Retraites: le dilemme des commerçants indépendants face à la grève

Pour le sociologue spécialiste du commerce et de la consommation Vincent Chabault, les actions de certains commerçants,  "des coiffeurs fermés, des cortèges de libraires en manifestation, des rideaux tirés pour quelques heures", sont assez exceptionnelles. (AFP).
Pour le sociologue spécialiste du commerce et de la consommation Vincent Chabault, les actions de certains commerçants,  "des coiffeurs fermés, des cortèges de libraires en manifestation, des rideaux tirés pour quelques heures", sont assez exceptionnelles. (AFP).
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Publié le Vendredi 10 mars 2023

Retraites: le dilemme des commerçants indépendants face à la grève

  • A Strasbourg, la librairie Le Tigre a fermé trois fois depuis le début du mouvement. "Ça pèse et ça fait mal mais, à un moment donné, c'est important de se bouger"
  • Par ailleurs, les expéditions de carburant ont repris vendredi, du moins pour la matinée, à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer

PARIS: "Si j'avais de l'argent à dilapider, j'aurais fermé !": comme de nombreux petits commerçants indépendants, Céline Sirbu, bouchère/charcutière près de Lille, n'a pas pu se résoudre à faire grève mais elle a symboliquement descendu l'un de ses rideaux en soutien à la mobilisation contre la réforme des retraites.

"Un jour de fermeture, je perds quasiment 1.000 euros", précise-t-elle à l'AFP.

Avec l'inflation, l'argent rentre moins (la dépense moyenne de ses clients est passée de 30 à 20-25 euros environ) et elle doit faire face à l'envolée des prix de l'énergie. Alors même si une affiche clame son opposition à la réforme sur sa devanture, elle n'a pas fermé ses portes.

"Il y a une grande inquiétude des commerçants par rapport à leur chiffre d'affaires, à leurs charges et notamment l'énergie", explique à l'AFP Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France (CDF) qui regroupe des fédérations représentant 450.000 entreprises, principalement des TPE, sur plus de 600.000 commerces de proximité indépendants.

Selon lui, "l'ADN des commerçants n'est pas de descendre dans la rue, mais ils ne sont pas contre les syndicats car ils ont eux-mêmes des doléances sur les retraites".

La grande majorité des commerçants qu'il représente sont propriétaires de leur fonds de commerce qu'ils vendent en fin de carrière pour gonfler des pensions "très petites". Mais alors qu'ils se vendaient pour "35 à 40% du chiffre d'affaires à une époque, leur prix est désormais tombé à 15-20%", ajoute M. Palombi.

A Strasbourg, la librairie Le Tigre a fermé trois fois depuis le début du mouvement. "Ça pèse et ça fait mal mais, à un moment donné, c'est important de se bouger", justifie son gérant, Nicolas Deprez, même s'il dit comprendre ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas fermer.

Certains de ses clients retraités lui ont fait des réflexions, "mais c'est facile à dire quand on est passé de l'autre côté de la barrière", affirme à l'AFP cet anarchiste autoproclamé. "Après, je ne peux pas fermer tous les jours évidemment..."

Reprise des expéditions de carburant à Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer

Les expéditions de carburant ont repris vendredi, du moins pour la matinée, à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer, a-t-on appris auprès du groupe.

Il n'y a "plus de grèves à la raffinerie de Fos sur le quart de ce matin", avec une "reprise des expéditions depuis 6h ce jour", a indiqué à l'AFP une porte-parole du groupe pétrolier.

La nouvelle ligne de quart de l'après-midi décidera dans la journée quant à elle si elle prend la même décision que le quart du matin ou si elle poursuit le mouvement.

Les expéditions de carburants avaient déjà repris jeudi à la raffinerie d'Esso-ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon (Normandie), selon la même source.

Les salariés des autres raffineries françaises poursuivent leur mouvement de protestation contre la réforme des retraites du gouvernement, a-t-on par ailleurs appris auprès de la CGT.

Rare mobilisation

Pour le sociologue spécialiste du commerce et de la consommation Vincent Chabault, les actions de certains commerçants,  "des coiffeurs fermés, des cortèges de libraires en manifestation, des rideaux tirés pour quelques heures", sont assez exceptionnelles, bien que parsemées, dans l'histoire des mobilisations des indépendants.

"Jusque-là ils avaient surtout des revendications fiscales ou plus récemment liées aux prix de l'énergie", rappelle-t-il.

La réforme des retraites les concerne avec la revalorisation du minimum garanti, puisque les pensions des indépendants sont souvent "dérisoires et complétées par de l'épargne individuelle", mais la question de la pénibilité est selon le sociologue peu reconnue.

Pour les coiffeurs, qui restent debout, les libraires qui portent beaucoup... mais aussi pour les réparateurs de vélo.

"On devra travailler plus longtemps. On est dans un métier, la mécanique où, après un certain temps, le corps va lâcher, les mains, le dos, on ne va pas tenir jusqu'à 65 ans", explique à l'AFP Farzan Fazeli, 33 ans, gérant de la boutique-atelier La tête dans le guidon à Strasbourg.

Il est allé manifester "20 minutes en soutien au mouvement. Mais fermer une journée, ça serait trop handicapant".

Selon le sociologue Vincent Chabault, un sondage auprès de commerçants a montré qu'une grande majorité étaient opposés à la réforme mais que seulement la moitié soutenait la mobilisation.

"La raison, c'est la crainte du manque à gagner, ils ont déjà des revenus incertains, qui les privent d'une sérénité au quotidien", dit-il.

La petite cordonnerie de Rudy François, dans le centre-ville de Lille, a fermé mardi pour la deuxième fois "en solidarité des autres". A 62 ans, ce cordonnier qui a commencé à travailler à 14 ans n'a pris que "quinze jours de congés sur les dix dernières années" et le "ras-le-bol" est arrivé avec la hausse des factures d'énergie.

Mais pour arriver aux 500 euros quotidiens dont il a besoin pour couvrir ses frais, il ne pourra pas fermer samedi pour aller manifester: "Faut pas exagérer, c'est le meilleur jour de la semaine !", lance-t-il. "Et ce n'est pas la CGT qui va me payer mon salaire !"


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.