Une occasion en or pour un accord global avec l'Iran

Des étudiants de la force paramilitaire du Basij iranien lèvent des pancartes lors d'un rassemblement devant le ministère des Affaires étrangères à Téhéran, le 28 novembre 2020, pour protester contre le meurtre, la veille, de l'éminent scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh. (Atta Kenare / AFP)
Des étudiants de la force paramilitaire du Basij iranien lèvent des pancartes lors d'un rassemblement devant le ministère des Affaires étrangères à Téhéran, le 28 novembre 2020, pour protester contre le meurtre, la veille, de l'éminent scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh. (Atta Kenare / AFP)
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Publié le Dimanche 29 novembre 2020

Une occasion en or pour un accord global avec l'Iran

Une occasion en or pour un accord global avec l'Iran
  • Il existe une école de pensée au sein des décideurs politiques occidentaux qui soutient le retour précipité dans un accord qui se concentre minutieusement sur le dossier nucléaire avant que le départ président Hassan Rohani en juin
  • L'Iran domine désormais un corridor territorial contigu allant de l'ouest de l'Afghanistan à la mer Méditerranée

Les pays occidentaux sont-ils sérieux quant au retour précipité à une version récupérée de l'accord nucléaire de 2015 avec l'Iran? Ils devraient examiner attentivement la multitude des activités néfastes de Téhéran et réfléchir à nouveau encore et encore.

Il existe une école de pensée au sein des décideurs politiques occidentaux qui soutient le retour précipité dans un accord qui se concentre minutieusement sur le dossier nucléaire avant que le président Hassan Rohani ne quitte ses fonctions en juin.

Rohani, en personne, a invoqué un retour à la « situation qui régnait » avant que le président américain Donald Trump ne retire les États-Unis de l'accord en 2018.

Ces parties reconnaissent certainement les problèmes hors nucléaires de l'Iran, mais soutiennent avec complaisance que tout cela pourrait être traité dans des pourparlers après la signature d'un tel accord - sans donner aucune idée sur la façon dont l'Iran pourrait être contraint de changer son comportement après que les principales sanctions seront levées. N'oublions pas qu'entre 2011 et 2015, l'ancien président américain Barack Obama s'est senti forcé d'ignorer de façon préméditée les activités terroristes et criminelles de l’Iran afin de ne pas contrarier Téhéran au cours des négociations.

Pendant que le monde, en grande partie, ignorait ces derniers jours les instruments de l'Iran au Yémen qui lançaient des missiles sur Djeddah, examinons ensemble des exemples concrets des activités de l'Iran au cours des quatre dernières années, et retraçons  pourquoi un tel bellicisme systématique ne peut pas être écarté comme prix d'un retour rapide à l’accord nucléaire mis en œuvre par les États-Unis.

En 2019, des installations pétrolières dans l'est de l'Arabie saoudite ont été la cible de plusieurs roquettes et drones, dont beaucoup ont été lancés depuis l'intérieur de l'Iran. Cela, suite à une série d'attaques contre les navires du Golfe, ainsi qu'à des frappes presque constantes de roquettes – tirées de l'intérieur du Yémen –  contre des civils dans toute la péninsule arabique.

Avant la frappe américaine de janvier 2020 qui a tué Qassem Soleimani, il y avait eu une escalade d'attaques paramilitaires contre des actifs occidentaux en Irak, ayant abouti à une invasion à grande échelle de l’enceinte de l'ambassade américaine à Bagdad. À peu près au même moment, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a tenté, sans succès, de dissimuler le fait qu’un avion civil ukrainien avait été abattu, faisant 176 morts.

À la fin de 2019, on a signalé que de grandes quantités de roquettes iraniennes à moyenne portée étaient expédiées vers des sites paramilitaires en Irak et en Syrie, parallèlement à la construction d'usines de fabrication de missiles et de munitions. L’explosion énorme du port de Beyrouth a également attiré l’attention sur le stockage de matières explosives telles que le nitrate d’ammonium par le Hezbollah dans les quartiers surpeuplés du Liban.

Les instruments iraniens sont de plus en plus les parties dominantes dans les processus politiques au Liban et en Irak; où la force paramilitaire s'est traduite ouvertement en pouvoir politique. Les éléments paramilitaires, au nombre de plus de 150 000, ont acquis un statut quasi permanent grâce à un financement annuel de plus de 2 milliards de dollars de l'État iranien. En 2017, ces paramilitaires ont acquis le contrôle de facto d'une grande partie du centre de l'Irak, après en avoir expulsé les forces kurdes. L'Iran domine désormais un corridor territorial contigu allant de l'ouest de l'Afghanistan à la mer Méditerranée.

 

La nouvelle administration Biden doit reconnaître que le régime terroriste de Téhéran représente l’une des principales menaces stratégiques pour la sécurité mondiale

Baria Alamuddin

L'Iran a cherché, sans cesse, à renverser le système bancaire mondial par des activités qui évitent des sanctions, notamment en blanchissant des milliards de dollars par le biais d'institutions financières en Turquie, en Irak et au Liban ainsi que dans bon nombre de pays. C'est l'un des trois principaux États responsables des cyberattaques mondiales, souvent utilisées sans distinction contre des infrastructures civiles vitales. Les entités iraniennes en ligne ont cherché, à maintes reprises, à renverser les processus démocratiques à travers le monde par la désinformation systématique, la dissimilation des résultats des élections et l'intimidation.

Le Hezbollah et le CGRI ont été impliqués dans des affaires de stupéfiants, de contrebande d'armes; des réseaux criminels se propagent jusqu'en Amérique latine, récoltant facilement des revenus de plusieurs centaines de millions de dollars. La Force d'Al-Qods a été active dans toute l’Afrique, l’Asie de l’Est et les Amériques, formant des réseaux terroristes pour frapper les ennemis de l’Iran, y compris des représailles prévues afin de venger la mort de Soleimani. En Europe, des diplomates iraniens ont, en outre, été impliqués dans une succession d'attaques planifiées contre des éléments de l'opposition, incluant un procès déjà en cours en Belgique.

Des paramilitaires expérimentés comme le Hezbollah et ses Milices fournissent entrainement et armes à leurs mandataires par procuration au Yémen, en Syrie, à Bahreïn et dans le CCG au sens large, se manifestant par des forces transnationales qui peuvent être déployées à travers les frontières. L’assassinat récent d’un haut dirigeant d’Al-Qaida à Téhéran n’est qu’un petit rappel de la longue tradition de l’Iran en matière d’hébergement et de soutien de groupes terroristes.

Des centaines de manifestants iraniens ont été intentionnellement abattus dans des épisodes de troubles violemment réprimés. Des mandataires iraniens ont, de plus, tué des centaines de manifestants irakiens, principalement à Bagdad et dans le sud chiite. Le Hezbollah utilise aussi la violence contre les manifestants libanais.

Avec la nécessité d'un successeur à Ali Khamenei à l'horizon, l'Iran est en train de passer du régime clérical à la monopolisation du pouvoir par le CGRI. Khamenei est perçu comme favorable à un candidat de la ligne dure du CGRI, tel que Hossein Dehghan à la présidence l'année prochaine. Ceci serait un mauvais présage indiquant que l'Iran évolue dans une direction militarisée de plus en plus conflictuelle.

Il est réconfortant de voir le président élu américain Joe Biden alimenter son équipe de politique étrangère de personnalités du calibre d'Antony Blinken, dont les décennies d'expérience ne devraient pas favoriser un rapprochement facile avec l'Iran. Cette nouvelle administration est confrontée à un panorama peu enviable de défis, mais elle doit reconnaître que le régime terroriste de Téhéran représente l'une des principales menaces stratégiques à la sécurité mondiale et agir ainsi en conséquence.

Tout cela suppose que la frappe militaire évoquée par Trump / Netanyahu ne fait pas sauter tous les plans de l’Iran. L'assassinat du principal scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh n'est peut-être pas la dernière surprise de ce genre au cours des prochaines semaines, en particulier avec Dehghan promettant que Téhéran « agira comme le tonnerre contre les tueurs ».

L’expansionnisme régional de l’Iran est entré dans une nouvelle phase plus belliqueuse après l’accord de 2015, alimenté par des gains exceptionnels de plusieurs milliards de dollars provenant des sanctions abolies et des fonds non gelés réorientés vers le terrorisme et le militantisme. Biden et ses alliés européens ne devraient pas répéter de nouveau cette erreur historique.

Un nouvel accord avec l'Iran ne doit pas être précipité à partir d'une position de faiblesse. L'Iran n'a pu supporter les nouvelles sanctions américaines écrasantes uniquement parce qu'il supposait que le successeur de Trump effacerait immédiatement tout cela.

Si Téhéran se rend compte qu'il serait éventuellement confronté à quatre ou huit années supplémentaires de pression accrue - cette fois avec le soutien multilatéral d'autres États du monde – à ce moment-là, les ayatollahs solliciteraient rapidement des concessions.

Tant que l’Iran et ses alliés sont  faibles et  appauvris, le moment est venu de les forcer à conclure un accord global, y compris un renoncement pratique au terrorisme et aux bouleversements à l’étranger.

Un Iran nucléaire représente en effet une menace majeure pour la sécurité mondiale, ce qui rendrait le bellicisme régional de Téhéran encore plus difficile à affronter. Cependant, le seul accord qui mérite d'être signé est celui qui aborde également de manière définitive et complète le terrorisme et le militantisme de l'Iran à l'extérieur.

 

  • Baria Alamuddin est une journaliste primée au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Syndicat des services médiatiques qui a interviewé de nombreux chefs d'État.

 

Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com