Israël sera incinéré dans ces incendies que Netanyahou allume

Des Palestiniens portant le corps d'Ayed Slim, tué en Cisjordanie par les troupes israéliennes le 8 avril 2023. (AP)
Des Palestiniens portant le corps d'Ayed Slim, tué en Cisjordanie par les troupes israéliennes le 8 avril 2023. (AP)
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Publié le Mardi 11 avril 2023

Israël sera incinéré dans ces incendies que Netanyahou allume

Israël sera incinéré dans ces incendies que Netanyahou allume
  • Netanyahou a permis à ses camarades politiques pyromanes d'allumer un feu de brousse après l'autre, alimentant une situation d'anarchie et d’instabilité en Israël sans précédent
  • Tant qu’Israël refuse de faire la paix avec une population palestinienne toujours plus nombreuse, il ne peut que tourner inutilement en rond en allumant des incendies et les éteignant

Alors que trois des grandes religions du monde célèbrent les fêtes du ramadan, de Pâques, et de la Pâque juive, dans ce qui se trouve être le berceau de ces religions, diverses parties ont délibérément provoqué des tensions risquant de conduire à un conflit généralisé. Les récents échanges de roquettes à travers les frontières libano-israélo-syriennes témoignent d'une situation incendiaire que personne ne contrôle.

Les attaques des forces de sécurité israéliennes contre les fidèles du ramadan à la mosquée Al-Aqsa, au cours desquelles environ 40 Palestiniens ont été blessés et 350 arrêtés, sont symptomatiques de ces tendances à l'escalade.

Pour quelles raisons la mosquée a-t-elle été investie alors qu'il n'y existait aucune menace sérieuse pour sa sécurité? Tout simplement parce que les responsables israéliens actuellement à la barre s’accordent sur une approche de harcèlement maximal et de réaction excessive. Près de 1 000 colons radicaux ont ensuite pris d'assaut Al-Aqsa le 9 avril, tandis que la Jordanie mettait en garde Israël sur les «conséquences catastrophiques» d'attiser délibérément la situation autour des lieux saints de Jérusalem.

La même approche de provocation gratuite s’applique à l'expansion des colonies, à la démolition de maisons et à la répression sécuritaire dans les zones palestiniennes. Les ministres israéliens extrémistes nouvellement nommés, qui goûtent pour la première fois au pouvoir, sont prêts à se battre, fustigeant même le Premier ministre Benjamin Netanyahou pour ne pas être allé assez loin. Les tensions ont été encore exacerbées par le meurtre de deux Israéliens britanniques dans la vallée du Jourdain et un attentat à la voiture bélier à Tel-Aviv.

À l'approche de Pâques, on a constaté une recrudescence des crimes de haine contre les chrétiens et les lieux saints chrétiens par des fanatiques juifs qui ont de plus en plus le sentiment qu'ils peuvent agir en toute impunité, notamment en profanant des tombes et en menant de violentes attaques contre des chrétiens palestiniens. Dans son message de Pâques, le pape a fait référence à la tension à Jérusalem, mais les institutions chrétiennes mondiales devraient s'attaquer plus vigoureusement à ce problème.

Qui a tiré 34 roquettes sur Israël depuis le Liban? Israël semble heureux d'accepter la version selon laquelle il s'agirait du Hamas, mais ces frappes ont certainement émané d'endroits où rien ne se passe sans l’approbation du Hezbollah. Qui penserait un instant que le Hamas se serait lancé dans de telles aventures sans l'aval du Hezbollah, même si ce dernier préférerait pour l'instant se cacher derrière un démenti? L'Iran et le Hezbollah ont perdu des membres de leurs troupes à la suite de frappes aériennes quotidiennes en Syrie, mais ils jouent à faire semblant que ces humiliations ne les concernent pas.

Sur la seule base de calculs stratégiques, Netanyahou devrait se concentrer à 100% sur la menace nucléaire et paramilitaire envahissante de l'Iran. Au lieu de cela, il a permis à ses camarades politiques pyromanes d'allumer un feu de brousse après l'autre, alimentant une situation d'anarchie et d’instabilité en Israël quasiment sans précédent. Des centaines de milliers de manifestants estiment à juste titre que les derniers efforts de Netanyahou pour vider de toute substance le système judiciaire et transformer ses alliés extrémistes en seigneurs de guerre paramilitaires omnipotents constituent une menace existentielle pour l’avenir d’Israël.

Si Israël refuse de faire la paix maintenant, alors qu’il se trouve dans une position de force relative, un moment viendra où il sera obligé de quémander la paix alors qu'il possède encore quelques vestiges d'un État avec lequel négocier.

Baria Alamuddin

Hassan Nasrallah est également devenu prisonnier de sa propre rhétorique de plus en plus belliqueuse, menaçant de déclencher une guerre avec Israël à la moindre provocation, une guerre que le Hezbollah et le Liban ne sont pas en mesure de mener. Le Hezbollah possède peut-être beaucoup plus de missiles qu'en 2006, mais il ne faut pas se faire d'illusions: l'armée israélienne ne ferait qu'une bouchée du Liban. Les pertes civiles seraient horribles, et aucun pays n'est prêt à se précipiter au secours du Liban.

Ces développements démontrent la faiblesse absolue à long terme de la position d'Israël. Tant qu'il refuse de faire la paix avec une population palestinienne toujours plus nombreuse, il ne peut que tourner inutilement en rond en allumant des incendies et les éteignant. Israël pourrait facilement gagner une guerre contre le Hezbollah, mais ce faisant, il créerait une nouvelle génération d'ennemis implacables. Israël affirme vouloir la paix avec les États arabes, mais ne montre aucune volonté de faire ce qu'il faudrait pour établir une paix véritable et mettre un terme au cycle sans fin des conflits.

Les responsables israéliens sont décontenancés par le récent accord saoudo-iranien et le rapprochement arabe partiel avec Bachar al-Assad en Syrie. Par ailleurs, les forces paramilitaires soutenues par l'Iran encerclent Israël depuis de nombreux États, et Téhéran se rapproche de plus en plus de la capacité nucléaire et balistique qui, selon lui, pourrait rayer Israël de la carte. La semaine dernière, les États-Unis ont envoyé un sous-marin lance-missiles dans la région du Golfe après des menaces iraniennes spécifiques contre la navigation israélienne et régionale.

Parce qu'Israël s'en est tiré en tuant et en opprimant des Palestiniens par le passé, il pense que sa répression actuelle n'aura pas de répercussions. C'est une erreur dangereuse, car la situation s’est tellement transformée en Israël que Netanyahou ne parvient apparemment pas à comprendre les risques encourus, notamment la probabilité de déclencher une nouvelle intifada.

En outre, la trajectoire de plus en plus radicalisée et antidémocratique d'Israël finira par lui faire perdre les amis internationaux sur lesquels il a toujours compté pour son soutien financier et militaire. Pour les États-Unis et l’Europe, qui tolèrent et rendent possibles ses actions, Israël est devenu l'enfant gâté trop exigeant de l'Occident. Si l'Occident est vraiment encore un ami, il est moralement obligé d'empêcher Israël de s’autodétruire.

Israël peut nier la réalité historique de la Palestine autant qu'il veut, mais cela ne fait que l'aveugler sur un fait démographique qui est que les Palestiniens tendent à devenir majoritaires. Si Israël refuse de faire la paix maintenant alors qu’il est dans une position de force relative, un moment viendra où il sera obligé de quémander la paix alors qu'il possède encore quelques vestiges d'un État avec lequel négocier.

Il y a également une prise de conscience croissante dans tout le Liban, et en particulier parmi les partisans du Hezbollah, que cette entité soutenue par Téhéran est moins un agent de protection et de «résistance», et davantage un catalyseur de la destruction du Liban.

De nombreux journalistes observent ces récentes escalades et nous affirment avec complaisance que la guerre est peu probable parce que les différentes parties ne la souhaitent pas. Au lieu de cela, ils devraient avertir que ces parties sont pas des acteurs rationnels, ne contrôlent pas pleinement les événements, et ont beaucoup fait pour attiser les flammes par leur incompétence et leurs programmes orientés vers leurs propres intérêts.

Après le chaos de ces derniers jours, la guerre est une perspective de plus en plus probable. Nous devrions collectivement faire tout ce qui est en notre pouvoir pour arrêter ces fous avant qu'ils ne nous emmènent tous en enfer.

 

 

Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com