Le Burkina Faso suspend France 24 après l'interview d'un chef d'Al-Qaïda

Le 6 mars dernier, France 24 avait diffusé des réponses écrites d'Abou Obeida Youssef al-Annabi, le chef d'AQMI, à une quinzaine de questions posées par le journaliste de la chaîne française et spécialiste des questions jihadistes, Wassim Nasr. (AFP).
Le 6 mars dernier, France 24 avait diffusé des réponses écrites d'Abou Obeida Youssef al-Annabi, le chef d'AQMI, à une quinzaine de questions posées par le journaliste de la chaîne française et spécialiste des questions jihadistes, Wassim Nasr. (AFP).
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Publié le Lundi 27 mars 2023

Le Burkina Faso suspend France 24 après l'interview d'un chef d'Al-Qaïda

  • Début décembre, la junte au pouvoir à Ouagadougou avait déjà suspendu la diffusion de Radio France Internationale (RFI), du même groupe que France 24, France Médias Monde
  • Depuis un an, RFI et France 24 sont aussi suspendues au Mali, également gouverné par une junte militaire

OUAGADOUGOU: La junte au pouvoir au Burkina Faso a coupé la diffusion de France 24 sur son territoire, à la suite d'une interview du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), une décision que la chaîne française "déplore vivement".

"En ouvrant ses antennes au premier responsable d'AQMI, France 24 ne fait pas seulement office d'agence de communication pour ces terroristes, pire il offre un espace de légitimation des actions terroristes et des discours de haine véhiculés pour assouvir les visées maléfiques de cette organisation sur le Burkina Faso", indique lundi un communiqué signé du porte-parole du gouvernement Jean-Emmanuel Ouedraogo.

"Le gouvernement a donc décidé en toute responsabilité, et au nom de l'intérêt supérieur de la Nation, de la suspension sine die de la diffusion des programmes de France 24 sur l'ensemble du territoire national", poursuit le texte.

Le signal de la chaîne a été coupé vers 09H00 (GMT et locales) lundi matin, a constaté un journaliste de l'AFP à Ouagadougou.

Le 6 mars, France 24 avait diffusé, à l'occasion d'une chronique en plateau, des réponses écrites d'Abou Obeida Youssef al-Annabi, le chef d'AQMI, à une quinzaine de questions posées par le journaliste de la chaîne française et spécialiste des questions djihadistes, Wassim Nasr.

"Nous estimons que cela participe d'un processus de légitimation du message terroriste et nous connaissons les effets de ce message dans notre pays. Nous ne pouvons pas accepter aujourd'hui qu'un média ouvre ses antennes à ce discours de haine", a déclaré M. Ouedraogo, interrogé par la télévision nationale RTB, lundi midi.

"Nous n'allons pas trembler chaque fois qu'il faudra prendre une décision qui va dans le sens de la restauration de notre territoire. Le gouvernement ne transige pas", a t-il poursuivi.

«Accusations sans fondement»

Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, la France "regrette la décision prise par les autorités burkinabè de suspendre la diffusion de France 24" tout en réaffirmant "son engagement constant et déterminé en faveur de la liberté de la presse".

De son côté, la direction de France 24 déplore cette décision dans un communiqué et "conteste les accusations sans fondement qui mettent en cause le professionnalisme de la chaîne", s'indignant "des propos outranciers et diffamatoires du gouvernement burkinabè".

Celle-ci précise ne pas avoir donné la parole au chef d’AQMI directement mais au travers d’une "chronique" qui permettait d’offrir "la distanciation et la contextualisation nécessaires", et de confirmer "pour la première fois" que l'otage français Olivier Dubois "libéré depuis, était retenu par AQMI".

Début décembre, la junte au pouvoir à Ouagadougou avait déjà suspendu la diffusion de Radio France Internationale (RFI), du même groupe que France 24, France Médias Monde.

RFI était notamment accusée d'avoir relayé "un message d'intimidation" attribué à un "chef terroriste".

"La crise sécuritaire que traverse le pays ne doit pas être un prétexte pour museler les médias et empêcher les journalistes de la couvrir en toute responsabilité et indépendance", a de son côté réagi Reporters sans frontières (RSF), qui appelle également "les autorités à revenir sur leur décision".

Comme au Mali

Depuis un an, RFI et France 24 sont aussi suspendues au Mali, également gouverné par une junte militaire.

Les deux médias, qui couvrent de près l'actualité africaine, sont très suivis dans toute l'Afrique francophone. France 24 a indiqué lundi être suivie au Burkina Faso "par un tiers de la population chaque semaine et plus de 60% des cadres et dirigeants".

Depuis 2015, le Burkina est pris dans une spirale de violences perpétrées par des groupes djihadistes liés à l'Etat islamique et à Al-Qaïda, qui ont fait en tout 10 000 morts - civils et militaires - selon des ONG, et quelque deux millions de déplacés.

Le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch il y a six mois, avait fait part en février de sa "détermination intacte" à combattre les djihadistes, malgré la multiplication des attaques.

Les relations entre la France et le Burkina se sont dégradées depuis l'arrivée au pouvoir du capitaine Traoré.

En janvier, les autorités de Ouagadougou ont exigé et obtenu le départ de la force française Sabre, un contingent de 400 forces spéciales pour la lutte antidjihadiste au Sahel. Elles avaient également demandé le départ de l'ambassadeur de France, Luc Hallade, qui a été rappelé à Paris pour des "consultations" et n'a toujours pas été remplacé.

Enfin, début mars, le Burkina a dénoncé un accord d'assistance militaire signé en 1961 avec la France.


La cour d'assises de Paris se dit bien compétente pour juger un ex-rebelle salafiste syrien

La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
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  • Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie
  • La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre

PARIS: La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre.

La défense de Majdi Nema, un ancien membre du groupe salafiste syrien Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam) arrêté en France en 2020, a contesté mardi, au premier jour du procès, le principe de compétence universelle permettant à la justice française de juger un étranger pour des crimes commis à l'étranger sur des étrangers.

Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie.

La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre.

Cet homme de 36 ans comparaît pour complicité de crimes de guerre, soupçonné notamment d'avoir aidé à enrôler et à former à l'action armée des mineurs, et pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, des faits pour lesquels il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Il conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans JAI, un groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien, qu'il dit avoir quitté en 2016.

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI en 2019, il avait été arrêté en janvier 2020 à Marseille, où il se trouvait pour un séjour d'études de quelques mois. Il avait été mis en examen et écroué par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.


Proportionnelle: Bayrou consulte mais les avis divergent

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  • Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique
  • François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours

PARIS: François Bayrou entame mercredi avec le Rassemblement national une série de consultations des forces politiques sur la proportionnelle, que lui-même réclame depuis longtemps mais sur laquelle les désaccords restent nombreux.

Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique.

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, qui forment le groupe le plus important à l'Assemblée, et le président du parti à la flamme Jordan Bardella seront ainsi reçus en premier à 10H00.

Suivra un entretien jeudi 1er mai à 17H00 avec le président du groupe macroniste et du parti Renaissance Gabriel Attal. Il sera accompagné par le député Pierre Cazeneuve, qui a mené une analyse comparative des différents modes de scrutin.

François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République - à l'exception des législatives de 1986 -, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le RN réclame lui aussi la proportionnelle, mais avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. "La tripolarisation de la vie politique entraîne une absence de majorité", a soutenu mardi Mme Le Pen, qui "n'imagine pas que le Premier ministre (...) puisse reculer sur ce sujet".

"Moins pire" 

En discutant de cette revendication commune avec le RN, François Bayrou espère sans doute faire baisser la tension avec l'extrême droite, qui fait planer la menace d'une motion de censure contre son gouvernement.

Le RN dénonce l'absence de perspectives législatives sur la proportionnelle, sur l'immigration ainsi que sur la feuille de route énergétique (programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE). François Bayrou l'a à cet égard ménagé lundi en reportant la date de publication d'un décret sur la PPE.

Mais le Premier ministre n'est pas assuré d'avoir cette fois le soutien des macronistes, traversés par moult "interrogations", selon Pierre Cazeneuve.

En 2018, le président Emmanuel Macron avait souhaité l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, puis la réforme avait été abandonnée.

Or les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, et ce changement n'est "pas forcément une priorité" pour les Français au vu du nouveau contexte international, a expliqué M. Cazeneuve lors d'un point presse.

Cumul des mandats 

Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve entendent jeudi élargir le débat à la question de "l'efficacité de l'action publique", en reparlant de la réduction du nombre de parlementaires et de la "simplification du millefeuille administratif".

Mais ils jugent "délétère" de proposer la proportionnelle en échange du cumul des mandats, soutenu avec force par François Bayrou.

Le président du parti Horizons Edouard Philippe défend pour sa part le scrutin majoritaire, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire". Il pourrait soutenir la proportionnelle "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire".

Les indépendants du groupe Liot sont "plutôt largement très défavorables" à réformer le mode de scrutin, selon son président Laurent Panifous.

A droite, Les Républicains (LR) y sont fermement opposés, comme l'a rappelé Laurent Wauquiez.

"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment", a tonné le patron de la droite dimanche, avant de critiquer mardi la "hiérarchie des priorités" du gouvernement dans un pays "qui est ruiné" et "où il y a une telle explosion de l'insécurité et de l'immigration", au vu des "menaces" sur le plan international.

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer à ce sujet "avant la fin de la session parlementaire si le débat est mûr", a précisé mercredi sa porte-parole LR Sophie Primas.

D'autres partis, notamment à gauche, souhaitent une évolution du mode de scrutin.

Mais le PS est divisé. L'ancien président François Hollande est pour, tandis que son Premier secrétaire Olivier Faure est contre à titre personnel.

Le député PS Emmanuel Grégoire a rappelé mardi que "derrière ce mot un peu vague de proportionnelle, se cache une subtilité immense, immense, de déclinaisons pratiques".


Assemblée: la gauche s'insurge contre le refus d'une minute de silence pour la victime de la mosquée du Gard

La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard
  • Le parti de gauche a annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI

PARIS: La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard.

La France insoumise, qui appelle à une "mobilisation nationale contre l'islamophobie" le dimanche 11 mai, a demandé à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu'une minute de silence soit observée mardi en ouverture de la séance des questions au gouvernement.

Le parti de gauche a toutefois annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI (Seine-Saint-Denis).

La question a été soulevée en conférence des présidents, mais n'a pas recueilli de majorité de voix selon une source parlementaire, qui souligne que cette instance a décidé fin janvier "de ne plus faire de minutes de silence pour des cas individuels".

"On n'est pas sur un cas individuel, on est sur un meurtre islamophobe, sur un climat islamophobe dans le pays, et ne pas rendre hommage à Aboubakar Cissé est une très grave faute politique", a déploré le député LFI Thomas Portes.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cet hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle", a abondé sur le même réseau social le patron des députés PS Boris Vallaud.

Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste, a lui-aussi regretté l'absence de cette minute de silence qui "aurait été un bon signal" envers "nos compatriotes musulmans qui sont insultés, injuriés en permanence".

Une décision également "vivement regrettée" par Stéphane Peu, chef du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Son groupe posera mardi après-midi une question au gouvernement sur le meurtre d'Aboubakar Cissé.

Réunis autour de membres de la famille d'Aboubakar Cissé, mardi à l'Assemblée nationale, plusieurs leaders de gauche dont Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier, ont insisté pour que cette minute de silence puisse avoir lieu.