Les Espaces d'Abraxas, une utopie architecturale rattrapée par la réalité

Le matin, quand la cité des Espaces d'Abraxas dort encore, quelques touristes s'y aventurent pour instagrammer sa monumentale architecture dystopique célèbre jusqu'à Hollywood. (AFP)
Le matin, quand la cité des Espaces d'Abraxas dort encore, quelques touristes s'y aventurent pour instagrammer sa monumentale architecture dystopique célèbre jusqu'à Hollywood. (AFP)
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Publié le Samedi 18 mars 2023

Les Espaces d'Abraxas, une utopie architecturale rattrapée par la réalité

  • Les Abraxas se voulaient pourtant, dès leur conception par l'architecte star espagnol Ricardo Bofill, une rupture avec les barres de logements sociaux sans âme des grands ensembles
  • «C'était une époque d'idéologie utopique», dit à Yann Minh, artiste de 65 ans installé depuis 2017 dans le bâtiment du Théâtre

NOISY-PE-GRAND: Le matin, quand la cité des Espaces d'Abraxas dort encore, quelques touristes s'y aventurent pour instagrammer sa monumentale architecture dystopique célèbre jusqu'à Hollywood. Mais dès midi dans cette banlieue parisienne, les guetteurs s'installent sur leurs chaises pliantes et chassent les curieux: le trafic de drogues reprend son cours.

Derrière son décor rétro-futuriste prisé des réalisateurs de clips et films ("Hunger Games", "Brazil"...), cette cité inaugurée en 1983 en Seine-Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, a connu l'engrenage de paupérisation et de disparition de la mixité sociale caractéristique des quartiers sensibles.

La municipalité de Noisy-le-Grand tente aujourd'hui de raviver ce lieu emblématique.

Les Abraxas se voulaient pourtant, dès leur conception par l'architecte star espagnol Ricardo Bofill, une rupture avec les barres de logements sociaux sans âme des grands ensembles.

"C'était une époque d'idéologie utopique", dit à l'AFP Yann Minh, artiste de 65 ans installé depuis 2017 dans le bâtiment du Théâtre. "Le discours de l'époque était qu'on peut, au niveau industriel, fabriquer des palais pour le peuple: des bâtiments qui ne soient pas arides et moches".

L'architecture post-moderniste du lieu reprend ainsi en béton préfabriqué des éléments du néo-classicisme du XVIIIe siècle (pilastres, colonnes doriques, frontons triangulaires...), ses coursives portent les noms d'architectes royaux.

Alcatraz 

Visibles à des kilomètres à la ronde, les Abraxas présentent l'aspect hostile d'une forteresse close, d'où leur surnom d'"Alcatraz".

Mais une fois à l'intérieur, on découvre une cité constituée de trois bâtiments autour d'une place, qui matérialisent presque exactement la répartition des 600 appartements: deux tiers en logement social, un tiers en propriété privée.

Aux locataires de logements sociaux: le Palacio, massif bunker de 18 étages où l'on passe d'une cage d'ascenseur à l'autre par un labyrinthe de coursives et passerelles extérieures, et l'Arche, arc de triomphe aménagé en appartements.

Aux propriétaires: l'élégante structure en demi-cercle du Théâtre.

Deux mondes qui se regardent en chiens de faïence et se mélangent peu. "En tant qu'habitants, on dit toujours qu'il y a les riches au Théâtre et les pauvres au Palacio. Au Théâtre, des fois vous ne savez même pas ce qu'il se passe au Palacio", schématise Mareme Fall, locataire depuis 19 ans et figure incontournable des Abraxas.

Au pied du Palacio, les locaux où Bofill imaginait des commerces sont à l'abandon et condamnés pour éviter les squats. Dans les parties communes, des faux plafonds éventrés témoignent de recherches de caches de drogue par la police. Plusieurs ascenseurs sont en panne, les façades ocres suintent d'humidité.

Une déliquescence loin de la cité moderne et fonctionnelle qu'a découverte Samir Rouab à son arrivée au Palacio en 1989, à 15 ans, dans les bagages de sa mère qui cumulait deux emplois.

"Dans l'ascenseur, il y avait un grand miroir, une rambarde et de la moquette rouge. Il y avait quatre gardiens disponibles tous les jours, par téléphone ou à la loge. Et les personnes qui faisaient l'entretien venaient quotidiennement", se souvient avec amertume ce guide touristique de 48 ans.

Progressivement, décrivent tous les interlocuteurs rencontrés par l'AFP, l'attribution des logements sociaux entraîne un changement de populations au Palacio et le relatif mélange des débuts disparaît. Les foyers issus de l'immigration se font plus nombreux, les "Français" partent.

"Ça a commencé à dérailler un peu. Les catégories moyennes quittaient l'immeuble et on a ramené des familles en grande difficulté. Petit à petit, c'est devenu un quartier difficile, pour ne pas dire ghetto", dit Michel Pajon, maire socialiste de Noisy-le-Grand de 1995 à 2015.

L'insécurité apparaît. Si les violentes guerres de bandes qui secouaient le quartier dans les années 2000 ne sont plus d'actualité, le trafic de cannabis s'y implante, profitant de l'architecture alambiquée.

En parallèle, les bailleurs réduisent les coûts. Les murs se dégradent, les gardiens se raréfient. Les agents de nettoyage ne passent plus qu'une fois par semaine.

Négociation électorale 

Jugeant les Abraxas au-delà du point de non-retour, la municipalité socialiste les délaisse et veut les raser pour construire un palais des congrès.

Mais à l'élection municipale de 2015, l'opposition s'engage à réhabiliter la cité en échange des votes du Palacio, rapporte Mareme Fall, aujourd'hui déléguée aux quartiers prioritaires pour la maire de droite Brigitte Marsigny.

Pari gagnant. Au lieu de s'abstenir, les Abraxas se rendent massivement aux urnes et Michel Pajon est battu de... 33 voix.

La nouvelle majorité réinvestit alors les Abraxas, auxquelles la figuration en 2015 dans l'un des blockbusters "Hunger Games" donne un nouvel élan de notoriété.

"Notre politique est de mettre en valeur cet espace, de lui amener ce qui lui manque: des espaces verts autour, une animation socio-culturelle, l'accompagner dans un nouveau quartier", indique à l'AFP le maire-adjoint à l'habitat, Pascal Laguilly.

Un city-stade et un parc pour enfants apparaissent. Des événements festifs, comme une fête costumée d'Halloween, réunissent régulièrement des centaines d'habitants. Un nouveau quartier avec des commerces de proximité est en germe à côté.

Dans le Palacio, un centre socio-culturel a ouvert ses portes en 2021. "Il n'y avait aucune activité pour les gamins, maintenant il n'y a que ça", salue Samir Rouab, "quand il n'y a pas école, il y a plein de sorties pour les enfants. Quand c'est l'été, des départs à la mer, etc.".

Dans le cadre de la réhabilitation des copropriétés dégradées, une importante rénovation des Abraxas doit intervenir dans les prochaines années. De quoi embellir la vie des résidents, et les photos Instagram des curieux ?


Le 87ème prix Albert Londres sera remis le 25 octobre à Beyrouth

Le journaliste français et président du Prix Albert Londres, Hervé Brusini, s'exprime lors du dévoilement d'une plaque commémorative en hommage au caméraman de l'AFP Arman Soldin, tué en Ukraine, sur l'esplanade du Centre universitaire de Vichy, dans le centre de la France, le 7 mai. (AFP)
Le journaliste français et président du Prix Albert Londres, Hervé Brusini, s'exprime lors du dévoilement d'une plaque commémorative en hommage au caméraman de l'AFP Arman Soldin, tué en Ukraine, sur l'esplanade du Centre universitaire de Vichy, dans le centre de la France, le 7 mai. (AFP)
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  • La capitale libanaise devait l'an dernier accueillir les délibérations de la plus prestigieuse récompense de la presse francophone, mais les bombardements israéliens sur plusieurs régions du Liban ont obligé le jury à rapatrier ses travaux sur Paris
  • "Il y a d'abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse", écrit Albert Londres en novembre 1919, cité par le communiqué de l'association

PARIS: Le 87ème prix Albert Londres, qui récompense le meilleur reportage écrit et audiovisuel francophone de l'année, sera remis le 25 octobre à Beyrouth, a annoncé mercredi l'association.

La capitale libanaise devait l'an dernier accueillir les délibérations de la plus prestigieuse récompense de la presse francophone, mais les bombardements israéliens sur plusieurs régions du Liban ont obligé le jury à rapatrier ses travaux sur Paris.

"Il y a d'abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse", écrit Albert Londres en novembre 1919, cité par le communiqué de l'association.

"Mais l'histoire en décida autrement. Quand le journaliste est revenu dans la région dix ans plus tard, les mots massacres et assassinats se sont imposés sous sa plume. Le conflit israélo-palestinien voyait ses premières victimes", poursuit le texte.

"Déjà ! Près de cent ans plus tard, la tragédie est massive. Informer est un enjeu vital malgré les bombes, malgré les murs. Le Prix Albert Londres se devait d'aller y voir. Le propre du reportage, en somme".

L'association Albert Londres a dévoilé la liste des articles, films et livres pré-sélectionnés pour l'édition 2025, sur 134 candidatures.

Pour le 87ème prix de la presse écrite, ont été choisis : Eliott Brachet (Le Monde), Julie Brafman (Libération) , Emmanuel Haddad (L'Orient-Le Jour), Iris Lambert (Society, Libération), Ariane Lavrilleux (Disclose), Célian Macé (Libération), Matteo Maillard (Libération, Jeune Afrique) et Arthur Sarradin (Libération, Paris Match).

Pour le 41ème prix audiovisuel, ont été retenus : Solène Chalvon-Fioriti pour "Fragments de guerre" (France 5), Marianne Getti et Agnès Nabat pour "Tigré : viols, l'arme silencieuse" (Arte), Jules Giraudat et Arthur Bouvart pour "Le Syndrome de La Havane" (Canal+), Julien Goudichaud pour "Calais-Douvres, l'exil sans fin" (LCP), Louis Milano-Dupont et Elodie Delevoye pour "Rachida Dati, la conquête à tout prix" (France 2) et Solène Oeino pour "Le Prix du papier" (M6).

Pour le 9ème prix du livre, ont été désignés Charlotte Belaich et Olivier Pérou pour "La Meute" (Flammarion), Siam Spencer pour "La Laverie" (Robert Laffont), Quentin Müller pour "L'Arbre et la tempête" (Marchialy) et Elena Volochine pour "Propagande : l'arme de guerre de Vladimir Poutine" (Autrement).

L'an dernier, la journaliste du Monde Lorraine de Foucher avait remporté le prix pour l'écrit pour ses reportages et enquêtes sur les viols de Mazan, les migrantes violées et encore les victimes de l'industrie du porno.

Le prix de l'audiovisuel avait été décerné à Antoine Védeilhé et Germain Baslé pour leur film "Philippines: les petits forçats de l'or" (Arte) et le prix du livre avait couronné Martin Untersinger pour "Espionner, mentir, détruire" (Grasset), une enquête sur les attaques dans le cyberespace.

Créé en 1933 en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté de 5.000 euros pour chacun des candidats, qui doivent avoir moins de 41 ans.


Des projets architecturaux saoudiens parmi les 15 finalistes du nouveau prix RIBA

Le Wadi Safar Experience Center est une porte d'entrée vers le développement plus large de Wadi Safar et s'inspire du style vernaculaire Najdi. (Fourni)
Le Wadi Safar Experience Center est une porte d'entrée vers le développement plus large de Wadi Safar et s'inspire du style vernaculaire Najdi. (Fourni)
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  • Deux projets innovants situés à Riyad – le parc King Salman et le centre d’expérience de Wadi Safar – ont été sélectionnés parmi les 15 finalistes du nouveau prix RIBA
  • Ce prix célèbre des projets ayant un impact social fort et une vision durable

DUBAÏ : Riyad s'impose comme un centre du design de pointe, alors que le Royal Institute of British Architects (RIBA) a dévoilé les 15 finalistes de son tout premier prix des bâtiments les plus transformateurs du Moyen-Orient.

Cette nouvelle distinction récompense les projets architecturaux récents ayant le plus d’impact social et de transformation à travers le Golfe, et deux des candidats les plus remarquables se trouvent dans la capitale saoudienne.

Au cœur de la contribution de Riyad figure le parc King Salman, une vaste opération de réhabilitation de l’ancien aéroport de la ville, réalisée par Gerber Architekten, Buro Happold et Setec. Ce projet ambitieux transforme une relique de l’ère aérienne en une oasis urbaine immense, offrant aux habitants et visiteurs un réseau de jardins, de plans d’eau et d’espaces de loisirs. Il met en œuvre des techniques novatrices de régénération des sols désertiques, d’utilisation durable de l’eau et de plantation résistante au climat.

Non loin de là, le centre d’expérience de Wadi Safar sert de porte d’entrée au développement plus large de Wadi Safar. Conçu par Dar Al Omran – Rasem Badran, il s’inspire du style vernaculaire najdi, avec des cours intérieures et un aménagement paysager en bermes de terre créant une atmosphère fraîche et contemplative tout en valorisant le patrimoine régional.

La liste des finalistes met également en lumière l’excellence dans tout le Moyen-Orient. Aux Émirats arabes unis, le sanctuaire des tortues et de la faune de Khor Kalba (Hopkins Architects) soutient la réhabilitation des tortues et oiseaux en danger dans la mangrove ancestrale de Sharjah, avec des pavillons arrondis se fondant dans le paysage côtier. À Dubaï, le centre Jafar du Dubai College (Godwin Austen Johnson) offre un espace STEM flexible, baigné de lumière naturelle, où l’acoustique et l’efficacité énergétique sont prioritaires.

À Doha, le centre Al-Mujadilah et sa mosquée pour femmes (Diller Scofidio + Renfro) réinterprètent de manière contemporaine un espace sacré, avec un toit percé de plus de 5 000 puits de lumière diffusant une lumière naturelle apaisante dans les salles de prière et les espaces communautaires.

Plusieurs projets revisitent les formes patrimoniales dans un contexte contemporain. À Sharjah, The Serai Wing, Bait Khalid Bin Ibrahim (ANARCHITECT) transforme deux maisons familiales des années 1950, autrefois propriétés d’un marchand de perles, en un hôtel boutique alliant préservation du patrimoine et design contemporain.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Cate Blanchett sera à l’honneur au Festival du film d’El Gouna

Cate Blanchett sera l'invitée d'honneur de cette année et recevra le prix Champion de l'humanité. (Getty Images)
Cate Blanchett sera l'invitée d'honneur de cette année et recevra le prix Champion de l'humanité. (Getty Images)
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  • L’actrice australienne sera l’invitée d’honneur du festival égyptien et recevra le Champion of Humanity Award pour son engagement humanitaire auprès des réfugiés en tant qu’ambassadrice du HCR
  • Reconnue pour ses rôles marquants au cinéma et son implication sur scène, Blanchett est aussi saluée pour son action sur le terrain dans des camps de réfugiés, incarnant la vision du festival : le cinéma au service de l’humanité

DUBAÏ : L’actrice et productrice australienne Cate Blanchett sera mise à l’honneur lors de la 8e édition du Festival du film d’El Gouna, en Égypte, qui se tiendra du 16 au 24 octobre.

Elle sera l’invitée d’honneur de cette édition et recevra le Champion of Humanity Award (Prix de la Championne de l’Humanité).

« De ses rôles emblématiques dans Elizabeth, Blue Jasmine et TÁR, à ses collaborations remarquables avec les plus grands réalisateurs, Cate Blanchett a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma mondial », a publié le festival sur Instagram.

« Au-delà de son art, elle continue de défendre des causes humanitaires urgentes en tant qu’ambassadrice de bonne volonté mondiale pour le HCR, reflétant ainsi la vision du festival : le cinéma au service de l’humanité », ajoute le communiqué. « Pour saluer son engagement en faveur des réfugiés et des personnes déplacées de force, Cate Blanchett recevra le Champion of Humanity Award du Festival du film d’El Gouna. »

Cate Blanchett est également connue pour son travail sur scène, ayant été co-directrice artistique de la Sydney Theatre Company. Elle est aussi cofondatrice de Dirty Films, une société de production à l’origine de nombreux films et séries récompensés.

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Depuis 2016, elle occupe le rôle d’ambassadrice de bonne volonté pour le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. À ce titre, elle utilise sa notoriété pour sensibiliser à la cause des réfugiés et encourager le soutien international. Elle a visité des camps de réfugiés et des communautés hôtes dans des pays comme la Jordanie, le Liban, le Bangladesh, le Soudan du Sud, le Niger et le Brésil.

En 2018, elle a reçu le Crystal Award lors du Forum économique mondial en reconnaissance de son engagement humanitaire.

Amr Mansi, fondateur et directeur exécutif du Festival d’El Gouna, a déclaré : « C’est un immense honneur d’accueillir une artiste du calibre de Cate Blanchett. Son talent exceptionnel fascine le public depuis des décennies, et son engagement humanitaire à travers le HCR est véritablement inspirant.

Ce partenariat avec le HCR et la Fondation Sawiris, ainsi que sa venue, illustrent parfaitement la mission essentielle de notre festival : utiliser la force du cinéma pour promouvoir un changement positif et soutenir l’humanité. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com