La Grèce retourne aux urnes, la droite de Mitsotakis part favorite

Des gens passent devant l'affiche pré-électorale de Kyriakos Mitsotakis, chef du parti conservateur Nouvelle Démocratie, le 17 juin 2023. (AFP)
Des gens passent devant l'affiche pré-électorale de Kyriakos Mitsotakis, chef du parti conservateur Nouvelle Démocratie, le 17 juin 2023. (AFP)
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Publié le Dimanche 18 juin 2023

La Grèce retourne aux urnes, la droite de Mitsotakis part favorite

  • Le dirigeant des conservateurs de Nouvelle-Démocratie (ND), qui vise un second mandat à la tête du gouvernement, avait remporté une large victoire le 21 mai
  • Pour obtenir la majorité absolue, Kyriakos Mitsotakis parie sur un mode de scrutin différent des élections précédentes et qui accorde au parti vainqueur une prime de jusqu'à 50 sièges

ATHENES: Cinq semaines après un premier scrutin, la Grèce retourne aux urnes dimanche prochain pour des élections législatives à l'issue desquelles la droite de l'ancien Premier ministre Kyriakos Mitsotakis espère cette fois-ci décrocher la majorité absolue.

Le dirigeant des conservateurs de Nouvelle-Démocratie (ND), qui vise un second mandat à la tête du gouvernement, avait remporté une large victoire le 21 mai: 40,8% des suffrages, soit le double de son principal adversaire, la gauche de Syriza d'Alexis Tsipras.

Mais ce résultat, qu'il avait pourtant qualifié de "séisme politique", ne lui avait assuré que 146 des 300 sièges de députés. Or il lui en fallait 151 pour pouvoir former un gouvernement sans devoir nouer d'alliance.

Dans un pays où la culture politique est davantage tournée vers l'affrontement que vers la recherche de compromis, Kyriakos Mitsotakis avait exclu de former une coalition et réclamé de nouvelles élections.

Les autres quatre partis élus avaient fait de même, ouvrant la voie au scrutin du 25 juin et à la désignation d'un Premier ministre intérimaire en attendant.

Tout porte à croire que la ND devrait à nouveau largement l'emporter, créditée d'entre 39% et 43,9% des intentions de vote.

Syriza, qui a encaissé un revers cuisant en ne recueillant que 20% des suffrages le 21 mai, espère ne pas céder davantage de terrain. Les sondages lui accordent entre 19,2% et 20,9% des intentions de vote, suivi des socialistes Pasok-Kinal (environ 12%).

Pour obtenir la majorité absolue, Kyriakos Mitsotakis parie sur un mode de scrutin différent des élections précédentes et qui accorde au parti vainqueur une prime de jusqu'à 50 sièges.

Ce fils d'un ancien Premier ministre a brandi le spectre de troisièmes élections au coeur des vacances grecques, en août, s'il ne parvient pas à ses fins.

Ce que des médias et l'opposition ont dénoncé comme une tentative de "chantage" vis-à-vis des électeurs.

Deuxièmes élections législatives en Grèce : ce qu'il faut savoir

La Grèce tient de nouvelles élections législatives dimanche prochain, les secondes en cinq semaines qui devraient confirmer la victoire de l'ancien Premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotakis qui vise un deuxième mandat.

Voici ce qu'il faut savoir sur ce scrutin dans ce pays de 10,5 millions d'habitants :

 

Pourquoi ces nouvelles élections ? 

Lors des élections législatives du 21 mai, le parti conservateur Nouvelle-Démocratie (ND), emmené par Kyriakos Mitsotakis au pouvoir jusqu'à ce scrutin, a enregistré une large victoire (40,8%). Il a devancé de 20 points son principal adversaire, la gauche Syriza d'Alexis Tsipras.

Toutefois, avec 146 sièges de députés sur les 300 du Parlement monocaméral, la ND n'a pas décroché de majorité absolue comme elle le souhaitait pour former un gouvernement sans devoir trouver une alliance avec une autre formation.

De leur côté, les quatre autres partis élus - Syriza, les socialistes Pasok-Kinal, les communistes KKE ou les nationalistes de Solution grecque - n'ont pas non plus cherché à s'entendre pour former une coalition.

Devant ce constat d'échec, un gouvernement intérimaire a été nommé. Un nouveau scrutin a été convoqué pour le 25 juin.

 

le pari de la majorité absolue  

Kyriakos Mitsotakis parie sur le fait qu'il va cette fois-ci obtenir une majorité absolue grâce à un mode de scrutin différent des élections du 21 mai et qui accorde une "prime" pouvant aller jusqu'à 50 sièges au parti arrivé en tête.

La majorité des sondages prédisent une victoire confortable de la droite, créditée d'entre 39% et 43% des intentions de vote. Elle devrait de nouveau très largement devancer Syriza, qui pourrait réaliser un score de 18 à 22%.

Outre les cinq partis élus le 21 mai, deux autres partis pourraient faire leur entrée à la Vouli, selon les sondages: Cap sur la liberté (gauche nationaliste) fondé par une ancienne dissidente de Syriza et une petite formation xénophobe baptisée Victoire (Niki en grec).

 

- scenarii post-électoraux -

Durant cette seconde campagne électorale, Kyriakos Mitsotakis a agité l'épouvantail d'un éventuel troisième scrutin en août s'il n'obtient pas de majorité absolue.

L'obtention d'une large majorité absolue pour la ND dépend à la fois de son score et du nombre de partis qui entreront au parlement en franchissant la barre des 3% nécessaire pour siéger, soulignent les experts.

"Si la ND obtient (par exemple) 39% des voix et qu'il y a sept partis au Parlement, la droite aura à peine la majorité absolue, soit 151 sièges", explique à l'AFP Pinelopi Fountedaki, professeure du droit constitutionnel à l'Université Panteion d'Athènes.

Au cas d'absence de majorité absolue ou d'un nouvel échec pour former une coalition, le mandat du gouvernement intérimaire pourrait être prolongé en vue d'un troisième scrutin, selon Pinelopi Fountedaki.

 

Alexis Tsipras joue son va-tout 

Avec une chute de plus de 11 points par rapport aux élections de 2019, Syriza espère ne pas tomber en-dessous du seuil psychologique des 20%.

L'ancien Premier ministre Alexis Tsipras, qui incarnait l'espoir de la gauche radicale en Europe lors de son accession au pouvoir en 2015, n'a pas caché que la cuisante défaite de la gauche lors du premier scrutin avait constitué un choc douloureux.

Le leader de Syriza a même songé à démissionner, avant de se raviser car il estimait ne "pas avoir le droit d'abandonner la bataille".

Selon des experts, une nouvelle piètre performance de Syriza posera ouvertement la question de sa succession à la tête d'un parti qu'il dirige depuis 15 ans et qu'il a largement recentré à gauche ces dernières années.

"Le bilan final" sera établi à l'issue du scrutin du 25 juin, a assuré Alexis Tsipras.

la chute d'Alexis Tsipras ?

Pour l'ancien Premier ministre Alexis Tsipras (2015-2019), une nouvelle lourde défaite poserait avec plus d’acuité encore la question de son maintien à la tête d'un parti issu de la gauche radicale mais qu'il a largement recentré ces dernières années.

Après la douloureuse défaite du 21 mai, le quadragénaire pugnace n'a pas fait mystère du fait qu'il avait songé à jeter l'éponge. Avant de se raviser. "Je n'ai jamais reculé et je n'ai jamais déserté", a-t-il justifié.

En se détournant largement de Syriza, les Grecs ont montré qu'ils voulaient définitivement tourner la page des années d'âpre crise financière et de plans de sauvetage aux conditions drastiques qui les ont considérablement appauvris.

Durant cette courte seconde campagne, la déliquescence de certains services publics qui ont connu des coups de rabot depuis dix ans a occupé les débats.

Au moins deux personnes, dont une jeune fille de 19 ans enceinte, sont mortes ces dernières semaines en raison de l'arrivée tardive des secours due à un manque criant de moyens dans le secteur de la santé.

Alexis Tsipras a dénoncé le marasme des hôpitaux publics qui "s'effondrent".

Kyriakos Mitsotakis a promis l'embauche de médecins notamment sur les îles sous-équipées médicalement et où la population grossit l'été avec le flot de touristes.

lassitude

Dans cette campagne morne, les relations acrimonieuses avec la Turquie voisine et la politique migratoire sont revenues sur le devant de la scène.

La droite a dénoncé l'ingérence du consulat turc dans la circonscription de Rhodope en Thrace (nord-est) où vit une importante minorité musulmane de souche turque, la seule remportée par Syriza.

Le camp Mitsotakis a accusé la gauche d'avoir choisi pour la représenter un député proche de ce consulat turc.

La fin de la campagne a en outre été assombrie par le naufrage d'une embarcation de migrants qui a fait 78 morts et sans doute des centaines de disparus mercredi au large de la Grèce.

Un candidat conservateur a été exclu du parti après des propos racistes sur les migrants.

Par ailleurs, un petit parti xénophobe, proche de la frange conservatrice de l'église orthodoxe, Victoire ("Niki") et dont les médias dénoncent des relations avec la Russie pourrait faire son entrée au parlement.

Il avait créé la surprise le 21 mai avec 2,9% des voix et est désormais crédité de plus de 3% des intentions de vote, le seuil nécessaire pour siéger.

Grèce: Kyriakos Mitsotakis, un conservateur issu d'une dynastie politique

Kyriakos Mitsotakis, qui brigue un deuxième mandat à l'issue des élections législatives en Grèce dimanche prochain, est un conservateur libéral issu d'une longue lignée de responsables politiques et qui a mis en avant la relance de l'économie.

Vainqueur des élections le 21 mai, le dirigeant de Nouvelle-Démocratie (ND) a souhaité la tenue d'un second scrutin pour tenter cette fois-ci de décrocher une majorité absolue qui lui a échappé de peu il y a cinq semaines.

La victoire que lui prédisent les sondages lui permettra "la réalisation des changements qui vont améliorer la vie des citoyens", a promis cet homme de 55 ans, proche de Manfred Weber, le patron allemand du Parti populaire européen (PPE).

Kyriakos Mitsotakis, qui ne cesse de mettre en avant son bilan économique, a promis des augmentations de salaires, notamment pour les plus faibles revenus, principale préoccupation des Grecs qui subissent la cherté de la vie.

Relance économique

Son premier mandat a été marqué par la relance d'un économie encore en convalescente lorsqu'il accède au pouvoir en 2019 après les années de débâcle financière et de plans d'austérité drastiques.

A la tête d'un important patrimoine immobilier dont il a hérité, il a réduit l'imposition sur la grande propriété au cours de son premier mandat.

Issu d'une grande famille politique, ses opposants, en premier lieu le leader de la gauche Syriza Alexis Tsipras, lui reprochent son arrogance supposée.

Ces quatre dernières années, il a mené un tour de vis sécuritaire, marqué par le verrouillage des frontières, pour lutter contre ce qu'il considère comme une "invasion" de migrants depuis la Turquie voisine, et un renforcement du dispositif policier.

Son slogan électoral: "Une patrie en sécurité à l'intérieur et fière à l'étranger".

Mais son mandat a aussi été entaché de scandales, notamment l'un, retentissant, sur des écoutes illégales de personnalités politiques et de journalistes.

Refoulements de migrants

Il fait aussi face à des accusations récurrentes des ONG et médias sur des refoulements de migrants avant qu'ils aient pu pu présenter leur demande d'asile au sein de l'Union européenne.

Après que la Grèce a dégringolé dans le classement mondial de la liberté de la presse, il a balayé les critiques d'un revers de la main, affirmant que le baromètre de l'ONG Reporters sans frontières, référence mondiale, était de la "merde".

En février, il a été étrillé pour sa gestion jugée calamiteuse de la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts et suscité une importante vague de colère.

Cet homme aux cheveux poivre et sel, peu à l'aise dans les bains de foule, s'efforce de corriger son image en apparaissant en tenue décontractée dans ses déplacements de campagne: chemise blanche, sans cravate, ou blouson à capuche.

Omniprésent sur les réseaux sociaux, il a notamment mené campagne sur TikTok pour tenter de séduire la jeunesse ou en abordant dans des entretiens télévisés des thèmes encore peu présents dans la sphère publique en Grèce.

Issu d'une dynastie politique crétoise, Kyriakos Mitsotakis est le fils de l'ancien Premier ministre Konstantinos Mitsotakis (1990-1993).

Sa soeur fut notamment ministre des Affaires étrangères. L'un de ses neveux est l'actuel maire d'Athènes, un autre fut son proche conseiller avant d'être limogé sur fond du scandale des écoutes illégales l'été dernier.

Diplômé de l'université américaine Harvard, Kyriakos Mitsotakis a mené une carrière de conseiller financier à Londres, chez McKinsey notamment, avant de reprendre le flambeau politique familial.

Député ND pour la première fois en 2004, il est notamment désigné ministre de la Reforme de l'administration au pic de la crise grecque. Il procède alors à des réductions massives d'effectifs dans la fonction publique.

En 2016, un an après la défaite de son camp par la gauche d'Alexis Tsipras, il est élu dirigeant de la Nouvelle-Démocratie.

Au sein de sa formation, il rapproche alors l'aile nationaliste et le courant libéral qu'il représente.

Trois ans plus tard, il accède au pouvoir.


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.