Enlèvement d'Olivier Dubois: RSF dénonce des «négligences» de l'armée et une «mise en danger»

Une capture d'écran prise le 5 mai 2021 d'une vidéo de propagande non datée circulant sur les médias sociaux montre le journaliste français Olivier Dubois. (AFP/File)
Une capture d'écran prise le 5 mai 2021 d'une vidéo de propagande non datée circulant sur les médias sociaux montre le journaliste français Olivier Dubois. (AFP/File)
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Publié le Mercredi 17 mai 2023

Enlèvement d'Olivier Dubois: RSF dénonce des «négligences» de l'armée et une «mise en danger»

  • La force française Barkhane était informée du projet du journaliste français de rencontrer dans le nord du Mali un dirigeant djihadiste affilié à Al-Qaïda, via un fixeur servant d'indicateur aux armées
  • Libéré en mars dernier, M. Dubois avait été kidnappé le 8 avril 2021 par le GSIM, principale alliance djihadiste au Sahel liée à Al-Qaïda. Il collaborait notamment avec le quotidien Libération et le magazine Le Point et vivait au Mali depuis 2015

PARIS: Reporters sans frontières a dénoncé mercredi "une mise en danger" de la vie d'Olivier Dubois, enlevé au Mali en 2011, après une enquête de médias français selon laquelle les militaires de l'opération Barkhane auraient tenté d'utiliser à son insu le journaliste français pour localiser un chef djihadiste, sans empêcher son rapt.

La force française Barkhane était informée du projet du journaliste français de rencontrer dans le nord du Mali un dirigeant djihadiste affilié à Al-Qaïda, via un fixeur servant d'indicateur aux armées.

Les militaires ont envisagé d'utiliser cette prise de rendez-vous pour localiser cet émir, avant de renoncer en raison des risques encourus, d'après le journal Le Monde, qui a mené l'enquête avec Libération, RFI et TV5Monde.

D'après ces médias français ayant eu accès à des documents judiciaires français et maliens relatifs à l'affaire, les militaires de Barkhane auraient renoncé in extremis à l'opération, mais n'auraient pas déployé les moyens adaptés pour empêcher l'enlèvement d'Olivier Dubois à Gao (nord), où il devait rencontrer Abdallah Ag Albakaye.

Libéré en mars dernier, M. Dubois avait été kidnappé le 8 avril 2021 par le GSIM, principale alliance djihadiste au Sahel liée à Al-Qaïda. Il collaborait notamment avec le quotidien Libération et le magazine Le Point et vivait au Mali depuis 2015.

Le journal Libération avait refusé le projet d'interview d'Olivier Dubois en raison des dangers encourus.

Selon le quotidien Le Monde, "le 8 avril, Olivier Dubois est déjà dans l'avion pour Gao quand Agnès Von der Mühll, alors porte-parole du Quai d'Orsay, lui adresse par mail une lettre pour le prier de 'bien vouloir reconsidérer' son projet".

"Cette missive type, consultée par Le Monde, souligne que la zone dans laquelle il prévoit de se rendre est +formellement déconseillée aux voyageurs+ mais ne mentionne aucun risque d'enlèvement particulier le concernant", écrit Le Monde.

De source diplomatique, on souligne toutefois que cette "lettre rouge" a été envoyée à Olivier Dubois le jour de son rapt, "suite à un entretien la veille avec l'ambassade où il lui avait déjà été passé la même consigne". Une version corroborée par une deuxième source française proche du dossier, qui assure qu'"il lui a clairement été dit que c'était une très mauvaise idée de partir".

Un haut gradé de la force Barkhane avait prévenu le 7 avril l'ambassade de France que les "derniers renseignements recueillis" accréditaient "l'hypothèse d’un enlèvement" et que le journaliste devait être prévenu, affirme Le Monde, qui précise qu'aucune manoeuvre d'entrave à son déplacement n'est néanmoins décidée par les autorités françaises.

Manquements

Arnaud Froger, responsable du bureau Investigation de Reporters sans frontières (RSF), a dénoncé mercredi auprès de l'AFP "des manquements et des négligences" de l'armée dans cette affaire.

"Le premier manquement, c'est d'avoir entrepris d'utiliser un journaliste, qui plus est un ressortissant français, comme cheval de Troie pour mener une opération de renseignements, ce qui pose un grave problème éthique", estime M. Froger. "Tout ça se fait à l'insu d'Olivier Dubois, qui ignore tout de la configuration dans laquelle il évolue, ce qui contribue à le mettre en danger de manière supplémentaire sur un projet d'interview qui est déjà risquée".

"On va mettre en danger la vie d'un journaliste et ressortissant français pour atteindre un objectif de renseignements d'une cible moyenne, sans prévoir de dispositif au cas où les choses tourneraient mal, et en plus en ne lui faisant pas descendre les informations quant au risque qu'il prend", déplore-t-il.

Selon RSF, les militaires "renoncent officiellement à l'objectif de +neutralisation+, mais ils laissent l'objectif de renseignements se poursuivre, et c'est ça la négligence".

Chargée d'enquêter en interne sur cette affaire, l'Inspection des armées a conclu fin 2021 qu'il n'y avait "pas eu de faute personnelle au sein de la force Barkhane" mais que "la sensibilité du sujet n'a pas fait l'objet d'une prise en compte à un niveau suffisant permettant de conduire (...) une action dissuasive à l'encontre du journaliste".

Selon Arnaud Froger de RSF, "dans ce rapport, il y a une forme de minimisation des manquements qui ont été commis (...); On n'est pas juste sur un +manque de lucidité collective+: ce type d'opération n'aurait jamais dû avoir lieu".

Sollicité mercredi pour sa réaction, le ministère français des Affaires étrangères s'est refusé à tout commentaire.

"Une instruction judiciaire a été ouverte, confiée à deux juges d'instruction du pôle anti-terroriste. Nous vous renvoyons vers le ministère de la Justice", a-t-il indiqué.

L'état-major des armées n'a quant à lui pas souhaité faire de commentaires.


La France va verser 150 millions au FIDA

Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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  • Des milliers de personnes s'étaient rassemblées samedi après-midi sur la scène dans le parc de Manhattan, malgré le froid et la pluie
  • L'ONG a également annoncé que la Norvège s'était engagée à verser 90 millions de dollars au FIDA

NEW YORK: Le président français Emmanuel Macron a annoncé samedi un engagement de 150 millions de dollars en faveur du Fonds international de développement agricole (FIDA), ce qui est actuellement le montant le plus élevé promis par un gouvernement.

Le dirigeant français a fait cette annonce par vidéo lors du festival Global Citizen organisé dans Central Park, à New York, où des artistes tels que Lauryn Hill et les Red Hot Chili Peppers se sont produits samedi soir.

Ce festival, qui a lieu depuis 2012 lorsque les dirigeants du monde entier se réunissent à New York lors l'Assemblée générale des Nations unies, offre des billets gratuits aux militants qui s'engagent à agir, comme par exemple écrire à leurs gouvernants pour demander un accroissement de l'aide au développement international.

Lutter contre la faim 

Des milliers de personnes s'étaient rassemblées samedi après-midi sur la scène dans le parc de Manhattan, malgré le froid et la pluie.

"Nous devons lutter ensemble contre la pauvreté, le changement climatique et pour la biodiversité", a déclaré M. Macron. "C'est pourquoi nous voulons aussi jouer notre rôle".

Le FIDA, dont le siège est à Rome, est un organisme des Nations unies qui a pour mission de lutter contre la pauvreté et la faim dans les zones rurales des pays en développement.

Global Citizen a salué dans un communiqué l'engagement français, ajoutant qu'"il reste encore beaucoup à faire pour apporter un soutien crucial à des millions de petits exploitants agricoles dans le monde, qui produisent 70% des denrées alimentaires dans les pays à revenu faible ou intermédiaire".

L'ONG a également annoncé que la Norvège s'était engagée à verser 90 millions de dollars au FIDA.


France: Le rappeur MHD condamné à 12 ans de prison pour meurtre

L'accusation avait requis 18 ans de réclusion criminelle contre l'artiste, de son vrai nom Mohamed Sylla, 13 à 20 ans de prison contre six autres accusés, et deux acquittements (Photo, Instagram).
L'accusation avait requis 18 ans de réclusion criminelle contre l'artiste, de son vrai nom Mohamed Sylla, 13 à 20 ans de prison contre six autres accusés, et deux acquittements (Photo, Instagram).
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  • Les enquêteurs établissent par ailleurs que la Mercedes incendiée lui appartenait
  • Cinq de ses coaccusés ont également été condamnés à des peines allant de 10 à 18 ans de réclusion criminelle

PARIS: D'étoile montante de l'"afro-trap" à la case prison: le rappeur MHD a été condamné samedi à 12 ans de prison aux assises de Paris, où il comparaissait avec huit coaccusés pour le meurtre d'un jeune homme en 2018, dans le cadre d'un règlement de comptes entre bandes rivales.

Cinq de ses coaccusés ont également été condamnés à des peines allant de 10 à 18 ans de réclusion criminelle.

Trois autres hommes ont pour leur part été acquittés, la cour considérant que l'un d'eux, Wissem E. n'était pas sur les lieux au moment du crime, et que pour les deux autres, Saber B. et Moussa K., elle ne disposait pas d'éléments de preuves suffisants pour les condamner.

L'accusation avait requis 18 ans de réclusion criminelle contre l'artiste, de son vrai nom Mohamed Sylla, 13 à 20 ans de prison contre six autres accusés, et deux acquittements.

A l'énoncé du verdict, plusieurs femmes dans le public, des proches des accusés, ont éclaté en sanglots. MHD est pour sa part resté stoïque, avant d'étreindre une femme en pleurs. Il a ensuite été directement conduit au dépôt.

Ses avocats n'ont pas souhaité faire de déclaration après le verdict.

"Audience pesante, mais une vérité judiciaire a émergé malgré la loi du silence", a pour sa part réagi Me Juliette Chapelle, avocate de la famille de la victime, Loïc K.

Les condamnés ont 10 jours pour faire appel.

Samedi matin, le rappeur avait clamé une dernière fois son innocence, devant une salle comble, avant que la cour ne se retire pour délibérer.

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2018, Loïc K., un jeune homme âgé de 23 ans, est renversé volontairement par une Mercedes dans le Xe arrondissement de Paris, puis passé à tabac par une dizaine d'hommes et lacéré de coups de couteaux. Il meurt, gisant dans son sang, quelques dizaines de minutes après le départ de ses agresseurs.

La voiture est retrouvée le lendemain, incendiée, dans un parking.

Au cœur du dossier, un règlement de comptes entre jeunes de la cité des Chaufourniers, surnommée la cité rouge, dont viennent les accusés, et celle, voisine, de la Grange aux Belles, situées dans les Xe et XIXe arrondissements.

Cette affaire a nettement freiné la carrière de l'artiste, pionnier de l'"afro-trap", mélange de hip-hop et de musiques africaine, révélé en 2015 grâce à une vidéo postée sur YouTube devenue virale, point de départ d'une ascension fulgurante.

De livreur de pizza, il devient en quelques mois une star reconnue non seulement en France mais aussi à l'étranger, où il est remarqué par des artistes comme Madonna ou Drake.

Une "success story" mise en suspens par son interpellation et son placement en détention provisoire - il restera incarcéré un an et demi avant d'être libéré sous contrôle judiciaire.

«Loi du silence» et «rumeur»

Dans ce dossier, le rappeur, qui malgré son succès continuait de fréquenter la cité des Chaufourniers entre deux tournées, a été mis en cause par plusieurs témoins qui ont affirmé qu'il était sur les lieux du crime, ce qu'il conteste depuis le début.

Les enquêteurs établissent par ailleurs que la Mercedes incendiée lui appartenait et une des vidéos de la scène, prise depuis un appartement, montre un homme de type africain aux cheveux teints en blond, vêtu d'un survêtement Puma.

Or, à cette époque, MHD avait les cheveux peroxydés et était ambassadeur de la marque de sportswear.

Vendredi, ses avocats, Mes Elise Arfi et Antoine Vey, avaient plaidé l'acquittement pour leur client, comme l'avaient fait avant eux les avocats des autres accusés.

Cette affaire s'est illustrée, tout au long de l'enquête puis des trois semaines de procès, par la "loi du silence" à laquelle se sont soumis les accusés, mais aussi de nombreux témoins. Un grand nombre d'entre eux, pourtant convoqués, ne se sont pas présentés à la barre. Une loi du silence dictée par la "peur des représailles", de l'aveu de plusieurs personnes.

Dans leurs plaidoiries jeudi et vendredi, les conseils de la défense avaient pilonné la façon dont ont été menées les investigations, fustigeant un dossier "construit à partir d'une rumeur" et s'appuyant sur des éléments "boiteux" et des témoignages manquant selon eux d'objectivité.

 


Lettres du rectorat de Versailles: l'ex-rectrice n'a «pas eu connaissance» des courriers

Une photographie montre le bâtiment du rectorat de l'Académie de Versailles à Versailles, dans l'ouest de Paris, le 18 septembre 2023 (Photo, AFP).
Une photographie montre le bâtiment du rectorat de l'Académie de Versailles à Versailles, dans l'ouest de Paris, le 18 septembre 2023 (Photo, AFP).
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  • «Je regrette de ne pas avoir eu connaissance de ces courriers»
  • Le ministre de l'Education a annoncé le lancement d'un audit sur la gestion des cas de harcèlement

VERSAILLES: L'ex-rectrice de Versailles, Charline Avenel, n'avait "pas eu connaissance" du courrier polémique envoyé par le rectorat aux parents de Nicolas, 15 ans qui s'est suicidé à la rentrée après avoir subi un harcèlement, a-t-elle déclaré dans un entretien publié samedi soir par Le Parisien.

"Je regrette de ne pas avoir eu connaissance de ces courriers et de ne pas avoir pu m’assurer qu'on tienne compte de la détresse des familles", a déclaré l'ancienne rectrice dans les colonnes du quotidien francilien. Elle était à l'époque "en congés", ainsi que son adjoint, mais assure que "cela n'a rien à voir" avec cette absence d'information.

Elle présente également "des excuses aux parents de Nicolas" en son nom et au nom de l'institution qu'elle dirigeait au moment des faits, qualifiant ce courrier d'"inadmissible".

"J'ai été bouleversée en apprenant le décès de cet élève. Lorsque j'ai découvert il y a une semaine, dans la presse, l'existence de ce courrier, j'étais effondrée", déclare-t-elle.

Contactée par l'AFP, Charline Avenel a indiqué ne pas souhaiter s'exprimer davantage sur cette affaire "dans l'immédiat".

Un audit 

Dans l'entretien, elle explique ne pas avoir non plus su qu'une lettre du même acabit avait également été envoyée à une famille ayant signalé une agression physique en début d'année sur leur fillette par un animateur périscolaire à Andrésy (Yvelines).

"J’ai validé le principe de courriers adressés aux familles qui menacent les enseignants", des lettres appelées "comminatoires" auxquelles le personnel de l'Education nationale peut avoir accès pour rappeler des dispositions légales.

"Mais jamais pour des correspondances avec des familles dont les enfants sont victimes de harcèlement. Je découvre que ces lettres de réprobation ont été envoyées, et je le crains en nombre, sans discernement à des familles en détresse", a-t-elle  reconnu.

Elle a indiqué à ce stade ne pas pouvoir dire si ces envois relèvent "d'une erreur humaine ou d'un problème systémique qui dépasse l'académie de Versailles".

Les réponses de l'administration aux familles de Nicolas et de la fillette qui accuse un animateur de violences sexuelles ont suscité de vives réactions au sein du gouvernement, qui a qualifié de "honte" le premier courrier révélé et "condamné fermement" le second.

Le ministre de l'Education a annoncé le lancement d'un audit sur la gestion des cas de harcèlement de septembre 2022 à septembre 2023 dans chaque académie. Gabriel Attal "se rendra dès lundi matin au rectorat de Versailles pour faire le point avec le nouveau recteur", nommé mi-juillet, a annoncé la rue de Grenelle.