Retraites: Les débats se débloquent, après un nouvel incident à l'Assemblée

Des manifestants participent à une manifestation au quatrième jour des rassemblements nationaux organisés depuis le début de l'année, contre une refonte profondément impopulaire des retraites, à Nantes le 11 février 2023. (Photo, AFP)
Des manifestants participent à une manifestation au quatrième jour des rassemblements nationaux organisés depuis le début de l'année, contre une refonte profondément impopulaire des retraites, à Nantes le 11 février 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 14 février 2023

Retraites: Les débats se débloquent, après un nouvel incident à l'Assemblée

  • «Les Français méritent mieux», a déclaré la Première ministre, en demandant le retrait d'amendements «d'obstruction»
  • Avant l'appel d'Elisabeth Borne, la gauche avait commencé à retirer des amendements pour «avancer»

PARIS: L'examen de la réforme des retraites a doucement avancé lundi soir à l'Assemblée avec le retrait par la gauche d'un "millier d'amendements", lors d'une journée surtout marquée par un nouvel incident avec LFI et un appel d'Elisabeth Borne à cesser les "invectives".

"Les Français méritent mieux", a déclaré la Première ministre à l'AFP, en demandant le retrait d'amendements "d'obstruction"  et que "les débats se tiennent sur le fond et non pas dans l'invective".

La cheffe du gouvernement s'exprimait après un nouvel incident au Palais Bourbon. Le député insoumis Aurélien Saintoul a mis le feu aux poudres, en qualifiant le ministre du Travail Olivier Dussopt "d'assassin" et "d'imposteur" lors d'une intervention sur les morts au travail.

Suspension et rappels au règlement: l'Assemblée a aussitôt retrouvé ses accents de vendredi dernier lors de l'exclusion pour quinze jours d'un autre LFI, Thomas Portes, pour un tweet où il s'était mis en scène le pied posé sur un ballon à l'effigie de M. Dussopt.

M. Saintoul, dont l'intervention a suscité la réprobation des autres groupes, y compris à gauche, a ensuite présenté des "excuses publiques", pour des propos "déplacés". Olivier Dussopt a dit les "entendre" sans "pardonner".

Le président de séance, le RN Sébastien Chenu, a infligé au député insoumis un rappel à l'ordre avec inscription au procès verbal, soit le retrait d'un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois. Une sanction plus lourde pourrait être prononcée en bureau, la plus haute instance de l'Assemblée nationale.

Ce nouveau dérapage illustre l'intense tension des débats à l'Assemblée.

«Sceptique»

Avant l'appel d'Elisabeth Borne, la gauche avait commencé à retirer des amendements pour "avancer". "On veut aller à l'article 7", sur le report de l'âge légal à 64 ans, a affirmé la cheffe de file des écologistes, Cyrielle Chatelain.

Dans la soirée, la coalition Nupes a annoncé le retrait d'un "millier" d'entre eux, pour progresser sur l'article 2 consacré à "l'index senior", un indicateur pour inciter les entreprises à employer les salariés âgés. L'article n'a toutefois pas encore été voté et il restait encore plus de 14 000 amendements au compteur sur l'ensemble du texte.

"Sortez 10 000 amendements pour qu'on atteigne l'article 7", a réclamé la RN Laure Lavalette.

L'opposition n'a guère accordé de crédit à l'index seniors. Ca "ne sert à rien, c'est une tartufferie de plus", a attaqué l'Insoumise Clémence Guetté, pendant que le LR Thibault Bazin se disait "sceptique".

L'Assemblée a voté un amendement pour que l'obligation d'un indicateur sur l'emploi des seniors s'applique aux entreprises de cinquante salariés et plus, et non à partir de 300 salariés seulement. Puis un autre pour qu'il soit "genré", avec des chiffres distinguant femmes et hommes.

Gauche et RN ont aussi fustigé  les "mensonges" du gouvernement sur la "retraite minimum à 1 200 euros" pour les carrières pleines au Smic : "le nombre de Français concernés" est "ridicule", a pointé Jean-Philippe Tanguy (RN).

"Pendant toute sa campagne, le président de la République s'est engagé sur une retraite minimum égale à 85% du Smic pour une carrière complète (...) il n'y a pas de surprise, pas de tromperie", a répondu le ministre du Travail Olivier Dussopt.

«Petite musique»

Plus tôt, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait pilonné "l'obstruction" et le comportement de LFI, un "obstacle au débat démocratique".

L'Insoumis Eric Coquerel, président de la commission des Finances, a dénoncé dans l'hémicycle une "petite musique"  "pour diviser la (coalition de gauche) Nupes par rapport à l'intersyndicale". Mais "n'y comptez pas avec des gros sabots comme ça", a-t-il prévenu.

Que les députés aient ou non achevé l'examen du projet de loi, les discussions prendront fin vendredi à minuit en première lecture. Le texte partira ensuite au Sénat.

Les débats seront rythmés, jeudi, par une cinquième journée d'action à l'appel de l'intersyndicale. La CGT a appelé lundi cheminots, dockers, électriciens, gaziers, salariés de la chimie et du verre à faire grève. Et l'intersyndicale agite le spectre d'une "France à l'arrêt" le 7 mars, après les vacances scolaires.

"Nous souhaitons qu'il y ait un vote sur l'article 7", a insisté lundi sur BFMTV le patron de la CGT Philippe Martinez, afin que "chaque député puisse s'exprimer" sur le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ en retraite.

Les députés y parviendront-ils ? "C'est un jeu de cons. En réalité personne ne veut aller à l'article 7. Nous, parce qu'on n'est pas sûrs de gagner, eux (les macronistes) parce qu'ils ne sont pas sûrs de gagner", affirme un député LFI.


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
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  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.

 


Lecornu face à l'Assemblée, son gouvernement suspendu à la réforme des retraites

 C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
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  • Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00
  • Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement

PARIS: C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure.

Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00. Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement.

Mais c'est à partir de 15H00 que les choses se joueront, à la tribune de l'Assemblée nationale, avec sa déclaration de politique générale. Les responsables des groupes parlementaires pourront ensuite lui répondre avant qu'il ne reprenne une dernière fois la parole.

Si l'exercice impose qu'il aborde de nombreux sujets cruciaux pour le pays, l'attention sera focalisée sur les retraites.

"Nous demandons clairement la suspension immédiate et complète de la réforme" de 2023, adoptée sans vote au prix d'un recours au 49.3, a martelé lundi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

La question est délicate pour Sébastien Lecornu, dont la priorité est de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année".

Même le camp présidentiel est divisé sur la question: si certains ne veulent pas voir détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, d'autres espèrent une suspension pour tenter de sortir de la crise politique.

"Il faut bouger clairement sur les retraites et j'espère que le Premier ministre le fera demain", a ainsi estimé lundi le député macroniste Charles Sitzenstuhl.

Selon des sources gouvernementales et parlementaires, Sébastien Lecornu invitera mardi à Matignon les ministres et députés du camp gouvernemental, avant de se rendre à l'Assemblée prononcer son discours.

"Pente naturelle" 

Le PS tiendra un Bureau national à 13H00, a-t-on appris auprès d'une source socialiste. Et se retrouve sous la pression des autres oppositions, RN et LFI en tête.

"C'est le moment de vérité", a lancé lundi le patron du RN Jordan Bardella. Le gouvernement "va évidemment tomber puisqu'il n'y a aucune possibilité de suspension des retraites avec les gens qui sont là-dedans", a jugé pour sa part le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.

A ce stade, deux motions de censure ont été déposées, par LFI et des alliés de gauche, et par la coalition RN/UDR, le parti d'Eric Ciotti.

Le PS pourrait décider de déposer sa propre motion mardi après le discours de politique générale.

Le choix des socialistes sera décisif: leurs voix feraient presque assurément pencher la balance de la censure, qui nécessite 289 voix.

Si tout le reste de la gauche (insoumis, écologistes et communistes) et l'alliance RN-UDR votaient une censure, il ne faudrait même qu'une vingtaine de voix du PS pour faire tomber le gouvernement.

Une équation qui interroge un conseiller de l'exécutif: "est-ce que Faure tient le groupe?"

"On a peut-être une douzaine, une dizaine de députés, qui voteront quand même" la censure, même si le groupe appelait à s'abstenir, a commenté sur LCP le porte-parole des députés socialistes Romain Eskenazi.

Il estime toutefois que si le gouvernement accède à des demandes sur les "retraites, le pouvoir d'achat et la fiscalité", il sera épargné.

"Je pense que la pente naturelle des députés est de dire +franchement, on sanctionne tout ça+", résume une source au sein du groupe. Selon lui, "en leur for intérieur", les députés socialistes sont partagés alors que "les Français sont aussi fatigués" par la crise politique et "qu'ils nous demandent de nous entendre".

D'autant que le PS escompte décrocher d'autres victoires dans l'hémicycle.

L'objectif du projet de budget est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu de 4,7% initialement prévu, un assouplissement qui laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.

"Sur ces bases là, nous allons pouvoir réviser complètement la copie qui va être présentée en Conseil des ministres", a estimé lundi Olivier Faure.


Gouvernement Lecornu: «le devoir de tous c'est d'oeuvrer à la stabilité», exhorte Macron

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
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  • Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin
  • Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté

CHARM EL-CHEIKH: Emmanuel Macron a appelé lundi les forces politiques à "oeuvrer à la stabilité" et non à "faire des paris sur l'instabilité", au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, déjà menacé de censure par LFI et le RN.

"Je trouve que beaucoup de ceux qui ont nourri la division, les spéculations, n'ont pas été au niveau du moment où vit la France et de ce qu'attendent les Françaises et les Français", a insisté le chef de l'Etat à son arrivée en Egypte où il assiste à un "sommet pour la paix" à Gaza.

"Les forces politiques qui ont joué la déstabilisation de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre", a-t-il martelé.

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté.

M. Lecornu, reconduit vendredi, avait été contraint à la démission il y a une semaine, en voyant sa coalition gouvernementale voler en éclats avec la fronde des Républicains (LR).

Face à ce chaos politique, M. Macron a demandé "à tout le monde de se ressaisir, de travailler avec exigence, respect". Et, interrogé sur une possible dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, il a assuré ne "faire aucun pari".

"Je souhaite que le pays puisse avancer dans l'apaisement, la stabilité, l'exigence et le service des Français", a encore déclaré le président.