Affrontements de Sainte-Soline: Deux manifestants entre la vie et la mort

Un deuxième homme blessé lors des violents affrontements samedi à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) entre manifestants et gendarmes est entre la vie et la mort, a annoncé lundi Gérald Darmanin, en pleine polémique sur le maintien de l'ordre pendant ce rassemblement contre les "mégabassines" (Photo, AFP).
Un deuxième homme blessé lors des violents affrontements samedi à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) entre manifestants et gendarmes est entre la vie et la mort, a annoncé lundi Gérald Darmanin, en pleine polémique sur le maintien de l'ordre pendant ce rassemblement contre les "mégabassines" (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 28 mars 2023

Affrontements de Sainte-Soline: Deux manifestants entre la vie et la mort

  • Le ministre de l'Intérieur a déclaré en conférence de presse «avoir une pensée pour les deux hommes qui ont leur pronostic vital engagé à Sainte-Soline»
  • Les organisateurs ont, eux, réaffirmé que 200 manifestants avaient été blessés, dont au moins 40 gravement.

BORDEAUX: Un deuxième homme blessé lors des violents affrontements samedi à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) entre manifestants et gendarmes est entre la vie et la mort, a annoncé lundi Gérald Darmanin, en pleine polémique sur le maintien de l'ordre pendant ce rassemblement contre les "mégabassines".

Le ministre de l'Intérieur a déclaré en conférence de presse "avoir une pensée pour les deux hommes qui ont leur pronostic vital engagé à Sainte-Soline".

Peu auparavant, une source proche du dossier avait affirmé qu'un deuxième manifestant était dans le coma, confirmant une information de BFMTV.

Selon une femme présentée comme la mère de ce manifestant et interrogée par la chaîne devant le CHU de Poitiers, "Michael, 34 ans", était en train "d'être opéré du cerveau".

"Il avait du sang dans la tête, le tir de LBD reçu dans le cou lui a fait une compression et ils ont été obligés de l'opérer", a-t-elle ajouté au micro de CNEWS.

Les organisateurs de la manifestation - la Confédération paysanne, le collectif d'associations Bassines non merci et le mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre - évoquent eux aussi une deuxième personne au "pronostic vital engagé", qui avait été "touchée à la trachée ce samedi" et "rapidement hospitalisée en urgence vitale"

Dimanche, le parquet de Niort avait fait état d'un premier homme dans le coma et lundi le procureur Julien Wattebled a indiqué que le pronostic vital de ce Toulousain de 32 ans souffrant d'un traumatisme crânien, était  "toujours engagé".

Il a ajouté qu'un autre homme et une femme également admis samedi en état d'urgence absolue étaient "toujours hospitalisés".

Le bilan reste cependant flou.

Le procureur, qui avait comptabilisé sept manifestants blessés pris en charge samedi, a indiqué que d'autres personnes s'étaient "présentées spontanément dans des centres hospitaliers d'autres départements".

Les organisateurs ont, eux, réaffirmé que 200 manifestants avaient été blessés, dont au moins 40 gravement.

Depuis samedi, des manifestants et des élus présents accusent les forces de l'ordre d'avoir retardé la prise en charge des blessés.

"Non, les forces de l'ordre n'ont pas empêché les secours d'intervenir, ce sont les gendarmes et les secours qui ont été empêchés d'intervenir par certains casseurs", a réagi Gérald Darmanin.

Le Samu79 a assuré lundi ne pas avoir "été obstrué" dans l'exercice de ses fonctions.

Le parquet de Niort fait état de 47 blessés parmi les 3 200 gendarmes mobilisés. Deux gendarmes hospitalisés samedi en urgence absolue "sont sortis de l'hôpital", a précisé M. Wattebled.

Mélenchon dénonce un «traquenard» organisé par les autorités

Plusieurs manifestations ont été "grièvement et délibérément blessés", a déclaré Jean-Luc Mélenchon en conférence de presse à Paris.

Il a dénoncé un "traquenard" "délibérément organisé" dans l'absence de barrages des forces de l'ordre placés en amont du site où se sont rendus plusieurs milliers de manifestants, et où plusieurs milliers de gendarmes étaient déployés.

En manifestation ou à Sainte-Soline, "les violences qu'on voit de tous côté, ils sont incapables de les contenir, et c'est de sa faute", a insisté M. Mélenchon.

Trois députés insoumis présents à Sainte-Soline samedi ont relaté ce qu'ils avaient vu. "Il y avait une grenade (lacrymogène) pour deux personnes, une grenade toutes les secondes, c'était un chaos visuel et sonore indescriptible", a dénoncé Clémence Guetté, élue du Val-de-Marne.

"On en revient choqués", a-t-elle confié, racontant avoir vu des "blessés par dizaines, au visage, avec des trous à la jambe, des plaies délabrantes, et les véhicules de secours ont été empêchés de venir sur place".

Les insoumis ont annoncé qu'ils demanderaient une commission d'enquête parlementaire sur les choix de maintien de l'ordre à Sainte-Soline. Mais ils ont déjà utilisé leur unique droit de tirage, qui permettrait sa création de droit, dans la session parlementaire.

"Derrière les quads et les canons à eaux, c'était les milliards de l'agro-business" que les autorités cherchaient à protéger, a accusé la députée des Côtes-d'Armor Murielle Lepvraud, alors que les manifestants prônaient une agriculture paysanne et sobre dans l'utilisation de l'eau.

«Armes intermédiaires»

Pour M. Darmanin, les forces de l'ordre ont fait "face à un déferlement de violence inouï de la part d'individus armés, violents" qui "avaient pour projet de blesser ou de tuer des gendarmes".

Le chef de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a, lui, accusé le ministre de l'Intérieur "d'organiser le désordre" et affirmé qu'Emmanuel Macron, dans le contexte de sa réforme des retraites, "amplifiait" les violences.

M. Darmanin a accusé en retour M. Mélenchon "de pousser au chaos".

Le rassemblement sur le site d'une des 16 réserves d'eau prévues localement pour des agriculteurs irrigants avec le soutien de l'État a attiré 30 000 personnes selon les organisateurs, 6 000 selon les autorités.

Ces ouvrages, contestés par leurs opposants comme un "accaparement" de l'eau par l'agro-industrie, incarnent les tensions croissantes autour du partage de cette ressource à l'heure du changement climatique.

Les gendarmes ont assuré avoir fait "un usage proportionné de la force, en utilisant massivement du gaz lacrymogène", des grenades de désencerclement, ainsi que des tirs de LBD "dans les moments de grande tension".

"Aucune arme de guerre n'a été utilisée par les forces de l'ordre, seulement des armes intermédiaires. Par contre, des armes de guerre de la part de certains casseurs l'ont été, notamment je pense aux cocktails Molotov", a déclaré M. Darmanin.

Il a toutefois reconnu lundi soir que des ordres n'avaient "pas été totalement respectés", dans l'émission C à vous sur France 5. "Par exemple, ces quads utilisés pour envoyer des grenades lacrymogènes pour repousser les personnes. Il y a eu deux lanceurs de LBD (lanceur de balle de défense). C'est totalement proscrit. Ces gendarmes seront suspendus", a-t-il assuré.

Dimanche, la Ligue des droits de l'homme avait dénoncé "un usage immodéré et indiscriminé de la force sur l'ensemble des personnes présentes", en évoquant notamment des tirs au LBD 40 depuis les quads en mouvement".


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.