En Inde, des villages entiers réduits en cendres dans des violences inter-ethniques

Un soldat de l'armée indienne se tient debout alors que de la fumée s'élève des grains qui ont été incendiés par une foule dans la zone touchée par la violence ethnique du village de Heiroklian dans le district de Senapati, dans l'État indien de Manipur, le 8 mai 2023. (Photo, AFP)
Un soldat de l'armée indienne se tient debout alors que de la fumée s'élève des grains qui ont été incendiés par une foule dans la zone touchée par la violence ethnique du village de Heiroklian dans le district de Senapati, dans l'État indien de Manipur, le 8 mai 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 09 mai 2023

En Inde, des villages entiers réduits en cendres dans des violences inter-ethniques

  • Plus de 50 villageois ont été tués et environ 23 000 personnes ont fui les violences pour se placer sous la protection de l'armée indienne, dans des camps de fortune érigés pour eux
  • Tout au long de la rue qui traverse le village, il ne reste que décombres et débris entre des portes brisées, des toits de tôle et des réservoirs d'eau calcinés

HEIROKLIAN: Sanatomba fouille les décombres de ce qui était, jusqu'à mercredi dernier, la maison de sa soeur à Heiroklian, un village florissant de l'État indien de Manipur, réduit en cendres après des violences entre les tribus Meitei, majorité hindoue et Kuki, minorité chrétienne.

Il ne reste rien à récupérer, hormis un tabouret traditionnel que "bizarrement, les assaillants ont raté", remarque Sanatomba, 20 ans, membre de la tribu Kuki. "C'était la cuisine de ma soeur", indique-t-il à l'AFP.

"Ici, c'était la pièce où se trouvait sa télévision, son réfrigérateur, l'almirah (cabinet) pour les vêtements (...) tout ce qu'elle possédait avec son mari, ses quatre enfants et les autres membres de sa famille a disparu à jamais", ajoute-t-il.

Plusieurs villages de cet État vallonné du Nord-Est, frontalier de la Birmanie, ont subi le même sort.

C'est une décision de justice locale qui a mis le feu aux poudres, en recommandant un statut plus favorable pour les Meiteis dans cet Etat du nord-est de l'Inde, coincé entre le Bangladesh, la Chine et la Birmanie, et depuis longtemps foyer de tensions inter-ethniques et de séparatisme.

Plus de 50 villageois ont été tués et environ 23 000 personnes ont fui les violences pour se placer sous la protection de l'armée indienne, dans des camps de fortune érigés pour eux.

Les assaillants n'ont épargné aucun bâtiment, aucun recoin du village, selon Sanatomba.

Tout au long de la rue qui traverse le village, il ne reste que décombres et débris entre des portes brisées, des toits de tôle et des réservoirs d'eau calcinés. Sanatomba affirme que les pillards se sont même emparés du bétail et de la volaille.

«Peur des Meiteis»

"Ils ont tué les bêtes qu'ils n'ont pas pu emmener vivantes, et les ont emportées à l'état de viande", raconte-t-il. L'imposante église du village, un établissement scolaire et même un vieux jacquier chargé de fruits ont été brûlés. "J'ai peur des Meiteis", confie le jeune homme.

La sœur de Sanatomba a trouvé refuge dans un des camps établis par l'armée. Elle ne pourra sans doute pas revenir au village et se prépare à vivre ailleurs. "Elle m'a demandé de venir ici et de prendre tout ce que je pouvais récupérer", poursuit-il, les mains et les pieds couverts de suie.

Cette nouvelle flambée de violences au Manipur a démarré après une manifestation la semaine dernière contre la possibilité que les Meiteis, le groupe ethnique majoritaire de l'Etat, obtienne le statut plus avantageux de "tribu répertoriée".

Ce statut, établissant une forme de discrimination positive, garantirait des quotas d'emplois publics et d'admissions dans les universités.

Les Meiteis vivent principalement à Imphal, la capitale du Manipur, et ses environs. La tribu des Kukis est surtout implantée dans les collines.

Des violences ont éclaté à Imphal et ailleurs, les manifestants de la minorité Kuki mettant le feu aux véhicules, aux bâtiments. Selon des villageois, des foules Meiteis, armées de fusils et de bidons d'essence, ont ensuite attaqué des villages kukis dans les collines.

«Coeur brisé»

Les autorités craignent désormais de nouvelles attaques en raison des armes détenues par chacune des deux communautés et qu'il est difficile de convaincre d'y renoncer.

"Etes-vous sûr qu'aucun de vous ne possède d'armes qu'il souhaiterait rendre ?", interroge ainsi un officier dans un village kuki, avant d'ajouter : "l'autre communauté a promis de rendre ses armes si vous le faites aussi".

"Je vous demande d'y réfléchir car ce n'est bon pour aucune des deux communautés que ces armes soient en circulation", insiste-t-il en vain. La peur demeure.

Thanglallem, un Kuki de 32 ans, enseignant dans une école privée, a assisté du haut d'une colline à l'attaque et l'incendie de Kamuching, son village.

Il a passé deux nuits dans la jungle avant d'être secouru et emmené dans un camp militaire.

Il raconte qu'une bande de Meiteis est allé de maison en maison, pillant tout ce qu'ils trouvaient, même des matelas, avant de charger leur butin dans des véhicules. "Ensuite, ils ont brûlé les maisons, l'une après l'autre" et "comme ils en avaient laissées quelques-unes intactes, ils sont revenus deux jours plus tard", décrit-il.

"Nous avons regardé en pleurant, le cœur brisé, nos maisons réduites en cendres, impuissants et désespérés", confie encore Thanglallem.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com