Laïcité, soutien aux symboles nationaux: les jeunes de 18-24 expriment leur défiance

Rassemblement sur la Place de la République à Paris en hommage à Samuel Paty, le professeur assassiné (Photo, AFP).
Rassemblement sur la Place de la République à Paris en hommage à Samuel Paty, le professeur assassiné (Photo, AFP).
La police évacue un camp de migrants situé en banlieue parisienne, à Saint-Denis le 17 novembre (Photo, AFP).
La police évacue un camp de migrants situé en banlieue parisienne, à Saint-Denis le 17 novembre (Photo, AFP).
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Laïcité, soutien aux symboles nationaux: les jeunes de 18-24 expriment leur défiance

  • Les différences entre les générations sont conséquentes concernant la laïcité, souligne le sondage d’Arabnews/YouGov. Seulement 46% des 18-24 ans pensent que la religion joue un rôle négatif en politique
  • Le sondage démontre également que 58 % des hommes de 18-24 ans soutiendraient l’équipe de leur pays d’origine contre la France en cas d’affrontement entre les deux équipes

Une catégorie de population parmi les Français d’origine arabe se distingue des autres dans l’enquête menée par l’institut de sondage YouGov, en partenariat avec Arabnews : celle des jeunes de 18-24 ans, qui constituent 15% de l’échantillon des 958 personnes interrogées dans le sondage. Ils sont davantage en rébellion contre les valeurs laïques françaises, et moins loyaux à certains symboles nationaux que leurs ainés. Un fossé générationnel semble clairement s’élargir avec les générations plus âgées.

Sur les questions de laïcité, les différences sont conséquentes. Si plus de la moitié (54%) des sondés pensent que la religion joue un rôle négatif en politique, les 18-24 ans sont au contraire seulement 46% à estimer que c’est le cas. Pour ce qui est des lois limitant port de vêtements religieux, 38% de personnes interrogées y sont favorables, mais le chiffre chute à 29% pour la classe d’âge des 18-24 ans. Enfin, quand on demande aux plus jeunes s’ils seraient prêts à défendre le modèle de laïcité français dans leur pays d’origine, les réponses sont inférieures à l’ensemble des individus interrogés (56% contre 65%).

yougov graph

Dès que l’on passe dans la tranche d’âge de 25-34 ans, les chiffres montrent automatiquement une adhésion plus forte aux valeurs de la laïcité : 55% des personnes de cette catégorie estiment ainsi que la religion joue un rôle négatif en politique. De manière générale, avec l’âge, les chiffres grimpent : 50% des plus de 55 ans sont par exemple favorables à des lois limitant le port de signes religieux.

Un défi important

Dans quelle mesure, le rapport des jeunes Français d’origine arabe à la laïcité est-il inquiétant ? A-t-il par exemple un lien avec la radicalisation et peut-il conduire dans les cas extrêmes au terrorisme ?

Le débat sur la question est vif. Certains spécialistes mondiaux de l’islam ont établi un lien entre des pays adoptant une laïcité plus «incisive», et le départ de nombreux djihadistes en Syrie à l’appel de Daesh. C’est le cas de deux chercheurs de la Brookings Institution, William McCants et Christopher Meserole, qui ont estimé que la culture politique francophone en France et en Belgique (où il existe une règlementation sur la visibilité des signes religieux) était un facteur de radicalisation pour le djihad en Syrie, cumulée à un chômage massif et à une forte urbanisation.

D’autres chercheurs insistent davantage sur le fait que les jeunes partis faire le djihad proviennent très majoritairement de zones urbaines pauvres délaissées dans lesquelles vivent des populations victimes de discrimination sur le marché de l’emploi, la recherche de logements ou les contrôles de police. « Certains jeunes se sentent considérés comme des sous-citoyens, tandis que les discours médiatiques accréditent l’idée que les musulmans font ʺbande à partʺ. Cette mise en altérité entre un ʺeuxʺ et un ʺnousʺ représente un terreau particulièrement propice à la radicalisation Les groupes radicaux vont non seulement leur vendre une citoyenneté pleine et entière mais également pallier toutes leurs carences qu'elles soient identitaires, affectives ou narcissiques », assure pour sa part Elyamine Settoul, maître de conférences au CNAM.

yougov graph

L’enquête d’opinion d’Arabnews qui évalue le sentiment de stigmatisation que ressentent les Français d’origine arabe montre néanmoins que 47% des jeunes de 18-24 ans estiment que leur religion est perçue négativement en France, soit nettement moins que la moyenne des personnes interrogées qui sont 59% à penser que celle-ci est mal vue.

Équipe de France de football : un clivage générationnel

Pour analyser le sentiment d’appartenance et la loyauté aux institutions françaises des Français d’origine arabe, le sondage de YouGov s’est intéressé à la question du soutien à l’équipe de France de football. Ici encore, ce sont les plus jeunes catégories de population qui font preuve de plus de défiance. En effet, 58 % des hommes de 18-24 ans disent qu’ils soutiendraient l’équipe de leur pays d’origine contre la France, contre 47% en moyenne pour l’ensemble des sondés.

yougov graph

Si la victoire de l’équipe d’Aimée Jacquet a consacré l’avènement de ce qu’on a appelé la France «Black blanc beur», le match amical France-Algérie en octobre 2001 a été aussi un événement marquant écornant cette image. L’équipe tricolore avait été sifflée par une partie du public, qui avait interrompu la partie en envahissant le terrain. D’autres événements du même type, mais de moindre ampleur médiatique, s’étaient reproduits lors de matchs contre le Maroc et la Tunisie. « Les jeunes de moins de 25 ans construisent encore leur identité et ont tendance à se rapprocher de leur pays d’origine à cet âge. Ils revendiquent à fond leur appartenance au pays d’origine, mais cela reste plutôt de l’ordre du folkore, car ils n’en connaissent souvent pas grand-chose. Avec le temps, l’identité s’affirme : on s’insère professionnellement, on se marie, on achète une propriété, et on n’adopte plus les mêmes positions », soutient Elyamine Settoul. Les résultats de l’enquête d’Arab news indiquent clairement que le soutien à l’équipe tricolore augmente avec l’âge : 58% des 35-44 ans et 72% des plus de 55 ans la privilégient à l’équipe de leur pays d’origine.

Arab News en français organise un débat sur les citoyens français d’origine arabe.

Pour vous inscrire à l'évènement, rendez-vous sur ce lien : https://arabnewsenfrancais.com/


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.