Longtemps isolés, les fans de jeux vidéo s'organisent en Libye

Dans une salle de jeux vidéo ultramoderne près de Tripoli, les commentaires enjoués se mêlent au bruit des manettes et des écrans. Isolés par la dictature de Kadhafi puis par une décennie de chaos, des Libyens passionnés commencent à s'organiser en communauté. (AFP)
Dans une salle de jeux vidéo ultramoderne près de Tripoli, les commentaires enjoués se mêlent au bruit des manettes et des écrans. Isolés par la dictature de Kadhafi puis par une décennie de chaos, des Libyens passionnés commencent à s'organiser en communauté. (AFP)
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Publié le Jeudi 06 avril 2023

Longtemps isolés, les fans de jeux vidéo s'organisent en Libye

  • Contrairement à d'autres pays arabes, «le monde du jeu vidéo était complètement mort ici» jusqu'à récemment, dit Sofiane Mattouss, qui supervise cette salle de jeu privée inaugurée en 2022
  • Une demi-douzaine de salles modernes ont vu le jour à Tripoli, sans compter d'autres grandes villes comme Benghazi (est)

TRIPOLI: Dans une salle de jeux vidéo ultramoderne près de Tripoli, les commentaires enjoués se mêlent au bruit des manettes et des écrans. Isolés par la dictature de Kadhafi puis par une décennie de chaos, des Libyens passionnés commencent à s'organiser en communauté.

En pleine nuit de ramadan, dans un immeuble de Tajoura, banlieue de la capitale, des adolescents, écouteurs vissés sur les oreilles, ont le regard rivé sur leurs écrans incurvés dernier cri.

Un jeune, assis derrière un volant, fait rouler en trombe une voiture de course. Certains sont immergés dans des parcours en réalité virtuelle, d'énormes lunettes 3D sur le visage.

Ce type d'espaces n'a rien d'ordinaire en Libye.

Contrairement à d'autres pays arabes, "le monde du jeu vidéo était complètement mort ici" jusqu'à récemment, dit à l'AFP Sofiane Mattouss, qui supervise cette salle de jeu privée inaugurée en 2022.

Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sont considérés comme une région à forte croissance par les experts de cette industrie, avec pour marchés les plus importants l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l'Egypte.

Mais l'investissement dans les technologies et les divertissements a été fortement ralenti en Libye par plus de 40 ans de dictature de Mouammar Kadhafi puis par les affrontements entre camps rivaux qui ont suivi sa mort pendant la révolution de 2011.

Le long isolement des joueurs dans un pays pourtant riche et regorgeant de pétrole explique la "forte demande" actuelle de lieux leur permettant enfin de "jouer ensemble et de participer à des tournois", estime Sofiane Mattouss.

Après avoir longtemps été frustré de jouer dans les salles d'ordinateurs rudimentaires et vieillissantes de son université, cet étudiant en informatique de 18 ans vient de rejoindre le personnel de ce centre créé par un autre passionné.

«Jamais vu»

Honnis sous Kadhafi, l'appétit pour les technologies, la pratique de différents sports et les investissements du secteur privé commencent à se répandre en Libye. Une fédération d'esport a même été lancée en 2018.

Une demi-douzaine de salles modernes ont vu le jour à Tripoli, sans compter d'autres grandes villes comme Benghazi (est).

Dans celle de Tajoura, confortablement installés sur des poufs ou juchés sur des tabourets, des joueurs bruyants s'affrontent par manettes interposées dans des matches de football ou des combats épiques.

En jeans ajusté et veste blanche, Youssef Younssi se démarque par sa gouaille, entre des passes d'un match joué sur un écran géant.

Cet étudiant de 20 ans avait l'habitude des "petites salles" de Tripoli mais il n'avait "jamais vu" en Libye des espaces aussi modernes.

Installé en Turquie pour ses études, Youssef Younssi fréquente régulièrement les salles d'Istanbul. "J'espérais en trouver aussi un jour en Libye", confie-t-il.

"Dans les autres pays, quand je voyage, il y en a partout. Mais je ne m'attendais pas à voir autant de gens qui s'y intéressent ici", se réjouit le jeune homme.

«Motiver les joueurs»

Les salles et les tournois qu'elles organisent ont contribué à bâtir très rapidement un nouveau monde du jeu vidéo en Libye, assure Sofiane Mattouss, le superviseur de la salle. "On s'est développés en deux ans", se félicite-t-il.

Cette communauté de plus en plus organisée "motive les joueurs et pousse d'autres jeunes sans expérience à s'entraîner, à choisir cette vocation", fait-il valoir, prédisant "un développement important dans un avenir proche".

Face à certaines voix critiques, il répond que les jeux vidéos, contrairement à la dictature et au chaos, n'ont pas détruit la jeunesse libyenne, et que l'esport leur permet de se retrouver plutôt que de "traîner dehors à ne rien faire".

Cette dynamique autour de la jeunesse et des industries modernes est donc "une bonne chose, même pour le développement du pays", observe Karim Ziani, après avoir abandonné son clavier et ses écouteurs. Cet étudiant de 20 ans espère voir le secteur des jeux vidéo grandir encore "pour le bien de la jeunesse et de la société".


« Palestine 36 », soutenu par l’Arabie saoudite, présenté en avant-première au TIFF 2025

Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
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  • Le film Palestine 36 d’Annemarie Jacir, présenté au TIFF 2025, revient sur le soulèvement palestinien de 1936 contre le mandat britannique
  • Financé en partie par le Red Sea Film Fund d’Arabie saoudite, le film explore un moment décisif pour la région

DUBAÏ : Le film Palestine 36 de la réalisatrice Annemarie Jacir a été présenté cette semaine en avant-première au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2025 lors d’une projection de gala.

Le film a été en partie financé par le Red Sea Film Fund, soutenu par l’Arabie saoudite.

Situé aux abords de Jérusalem, Palestine 36 raconte l’histoire du soulèvement arabe contre le mandat britannique.

Le synopsis officiel indique : « En 1936, alors que les villages de la Palestine mandataire se soulèvent contre la domination coloniale britannique, Yusuf erre entre son village rural et l’énergie bouillonnante de Jérusalem, aspirant à un avenir au-delà des troubles croissants.

Mais l’Histoire est implacable. Avec l’arrivée massive de réfugiés juifs fuyant l’antisémitisme en Europe, et la population palestinienne unie dans le plus vaste et le plus long soulèvement contre les 30 ans de domination britannique, toutes les parties glissent vers une collision inévitable — un moment décisif pour l’Empire britannique et pour l’avenir de toute la région. »

Le film réunit une distribution internationale : l’acteur oscarisé Jeremy Irons, la star de Game of Thrones Liam Cunningham, l’acteur tunisien Dhafer L’Abidine, ainsi que les talents palestiniens Hiam Abbass, Yasmine Al-Massri, Kamel El Basha et Saleh Bakri.

La première a réuni de nombreuses personnalités, dont les acteurs britanniques Billy Howle et Robert Aramayo, l’acteur palestinien Karim Daoud Anaya, le producteur de cinéma palestino-jordanien Ossama Bawardi, ainsi que Jacir, Bakri, Al-Massri et Abbass.

Jacir, à qui l’on doit Salt of the Sea, When I Saw You, Wajib et des épisodes de la série Ramy, a entamé le travail sur ce projet avant la pandémie mondiale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Riyad accueille sa toute première représentation de l’opéra « Carmen »

La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fait venir le célèbre opéra "Carmen" pour la première fois en Arabie saoudite. (Fourni)
La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fait venir le célèbre opéra "Carmen" pour la première fois en Arabie saoudite. (Fourni)
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  • L’événement s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle sino-saoudienne, célébrant le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays.

RIYAD : La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC), en collaboration avec la China National Opera House (CNOH), a présenté jeudi soir l’opéra mondialement connu de Georges Bizet, « Carmen », au Centre culturel Roi Fahd de Riyad. Il s'agit de la toute première représentation de ce chef-d'œuvre en Arabie saoudite.

Cet événement s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle sino-saoudienne, qui célèbre le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et la Chine. Plus de 2 500 invités et dignitaires étaient présents pour la soirée d’ouverture.

Le public a salué cette représentation historique. Thomas Dang, résident à Riyad, a décrit la soirée comme remarquable :

« C’était extraordinaire — une troupe chinoise jouant une œuvre d’un compositeur français sur une histoire espagnole, ici en Arabie saoudite. Ce mélange culturel était incroyable. »

Mise en scène par l’équipe du CNOH, la production a donné vie à l’histoire intemporelle de passion, de jalousie et de destin de Bizet, à travers des costumes vibrants et une distribution internationale.

Créée à Paris en 1875, « Carmen » est l’un des opéras les plus célèbres de l’histoire. Son début en Arabie saoudite marque une étape importante dans le développement culturel du Royaume, illustrant son ouverture croissante aux arts mondiaux.

Huixian, une résidente chinoise de Riyad, a partagé son enthousiasme :

« C’était ma première fois à l’opéra en Arabie saoudite, et aussi la première fois que je voyais ‘Carmen’ en chinois. La performance était très bonne, même si le chant aurait pu être plus puissant. Une soirée mémorable. »

« Carmen » se poursuivra au Centre culturel Roi Fahd jusqu’au 6 septembre 2025, offrant aux spectateurs une opportunité rare d’assister à l’un des opéras les plus emblématiques sur une scène saoudienne.

Selon la RCRC, cette première historique reflète l’engagement continu de la Commission à enrichir l’offre culturelle de Riyad, à travers des événements de classe mondiale, en cohérence avec la Vision 2030 du Royaume.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Villa Hegra, où le patrimoine devient moteur d’innovation et de diplomatie culturelle

De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
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  • La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle
  • En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà

PARIS: Dans le cadre de la dixième édition de « Think Culture », un rendez-vous incontournable qui interroge les liens entre culture, innovation et société, une table ronde posait une question centrale : comment préserver l’identité d’un site patrimonial exceptionnel tout en l’inscrivant dans le présent et l’avenir ?

Pour y répondre, les organisateurs ont choisi un exemple emblématique : la Villa Hegra, première institution franco-saoudienne dédiée à la coopération culturelle, implantée au cœur du site d’AlUla, au nord-est de l’Arabie saoudite.

Trois voix se sont relayées pour éclairer les enjeux de ce projet : Ingrid Périsset, directrice de la recherche archéologique et du patrimoine pour l’Agence française de développement d’AlUla (AFALULA) ; Fériel Fodil, directrice générale de la Villa Hegra ; et Hervé Lemoine, président de l’Établissement public des manufactures nationales et du Mobilier national.

En introduction, Ingrid Périsset a rappelé les racines profondes de la coopération franco-saoudienne dans le domaine archéologique, soulignant que, depuis près d’un quart de siècle, des chercheurs français travaillent sur le site d’Hegra, « petite sœur de Pétra », joyau nabatéen classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette présence pionnière, amorcée au début des années 2000, a contribué à révéler la richesse exceptionnelle d’AlUla et à établir un climat de confiance entre les deux pays.

Pour l’archéologue, il n’existe pas de rupture entre passé et présent : « L’histoire de l’art est un continuum, une transmission permanente. Les artistes contemporains se retrouvent souvent bouleversés en découvrant des objets millénaires, comme s’ils partageaient une même mémoire créative avec ceux qui les ont façonnés. »

Cette vision inscrit la Villa Hegra dans une logique de dialogue entre héritage et création, où la préservation patrimoniale nourrit l’innovation culturelle.

Prenant la parole, Fériel Fodil a présenté la genèse et les spécificités de la Villa Hegra. Créée à la suite d’un accord intergouvernemental signé en 2021 et renforcée par un décret royal en 2024, lors de la visite du président Emmanuel Macron en Arabie saoudite, l’institution s’affirme comme un pilier de la diplomatie culturelle.

Sa singularité tient à sa gouvernance bicéphale, à la fois française et saoudienne, qui se traduit par une double direction curatoriale, des équipes mixtes et une programmation ouverte aux artistes francophones et arabophones. « C’est la première villa véritablement binationale du réseau français, souligne-t-elle. Elle incarne une volonté de coopération équilibrée et réciproque. »

La Villa Hegra rejoint ainsi les grandes villas françaises à l’étranger – de la Villa Médicis à Rome à la Casa de Velázquez à Madrid, en passant par la Villa Kujoyama à Kyoto et la Villa Albertine aux États-Unis. Mais, contrairement à ses sœurs, elle s’implante dans un territoire encore en devenir culturel, avec l’ambition d’être ancrée localement tout en restant ouverte sur le monde.

Pour Hervé Lemoine, l’intérêt de la Villa Hegra tient aussi à sa capacité à accueillir les métiers d’art et du design, trop souvent relégués au second plan derrière les arts visuels ou les arts vivants. Ces savoir-faire, estime-t-il, constituent pourtant un patrimoine matériel essentiel.

Le partenariat entre la Villa Hegra et les Manufactures nationales vise à valoriser cette dimension. Dès les premiers échanges, des pièces de mobilier français ont été installées sur place, non pas uniquement pour leur confort ou leur esthétique, mais pour témoigner de la richesse des traditions artisanales. « C’est une autre manière de créer des ponts, explique-t-il. En montrant le travail du bois ou des arts décoratifs, nous favorisons un échange culturel fondé sur la main, le geste et la matière. »

Ce dialogue se concrétise également par des résidences croisées : une jeune artiste saoudienne rejoindra bientôt les ateliers français pour découvrir la diversité des métiers représentés. Il s’agit là d’une transmission tangible des savoir-faire, vecteur d’innovation et de coopération durable.

La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle. En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà.

Son inscription officielle dans le réseau des villas françaises, prévue à Paris en octobre prochain, ouvrira la voie à de nouveaux échanges artistiques entre les différents sites — qu’il s’agisse de l’Opéra de Paris invité à AlUla ou de collaborations entre designers, musiciens et écrivains.

À travers cette initiative, la France et l’Arabie saoudite affirment une ambition commune : relier le passé au présent et faire du dialogue interculturel un moteur de rayonnement international.