Pakistan: 102 personnes jugées par des tribunaux militaires pour les violences du 9 mai

Des agents de sécurité munis de boucliers balistiques escortent l'ancien premier ministre pakistanais Imran Khan, à la Haute Cour d'Islamabad, le 8 juin 2023. (AFP).
Des agents de sécurité munis de boucliers balistiques escortent l'ancien premier ministre pakistanais Imran Khan, à la Haute Cour d'Islamabad, le 8 juin 2023. (AFP).
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Publié le Lundi 26 juin 2023

Pakistan: 102 personnes jugées par des tribunaux militaires pour les violences du 9 mai

  • L'arrestation de M. Khan dans une affaire de corruption le 9 mai à Islamabad avait déclenché des heurts violents entre ses supporteurs et les forces de l'ordre, qui avaient fait au moins neuf morts
  • Les manifestants pro-Khan avaient endommagé des édifices publics mais aussi, chose rare, des symboles militaires. Les autorités les ont accusés d'actes de terrorisme et avaient promis de les traduire devant des tribunaux militaires

ISLAMABAD : L'armée pakistanaise a annoncé lundi que plus de 100 personnes étaient jugées par des tribunaux militaires pour leur rôle dans les violences liées à l'arrestation le 9 mai de l'ex-Premier ministre Imran Khan, qui ont aussi valu à trois officiers d'être renvoyés.

L'arrestation de M. Khan dans une affaire de corruption le 9 mai à Islamabad avait déclenché des heurts violents entre ses supporteurs et les forces de l'ordre, qui avaient fait au moins neuf morts.

Elle avait ensuite été déclarée illégale par la Cour suprême et il avait été libéré sous caution trois jours plus tard.

Les manifestants pro-Khan avaient endommagé des édifices publics mais aussi, chose rare, des symboles militaires. Les autorités les ont accusés d'actes de terrorisme et avaient promis de les traduire devant des tribunaux militaires.

"102 mécréants sont jugés dans les tribunaux militaires déjà établis", a déclaré lundi le porte-parole de l'armée, le major-général Ahmed Sharif Chaudhry, en ajoutant que le processus était "en cours".

Les accusés ont "accès à des avocats civils" et ont le droit d'appel devant un tribunal civil et la Cour suprême, a-t-il précisé.

La décision des autorités de recourir aux tribunaux militaires a suscité de sévères critiques de la part des organisations de défense des droits humains.

Un tel processus est "incompatible avec les obligations du Pakistan au regard de la législation internationale sur les droits humains", avait notamment averti Amnesty International.

L'arrestation de M. Khan avait suscité la colère des partisans de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), en particulier à l'égard de l'armée, coupable à leurs yeux de l'avoir orchestrée.

L'armée, qui exerce une influence politique considérable au Pakistan où elle a assumé le pouvoir pendant plus de trois décennies, a aussi durement sanctionné certains officiers jugés coupables de laxisme durant ces trois jours de violences.

Trois officiers, dont un général, ont ainsi été renvoyés de l'armée pour avoir "échoué à maintenir la sécurité et l'inviolabilité" de certaines installations militaires, a précisé le porte-parole.

Campagne d'intimidation

"De strictes sanctions disciplinaires" ont aussi été prises contre 15 autres officiers, dont trois généraux, a-t-il ajouté.

Après avoir été évincé du pouvoir par une motion de censure en avril 2022, M. Khan avait émis des critiques sans précédent contre l'armée, qui l'avait appuyé en sous-main lors de son élection en 2018 avant de se détourner de lui.

Il avait notamment plusieurs fois accusé un officier supérieur d'avoir comploté pour l'assassiner en novembre lors d'un meeting électoral, où il avait été blessé par balle à une jambe.

Les critiques directes à l'encontre de l'armée sont rares, car considérées comme une ligne rouge à ne pas dépasser, au risque de se retrouver dans le viseur de l'appareil sécuritaire.

Les autorités ont répondu aux incidents de mai par une sévère répression à l'encontre du PTI. Des milliers de ses sympathisants et une vingtaine de ses hauts responsables, accusés d'incitation à la violence, ont été arrêtés.

Plusieurs de ces hauts responsables ont ensuite annoncé, dès leur libération, quitter le parti ou renoncer à la politique, laissant M. Khan de plus en plus isolé et marginalisé.

Les défenseurs des droits humains ont dénoncé une campagne d'intimidation contre toute voix critique à l'égard du gouvernement et de l'armée.

M. Khan est depuis mis en cause dans des dizaines d'affaires, dont certaines liées aux violences de mai, qui lui valent des comparutions quasi-quotidiennes devant la justice.

Il dénonce un harcèlement judiciaire destiné à l'écarter des prochaines élections, prévues d'ici octobre, pour lesquelles il était le grand favori avant ces événements.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.