La presse française pleure Maradona, «l'éternel», le «surnaturel»

« Dieu est mort », déplore le quotidien sportif L'Équipe en « Une » (Photo, AFP)
« Dieu est mort », déplore le quotidien sportif L'Équipe en « Une » (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 26 novembre 2020

La presse française pleure Maradona, «l'éternel», le «surnaturel»

  • Dieu « est mort ». Mais c'est seulement le « Dieu du football » pour Le Monde
  • Maradona « était au football ce qu'Elvis Presley était au rock'n'roll, ce que Michael Jackson était à la pop music ou ce que Gérard Depardieu est au cinéma »

PARIS : Dieu lui-même ou génie « surnaturel » désormais entre les mains de Dieu, la presse française convoque le ciel pour commenter jeudi la mort de Diego Maradona, emporté par une crise cardiaque à l'âge de 60 ans, après une carrière qui a déchaîné les passions jusqu'à la vénération.

Maradona

« Dieu est mort », déplore le quotidien sportif L'Equipe en « Une ». Dieu? Diego Armando Maradona (1960-2020), est-il précisé sur une photo où on voit la légende dans un stade enflammé.

Dans son éditorial, Vincent Duluc célèbre un « joueur d'exception, personnage sans pareil, génie autodestructeur » qui « a aimé le football et la vie d'un amour fou, déraisonnable » et qui « laisse la trace d'exploits immenses d'un joueur venu de la rue et de faiblesses d'un homme attiré par les ténèbres ».

« À 60 ans, Diego Maradona est entré dans l'éternité avant l'heure mais d'un pas lent, essoufflé par la vie et par toutes les nuits qu'il ne voulait jamais quitter avant l'aube », observe l'éditorialiste.

Selon lui, « il y a eu peu de personnages comme Maradona et pas beaucoup de joueurs comme lui non plus ». Mais « sa légende s'est nourrie de bien plus que du génie parce que ce prodige argentin arraché à l'adolescence et à une vie ordinaire par les arabesques et les fulgurances qu'il avait décidé de faire partager au monde, a toujours représenté plus que lui-même, semblant porter les rêves du peuple dans tous ses combats ».

Libération consacre 10 pages à la disparition d' « El Diez ». 10 comme le numéro du maillot qu'il portait. Comme on le voit à la Une avec la tenue de l'Albiceleste, avançant les bras écartés, un fanion dans la main droite. « CELESTE. Maradona (1960-2020) » titre le journal.

Immortel

« À force de le voir revenir de tout, des excès en tout genre, de sa dépendance à la cocaïne, d'une suspension pour dopage, de la plus longue chasse à l'homme jamais perpétrée par tous les défenseurs du monde sur un seul homme, du canardage de journalistes à la carabine à air comprimé, des procès en paternité, des voyages en grande pompe chez Fidel Castro ou de la pose d'un anneau gastrique en mondovision, on avait fini par le croire immortel. Parfum d'éternité. Mais il n'y avait pas que cela. Maradona, c'était le foot, le jeu. Et le jeu ne pouvait pas mourir », écrit Grégory Schneider.

Dieu « est mort ». Mais c'est seulement le « Dieu du football » pour Le Monde.

« La mort d'un champion est toujours un événement triste. Celle du “Pibe de Oro“ (“le gosse en or”), comme l'Argentine continuait de l'appeler, réveillera de profonds antagonismes chez les amateurs de ballon rond. Peu de sportifs auront, comme lui, alimenté avec autant de zèle les deux foyers contraires du supporteurisme que sont l'adulation et la détestation. L'auteur de la “main de Dieu”, le protégé de la mafia napolitaine, l'ami de Fidel Castro et d'Hugo Chavez, le cocaïnomane incurable ne fut pas un enfant de chœur ni un modèle de vertu, loin de là. Il restera néanmoins comme l'un des plus grands joueurs de l'histoire du football. Un génie du ballon à l'inspiration insolente », écrit le journal du soir.

Star planétaire, Diego Maradona est désormais « parmi les étoiles », « entre les mains de Dieu », fait remarquer Le Parisien. « Le génial et sulfureux footballeur argentin est décédé, hier, d'une crise cardiaque à l'âge de 60 ans », écrit-il sobrement.

« Un Maradona »

Maradona restera « Pibe de oro pour toujours », écrit Mario Albano dans La Provence. « En dépit de tout, Diego Armando Maradona est devenu un mythe de son vivant et il va le demeurer. Plus qu'un joueur de football, plus que l'incarnation d'un pays, plus qu'une marque, plus qu'un maillot ou un numéro que d'autres ont pu porter avant ou après lui. Il n'y a eu qu'un Maradona, après qui un Lionel Messi, au talent aussi immense que son palmarès, courra éternellement sans jamais le rattraper parce qu'il n'a pas gagné la Coupe du monde. Celle que Diego a quasiment remportée tout seul pour son pays ».

Maradona « était au football ce qu'Elvis Presley était au rock'n'roll, ce que Michael Jackson était à la pop music ou ce que Gérard Depardieu est au cinéma », écrit Benoît Lasserre dans Sud-Ouest. « Lâché par son cœur que d'innombrables frasques n'avaient pas ménagé, Diego Maradona devait certes sa célébrité à ce ballon rond dont il faisait ce qu'il voulait grâce à un pied magique. Mais son nom était connu dans le monde entier, y compris de ceux qui n'éprouvent aucune chair de poule en entendant chanter un stade ».

Pour Fabien Surmonne, du Républicain lorrain, « le “gosse en or” est un cas à part dans l'histoire du football mondial. Un talent brut, instinctif, qui aura suscité autant d'admiration que de rejet tout au long d'une carrière jalonnée d'excès et de frasques. De drogue, de petits ponts et de coups de sang. On possède tous une part d'ombre paraît-il, Diego Maradona n'aura jamais cherché, lui, à la dissimuler ».

« Grand Dieu » titre en une 20 minutes qui montre une photo de Maradona jonglant de la tête avec le globe.


Cinéma: Hazanavicius et le réalisateur iranien Rasoulof ajoutés à la compétition cannoise

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
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  • Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or
  • Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement

CANNES: Le Festival de Cannes a parachevé sa sélection lundi, invitant notamment en compétition un cinéaste iranien en rupture avec le régime, Mohammad Rasoulof, et le réalisateur Michel Hazanavicius pour un film d'animation.

Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or avec "La plus précieuse des marchandises". Il s'agit d'une première tentative dans le cinéma d'animation pour le réalisateur très éclectique de "The Artist" (oscarisé en 2012) ou des deux premiers volets de la comédie d'espionnage "OSS 117".

Adapté d'une pièce de Jean-Claude Grumberg, le film évoque le souvenir de la Shoah et le sort d'un enfant juif qui échappe miraculeusement à la déportation vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz.

Le festival a également ajouté le nouveau film de Mohammad Rasoulof, "The seed of the sacred fig". Ce cinéaste, lauréat du prix Un Certain Regard à Cannes en 2017 ("Un homme intègre"), puis de l'Ours d'or à Berlin en 2020 ("Le diable n'existe pas"), avait été invité l'an dernier comme membre d'un jury.

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager.

Evoquant les questions brûlantes de la corruption ou de la peine de mort, Mohammad Rasoulof fait partie des réalisateurs iraniens primés dans les plus grands festivals mais accusés en Iran de propagande contre le régime, comme Jafar Panahi ou Saeed Roustaee.

Sujets sensibles 

Un troisième réalisateur, le Roumain Emanuel Parvu, est également ajouté à la compétition, portant à 22 le nombre de films en lice pour succéder à la Palme d'Or de l'an dernier, "Anatomie d'une chute" de Justine Triet.

Parmi eux, les œuvres d'illustres réalisateurs hollywoodiens, dont "Megalopolis" de Francis Ford Coppola et "Oh Canada" de Paul Schrader, une comédie musicale de Jacques Audiard, le nouveau film de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone, après son Lion d'or pour "Pauvres créatures", ou encore une oeuvre sur Naples par l'Italien Paolo Sorrentino.

Hors compétition, le festival, qui se tiendra du 14 au 25 mai, a également annoncé lundi la première du "Comte de Monte-Cristo", avec Pierre Niney dans le rôle-titre, blockbuster français programmé hors compétition, tandis qu'Oliver Stone présentera en séance spéciale un documentaire sur le dirigeant brésilien Lula.

Trois films sont également ajoutés dans la section Un Certain Regard, dont le premier film comme réalisatrice de l'actrice Céline Sallette, un biopic sur l'artiste Niki de Saint-Phalle, avec Charlotte Le Bon.


Un chef-d'oeuvre oublié de Raphaël exposé au public dans une basilique varoise

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
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  • Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome
  • Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique

SAINT-MAXIMIN-LA-SAINTE-BAUME: L'exposition ce week-end dans la sacristie de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) pour la première fois au public d'un tableau oublié et récemment redécouvert du peintre italien de la Renaissance Raphaël a attiré de nombreux visiteurs, a constaté un photographe de l'AFP.

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome, qui abrite des reliques de Marie-Madeleine.

Une cinquantaine de personnes ont ainsi fait la queue dimanche après-midi pour pouvoir admirer ce tableau peu connu du maître italien auteur des "Trois Grâces" ou encore des fresques ornant le palais du Vatican à Rome "L'Incendie de Borgo" et "L'Ecole d'Athènes".

Les visiteurs doivent cependant s'acquitter la somme de trois euros pour l'admirer, des fonds qui serviront à soutenir la restauration de la basilique.

Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique.

Tableau oublié 

La redécouverte de ce tableau oublié pourrait, pour certains, relever du miracle: un collectionneur français avait acheté ce portrait de Marie-Madeleine, datant de la rencontre entre Raphaël et Léonard de Vinci (1505), à une galerie londonienne sur son site internet pour 30.000 livres (près de 35.000 euros) en pensant qu'il s'agissait d'une oeuvre de l'école de Vinci.

Il avait ensuite fait appel à l'expertise d'Annalisa Di Maria, membre du groupement d'experts de l'Unesco à Florence (Italie) qui a authentifié l'oeuvre en septembre.

A l'issue d'innombrables analyses, dont la visualisation grâce à la lumière infrarouge des couches de carbone cachées par les pigments de peinture, ils ont pu attribuer le tableau à Raphaël (1483-1520).

Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection de Jésus, dont elle était une fidèle disciple, est une figure importante des Evangiles, souvent présentée comme une pécheresse repentie. Elle aurait passé les 30 dernières années de sa vie dans une grotte du massif de la Sainte-Baume, à une vingtaine de kilomètres de la basilique, devenue un haut-lieu de pèlerinage chrétien.


Des collages XXL à l'Orient-Express, JR veut «changer les perspectives»

Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
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  • Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées
  • Il y est souvent questions de sujets sociaux

 

VENISE: "Changer les perspectives" au-delà des frontières: après plus de 25 ans de carrière, le goût du voyage et de l'ailleurs continue de façonner l'oeuvre de JR, street-artist de renommée mondiale dont le dernier projet prend la route du rail.

A 41 ans, le photographe français au chapeau et lunettes noires, devenu célèbre avec ses collages photographiques XXL, s'est lancé dans un "projet fou": décorer tout un wagon du Venice Simplon-Orient-Express.

"Les gens connaissent tous l'Orient-Express, mais beaucoup ne savent pas qu'ils roulent encore", dit-il à l'AFP en marge de la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Pour l'occasion, le rutilant wagon-lit bleu nuit, devenu légendaire grâce au roman policier d'Agatha Christie et à ses adaptations au grand écran, a circulé à bord d'une barge cette semaine sur les eaux de la lagune de la Cité des Doges, avant son lancement sur les rails européens au printemps 2025.

En décorant l'intérieur luxueux de cette "oeuvre vivante" - incluant un salon de thé et une bibliothèque - JR, qui maitrise les codes du happening, s'est amusé à dissimuler dans ses recoins divers clins d'oeil à son oeuvre, des lettres, des jumelles, jusqu'à un appareil photo des années 1920.

"C'est une de ces voitures là qui a eu 1.000 vies. Quand on l'a récupérée en Belgique, elle était encore toute brûlée et cabossée, parce qu'elle avait été abandonnée depuis longtemps", se souvient-il en confiant sa "fascination" pour l'univers des trains.

JR voit dans ce moyen de transport une manière de "faire voyager" ses oeuvres, "comme un message dans une bouteille".

Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées.

Il y est souvent questions de sujets sociaux, comme les droits des femmes ("Women are Heroes"), l'immigration ("Déplacé.e.s") ou les armes à feu ("Guns in America").

«Vers l'inconnu»

Avant les festivals et les récompenses, le travail de l'artiste a puisé son inspiration sur les rails "avec les voyages en métro ou en RER" à Paris.

"Quand j'avais 16/17 ans, les appareils ont commencé à devenir numériques. La photo n'était plus un sport de riche. Puis on a démocratisé le voyage, on pouvait voyager pour rien en train ou en avion à l'autre bout du monde. Je pense que je n'aurais pas été artiste si je n'étais pas né cette année-là", confie-t-il.

Au-delà de sa mobilité géographique, le street-artist se plait à arpenter "un chemin vers l'inconnu", "comme le monde du ballet, de l'opéra, du train, etc. Finalement, c'est là où je pense que j'apprends le plus", reconnait-il.

La rencontre faisant partie intégrante du voyage, JR revendique un "art infiltrant" impliquant activement les communautés et le public afin de gommer l'opposition entre sujets et acteurs.

En novembre, 25.000 personnes ont ainsi assisté à un spectacle de sons et lumière, avec la participation de 153 danseurs sur un immense échafaudage devant la façade du Palais Garnier à Paris, métamorphosée en grotte par l'artiste.

Cette performance hypnotisante avait fait face à de nombreux obstacles, menacée par la pluie, les alertes attentat et les incertitudes techniques qui donnaient au projet "plus de chances d'échec que de succès".

"Ce que les gens ne réalisent pas, c'est que nous-mêmes on savait pas si ça allait se passer. Mais si ça marche, d'un coup, c'est quelque chose qui n'a jamais été fait. Pour moi, c'est le signe que c'est un chemin intéressant", explique-t-il.

"C'est encore ce que je fais aujourd'hui: voyager, confronter les images aux autres, changer les perspectives, mais surtout questionner. Parce que je pense que c'est ça qui a la plus grande force de l'art."