Kherson: Le patrimoine culturel de l'Ukraine a été victime de la guerre

Un portrait de Vladimir Lénine au musée d'art régional de Kherson (Photo, AN/Mykhaylo Palinchak).
Un portrait de Vladimir Lénine au musée d'art régional de Kherson (Photo, AN/Mykhaylo Palinchak).
Le père Ilya et des civils hissant un lustre tombé à cause des bombardements russes sur la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
Le père Ilya et des civils hissant un lustre tombé à cause des bombardements russes sur la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
Des cadres vidés de peintures des envahisseurs russes sont vus au musée de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
Des cadres vidés de peintures des envahisseurs russes sont vus au musée de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).
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Publié le Samedi 08 avril 2023

Kherson: Le patrimoine culturel de l'Ukraine a été victime de la guerre

  • Les Ukrainiens affirment que des œuvres d'art, des sites patrimoniaux et même les ossements d'un chef militaire du XVIIIe siècle ont été pillés
  • Un responsable du musée d'art régional de Kherson accuse les Russes d'avoir volé 80% de la collection pendant l'occupation

KHERSON: Construit au début du XXe siècle, le musée d'art régional de Kherson se dresse fièrement au cœur de cette ville du sud de l'Ukraine. Avec son architecture grandiose et imposante, le bâtiment historique a servi tour à tour de salle du conseil municipal, de tribunal principal et même de banque publique.

En 1977, le bâtiment est devenu une galerie d'art, abritant environ 15 000 œuvres — l'une des plus grandes collections d'art du pays. Aujourd'hui, cependant, ses murs sont parsemés de notes de papier épinglées identifiant les nombreuses œuvres d'art pillées pendant l'occupation russe de la ville.

L'année dernière, les forces russes ont pris le contrôle de Kherson pendant huit mois. En novembre, à la suite d'une contre-offensive ukrainienne massive, elles ont été contraintes d'abandonner le territoire, mais pas sans avoir au préalable emporté des milliers d'objets de la collection du musée.

Selon un rapport de Human Rights Watch de décembre 2022, «pendant cette période d'occupation, et en particulier au cours des trois dernières semaines, les soldats russes et d'autres agents de l'État travaillant avec eux ont pillé le musée d'art régional de Kherson, le musée régional de Kherson, la cathédrale Sainte-Catherine et les archives nationales de la région de Kherson.»

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Igor Rusol, chef adjoint du musée d'art régional de Kherson, montre des parties du musée qui ont été vidées par des pillards d'art russes (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Igor Rusol, directeur adjoint du musée d'art régional de Kherson, estime qu'environ 80% du contenu précieux de la collection a été volé par les occupants russes et expédié par camions entiers de l'autre côté de la frontière, en Russie.

«Les soldats russes ont obtenu l'aide de certains civils pour transporter les œuvres d'art», a-t-il révélé à Arab News. «Mais les civils n'avaient pas l'air bien. Ils semblaient drogués et étaient sans abri. Je ne pense pas qu'ils étaient conscients de la gravité de ce qu'ils faisaient.»

Rusol travaille au musée d'art depuis huit ans. «Cet endroit est mon âme», a-t-il indiqué. «Je suis resté pendant l'occupation, mais j'ai vu venir les pillages. Je m'y suis préparé mentalement, mais je reste écœuré par la situation.»

Le coût matériel des objets volés est estimé à des centaines de millions de dollars, mais Rusol a déclaré que c'est la signification culturelle de la perte qui lui importe le plus.

«Non seulement ils ont pillé des objets d’art, mais ils ont aussi volé les disques durs et les livres qui nous servaient d'archives», a-t-il signalé. «Heureusement, nous avions des sauvegardes et nous travaillons actuellement à la finalisation de la liste avec un bureau de la commission spéciale.»

Selon le ministère ukrainien de la Culture, au moins 580 sites culturels ont été endommagés ou détruits dans tout le pays depuis que la Russie a lancé ce qu'elle a appelé une «opération militaire spéciale» le 24 février 2022, destinée à «dénazifier» le gouvernement ukrainien.

Parmi ces sites, figurent 22 trésors archéologiques, 28 cimetières militaires, 42 quartiers historiques, 268 sites architecturaux et 19 œuvres d'art monumentales. Environ 1 322 objets de valeur culturelle ont été endommagés ou détruits.

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Les responsables du musée pensent que certains objets ont été pillés uniquement à des fins financières, tandis que d'autres étaient probablement destinés aux musées russes (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Au 22 mars de cette année, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) avait confirmé que 248 sites ukrainiens avaient été endommagés depuis le début de la guerre, dont 107 sites religieux, 21 musées, 89 bâtiments d'intérêt historique ou artistique, 19 monuments et 12 bibliothèques.

Les collections du musée d'art régional de Kherson sont devenues vulnérables pendant l'occupation russe, lorsque le nombre d'employés en poste dans l'institution a été réduit, a mentionné Rusol. On pense que deux employés ayant des sympathies pro-russes ont collaboré avec les occupants et les ont conseillés sur ce qu'il fallait prendre. L'un des collaborateurs présumés a ensuite déménagé dans la Fédération de Russie et n'est jamais revenu. 

Rusol croit que certains objets ont été pillés dans un but purement financier, tandis que d'autres étaient probablement destinés à des musées russes.

EN BREF

  • La destruction délibérée du patrimoine culturel ainsi que le pillage et la contrebande d'objets sont considérés comme des crimes de guerre en vertu de la Convention de La Haye de 1954, dont la Russie et l'Ukraine sont toutes deux signataires.
  • Depuis le 24 février 2022, l'UNESCO a constaté des dommages sur 248 sites du patrimoine culturel ukrainien, dont 107 sites religieux, 21 musées, 89 bâtiments d'intérêt historique, 19 monuments et 12 bibliothèques.

Les autorités russes pourraient faire valoir que la décision de retirer les œuvres d'art et les objets anciens avait pour but de les protéger. En effet, lorsque les forces russes ont déclaré la loi martiale dans les territoires annexés de Kherson, Zaporizhzhia, Donetsk et Luhansk en septembre, les autorités ont été autorisées à «évacuer» les objets ayant une importance économique, sociale et culturelle. En octobre, l'agence de presse publique russe Ria Novosti a rapporté que deux statues de commandants historiques de la marine russe avaient été retirées de Kherson «parce qu'elles risquaient d'être endommagées par les bombardements ou les attaques terroristes des Ukronazis».

Alors qu'il faisait visiter le musée d'art à Arab News, Rusol a montré deux portraits de Vladimir Lénine, le leader révolutionnaire russe et fondateur de l'Union soviétique.

«N'est-il pas ironique qu'ils aient laissé ses portraits ici?», s’est- il demandé.

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Les pillards russes n'étaient pas intéressés par les portraits de Vladimir Lénine, fondateur de l'Union soviétique (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Le musée d'art faisait l'objet de travaux de restauration avant l'invasion mais, comme on pouvait s'y attendre, le processus a été suspendu. Rusol pense qu'il faudra beaucoup de temps avant qu'ils ne reprennent.

«Tout d'abord, l'Ukraine doit gagner la guerre», a-t-il souligné. «Je ne crois pas que la restauration aura lieu de mon vivant. Des gens ont perdu leur maison, des villes entières ont été rasées.»

Il est persuadé que la guerre n'est pas près de se terminer.

«Les Russes sont imprévisibles et têtus», a estimé Rusol. «Ils continuent d'affirmer qu'il n'y a pas de guerre. Comment raisonner avec de telles personnes?»

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Un buste de Vladimir Lénine, fondateur de l'Union soviétique, figurait parmi ceux ignorés par les pillards (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Il n'y a pas que les œuvres d'art précieuses qui ont été pillées à Kherson. À la cathédrale Sainte-Catherine, la tombe du célèbre homme d'État et commandant militaire russe du XVIIIe siècle, Grigori Potemkine, a été pillée et sa dépouille a été déplacée de l'autre côté de la rivière Dnipro, en territoire russe, avec une statue à son effigie.

Pour atteindre son lieu de repos et retirer sa dépouille, les occupants ont dû ouvrir une trappe au milieu du sol de l'église et descendre un petit escalier. Il semble que l'on n'ait guère essayé de dissimuler le vol.

«Cette église n'a pas été bien entretenue pendant l'ère soviétique», a déclaré le père Ilya, prêtre de la cathédrale, à Arab News.  «Nous l'avons restaurée après notre indépendance. Nous avons gardé la dépouille de Potemkine et maintenant ils l'ont profanée.»

Debout à côté de la tombe pillée de Potemkine, le père Ilya a ajouté: «Que l'on soit un prince ou un homme ordinaire, il ne faut pas déranger un cadavre. Nous avons pris soin de sa dépouille, nous avons mieux pris soin de l'histoire que les Russes.»

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Père Ilya debout près de la tombe de Potemkine dans la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Conseiller de l'impératrice Catherine la Grande, Potemkine a joué un rôle essentiel dans l'annexion de la Crimée aux Ottomans en 1783. C'est pourquoi il est glorifié par les nationalistes russes. Le président Vladimir Poutine a même cité l'héritage de Potemkine pour justifier l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Lors d'un discours prononcé en septembre dernier à l'occasion de l'annexion de plusieurs autres territoires de l'est de l'Ukraine, Poutine a de nouveau mentionné Potemkine comme l'un des fondateurs de nombreuses villes de la région et il s’est référé à la région de Novorossiya, ou «Nouvelle Russie».

En 2021, avant l'invasion, Poutine a écrit un essai intitulé «Sur l'unité historique des Russes et des Ukrainiens» dans lequel il exprime sa conviction que les Russes et les Ukrainiens forment un seul peuple artificiellement divisé par les frontières et les étrangers.

La Russie est accusée de chercher, sur la base de cette notion contestée, à démanteler l'identité nationale ukrainienne, à réquisitionner ses objets culturels, à réécrire son histoire, à effacer les traditions locales et à incorporer son territoire dans la Fédération de Russie.

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Artefacts emballés dans la salle de stockage du musée d'art régional de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).

Anastasia Bondar, vice-ministre ukrainienne de la culture et de l'information, a qualifié la destruction et le pillage du patrimoine culturel de son pays, de crime de guerre.

«Nous allons porter l'affaire devant les tribunaux», a-t-elle affirmé à Arab News.

Il sera difficile d'identifier et de retrouver toutes les œuvres d'art et les objets disparus depuis l'invasion, a-t-elle admis, ajoutant: «Nous ne renoncerons pas à notre histoire et nous reprendrons ce qui nous appartient de droit.»

«Mais il y a plus que les objets d’art pillées. Les envahisseurs détruisent délibérément nos infrastructures et nos sites culturels; ils brûlent même nos livres», a-t-elle ajouté.

Interrogée sur la possibilité de protéger davantage les sites patrimoniaux et les collections avant l'arrivée des troupes russes, Bondar a indiqué qu'il n'y avait tout simplement pas assez de temps pour retirer tous les objets en toute sécurité.

«Nous n'avons pas été en mesure d'évacuer nos musées correctement car ce genre de processus prend du temps», a-t-elle déclaré. «Il existe des méthodes spéciales pour retirer adéquatement un objet ancien sans l'endommager.»

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Des cadres vidés de peintures Des pillards russes sont vus au musée de Kherson (Photo, Mykhaylo Palinchak).

L'Ukraine fait maintenant pression pour qu'un tribunal spécial soit créé afin de tenir la Russie responsable de son agression et de ses conséquences, notamment la destruction présumée du patrimoine culturel.

La destruction délibérée du patrimoine culturel ainsi que le pillage et la contrebande d'objets culturels sont considérés comme des crimes de guerre en vertu de la convention de La Haye de 1954, dont la Russie et l'Ukraine sont toutes deux signataires.

De retour au musée d'art régional de Kherson, où des cadres vides sont suspendus de manière poignante sur des murs en grande partie nus, Rusol reste déterminé, persuadé que la Russie ne parviendra pas à étouffer le sentiment d'identité nationale de l'Ukraine.

«Ils sont venus ici pour nous détruire, nous et notre culture», a-t-il soutenu. «Mais ils n'y parviendront jamais.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Gaza: une commission de l'ONU accuse Israël de «génocide»

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  • La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produi(sai)t à Gaza et continu(ait) de se produire" dans ce territoire palestinien,
  • "La responsabilité incombe à l'État d'Israël", a-t-elle ajouté en présentant un nouveau rapport

GENEVE: Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre et d'autres responsables israéliens.

La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produi(sai)t à Gaza et continu(ait) de se produire" dans ce territoire palestinien, a déclaré à l'AFP sa présidente, Navi Pillay.

"La responsabilité incombe à l'État d'Israël", a-t-elle ajouté en présentant un nouveau rapport.

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate" de la commission, a réagi son ministère des Affaires étrangères.

Sa publication intervient près de deux ans après le début de la guerre, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël. Depuis, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a juré de détruire le mouvement islamiste qui a pris le pouvoir en 2007 à Gaza.

La commission d'enquête a conclu que les autorités et les forces de sécurité israéliennes avaient commis "quatre des cinq actes génocidaires" définis par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime du génocide.

A savoir: "meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe".

Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient "incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n'avaient) pas pris de mesures" pour les en empêcher.

"Intention de détruire" 

"Il est clair qu'il existe une intention de détruire les Palestiniens à Gaza par des actes répondant aux critères énoncés dans la Convention sur le génocide", a relevé dans un communiqué Mme Pillay, qui fut présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda et juge à la Cour pénale internationale (CPI).

Les plus hauts dirigeants israéliens "ont orchestré une campagne génocidaire", a ajouté la Sud-Africaine de 83 ans, ancienne Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme.

La commission n'est pas une instance juridique mais ses rapports peuvent accroître la pression diplomatique et servent à recueillir des preuves que les tribunaux peuvent utiliser.

La commission a conclu un accord de coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) avec laquelle "nous avons partagé des milliers d'informations", a expliqué Mme Pillay à l'AFP.

"La communauté internationale ne peut rester silencieuse face à la campagne génocidaire lancée par Israël contre le peuple palestinien à Gaza. Lorsque des signes et des preuves manifestes de génocide apparaissent, l'absence d'action pour y mettre fin équivaut à une complicité", a souligné Mme Pillay.

La campagne de représailles militaires dans le territoire palestinien a fait près de 65.000 morts, selon des données du ministère de la Santé de la bande de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas, données jugées fiables par l'ONU.

Depuis le début de la guerre, Israël a été accusé à plusieurs reprises de commettre un génocide à Gaza, par diverses ONG, des experts indépendants de l'ONU, et jusque devant la justice internationale, à l'initiative de l'Afrique du Sud.

Les autorités israéliennes ont toujours vigoureusement rejeté ces accusations.

L'ONU n'a pas qualifié la situation de génocide, mais le chef des opérations humanitaires a exhorté à la mi-mai les dirigeants mondiaux à "agir pour empêcher un génocide".

A La Haye, la Cour internationale de justice (CIJ) avait sommé Israël dès janvier 2024 de prévenir tout acte de génocide. Quatre mois après, le procureur de la CPI avait demandé que des mandats d'arrêt soient délivrés à l'encontre de MM. Netanyahu et Gallant, soupçonnés de crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

La CPI est depuis dans le collimateur de Washington qui a pris des mesures contre des magistrats ayant autorisé la Cour à émettre ces mandats d'arrêt, notamment l'interdiction d'entrée sur le sol américain et le gel des avoirs détenus aux États-Unis.


Rubio promet un soutien "indéfectible" à Israël, avant une visite à Doha

Le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu visitent le Mur occidental, le lieu de prière le plus sacré du judaïsme, dans la vieille ville de Jérusalem. (AP)
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu visitent le Mur occidental, le lieu de prière le plus sacré du judaïsme, dans la vieille ville de Jérusalem. (AP)
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  • En visite à Jérusalem, le secrétaire d’État Marco Rubio a réaffirmé le soutien « indéfectible » des États-Unis à Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza
  • Alors que les offensives israéliennes se poursuivent, causant de lourdes pertes civiles à Gaza, les critiques internationales s’intensifient

Jérusalem: Le secrétaire d'Etat Marco Rubio a promis lundi à Jérusalem le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, à la veille d'un déplacement à Doha.

Durant la visite de M. Rubio, l'armée israélienne a poursuivi son offensive dans la bande de Gaza assiégée et affamée, la Défense civile locale faisant état d'au moins 49 morts, dont des enfants.

Lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, cette offensive a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste a pris le pouvoir en 2007.

Le déplacement de M. Rubio a coïncidé avec un sommet arabo-islamique à Doha, quelques jours après une attaque israélienne inédite le 9 septembre au Qatar contre des chefs du Hamas.

"Les habitants de Gaza méritent un avenir meilleur, mais cet avenir meilleur ne pourra commencer que lorsque le Hamas sera éliminé", a déclaré M. Rubio après une rencontre à Jérusalem avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Vous pouvez compter sur notre soutien indéfectible et notre engagement à voir cela se concrétiser", a-t-il ajouté.

M. Rubio se rend mardi au Qatar, en route pour Londres, afin de "réaffirmer le soutien total des Etats-Unis à la sécurité et la souveraineté du Qatar après l'attaque israélienne", selon le département d'Etat.

La frappe aérienne au Qatar, un médiateur entre Israël et le Hamas, a contrarié le président Donald Trump.

"Le Qatar a été un très grand allié. Israël et tous les autres, nous devons faire attention. Quand nous attaquons des gens, nous devons être prudents", a-t-il dit dimanche.

Malgré cette critique, M. Netanyahu a estimé que M. Trump était "le plus grand ami" qu'Israël ait jamais eu à la Maison Blanche.

- "Animaux barbares" -

Au sommet de Doha, l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, s'en est prix à Israël, l'accusant de "vouloir faire échouer les négociations" en vue d'un cessez-le-feu à Gaza et d'une libération des otages enlevés durant l'attaque du 7-Octobre.

Un communiqué final du sommet a appelé "tous les Etats à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël", alors que les six monarchies du Golfe ont appelé les Etats-Unis à "user de leur influence" pour contenir Israël.

A Jérusalem, M. Rubio s'est montré pessimiste quant à la possibilité d'une solution "diplomatique" à Gaza, qualifiant le Hamas d'"animaux barbares".

"Même si nous souhaitons vivement qu'il existe un moyen pacifique et diplomatique pour mettre fin (à la guerre) -et nous continuerons à explorer cette voie-, nous devons également nous préparer à la possibilité que cela ne se produise pas", a-t-il dit.

M. Rubio a aussi affiché la solidarité des Etats-Unis avec Israël avant un sommet coprésidé par la France et l'Arabie saoudite le 22 septembre à l'ONU, destiné à promouvoir la reconnaissance d'un Etat de Palestine, au côté d'Israël.

Une initiative largement symbolique dans la mesure où Israël s'oppose fermement à la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Les Etats-Unis sont également hostiles à cette démarche, qui selon M. Rubio, a "enhardi" le Hamas.

En soirée, le secrétaire d'Etat a rencontré à Jérusalem des familles d'otages, selon un responsable du département d'Etat. Sur les 251 personnes enlevées durant l'attaque du 7-Octobre, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 décédées selon l'armée israélienne.

- "Un corps sans âme" -

Dans le territoire palestinien, la Défense civile a indiqué que plus de la moitié des 49 Palestiniens tués l'avaient été à Gaza-ville, où l'armée a intensifié ses attaques avec l'objectif de s'en emparer.

Compte-tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

L'armée israélienne, qui présente Gaza-ville comme l'un des derniers bastions du Hamas dans le territoire palestinien, y a détruit plusieurs tours d'habitation en accusant le Hamas de s'y cacher.

Les Palestiniens continuent de fuir, en grand nombre, la ville et ses environs, qui comptaient un million d'habitants selon l'ONU.

"Je me sens comme un corps sans âme", dit Susan Annan, une Palestinienne qui habitait dans l'une de tours détruites. "Nous avons quitté notre maison avec seulement nos vêtements. Nous n'avons rien pu emporter."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire. L'ONU y a déclaré la famine, ce que Israël dément.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.