Sur la nouvelle frontière, soldats arméniens et azerbaïdjanais se surveillent à nouveau

Le village de Berdashen, au Nagorny Karabakh (Photo, Karen MINASYAN/AFP).
Le village de Berdashen, au Nagorny Karabakh (Photo, Karen MINASYAN/AFP).
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Publié le Mercredi 02 décembre 2020

Sur la nouvelle frontière, soldats arméniens et azerbaïdjanais se surveillent à nouveau

  • Ici, dans le district de Martouni, les troupes arméniennes ont dû reculer de près de cinq kilomètres face à l'avancée de celles de Bakou
  • Jusqu'à l'accord de fin des hostilités signé le 9 novembre, sous patronage russe, après six semaines de guerre

KARABAKH: Zhorik Grigoryan a failli perdre ses sept hectares de grenadiers. A Berdashen, dans l'est du Nagorny Karabakh, la ligne de cessez-le-feu entre forces azerbaïdjanaises et arméniennes s'est figée à 50 mètres du champ de l'agriculteur.

Ici, dans le district de Martouni, les troupes arméniennes ont dû reculer de près de cinq kilomètres face à l'avancée de celles de Bakou. Jusqu'à l'accord de fin des hostilités signé le 9 novembre, sous patronage russe, après six semaines de guerre.

Au bout du champ de grenadiers passe la route qui relie Martouni à Aghdam, au nord, dont le district a été rétrocédé à l'Azerbaïdjan. Seuls des militaires et quelques agriculteurs locaux l'empruntent.

A 50 mètres en retrait de la route, le drapeau azerbaïdjanais flotte sur un poteau électrique au pied duquel est installé un poste de garde sommaire : une tente et quelques pneus empilés en guise de protection pour une poignée de soldats qui veillent. Au-delà, une plaine vide s'étend à perte de vue.

En face, une quinzaine de militaires arméniens ont aussi établi un campement tout aussi simple.

Chacun surveille l'autre, sans tension apparente.

« Nos soldats sont ici, sur cette position. Et là ce sont les Azerbaïdjanais », montre Mishik Grigoryan, 45 ans, l'officier qui commande le poste. « Il n'y a aucun problème, nous n'avons aucun problème (avec les Azerbaïdjanais). Nous sommes prêts à défendre notre terre », assure-t-il.

A 200 mètres de là sur la bande d'asphalte, des soldats de la paix russes tiennent un barrage filtrant avec barrières. Leur base est plus conséquente et flanquée de blindés.

La nouvelle frontière est marquée par des piquets en bois d'un mètre de haut, le bout peint en blanc et rouge, plantés tous les vingt mètres environ.

Dans le champ de grenadiers la récolte bat son plein, sous l'œil de Zhorik Grigoryan, 73 ans. Une douzaine d'hommes du village remplissent des gros sacs de fruits qui sont envoyés à Erevan, la capitale de l'Arménie, pour y faire du vin ou du jus.

« Il n'y a pas de crainte à avoir. Les soldats (arméniens) sont positionnés sur la ligne (de cessez-le-feu), les troupes russes sont présentes, nous ne craignons rien », juge l'agriculteur, qui se dit toutefois « inquiet pour l'avenir ».

 « Inquiet pour l'avenir »

Ses trois petits enfants étaient à l'armée quand la guerre a éclaté. L'un est mort, un autre a été blessé et est hospitalisé à Erevan, le dernier est toujours en service.

« Je ne suis pas satisfait de l'issue de la guerre, parce que nous avons perdu tellement de soldats et de territoires », dit le septuagénaire avec amertume.

Un peu plus au sud, près de la route, un autre petit campement regroupe une douzaine de jeunes soldats arméniens. Ils assurent le guet derrière un long remblais de terre de plus de deux mètres de haut, face à l'Azerbaïdjan. Ils ont entre 18 ans et une vingtaine d'années. Ici, pas de gradés.

Minas, né à Erevan, avait migré en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014. Il est revenu pour combattre, dès le début de la guerre. Depuis, il n'a pas quitté l'uniforme, comme ses camarades.

Interrogé sur la fin des hostilités, il dit « regretter ». « Mais c'était difficile, nous n'avions pas les moyens de nous battre ».

Il raconte les drones armés qui ont beaucoup frappé leurs positions. Il cite aussi un ami qui combattait sur le front sud, à Djebraïl. « Les premiers jours, ils ont vu déferler en face d'eux des dizaines de chars et plein d'hommes. Ils ont été submergés, c'était impossible de résister ».

Beaucoup de leurs camarades sont morts. Eux sont encore là, pour 35 000 drams (environ 60 euros) par mois. Aujourd'hui, ils voudraient simplement « dormir tranquillement » et savoir quand ils pourront revoir leurs proches.

Minas doit se marier, mais il ne sait pas quand il pourra.

Vers midi, un taxi déboule au campement. Les jeunes soldats en sortent des sacs de nourriture fraiche. « Aujourd'hui nous fêtons la naissance de l'enfant de l'un de nous », expliquent-ils.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.