Succès chinois au Moyen-Orient

 Le lancement à Pékin des «nouvelles routes de la soie» il y a dix ans a marqué une nouvelle étape dans la politique de la Chine. (AFP).
Le lancement à Pékin des «nouvelles routes de la soie» il y a dix ans a marqué une nouvelle étape dans la politique de la Chine. (AFP).
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Publié le Vendredi 03 mars 2023

Succès chinois au Moyen-Orient

Succès chinois au Moyen-Orient
  • Acheteuse de pétrole et de gaz, exportatrice très active de biens de consommation de toute nature, la Chine s'est imposée désormais comme un partenaire commercial incontournable pour la plupart des pays du Moyen-Orient
  • Elle est ainsi devenue en dix ans un acteur majeur dans la région, en passe de supplanter l'influence américaine

Plusieurs événements récents ont attiré l'attention sur les efforts que fait la Chine pour asseoir son influence au Moyen-Orient, le dernier en date étant la visite récente du président iranien Ebrahim Raïssi à Pékin. L'intérêt de la diplomatie chinoise pour cette région du globe est certes très ancien. Mais, pendant de longues années, les crises incessantes au sein du monde arabe et aussi avec Israël ou l'Iran, tout ce tohu-bohu incitait la Chine à la prudence. Elle laissait aux États-Unis et accessoirement aux Européens le champ libre.

Plusieurs facteurs ont changé la donne. La diplomatie américaine a modifié ses priorités, se tournant désormais vers l'Asie pour affronter le défi chinois. Après les troubles déclenchés par les «printemps arabes», une nouvelle génération de dirigeants arabes s'est installée, qui a pris aisément son parti du retrait des États-Unis et s’est mis à la recherche d'autres partenaires. Le lancement à Pékin des «nouvelles routes de la soie» il y a dix ans a marqué une nouvelle étape dans la politique de la Chine. La première tournée de Xi Jinping dans la région en 2016 peut être considérée comme l'acte fondateur d'une nouvelle ambition.

Aujourd'hui, les Chinois ne se contentent plus de faire des affaires au Moyen-Orient, ils veulent occuper tout l'espace politique et stratégique…

Car la Chine a de grandes ambitions au Moyen-Orient, et l'habile directeur des Affaires étrangères, M. Wang Yi, en est le porteur assidu. Mais elle a sa méthode, ses façons de faire, qui diffèrent assez profondément des manières américaines. C'est d'abord sur le terrain économique qu'elle a avancé ses pions. Acheteuse de pétrole et de gaz, exportatrice très active de biens de consommation de toute nature, elle s'est imposée désormais comme un partenaire commercial incontournable pour la plupart des pays de la zone.

Mais, aujourd'hui, les Chinois ne se contentent plus de faire des affaires au Moyen-Orient, ils veulent occuper tout l'espace politique et stratégique rendu disponible par les échecs de la politique américaine et la distance prise petit à petit par Washington.

Ainsi, la diplomatie chinoise s'appuie sur quelques principes simples, au moins en apparence. Premier principe: elle s'affiche comme scrupuleusement respectueuse de la souveraineté des États et déclare ne pas se mêler de leurs affaires ni intérieures ni extérieures. Deuxième principe: n'ayant de conflit avec personne, elle entend parler avec tout le monde, ce qui lui sera bien utile dans une région très divisée, où les tensions restent vives. Troisième principe enfin: la diplomatie chinoise se présente comme le premier partenaire mondial pour le développement et la paix, face aux États-Unis, qu'elle ne manque pas de critiquer à voix plus ou moins haute selon ses interlocuteurs.

Force est de reconnaître que cette approche rencontre un certain succès au Moyen-Orient. La Chine réussit la performance d'avoir établi de bonnes relations aussi bien avec l'Arabie saoudite et l'Iran qu’avec Israël et la Syrie, sans oublier la Turquie, qu'elle ménage. Elle est ainsi devenue en dix ans un acteur majeur au Moyen-Orient, en passe de supplanter l'influence américaine. 

À y regarder de plus près, on voit que les relations de la Chine avec l'Iran d'un côté, et avec l'Arabie saoudite de l'autre, constituent sans doute les deux points forts de cette stratégie moyen-orientale.

Avec l'Iran, la Chine a signé en mars 2021 un accord de coopération stratégique sur vingt-cinq ans, présenté immédiatement comme un partenariat inclusif majeur entre les deux pays. Même si son contenu n'a pas été rendu public et paraît encore assez vague, les résultats sont là. La Chine apporte désormais un soutien actif au régime de Téhéran, récemment fragilisé par six mois de manifestations de la jeunesse iranienne.

 

Avec l'Iran, la Chine a signé en mars 2021 un accord de coopération stratégique sur vingt-cinq ans, présenté immédiatement comme un partenariat inclusif majeur entre les deux pays.

 

Pour échapper aux sanctions internationales et aux contraintes liées à l'usage du dollar, les deux pays ont créé une banque sino-iranienne. Du coup, la Chine achète en grande quantité le pétrole iranien. Enfin, elle barre la route à toute relance de l'accord de Vienne sur le nucléaire.

Le voyage du président Raïssi à Pékin s'inscrit dans cette perspective que le Global Times définit comme «la construction d'alliances avec les puissances mondiales non occidentales ayant des structures politiques similaires, la Russie et la Chine». On peut penser que, pour l'Iran, ce sont plutôt des liens de quasi-dépendance qui manifestent en réalité l'état de faiblesse du régime des mollahs.

Mais, en parallèle, Xi Jinping se préoccupait de nouer avec l'Arabie saoudite et avec les autres pays du Golfe des relations de haut niveau. À cet égard, le voyage du président chinois à Riyad en décembre dernier a connu un franc succès et a eu un grand retentissement dans la région.

Le prince héritier saoudien, répondant sans doute aux désirs de Pékin, a organisé à l'intention de son éminent visiteur un sommet spécial entre la Chine et les pays du Golfe, bientôt élargi à l'Égypte et à la Jordanie, première manifestation d'un forum sûrement appelé à se reproduire à l'avenir. Le dirigeant saoudien a ainsi été consacré par la Chine comme son principal interlocuteur au sein du monde arabe au Moyen-Orient. Ce n'est pas rien. Le chemin parcouru en dix ans par Pékin est impressionnant. Au moment où les États-Unis se retirent en douceur de la région, les Chinois font du charme et s'installent durablement sur le devant de la scène.

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.

TWITTER: @HdeCharette

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.