Quand l’argent du Golfe finance la transition énergétique…

La  Semaine du développement durable à Abu Dhabi et la nomination d’un Émirien à la tête de la COP 28 constituent un sérieux et paradoxal retour à la réalité: l’Occident en est réduit à donner des leçons et à s’infliger des cures d’austérité pendant que l’argent du Golfe finance la transition énergétique. (AFP).
La Semaine du développement durable à Abu Dhabi et la nomination d’un Émirien à la tête de la COP 28 constituent un sérieux et paradoxal retour à la réalité: l’Occident en est réduit à donner des leçons et à s’infliger des cures d’austérité pendant que l’argent du Golfe finance la transition énergétique. (AFP).
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Publié le Jeudi 09 février 2023

Quand l’argent du Golfe finance la transition énergétique…

Quand l’argent du Golfe finance la transition énergétique…
  • Une semaine après la fin de la Semaine du développement durable à Abu Dhabi, les observateurs ont pu constater que le Golfe agissait quand l’Occident ne faisait que parler
  • L’Occident en est réduit à donner des leçons et à s’infliger des cures d’austérité pendant que l’argent du Golfe finance la transition énergétique

S’il est un sujet qui a fait polémique ces dernières semaines, c’est bien la nomination de l’Émirien Sultan Ahmed al-Jaber à la tête de la Conférence des parties (COP 28). Une nouvelle fois, on a eu droit à une litanie de qualificatifs qui fleuraient bon le néocolonialisme à propos de celui qui était jusqu’à présent président de la compagnie nationale pétrolière des Émirats arabes unis (EAU).

Il est toujours un peu surprenant de lire ces réflexions qui, si on les analyse, semblent quasiment renvoyer les Arabes du Golfe au statut de bédouins qui ne devraient surtout pas exploiter les richesses de leur sous-sol et de préférence retourner vivre dans des tentes sans climatisation. Car il est bien connu que si les monarchies du Golfe ont su adapter leur mode de vie au climat de leur région en installant la climatisation un peu partout, l’Occident n’a pas vraiment de leçon à donner quand on a pu voir la levée de boucliers lorsqu’il a été suggéré de ne chauffer qu’à 19°C les logements en hiver.

Une semaine après la fin de la Semaine du développement durable à Abu Dhabi, les observateurs ont pu constater que le Golfe agissait quand l’Occident ne faisait que parler. Quatre réacteurs nucléaires flambant neuf fonctionnent déjà à Barakah, aux Émirats, qui n’ont aucun complexe quand il faut produire de l’énergie décarbonée.

De la même manière, les plus grandes centrales solaires du monde se situent désormais dans le Golfe. On trouve d’abord une centrale solaire de 2 gigawatts (GW) dans la région du Najd en Arabie saoudite et l’objectif du Royaume est d’atteindre 200 GW en 2030. À titre de comparaison, un réacteur nucléaire en France fournit 1 GW… Bien évidemment, quand il est question de concurrence régionale, les EAU ne sont pas en reste avec des projets près d’Abu Dhabi pour une production identique et le parc solaire géant prévu à Dubaï devrait culminer à 5 GW, soit de quoi alimenter 25% de la population de la ville.

C’est dans ce contexte que s’est tenue la fameuse Semaine du développement durable d’Abu Dhabi au cours de laquelle Agnès Pannier-Runacher (ministre française de la Transition énergétique) n’a pu que constater l’ampleur des investissements en faveur de la transition énergétique, notamment ceux qui concernent le développement de l’hydrogène, signés par la société Masdar, émanation du gouvernement émirien.

L’Europe risque de finir par regretter d’être trop souvent aux abonnés absents et de se pincer le nez devant ce type d’initiatives. On trouvait de nombreux chefs d’État lors de cet événement: Corée du Sud, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Ghana, Tanzanie… Mais la France n’avait pas jugé utile de hausser son niveau de représentation. Bien entendu, les régimes présents ne sont pas des démocraties libérales, mais lorsque l’on parle d’énergie, de développement durable et, disons-le, de l’avenir de notre monde, est-on vraiment certain qu’il soit nécessaire d’être à ce point sourcilleux sur l’identité de ceux avec qui nous discutons?

Doucement, mais sûrement, les EAU et l’Arabie saoudite entreprennent leur transition énergétique et ils le font de manière pragmatique, en ne s’interdisant rien. Ils le font à leur façon, avec le sens du gigantisme qui peut les caractériser comme en atteste le projet de Masdar City ou encore le champ d’éoliennes géantes inauguré à 900 km au nord de Riyad, à Dumat al-Djandal, avec l’appui d’EDF. Au fond, c’est sans doute cela qui nous exaspère: ils ont de l’argent et l’investissent pour le futur alors que nous n’en avons plus vraiment et ne savons pas quoi faire pour assurer notre avenir énergétique.

Cette Semaine du développement durable à Abu Dhabi et la nomination d’un Émirien à la tête de la COP 28 constituent un sérieux et paradoxal retour à la réalité: l’Occident en est réduit à donner des leçons et à s’infliger des cures d’austérité pendant que l’argent du Golfe finance la transition énergétique.

Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School.

Twitter: @LacheretArnaud 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.