«Polluants éternels»: au sud de Lyon, un territoire dans l'inquiétude

L'usine Arkema se dresse derrière le stade municipal de Brotillon à Pierre Benite près de Lyon, le 3 juin 2023. (Photo OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)
L'usine Arkema se dresse derrière le stade municipal de Brotillon à Pierre Benite près de Lyon, le 3 juin 2023. (Photo OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)
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Publié le Lundi 05 juin 2023

«Polluants éternels»: au sud de Lyon, un territoire dans l'inquiétude

  • En mai 2022, un documentaire sur France 2 révèle une importante pollution autour de la plate-forme industrielle de Pierre-Bénite, à l'entrée de la «vallée de la chimie»
  • Le reportage a en effet relevé des taux dépassant les normes indicatives dans l'eau potable du secteur, provenant des champs captants forés dans la nappe alluviale du Rhône en aval de Pierre-Bénite

PIERRE-BENITE: "Peut-on boire notre eau?", "que risquent nos enfants?". Un an après un documentaire alarmant sur des taux élevés de PFAS, des composants chimiques baptisés "polluants éternels" au sud de Lyon, les habitant s'inquiètent et exigent des réponses.

Ces substances per et polyfluoroalkylées massivement présentes dans la vie courante - emballages, cosmétiques, électronique... - sont ainsi surnommées, car très peu dégradables.

Bio-accumulables, elles sont soupçonnées pour certaines d'avoir un impact sur la santé (risques de cancer, diminution de la réponse immunitaire...) mais leur diffusion est mal surveillée et quantifiée.

En mai 2022, un documentaire sur France 2 révèle une importante pollution autour de la plate-forme industrielle de Pierre-Bénite, à l'entrée de la "vallée de la chimie", comme on l'appelle dans la région. Y est implantée sur 33 hectares une usine Arkema - qui en utilise pour la fabrication de polymères - et un site Daikin. L'air, le sol, les eaux du Rhône où ces composants sont rejetés: les PFAS sont partout.

Depuis, l'Etat a annoncé un plan visant à terme l'interdiction des PFAS. Localement, il a fait diligenter des études d'impact à Arkema, lui a prescrit l'arrêt de leur utilisation à fin 2024, et a fait surveiller les eaux d'alimentation et les denrées alimentaires. Avec deux recommandations principales à la clé: ne pas consommer le poisson pêché en aval de Pierre- Bénite et les oeufs de poulaillers des particuliers, dans 17 communes. Et la métropole de Lyon prépare le lancement d'une étude sanitaire et environnementale, dont une campagne de prise de sang - mais pas avant 2025.

Gymnase municipal de Ternay (Rhône), mercredi: 250 personnes sont venues écouter, trois heures durant, les services de l'Etat sur cet épineux dossier - qu'il ne faut "ni minimiser, ni exagérer", introduit le maire de cette commune de 5.400 habitants, Mattia Scotti.

La question de la consommation d'eau est sur toutes les lèvres. Le reportage a en effet relevé des taux dépassant les normes indicatives dans l'eau potable du secteur, provenant des champs captants forés dans la nappe alluviale du Rhône en aval de Pierre-Bénite.

«Cocktail de PFAS»

"Malgré cela, l'eau reste potable", affirme, sous les applaudissement moqueurs, un responsable de l'ARS. L'agence n'a pas recommandé de restriction, mais annonce un dispositif de traitements par l'exploitant Suez.

"C'est beaucoup d'incertitude, qu'attend-on pour protéger tout le monde!", "ma fille boit de l'eau du robinet tous les jours, avec son cocktail de PFAS!", s'insurgent des voix dans le public....

"C'est un sujet éminemment technique et compliqué, sur lequel la réglementation est en pleine évolution. Sur certains aspects, on est encore en phase quasi-exploratoire", résume, au micro, la préfète Vanina Nicoli.

Créateur du collectif Ozon l'eau saine, du nom de la rivière locale, Louis Delon, critique alors les "tours de passe-passe" des autorités, soulignant les "effets très inquiétants des PFAS sur la santé des enfants". Maraîcher bio et ancien chercheur au CNRS spécialiste des... PFAS, il a préféré effectuer lui-même des prélèvements d'eau, envoyés à un laboratoire canadien faisant référence. Les résultats sont attendus "pour le début de l'été".

Dans l'assistance, on se dit "victime d'un préjudice d'anxiété": sont présents certains des 36 plaignants personnes physiques, et 9 associations et syndicats, dont l'ONG environnementale Notre affaire à tous, qui ont saisi le tribunal judiciaire de Lyon dans le cadre d'un référé pénal environnemental, centré sur les problèmes sanitaires.

Ce référé permet à la justice de "prendre toute mesure utile, allant jusqu'à la fermeture d'un site" en cas de non respect du droit de l'environnement, explique l'avocate Louise Tschanz, qui l'a déposé. "Il y a un laxisme grave de la part de l'Etat et un espèce de banditisme sanitaire et environnemental d'Arkema. A minima, tout le monde savait depuis 2011 et un rapport de l'ANSES (Agence nationale de la sécurité sanitaire)", dénonce-t-elle.

«On nous a menti»

"A un moment, on nous a menti, en nous disant qu'il n'y avait pas de rejet dans l'air et les sols. L'industriel en premier lieu, mais que savait l'Etat?", s'interroge Jérôme Moroge, maire de Pierre-Bénite, depuis son bureau de l'Hôtel de ville, à moins de 400 m du site industriel ouvert en 1902 pour fournir en acide sulfurique les soyeux lyonnais. "Un lien de confiance s'est cassé avec Arkema."

Après une plainte contre X en 2022 pour "mise en danger de la vie d'autrui", le maire pourrait d'ici l'été, avec d'autres communes lancer une action collective sur la dépollution des sols. En filigrane: la question du financement de toutes les mesures à venir. A Ternay, le représentant de Suez a ainsi évoqué un investissement d'environ 4 millions d'euros pour une station de traitement...

Le maire réclame aussi une "étude d'imprégnation" sur la population. Il cite néanmoins les conclusion d'un diagnostic à venir de l'Observatoire régional de santé (ORS), sans rapport avec le dossier PFAS, montrant que "les gens ne sont pas plus malades ici qu'ailleurs".

Devant le stade qui jouxte le site Arkema, où des taux très élevés ont été relevés, Thierry Mounib, cuisinier à la retraite, dont le père a travaillé à l'usine, fait son calcul: "autour de chez moi, il y a 6 cancers dans 5 maisons. Qu'est-ce-que cela signifie...? Les enfants peuvent-ils jouer sans risque dans ce stade?"

Président de l'association "Bien vivre à Pierre-Bénite", il a été à ce titre "invité à de nombreuses réunions chez Arkema, mais on ne nous a rien dit pendant des années!". Lui aussi réclame des prises de sang sur la population.

Le temps des PFAS d'Arkema est cependant compté. Car d'ici fin 2024, selon un arrêté préfectoral, l'industriel devra avoir stoppé l'utilisation du 6:2 FTS. Une station de filtration installée en décembre en a déjà considérablement réduit les rejets. Elle était prévue "bien avant que ne sorte le reportage", assure le directeur Pierre Clousier.

Et de rappeler: "on a ciblé Arkema, mais on a toujours respecté la réglementation, nos produits utilisés ne sont pas interdits. On veut bien prendre notre part, mais on ne peut tout nous mettre sur le dos, tous les PFAS ne viennent pas de chez nous".


S&P dégrade la note de la France, avertissement au nouveau gouvernement

Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
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  • L’agence S&P a abaissé la note de la France à A+, invoquant une incertitude persistante sur les finances publiques malgré la présentation du budget 2026 et un déficit prévu à 5,4 % du PIB en 2025

PARIS: L'une des plus grandes agences de notation a adressé un avertissement au nouveau gouvernement Lecornu en dégradant la note de la France vendredi, invoquant une incertitude "élevée" sur les finances publiques en dépit de la présentation d'un budget pour 2026.

Moins d'une semaine après la formation de la nouvelle équipe gouvernementale et trois jours après la publication d'un projet de loi de finances (PLF) pour l'année prochaine, S&P Global Ratings a annoncé abaisser d'un cran sa note de la France à A+.

"Malgré la présentation cette semaine du projet de budget 2026, l'incertitude sur les finances publiques françaises demeure élevée", a affirmé l'agence, qui figure parmi les trois plus influentes avec Moody's et Fitch.

Réagissant à cette deuxième dégradation par S&P (anciennement Standard & Poors) en un an et demi, le ministre de l'Economie Roland Lescure a dit "(prendre) acte" de cette décision.

"Le gouvernement confirme sa détermination à tenir l'objectif de déficit de 5,4% du PIB pour 2025", a ajouté son ministère dans une déclaration transmise à l'AFP.

Selon S&P, si cet "objectif de déficit public de 5,4% du PIB en 2025 sera atteint", "en l'absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, l'assainissement budgétaire sur (son) horizon de prévision sera plus lent que prévu".

L'agence prévoit que "la dette publique brute atteindra 121% du PIB en 2028, contre 112% du PIB à la fin de l'année dernière", a-t-elle poursuivi dans un communiqué.

"En conséquence, nous avons abaissé nos notes souveraines non sollicitées de la France de AA-/A-1+ à A+/A-1", écrit-elle. Les perspectives sont stables.

"Pour 2026, le gouvernement a déposé mardi 14 octobre un projet de budget qui vise à accélérer la réduction du déficit public à 4,7% du PIB tout en préservant la croissance", a répondu le ministère de l'Economie.

"Il s'agit d'une étape clef qui nous permettra de respecter l'engagement de la France à ramener le déficit public sous 3% du PIB en 2029", a ajouté Bercy.

"Il est désormais de la responsabilité collective du gouvernement et du Parlement de parvenir à l'adoption d'un budget qui s'inscrit dans ce cadre, avant la fin de l'année 2025", selon la même source.

- "Plus grave instabilité" depuis 1958 -

Mais le gouvernement qui, à peine entré en fonctions, a échappé de peu cette semaine à la censure après une concession aux socialistes sur la réforme des retraites, va devoir composer avec une Assemblée nationale sans majorité lors de débats budgétaires qui s'annoncent houleux, alors même que le Premier ministre Sébastien Lecornu s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49.3 pour imposer son texte.

Cette nouvelle dégradation de la note de la France par S&P intervient avant une décision de Moody's attendue le 24 octobre. Elle a lieu un mois après que Fitch a elle aussi abaissé la note française à A+.

Les agences comme Fitch, Moody's et S&P Global Ratings classent la qualité de crédit des Etats - soit leur capacité à rembourser leur dette -, de AAA (la meilleure note) à D (défaut de paiement).

Les dégradations de note par les agences sont redoutées par les pays car elles peuvent se traduire par un alourdissement de leurs intérêts.

Ceux payés par la France sont estimés à environ 55 milliards d'euros en 2025, alors que depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, la dette française se négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande.

"La France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Cinquième République en 1958", a estimé S&P: "depuis mai 2022, le président Emmanuel Macron a dû composer avec deux Parlements sans majorité claire et une fragmentation politique de plus en plus forte".

Pour l'agence, "l'approche de l'élection présidentielle de 2027 jette un doute (...) sur la capacité réelle de la France à parvenir à son objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2029".

En tombant en A+ chez S&P, la France se retrouve au niveau de l'Espagne, du Japon, du Portugal et de la Chine.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.