Sous pression, les géants du négoce agricole se retirent de Russie

Le président russe Vladimir Poutine rencontre des ouvriers lors de sa visite de l'usine Tulazheldormash, première entreprise russe de construction de machines, à Toula, le 4 avril 2023. (Photo, AFP)
Le président russe Vladimir Poutine rencontre des ouvriers lors de sa visite de l'usine Tulazheldormash, première entreprise russe de construction de machines, à Toula, le 4 avril 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 05 avril 2023

Sous pression, les géants du négoce agricole se retirent de Russie

  • «Je ne serais pas surpris que certains actifs restent aux mains des négociants, que les mêmes équipes russes continuent à faire ce qu'elles font sous un autre nom», indique Andreï Sizov du cabinet russe SovEcon
  • Du fait de ces inquiétudes, la tonne de blé tendre a rebondi de plus de 11% sur le marché européen mercredi dernier, après un plus bas depuis 14 mois

PARIS: Pressions politiques, difficultés opérationnelles: plusieurs géants mondiaux du négoce agricole vont se désengager de leurs activités logistiques en Russie, renforçant le contrôle de Moscou sur le commerce stratégique du blé, dont le pays est le premier exportateur mondial.

Jusqu'à présent, ces géants par qui quasi tout le commerce mondial passe, étaient implantés profondément en Russie, faisant le lien entre les fermiers et l'étranger, en possédant infrastructures, silos, terminaux, navires...

Mais à partir du 1er juillet 2023, démarrage de la nouvelle campagne de commercialisation, le plus grand négociant agricole mondial Cargill, ainsi que les groupes Louis-Dreyfus (LDC) et Viterra, se contenteront d'affréter des bateaux pour récupérer des cargaisons, afin d'éviter une rupture de la chaîne d'approvisionnement mondiale.

Ils n'auront "plus de participation sur terre, et feront simplement les livraisons", résume Damien Vercambre du cabinet Inter-Courtage.

Ces mastodontes ont mentionné ces derniers jours des "défis liés à l'exportation de céréales qui continuent de s'accroître", un peu plus d'un an après le début de la guerre en Ukraine.

Ils devront donc se séparer des terminaux portuaires sur la mer Noire et des silos dans lesquels ils avaient acquis des parts.

Pour cela, Viterra comme Louis-Dreyfus évoquent des "options de transfert à de nouveaux propriétaires" pour leurs activités et actifs en Russie.

"Je ne serais pas surpris que certains actifs restent aux mains des négociants, que les mêmes équipes russes continuent à faire ce qu'elles font sous un autre nom", indique à l'AFP Andreï Sizov du cabinet russe SovEcon.

Selon plusieurs médias, l'américain ADM évalue aussi ses options en Russie. Sa présence y est toutefois "extrêmement limitée" et "reste fluide" à ce jour, a indiqué une porte-parole à l'AFP.

Du fait de ces inquiétudes, la tonne de blé tendre a rebondi de plus de 11% sur le marché européen mercredi dernier, après un plus bas depuis 14 mois.

Pour Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX, l'absence des multinationales "fait craindre pour la stabilité des flux de grains sortant de Russie". "On s'attend à ce que tout passe progressivement sous le contrôle de l’État", avec une perte considérable de transparence, explique-t-il à l'AFP.

"Quelque chose en coulisses" 

D'autre part, les opérateurs privés sont généralement plus efficaces et "parviennent à transporter les produits à un prix" moins élevé, selon l'analyste, la reprise en main des autorités russes risquant de "pénaliser l'efficience du système".

Quoi qu'il en soit, il ne sera pas possible "de se couper du blé russe", relève Damien Vercambre. Au seul mois de mars, le pays a exporté 4,7 millions de tonnes de blé. Ses stocks sont considérables, avec une récolte estimée à 104,2 millions de tonnes en 2022-2023 par le cabinet Ikar.

Comme Cargill, la plupart des négociants avaient jusqu'ici justifié leur maintien en Russie par la présence "d'installations essentielles pour l'alimentation humaine et animale".

Par ailleurs, les produits agricoles de première nécessité comme les céréales ne tombent pas sous le coup des sanctions occidentales.

A eux quatre, les "ABCD" — ADM, Bunge, Cargill et Louis-Dreyfus — contrôlent "70 à 90% du commerce mondial des céréales", avait expliqué à l'AFP l'économiste canadienne Jennifer Clapp.

Depuis plusieurs années, la Russie tente de reprendre le contrôle sur sa filière du blé, souligne Damien Vercambre. Comprenant la nature stratégique de cette denrée, la banque VTB, qui a comme PDG Andreï Kostine, proche de Vladimir Poutine, a commencé à investir dans des silos portuaires dès 2019.

Une nouvelle pression sur les opérateurs étrangers pourrait aussi venir s'ajouter aux freins existants: celle d'un prix plancher sur les exportations de blé russe.

D'après Reuters, le gouvernement pourrait cesser de vendre la précieuse céréale si son cours tombait en dessous d'un hypothétique seuil, autour de 270–280 euros la tonne. Une contrainte supplémentaire qui pourrait avoir contribué au départ des "ABCD".

Moscou n'a ni confirmé, ni infirmé cette hypothèse, laissant les marchés dans l'incertitude. "Quoi qu'il en soit, les chargeurs étrangers sont en train de partir: il se passe quelque chose en coulisses", relève Damien Vercambre.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"