Retour sur l’assassinat de Malcolm Kerr, ancien président de l’AUB

La veuve de Kerr, Ann, s’est rappelé cette terrible journée dont les événements restent encore frais dans sa mémoire, même 36 ans plus tard. (Photo, Archives/AUB)
La veuve de Kerr, Ann, s’est rappelé cette terrible journée dont les événements restent encore frais dans sa mémoire, même 36 ans plus tard. (Photo, Archives/AUB)
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Publié le Mardi 28 juillet 2020

Retour sur l’assassinat de Malcolm Kerr, ancien président de l’AUB

  • Les années n’ont  pas apaisé la douleur d’Ann Kerr, qui avait rencontré son mari alors qu’ils étaient tous deux étudiants à l’université américaine de Beyrouth
  • Un tribunal aux Etats-Unis a déclaré que le groupe qui avait revendiqué la responsabilité du meurtre de Malcolm Kerr agissait pour le compte  du Hezbollah

BEYROUTH : Le 18 janvier 1984, le Dr Malcolm Kerr, président de l’université américaine de Beyrouth (AUB), marchait dans le couloir menant à son bureau dans l’immense campus situé dans la capitale libanaise. C’était un mercredi matin pluvieux. La guerre civile sévissait déjà dans le pays depuis neuf ans déjà.
Soudain, deux hommes armés sont apparus de nulle part et ont ouvert le feu sur Kerr, alors âgé de 52 ans. Touché par deux balles à l’arrière de la tête, il décède aussitôt. Les assassins ont pris la fuite et n’ont jamais été identifiés.
Lors d’un appel téléphonique avec l’AFP, l’Organisation du Jihad islamique (IJO), milice chiite soutenue par l’Iran,  revendique cet assassinat, le justifiant par la présence de l’armée américaine au Liban. Les soldats américains en question faisaient partie d’une force de maintien de la paix composée de quatre pays, qui avait été créée en1982 durant un cessez-le-feu négocié par les États-Unis entre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël.
S'adressant à Arab News du sud de la Californie, la veuve de Kerr, Ann, s’est rappelé cette terrible journée dont les événements restent encore frais dans sa mémoire, même 36 ans plus tard.
 « La douleur ne cesse pas. Vous apprenez à vivre avec la perte et cette perte occupe une place dans votre cœur », raconte-t-elle.
Ann avait rencontré son mari dans les années 1950, alors qu’ils étaient tous deux étudiants à l’AUB. Elle réalisait un voyage d’études organisé par l’Occidental College de Los Angeles, tandis que lui était inscrit en master d’études arabes. Pour eux, l’AUB « représentait le meilleur de ce que les États-Unis avaient à offrir », précise-t-elle  
Son mari, citoyen américain, est né et a grandi à Beyrouth puis a effectué ses études aux États-Unis. Ses parents enseignaient à l’AUB ; c’est pour cette raison que cette université lui tenait particulièrement à cœur. Il est retourné au Liban à maintes reprises et a d’ailleurs poursuivi ses études et même enseigné dans cette université. C’est en 1982 qu’on propose à cet éminent spécialiste du Moyen-Orient et du monde arabe le poste de président de cette prestigieuse institution. 
La veuve de l’ancien président de l’AUB pointe du doigt le Hezbollah et l’Iran
La veuve accuse l’Iran et le Hezbollah du meurtre de son mari, dans la mesure où l’IJO aurait été le précurseur de ce groupe islamiste formé en 1985. 
La question se pose toujours
« Il est évident que le Hezbollah est responsable car, à l’époque, ses membres ciblaient des occidentaux importants, tels que les journalistes et les professeurs. Si vous vous souvenez bien, David Dodge a été kidnappé avant l’assassinat de Malcolm », a-t-elle indiqué.
Dodge était lui aussi de nationalité américaine. Il fut le prédécesseur de Kerr au poste de président de l’AUB. Le 19 juillet 1982, il fut kidnappé sur le campus et retenu en otage par l’IJO. Il fut libéré un an plus tard jour pour jour, grâce à l’intervention de la Syrie.
L’IJO a revendiqué de nombreux enlèvements, assassinats et attentats, dont les attentats à la bombe contre les casernes des Marines françaises et américaines et ceux de l'ambassade américaine de Beyrouth en 1983. Entre 1982 et 1992, 104 écrivains, prêtres et journalistes étrangers ont été kidnappés. Ce qu’on a appelé la « crise des otages au Liban ».
Terry Anderson, journaliste de l'Associated Press, a également fait partie des personnes kidnappées. Il a été enlevé le 16 mars 1985 et a été séquestré pendant six ans et neuf mois ; jamais un Américain n’a été détenu aussi longtemps au Liban. 
« Pourquoi Malcolm a-t-il été assassiné et non kidnappé ? La question se pose toujours. Mais nous avons compris qu’ils [l’IJO] n’étaient pas encore passés maîtres dans l’art de l’enlèvement et ne savaient pas où garder leurs otages », a indiqué Ann Kerr. 
L’IJO, mouvement islamique radical n’était pas la seule menace qui pesait sur Kerr. Ainsi, selon sa veuve, les factions chrétiennes libanaises de droite n’étaient « pas satisfaites » des opinions de son mari sur la situation palestinienne. « À l’époque, tout le monde se baladait avec des revolvers en poche… C’était une guerre civile », se souvient-elle.
La nouvelle du meurtre de Kerr s’est répandue rapidement. La presse locale – y compris le quotidien libanais An-Nahar, le magazine Al-Shiraa et La Revue du Liban, hebdomadaire de langue française – ainsi que des médias internationaux tels que l’AFP et le New York Times ont fait le lien entre le meurtre de Kerr et l’enlèvement de Dodge.
La veille du meurtre de Kerr, l’IJO avait revendiqué l’enlèvement de Hussein Al-Farrash, consul général saoudien à Beyrouth, et avait menacé de le tuer. Il fut relâché 66 jours plus tard après l’intervention de Nabih Berri, qui était ministre de la Justice à l’époque et qui est aujourd’hui président du Parlement et chef du mouvement Amal, allié du Hezbollah.
Nouvelle enquête
Deux décennies après le meurtre de Kerr, sa famille a réclamé une nouvelle enquête sur cette affaire et exigé l’ouverture d’une procédure judiciaire, suite à l’apparition d’éléments nouveaux. En février 2003, ils ont intenté un procès contre l’Iran et le Hezbollah auprès de la Cour de district des États-Unis (district de Columbia).
Bien qu’ils n’aient pas réclamé en justice de dommages et intérêts à l'époque, on a appris que le tribunal leur avait accordé une compensation financière en 2018, dont les recettes ont été utilisées pour créer un fonds de dotation pour les étudiants
Le tribunal de district a estimé que l’Organisation du Jihad islamique était un nom utilisé par le Hezbollah à ses débuts pour dissimuler son identité. Le verdict a aidé Ann, dans une certaine mesure, à refermer ses plaies. 
«°Ce procès a apporté un certain soulagement à ma famille, mais je pense qu'il valait mieux clore l'affaire°», a-t-elle déclaré. La détresse d’avoir perdu un être cher, cependant, est un sentiment contre lequel Ann continue de lutter chaque jour.
 «Chaque personne, en particulier dans une famille proche comme la nôtre, réagit aux choses différemment », a-t-elle confié. « De mon côté, je voulais continuer à travailler dans le domaine de l’éducation internationale. Mon fils Steve, lui, commençait sa carrière en basketball. »
Steve Kerr, qui a deux frères et une sœur, est né à Beyrouth en 1965. Il a été huit fois champion NBA. Il a notamment remporté avec les Chicago Bulls cinq titres en tant que joueur, puis trois en tant qu'entraîneur principal des Golden State Warriors. « Il a une balle dans la main depuis sa naissance. L’esprit du sport de compétition l’a toujours passionné », affirme Ann Kerr.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


Les dirigeants arabes à Bahreïn pour un sommet dominé par la guerre à Gaza

Cette photo de l'agence de presse officielle de Bahreïn (BNA) montre le prince héritier et premier ministre de Bahreïn, Salman bin Hamad al-Khalifa (à droite), recevant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi à Manama, le 15 mai 2024, avant le 33e sommet de la Ligue arabe. (AFP).
Cette photo de l'agence de presse officielle de Bahreïn (BNA) montre le prince héritier et premier ministre de Bahreïn, Salman bin Hamad al-Khalifa (à droite), recevant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi à Manama, le 15 mai 2024, avant le 33e sommet de la Ligue arabe. (AFP).
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  • Les chefs d'Etat et de gouvernements de la région s'étaient déjà réunis en novembre à Ryad, en Arabie saoudite, lors d'un sommet d'urgence organisé conjointement avec l'Organisation de la coopération islamique
  • Ils avaient alors condamné l'offensive d'Israël, tout en s'abstenant d'énoncer des mesures économiques et politiques punitives à son encontre

MANAMA: Les dirigeants arabes se retrouvent jeudi à Manama, à Bahreïn, pour un sommet dominé par la guerre meurtrière entre Israël et le Hamas palestinien, qui ravage la bande de Gaza depuis plus de sept mois.

Certains d'entre eux sont arrivés dès mercredi soir dans la capitale du royaume du Golfe, où flottent les drapeaux des 22 pays membres de la Ligue arabe.

Les chefs d'Etat et de gouvernements de la région s'étaient déjà réunis en novembre à Ryad, en Arabie saoudite, lors d'un sommet d'urgence organisé conjointement avec l'Organisation de la coopération islamique (OCI).

Ils avaient alors condamné l'offensive d'Israël, tout en s'abstenant d'énoncer des mesures économiques et politiques punitives à son encontre, malgré la colère populaire dans un monde arabe et musulman acquis à la cause palestinienne.

Le sommet de Bahreïn pourrait être différent, dans un contexte plus favorable à l'idée d'une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien, prônée par les pays arabes, estime le professeur et analyste koweïtien Zafer Al-Ajmi.

L'opinion publique occidentale est devenue "plus encline à soutenir les Palestiniens et à lever l'injustice qui leur a été infligée au cours des 70 dernières années". Et Israël n'est pas parvenu à réaliser ses objectifs de guerre et s'enlise dans le conflit, affirme-t-il.

Depuis le sommet arabe de novembre, le bilan des morts dans le territoire palestinien assiégé et pilonné par l'armée israélienne depuis plus de sept mois est passé d'environ 11.000 à plus de plus de 35.000 morts.

Changement de « ton »

La guerre a débuté le 7 octobre après une attaque sans précédent du Hamas contre Israël, qui a fait plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Plus de 250 personnes ont été enlevées ce jour-là et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.

En riposte, Israël a promis d'anéantir le mouvement islamiste palestinien et dit vouloir aujourd’hui détruire ses derniers bataillons en menant une offensive d'envergure à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Une grande partie de la communauté internationale est opposée à une telle offensive dans une ville où s'entassent des centaines de milliers de déplacés.

Face à l'ampleur de la catastrophe humanitaire à Gaza, et l'enlisement des négociations en vue d'une trêve, "le ton (des pays) arabe a changé", affirme Zafer Al-Ajmi, estimant que la déclaration finale du sommet pourrait cette fois inclure des mesures "contraignantes".

Le message serait d'autant plus fort qu'il émanerait de Bahreïn, l'un des deux pays du Golfe, avec les Emirats arabes unis, à avoir normalisé ses relations avec Israël en 2022, ajoute-t-il.

Outre la question palestinienne, les dirigeants arabes devraient se pencher sur les autres conflits dans la région, au Soudan, en Libye, au Yémen et en Syrie, dont le président Bachar al-Assad sera présent, après avoir été longtemps boycotté par le royaume.

Les attaques des rebelles Houthis du Yémen contre les navires en mer Rouge et dans le Golfe d'Aden devraient également figurer au menu des discussions, indique le journaliste et analyste bahraini, Mahmeed al-Mahmeed.

Le pays hôte est membre de la coalition maritime mise en place par les Etats- Unis pour contrer les attaques que ces rebelles pro-iraniens disent mener en solidarité avec les Palestiniens de  la bande de Gaza.

"Ces voies maritimes vitales ne sont pas seulement importantes pour les pays de la région, mais aussi pour l’économie mondiale", souligne-t-il.


Les Palestiniens fuient Rafah, le Hamas est à Gaza « pour durer » dit son chef

La population menacée de famine et plusieurs fois déplacée depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, est de nouveau sur les routes à la recherche d'un nouveau refuge, même si "il n'y a pas d'endroit sûr à Gaza", selon l'ONU. (AFP).
La population menacée de famine et plusieurs fois déplacée depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, est de nouveau sur les routes à la recherche d'un nouveau refuge, même si "il n'y a pas d'endroit sûr à Gaza", selon l'ONU. (AFP).
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  • Les dirigeants de la Ligue arabe se retrouvent jeudi à Manama, à Bahreïn, pour un sommet dominé par la guerre à Gaza
  • Ils s'étaient déjà réunis en novembre en Arabie saoudite et avaient condamné l'offensive d'Israël, tout en s'abstenant d'énoncer contre lui des mesures économiques et politiques punitives

RAFAH: L'armée israélienne poursuit ses opérations dans le nord de la bande de Gaza et dans certains secteurs de Rafah, ville du sud de la bande de Gaza menacée d'une offensive israélienne d'envergure contre le mouvement islamiste palestinien Hamas qui est "là pour durer" selon son chef.

Les dirigeants de la Ligue arabe se retrouvent jeudi à Manama, à Bahreïn, pour un sommet dominé par la guerre à Gaza. Ils s'étaient déjà réunis en novembre en Arabie saoudite et avaient condamné l'offensive d'Israël, tout en s'abstenant d'énoncer contre lui des mesures économiques et politiques punitives.

Mercredi, le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh a affirmé que le mouvement islamiste, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 que Benjamin Netanyahu a promis d'anéantir, était "là pour durer" et qu'il déciderait avec d'autres factions palestiniennes de la gouvernance à Gaza après la guerre avec Israël.

Ismaïl Haniyeh a ajouté que l'issue des pourparlers sur un cessez-le-feu était incertaine car Israël "insiste pour occuper le point de passage de Rafah et amplifier son agression" dans le territoire palestinien.

La population menacée de famine et plusieurs fois déplacée depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, est de nouveau sur les routes à la recherche d'un nouveau refuge, même si "il n'y a pas d'endroit sûr à Gaza", selon l'ONU.

 


Le Niger, nouvel Eldorado des mercenaires proturcs de Syrie

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), un millier de combattants syriens venant des régions sous contrôle turc sont partis au Niger depuis un an. (AFP).
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), un millier de combattants syriens venant des régions sous contrôle turc sont partis au Niger depuis un an. (AFP).
Comme des centaines d'autres combattants proturcs, Omar a quitté le nord de la Syrie pour le Niger, acheminé dans ce nouvel Eldorado des mercenaires syriens par une société de conseil militaire privée turque. (AFP).
Comme des centaines d'autres combattants proturcs, Omar a quitté le nord de la Syrie pour le Niger, acheminé dans ce nouvel Eldorado des mercenaires syriens par une société de conseil militaire privée turque. (AFP).
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  • Depuis la Turquie, un avion militaire a transporté Omar et ses camarades au Burkina Faso, d'où ils ont été acheminés par la route vers le Niger, où le régime militaire est confronté à la violence jihadiste
  • Sa famille reçoit son salaire, sur lequel la faction proturque dont il fait partie prélève 350 dollars par mois

BEYROUTH: Comme des centaines d'autres combattants proturcs, Omar a quitté le nord de la Syrie pour le Niger, acheminé dans ce nouvel Eldorado des mercenaires syriens par une société de conseil militaire privée turque.

"Les conditions difficiles en Syrie m'ont poussé au départ", dit cet homme de 24 ans, joint au téléphone par l'AFP au Niger et qui a eu recours à un nom d'emprunt.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), un millier de combattants syriens venant des régions sous contrôle turc sont partis au Niger depuis un an pour y "protéger des intérêts et des projets turcs".

Certains n'en sont pas revenus, d'après cette ONG qui dénombre au moins neuf tués parmi ces mercenaires.

Dans les régions du nord de la Syrie contrôlée par la Turquie, où l'enrôlement au sein de factions pro-Ankara constitue le principal débouché selon Omar, son salaire mensuel ne dépassait pas les 46 dollars.

"Ici au Niger, on nous paye 1.500 dollars", ajoute le jeune homme, qui fait vivre sa mère et ses frères et soeurs: "J'espère pouvoir abandonner le combat à mon retour et ouvrir un petit commerce".

Omar faisait partie d'un premier groupe de plus de 200 combattants qui ont quitté le nord de la Syrie à la mi-août pour la Turquie.

Le jeune homme et deux autres combattants syriens proturcs joints par l'AFP ont indiqué s'être portés volontaires pour partir au Niger auprès du groupe Sultan Mourad, la principale faction proturque dans le nord de la Syrie.

Au quartier général du groupe, ils ont signé des contrats de six mois avec une société de conseil militaire privée turque, Sadat, qui protège des intérêts turcs, notamment des mines, au Niger.

Arme secrète

"Des officiers de Sadat sont entrés dans la pièce et nous avons signé le contrat avec eux", a témoigné pour sa part Ahmed (également un nom d'emprunt), qui se prépare à se rendre au Niger.

"Ils s'occupent de tout, des mesures de protection, des modalités de voyage...", ajoute l'homme de 30 ans.

Sadat est considérée comme l'arme secrète de la Turquie pour ses opérations extérieures, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, même si son chef l'a démenti lors d'un entretien avec l'AFP en 2021.

En 2020, un rapport du Département américain de la Défense affirmait que Sadat avait envoyé des équipes en Libye former des combattants syriens pour soutenir le gouvernement de Tripoli.

Le Centre syrien pour la justice et la responsabilité affirme que Sadat était également "responsable du transport aérien international de mercenaires" vers la Libye et l’Azerbaïdjan, en guerre contre l'Arménie, via la Turquie.

Interrogé par l'AFP, le ministère turc de la Défense a affirmé que "toutes ces allégations étaient fausses".

Présence discrète

Depuis la Turquie, un avion militaire a transporté Omar et ses camarades au Burkina Faso, d'où ils ont été acheminés par la route vers le Niger, où le régime militaire est confronté à la violence jihadiste.

Omar affirme avoir d'abord été chargé de protéger une position proche d'une mine, alors que d'autres de ses camarades ont été envoyés combattre le groupe armé Boko Haram ou chargés d'une mission à Lomé au Togo. Il n'a pas été précisé d'où venait les instructions qui leur ont été données.

Actuellement, Omar a achevé sa mission et se trouve dans une position proche de la frontière avec le Burkina Faso, où il attend impatiemment son rapatriement.

Sa famille reçoit son salaire, sur lequel la faction proturque dont il fait partie prélève 350 dollars par mois.

Ahmed, qui se prépare à partir, indique de son côté que sa mission au Niger consisterait, après avoir suivi un entraînement militaire, en des opérations de garde.

Le combattant, qui confond le Niger et le Nigéria, dit qu'il pourrait également prendre part à "des combats", sans savoir contre qui.

Ce père de trois enfants, qui porte les armes depuis 2014, a indiqué avoir déjà passé six mois en Libye, touchant plus de 2.000 dollars par mois.

La présence de ces mercenaires est très discrète, et tous les combattants qui se sont enrôlés ou qui se sont rendus au Niger ont parlé à l’AFP sous couvert d'anonymat pour des raisons de sécurité.

Influence accrue

La Turquie multiplie les initiatives en direction des régimes militaires du Sahel, et notamment du Niger, pays clé car situé à la frontière sud de la Libye, où Ankara est accusé d'avoir envoyé des milliers de mercenaires.

Le régime militaire du Niger, issu d'un coup d'Etat perpétré le 26 juillet 2023, a réorienté sa politique étrangère, dénonçant des accords de coopération militaire avec la France et les Etats-Unis, alors que la Russie avance ses pions dans ce pays.

Pour sa part, la Turquie a accru au cours de la dernière décennie son influence au Niger par le biais "de l'aide humanitaire, du développement et du commerce", explique Gabriella Körling, analyste à l’Agence suédoise de recherche pour la défense.

La TRT, la chaîne publique turque, a ainsi ouvert l'an dernier une chaîne en français destinée à l’Afrique.

"La composante défense de la relation entre le Niger et la Turquie est devenue plus importante avec la signature d'un accord de coopération militaire en 2020 et la vente de drones armés", ajoute-t-elle.

Pour l'analyste, le coup d'Etat de 2023 n'a pas affecté les relations diplomatiques, et le premier attaché militaire turc au Niger a été nommé en mars dernier, selon le ministère turc de la Défense.

Niamey, qui veut rompre avec les pays occidentaux, cite souvent la Turquie, la Russie et la Chine comme des "partenaires respectueux de la souveraineté du Niger", souligne Gabriella Körling.

Pour le directeur de l'OSDH Rami Abdel Rahmane, la Turquie "exploite" les combattants des zones sous son contrôle et la dégradation de leurs conditions de vie pour "les recruter comme mercenaires dans des opérations militaires qui servent ses intérêts" à l’étranger.

L’OSDH et d'autres ONG affirment également que la Turquie n’a pas toujours tenu ses promesses de paiement aux mercenaires envoyés à l’étranger.

Mohammad Abdallah, du Centre syrien pour la justice et la responsabilité, indique que son organisation a également documenté des "promesses d’octroi de la citoyenneté turque" à des mercenaires envoyés en Azerbaïdjan ou en Libye, qui n'ont jamais été tenues.

Ces missions au Niger ne sont pas sans risques: une cinquantaine de corps de combattants tués sont attendus en Syrie dans les prochains jours, selon une source au sein d’une faction dont les membres sont partis au Niger.

M. Abdel Rahmane évoque également ce nombre sans pouvoir le confirmer, indiquant que la mort de neuf Syriens a été avérée, dont les corps de quatre ont été rapatriés.

Abed, un père de quatre enfants qui fait partie d'une faction proturque, s'est enrôlé tout en étant conscient des risques.

"J'ai peur de mourir", dit cet homme de 30 ans, qui vit avec sa famille dans un camp de déplacés du nord de la Syrie.

"Mais je me console en me disant que je peux aussi mourir en Syrie. Mieux vaut mourir en touchant 1.500 dollars par mois, que 1.000 livres turques (30 dollars)", son salaire dans son pays.