La crise soudanaise est un véritable danger pour les pays arabes, d’Afrique du Nord et du Sahel

Des réfugiés soudanais originaires du Darfour à Koufroun, au Tchad, le 15 mai 2023 (Photo, Reuters).
Des réfugiés soudanais originaires du Darfour à Koufroun, au Tchad, le 15 mai 2023 (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 19 mai 2023

La crise soudanaise est un véritable danger pour les pays arabes, d’Afrique du Nord et du Sahel

La crise soudanaise est un véritable danger pour les pays arabes, d’Afrique du Nord et du Sahel
  • La situation en Libye est l’une des plus préoccupantes, étant donné que le pays est embourbé dans une lutte pour le pouvoir entre l’est et l’ouest
  • Deuxième préoccupation, la potentielle incidence sur la situation politique au Tchad et les problèmes sécuritaires et humanitaires qui pourraient en découler pour d’autres pays du Sahel

Compte tenu de la position géopolitique du Soudan, la crise dans le pays s’est inévitablement  propagée dans la région, y compris au Sahel et dans les pays d’Afrique du Nord. Ces nations ne sont pas à l’abri du conflit en cours, en raison surtout des liens culturels et politiques arabes communs qui les unissent.

Le danger désormais posé par les potentielles répercussions de la crise soudanaise sur les pays d’Afrique du Nord est source de préoccupation majeure pour les autres nations arabes. Cette prise de conscience revêt une importance croissante auprès de ceux qui pensaient rester à l’abri de tout type de retombées régionales. En effet, ils avaient tendance à privilégier l’idée plutôt erronée qu’ils avaient échappé aux vagues de protestations de 2011 et 2018. En réalité, pas un seul pays n’a été épargné par ces soulèvements.

La crise soudanaise aura certes des répercussions dans la région. Il faut éviter de penser que la crise et les conséquences au Soudan seraient différentes en raison des disparités au niveau du contexte et des parties impliquées.

La situation en Libye est l’une des plus préoccupantes, étant donné que le pays est embourbé dans une lutte pour le pouvoir entre l’est et l’ouest et que les factions belligérantes ont des liens complexes avec les parties impliquées dans la crise soudanaise.

La deuxième vraie préoccupation est la potentielle incidence sur la situation politique au Tchad et les problèmes sécuritaires et humanitaires qui pourraient en découler pour d’autres pays du Sahel, dont le Mali et le Niger. Le gouvernement tchadien est peut-être à juste titre préoccupé par le fait que les forces armées de l’opposition dans le pays pourraient rechercher une forme d’alliance avec les Forces de soutien rapide du Soudan.

La vulnérabilité politique croissante du Tchad et de la Libye pourrait aboutir à une intervention militaire étrangère qui serait source d’autres problèmes. De tels troubles sont un terreau fertile pour les groupes terroristes, leur permettant de se déplacer librement dans toute la région du Sahel. Ces groupes se sentent enhardis par les manifestations de 2011 et le manque de sécurité qui en a résulté dans toute la région. Il est peut-être évident de souligner que la sécurité relativement améliorée dans la région à la suite des manifestations du printemps arabe a entraîné un déclin conséquent des activités de divers groupes terroristes.

La crise soudanaise pourrait également inciter les groupes terroristes à intensifier leurs activités dans les régions frontalières entre la Tunisie et l’Algérie. Ces groupes sont retranchés dans les monts Chaambi en Tunisie et tout au long des zones frontalières algéro-libyennes jusqu’au nord du Mali. Dans de telles circonstances, la probabilité d’un attentat, comme celui de 2013, qui visait une base militaire dans la région algérienne de Tiguentourine, augmente.

Le point de départ des assaillants pour cette opération était la zone frontalière entre le Niger et la Libye. Le groupe terroriste mentionne l’intervention militaire de la France au Mali comme justification supposée. L’Algérie rappelle à juste titre qu’il fallait trouver une solution à la crise soudanaise en évitant toute intervention militaire étrangère, qu’elle considère comme l’une des principales raisons de l’intensification des différentes crises dans la région.

«La crise soudanaise pourrait également inciter les groupes terroristes à intensifier leurs activités dans les régions frontalières entre la Tunisie et l’Algérie.»- Dr Mohammed al-Sulami

En outre, les pays d’Afrique du Nord craignent les menaces sécuritaires posées par l’immigration clandestine, les demandeurs d’asile et le crime organisé sous toutes ses formes puisque ces pays se trouvent sur le flanc sud de la Méditerranée d’où partent des bateaux transportant des clandestins vers l’Europe. Ces dernières années, le nombre de demandeurs d’asile et d’immigrants illégaux se dirigeant vers les pays d’Afrique du Nord a augmenté en raison de la détérioration des conditions dans les pays du Sahel.

Alors que les pays d’Afrique du Nord n’étaient auparavant que des points de transit, ils sont maintenant devenus un pôle principal pour ceux qui cherchent à immigrer illégalement en Europe, à la lumière du contrôle européen renforcé sur les flux migratoires illégaux. Cela a causé plusieurs problèmes internes dans ces pays. Le dernier en date concerne les accusations de racisme portées contre la Tunisie en raison de la manière dont elle traite les réfugiés et les immigrés africains. Cela a même poussé la présidence tunisienne à publier des précisions pour rejeter de telles accusations.

Enfin, les problèmes structurels vieux de plusieurs décennies dans les pays du Sahel pourraient freiner leur capacité d’empêcher la crise soudanaise apparemment insurmontable de se propager dans leurs nations. Si le conflit se poursuit, il pourrait plonger toute la région dans les conditions qui prévalaient avant la première vague du soi-disant printemps arabe.

Il est désormais indispensable que ces pays intensifient leurs efforts pour maintenir leur sécurité et leur stabilité, en plus de contribuer aux efforts internationaux visant à parvenir à un règlement pacifique au Soudan.

 

Le Dr Mohammed al-Sulami est directeur de l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah). Twitter: @mohalsulami

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com