postes de l'armée ou de la police sont visés.

'C'est déconcertant' 

"Chaque fois que nous sortons de chez nous, nous embrassons nos proches et ils nous embrassent. Nous ne savons pas si nous reviendrons vivants ou pas", a raconté un autre policier, qui a perdu six amis dans l'attentat et préfère également rester anonyme.

Père de deux enfants, Atif Mujeed, 36 ans, était le pilier de sa famille. En 2013, ce policier avait réchappé avec quelques blessures sans gravité à l'explosion d'un engin piégé qui avait tué sept de ses collègues. Mais lundi, la chance l'a quitté.

"Cet incident nous a abasourdis. Le vide qu'il laisse ne pourra jamais être comblé", confie à l'AFP son beau-frère, Rizwan Ahmed. "Sa mort a brisé la colonne vertébrale de cette famille."

Le TTP continue à recourir à ses vieilles méthodes: assassinats ciblés, bombes, enlèvements et extorsion de fonds. Le Pakistan reproche aux talibans de le laisser utiliser le sol afghan pour planifier ses attaques, ce que Kaboul nie.

Des négociations de paix ouvertes par l'armée pakistanaise, sous l'égide des talibans afghans, ont avorté en novembre. Le TTP a renoncé à un cessez-le-feu fragile et promis de commettre des attentats dans tout le Pakistan, après avoir tout de même obtenu la libération d'une centaine de ses combattants des geôles pakistanaises.

Ce genre de tractations et de revirements ajoutent à la confusion dans les rangs de la police. "Un jour on nous dit qu'il y a un cessez-le-feu et des négociations de paix, le lendemain on nous dit que le cessez-le-feu ne tient plus et qu'on doit être prêt à se battre (...) C'est déconcertant",  a souligné l'un des policiers ayant requis l'anonymat.

Le Conseil des ministres fédéral a annoncé mercredi que la police et la section anti-terroriste de la province du Khyber Pakhtunkhwa, dont Peshawar est la capitale, seraient réorganisées, mieux entraînées et mieux équipées. Une nouvelle opération militaire contre les groupes islamistes armés est aussi envisagée.

Pour beaucoup à Peshawar, le cycle des violences semble surtout bel et bien de retour. "J'ai déjà passé la moitié de ma vie à assister à un bain de sang", observe Rizwan Ahmed. "Mais je n'ai toujours pas le moindre espoir de voir la paix un jour dans cette ville."


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.