Retraites: dans la rue pour la 7e fois, les syndicats appellent Macron à « consulter le peuple»

Des manifestants participent à une manifestation à Dunkerque, dans le nord de la France, le 7 mars 2023, au sixième jour des rassemblements nationaux organisés depuis le début de l'année contre la réforme des retraites du président français et son report de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. (AFP)
Des manifestants participent à une manifestation à Dunkerque, dans le nord de la France, le 7 mars 2023, au sixième jour des rassemblements nationaux organisés depuis le début de l'année contre la réforme des retraites du président français et son report de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. (AFP)
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Publié le Samedi 11 mars 2023

Retraites: dans la rue pour la 7e fois, les syndicats appellent Macron à « consulter le peuple»

  • « Puisqu'il est si sûr de lui, le président de la République, il n'a qu'à consulter le peuple. On verra la réponse du peuple» a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez
  • Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié samedi, 63% des Français approuvent la mobilisation contre la réforme, 54% soutenant le recours à la grève et au blocage de certains secteurs

PARIS: Les responsables syndicaux ont appelé samedi le président de la République à "consulter le peuple" sur la réforme des retraites, lors d'une septième journée de mobilisation à l'orée d'une semaine décisive, où le gouvernement espère voir la réforme définitivement adoptée après un parcours parlementaire chaotique.

"La détermination est là, on est passé même à un stade de grosse colère, avec ce qu'a fait le président de la République" vendredi, en rejetant la demande des syndicats de le rencontrer, a dit le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

"Puisqu'il est si sûr de lui, le président de la République, il n'a qu'à consulter le peuple. On verra la réponse du peuple", a-t-il dit, interrogé avant le départ de la manifestation parisienne qui a démarré vers 14H00 de la place de la République en direction de celle de la Nation.

"J'implore ceux qui dirigent ce pays de sortir de cette forme de déni du mouvement social", a insisté son homologue de la CFDT, Laurent Berger, évoquant une forme de "sidération" face à la fin de non-recevoir du président de la République.

"Le gouvernement laisse croire qu'il est inflexible mais ne l'est absolument pas", a pour sa part affirmé la patronne des députés LFI, Mathilde Panot, tandis que son chef de file Jean-Luc Mélenchon a estimé depuis Marseille que le chef de l'Etat mise "sur le pourrissement", jugeant cette "idée extrêmement nocive dans une démocratie" et espérant "trouver une porte de sortie (...) par la force".

Volonté partagée par des manifestants qu'on pouvait entendre scander dans la capitale: "Ils nous disent +bosse et crève+, nous on dit +vive la grève+". Dans le même temps, les forces de l'ordre sont intervenues face à des "perturbateurs" qui ont "jeté des mortiers sur la foule", a indiqué la préfecture de police. Un magasin de motos a également été pris pour cible, a constaté l'AFP.

C'est la seconde journée de mobilisation organisée un samedi, de manière à permettre aux salariés d'y participer sans avoir à poser un jour de grève. Le 11 février, 963.000 personnes étaient descendues dans la rue selon le ministère de l'Intérieur, plus de 2,5 millions selon la CGT.

La participation devrait être moins forte cette fois-ci, au vu des mobilisations déjà en cours ou terminées à la mi-journée. A titre de comparaison, à Tarbes, 2.500 personnes ont défilé samedi, selon la préfecture, contre 4.600 le 11 février. Dans le Nord, 950 personnes se sont rassemblées à Douai selon la préfecture, contre 3.200 le 11 février, et 1.300 à Valenciennes, contre 3.200 il y a un mois.

Laurent Berger a reconnu une moindre mobilisation lors de cette journée d'action organisée quatre jours après la précédente, mais la détermination est "forte", a-t-il assuré, avant une nouvelle journée de manifestations, la 8e, prévue mercredi.

En outre, "FO va proposer qu'on ait trois journées, les 15-16-17, de grèves et de manifs", a indiqué son secrétaire général Frédéric Souillot.

«Reculades gouvernementales»

"On garde espoir", assure Philippe Anselme, 65 ans, retraité venu avec son épouse manifester à Bordeaux, (3.400 manifestants selon la préfecture, 18.000 selon l'intersyndicale) "car même si la droite s'est alliée avec la Macronie au Sénat, il y a toujours eu des reculades gouvernementales par le passé". "On sera peut-être dans le dernier carré de résistants, mais on sera là", promet-il.

Même état d'esprit chez Marie-Cécile Périllat, secrétaire générale de la FSU de Haute-Garonne, qui défilait à Toulouse, où les organisateurs ont revendiqué 45.000 participants: "La pression, elle commence véritablement à s'exercer, sur le pouvoir législatif y compris. Donc on y croit, on tient et on va pas lâcher", assure-t-elle.

Vendredi, le ministre du Travail Olivier Dussopt a dégainé l'arme constitutionnelle du vote unique au Sénat, face à "l'opposition méthodique" de la gauche. Les sénateurs ont repris samedi matin l'examen de la réforme, avant le couperet de la fin des débats dimanche minuit. Une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs doit se tenir mercredi avant un vote définitif dans la foulée dans les deux chambres.

Mais il semble incertain que le gouvernement parvienne à trouver une majorité de députés pour approuver le texte et il pourrait recourir une nouvelle fois à l'article 49.3 (adoption sans vote), ce qui le placerait dans une situation politique périlleuse.

Mardi, les syndicats avaient une nouvelle fois fait la preuve d'une opposition très forte au projet de réforme, et des grèves reconductibles ont été enclenchées ou intensifiées dans plusieurs secteurs, notamment ferroviaire et aérien, ainsi que les centrales de production d'électricité, l'infrastructure gazière. A Paris, la mairie faisait état de 4.400 tonnes de déchets non ramassés samedi, au 6e jour de la grève des éboueurs.

Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié samedi, 63% des Français approuvent la mobilisation contre la réforme, 54% soutenant le recours à la grève et au blocage de certains secteurs. Mais 78% (+14 points depuis le 3 mars) pensent pourtant que la réforme sera votée et appliquée.

 

Retraites: des tensions à Paris, une trentaine d'interpellations

Des tensions ont eu lieu samedi après-midi à Paris dans la manifestation contre la réforme des retraites, avec notamment de nombreux jets de projectiles contre les forces de l'ordre, quelques poubelles incendiées et vitrines caillassées.

Selon un bilan final à 18H30, 32 personnes ont été interpellées, notamment pour port d'arme prohibé et participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradations, selon la préfecture de police.

La manifestation parisienne s'est élancée à 14H00 de la place de la République vers la place de la Nation.

De premières tensions ont eu lieu vers 15H00 sur le boulevard Beaumarchais, avec des vitrines prises pour cible et des jets de projectiles contre les forces de l'ordre, a constaté une journaliste de l'AFP.

Le cortège a été provisoirement stoppé place de la Bastille, où les forces de l'ordre ont tenté de "disloquer le bloc" constitué de manifestants radicaux, a indiqué la préfecture de police.

"Plusieurs centaines de personnes" étaient présentes dans ce bloc, selon la même source.

Le cortège a ensuite pu reprendre sa progression. Mais de nouveaux incidents ont éclaté avenue Daumesnil, avec à nouveau des jets de pavés sur les forces de l'ordre et quelques poubelles incendiées dans une tentative d'ériger une barricade, selon la journaliste de l'AFP.

A l'arrivée des manifestants place de la Nation, des tensions ont eu lieu entre le service d'ordre de la CGT et des militants radicaux, et les forces de l'ordre sont intervenues pour les séparer, a constaté la journaliste de l'AFP. Le cortège et le camion de la CGT ont été "pris pour cible par les éléments radicaux", a indiqué la préfecture de police. Le syndicat avait déjà été victime de "jets de projectiles par des éléments radicaux" plus tôt dans la manifestation, selon la même source.

Au total, 48.000 personnes ont manifesté à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, la CGT annonçant 300.000 manifestants. Le cabinet Occurrence, qui effectue un décompte pour un collectif de médias dont l'AFP, a dénombré 33.000 participants.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.