Nahel: le policier inculpé pour homicide volontaire, marche blanche à Nanterre

Mounia (centre gauche), la mère de Nahel, un adolescent abattu par un policier, est assise sur un camion suivi par des participants lors d'une marche commémorative pour son fils, dans la banlieue parisienne de Nanterre, le 29 juin 2023. (Photo par Alain JOCARD / AFP)
Mounia (centre gauche), la mère de Nahel, un adolescent abattu par un policier, est assise sur un camion suivi par des participants lors d'une marche commémorative pour son fils, dans la banlieue parisienne de Nanterre, le 29 juin 2023. (Photo par Alain JOCARD / AFP)
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Publié le Jeudi 29 juin 2023

Nahel: le policier inculpé pour homicide volontaire, marche blanche à Nanterre

  • La mère de la victime, juchée sur une camionnette, portant un tee-shirt «Justice pour Nahel», a ouvert la manifestation, suivie de plusieurs milliers de participants regroupés derrière une banderole portant le même slogan
  • Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel

NANTERRE : Une information judiciaire a été ouverte jeudi pour homicide volontaire à l'encontre du policier auteur du coup de feu lors d'un contrôle routier ayant conduit à la mort de Nahel à Nanterre, où une marche blanche s'est élancée en début d'après-midi, après deux nuits de violences urbaines.

Le policier auteur du tir fatal contre l' adolescent de 17 ans, mardi près de Paris, a été inculpé jeudi pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, a annoncé le parquet.

"Le policier déféré ce jour dans le cadre d'une ouverture d'information judiciaire pour homicide volontaire a été mis en examen de ce chef et placé en détention provisoire", selon un communiqué de presse du parquet.

La marche en hommage au jeune homme de 17 ans est partie vers 14h00 de la cité Pablo Picasso, aux cris de «justice pour Nahel» et «plus jamais ça», ont constaté des journalistes de l'AFP.

La mère de la victime, juchée sur une camionnette, portant un tee-shirt «Justice pour Nahel», a ouvert la manifestation, suivie de plusieurs milliers de participants regroupés derrière une banderole portant le même slogan.

La marche s'est terminée dans la confusion avec des heurts, des échanges de tirs de gaz lacrymogène et de fusées d'artifice, quelques feux et du mobilier urbain détruit. Plusieurs voitures ont été incendiées, a constaté l'AFP.

Dans la matinée, le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache, a annoncé que le policier, un motard âgé de 38 ans, devait être présenté dans la journée à deux magistrats instructeurs en vue de sa mise en examen.

«Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme ne sont pas réunies», a souligné le magistrat lors d'une conférence de presse. Il a requis le placement en détention du policier, un choix rarissime dans ce genre d'affaire.

«Nous déplorons que le procureur occulte la possible complicité d'homicide volontaire du second policier et les possibles faux en écritures publiques résultant des déclarations mensongères initiales du tireur, qui avait formellement affirmé que le jeune Nahel avait tenté de lui foncer dessus avec le véhicule», a indiqué l'un des avocats de la famille, Me Yassine Bouzrou, dans un communiqué.

Une vidéo, authentifiée par l'AFP, a montré qu'un des deux policiers tenait Nahel en joue, puis a tiré à bout portant. Le jeune conducteur est décédé peu de temps après avoir été atteint au thorax.

Un des deux passagers du véhicule est toujours recherché.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé au préfet de police la suspension administrative du policier.

La mort du mineur a été suivie d'une flambée de violences, notamment en Île-de-France, qui sont montées d'un cran dans la nuit de mercredi à jeudi.

Devant les façades de mairies noircies par les flammes, les nombreuses carcasses calcinées de voitures et l'odeur de brûlé qui flottait au petit matin dans de nombreuses villes de France, Emmanuel Macron a dénoncé «des scènes de violences» contre «les institutions et la République» qui sont «injustifiables».

Pour tenter d'éviter la réédition des émeutes de novembre 2005 dans les quartiers populaires, le président a convoqué dans la matinée une cellule interministérielle de crise. Les déplacements non prioritaires des ministres prévus jeudi ont été reportés.

Pour la seule nuit dernière, 180 personnes ont été interpellées, 170 policiers et gendarmes blessés, et plusieurs bâtiments publics «incendiés ou attaqués», selon le ministère de l'Intérieur.

- «Eviter toute escalade» -

«J'appelle vraiment à un retour au calme, le plus rapidement possible», a plaidé Benoit Jimenez, maire de Garges-lès-Gonesse, où l'hôtel de ville a été incendié. La Première ministre Elisabeth Borne y a appelé à «éviter toute escalade».

Des écoles ont également été visées, comme à Tourcoing, Evreux (Eure) ou encore Halluin (Nord), et des commissariats à Rouen, Elbeuf (Seine-Maritime) et Trappes (Yvelines) pour ne citer qu'eux. A Amiens, une médiathèque a été «complètement détruite» par le feu.

«Il faut que tout cela cesse», a déclaré le garde des Sceaux, qui s'est rendu à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), attaquée au mortier d'artifice par des personnes encagoulées. «Tous ceux qui de façon irresponsable (...) crachent sur la police et sur la justice sont aussi les complices moraux des exactions qui sont commises», a par ailleurs critiqué Eric Dupond-Moretti.

A Nanterre, dans le quartier populaire Pablo-Picasso en particulier, les heurts ont duré jusqu'au milieu de la nuit, avec des jets de pavés, des cris «à mort les keufs!» et des tags «justice pour Nahel», auxquels les forces de l'ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène.

Dans le département de Seine-Saint-Denis voisin, des sources policières ont fait état de feux multiples de voitures et magasins, de pillages, de commissariats attaqués, de mairies dégradées, d'une médiathèque incendiée...

Des incidents ont été déplorés également dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine mais aussi ailleurs en France, à Lyon, Roubaix, Amiens et Nice, Dijon et Toulouse.

- Renforcement du déploiement policier -

Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel, mineur de 17 ans connu pour des refus d'obtempérer. Le précédent lui avait valu une présentation au parquet dimanche dernier, en vue d'une convocation en septembre prochain devant un tribunal pour enfants.

L'affaire a relancé la controverse sur l'action des forces de l'ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers.

Jeudi, des voix s'élevaient à droite pour réclamer l'état d'urgence, à l'instar du président des Républicains Eric Ciotti, qui souhaite que soient instaurées «sans délai» ces mesures d'exception qui avaient été utilisées en novembre 2005 après 10 jours d'émeutes dans les banlieues.

«Je crois qu'on peut mobiliser énormément de moyens (...) sans qu'on ait besoin de recourir à des articles particuliers de la Constitution», a réagi Gérald Darmanin, qui annonce un déploiement sécuritaire plus important pour jeudi soir: 40.000 policiers et gendarmes mobilisés, dont 5.000 à Paris (contre 2.000 la nuit passée).

Le gouvernement prévoit aussi un «changement de doctrine, plus offensive» dans la réponse aux émeutes, selon une source policière.

Ce que l'on sait des circonstances du drame et de l'enquête

Nahel, 17 ans, a été tué par un tir de police mardi à Nanterre lors d'un contrôle routier. Voici ce que l'on sait des circonstances de ce drame et des investigations menées dans ce dossier, confiées jeudi à deux juges d'instruction.

Le déroulé des faits:

Deux motards de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine viennent de prendre leur service mardi quand ils remarquent vers 7H55, boulevard Jacques-Germain Soufflot à Nanterre, derrière le quartier d'affaires de la Défense, une Mercedes jaune immatriculée en Pologne, a détaillé jeudi le procureur de Nanterre, Pascal Prache.

La "vive allure" du véhicule sur une voie de bus et "le jeune âge apparent des passagers du conducteur" intriguent les policiers, qui tentent une première fois de procéder à un contrôle. Ils activent leur gyrophare, se portent à hauteur du véhicule à un feu rouge et lui demandent de stationner.

La voiture redémarre, grille le feu et continue de rouler près de la station de RER Nanterre-Préfecture, les deux policiers à ses trousses, avant d'être coincée dans les bouchons.

Les deux policiers ont alors mis pied à terre et "crié au conducteur de s'arrêter" en se positionnant "sur le côté gauche" de la voiture, "l'un au niveau de la portière du conducteur, l'autre près de l'aile avant gauche", selon le procureur.

Ils disent "avoir tous deux sorti leurs armes et les avoir pointées sur le conducteur pour le dissuader de redémarrer en lui demandant de couper le contact".

Quand la voiture redémarre, un des policiers tire à bout portant et le véhicule finit sa course dans un élément de mobilier urbain. Il est 8h19.

Les premiers secours prodigués par le policier auteur du tir ne permettront pas de sauver Nahel, pas plus que les tentatives des sapeurs-pompiers. Le décès est constaté à 9h15. Il est dû, selon l'autopsie, à une balle qui a traversé le bras gauche et le thorax de la victime de gauche à droite.

Les protagonistes

Le policier qui a reconnu être l'auteur du coup de feu est un motard âgé de 38 ans. Les analyses toxicologiques et de dépistage d'alcoolémie se sont avérées négatives.

Le conducteur, Nahel, avait 17 ans. Il était élevé seul par sa mère, assure cette dernière. Il fréquentait régulièrement le centre de loisirs du quartier du Vieux-Pont, selon une Nanterrienne interrogée par l'AFP.

Né en 2006, il était connu pour des faits de refus d'obtempérer, les derniers ayant donné lieu à sa présentation au parquet dimanche dernier, en vue d'une convocation en septembre prochain devant un tribunal pour enfants.

A bord de la Mercedes, aucun objet dangereux ni produit stupéfiant n'a été découvert.

Deux passagers se trouvaient dans la Mercedes: un à l'avant, qui a pris la fuite, et un autre à l'arrière, entendu par les enquêteurs et dont la garde à vue a été levée mardi après-midi.

Deux enquêtes puis une information judiciaire ouvertes

Deux enquêtes ont été ouvertes mardi par le parquet de Nanterre.

L'une, pour refus d'obtempérer et pour tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique, a été confiée au commissariat de Nanterre et à la sûreté territoriale des Hauts-de-Seine.

L'autre, pour homicide volontaire par dépositaire de l'ordre public, a été menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices".

Les enquêteurs ont épluché les images de vidéosurveillance et celles amateurs diffusées sur les réseaux sociaux, et ont interrogé à plusieurs reprises les policiers, y compris dans le cas d'une confrontation.

A ce stade, selon le procureur, "l'exploitation des vidéos confirme les déclarations des policiers sur le parcours du véhicule et le refus d'obtempérer".

Pour le reste, une information judiciaire pour homicide volontaire a été ouverte visant le policier auteur du coup de feu, qui avait été placé en garde à vue mardi.

"Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme n'étaient pas réunies", a expliqué Pascal Prache. "Au regard des faits et de la nécessité de préserver les investigations", le procureur a requis le placement en détention provisoire de l'auteur du tir.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé au préfet de police la suspension administrative de ce policier.

La version policière selon laquelle l'adolescent aurait foncé sur le motard a été infirmée par une vidéo du drame circulant sur les réseaux sociaux. On y entend distinctement "tu vas te prendre une balle dans la tête", sans que l'on puisse attribuer cette phrase à quelqu'un en particulier.

Les avocats de la famille de Nahel ont indiqué avoir déposé plainte jeudi pour homicide volontaire et pour faux en écriture publique, et demandé le dépaysement de l'enquête.

Refus d'obtempérer: Bernard Cazeneuve réfute que la loi soit un «permis de tuer»

L'ancien Premier ministre socialiste et ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a réfuté jeudi auprès de l'AFP que la loi modifiant les règles d'usage de leur arme de service par les policiers, qu'il a fait adopter en 2017, soit une loi «permis de tuer», comme l'affirme Jean-Luc Mélenchon.

«Ce texte n'est pas du tout un texte qui dit aux policiers +vous pouvez tirer+», a affirmé M. Cazeneuve, alors que certains accusent l'application de cette loi d'être la cause du tir du policier qui a tué un jeune automobiliste de 17 ans à Nanterre, qui refusait d'obtempérer à un contrôle.

«Ce n'est pas la loi +permis de tuer+», a-t-il insisté. «C'est un texte qui dit : +vous ne pouvez tirer que lorsque vous êtes en situation de légitime défense+. Hors le cadre de la légitime défense, l'utilisation de la force non proportionnée et aboutissant à des drames peut faire l'objet d'une condamnation pénale des policiers», a-t-il précisé.

«Si on trouve un alinéa qui permet de légitimer ce qui a pu se passer à Nanterre, vous me dites quel alinéa. Le permis de tuer, il est où dans ce texte ?», a-t-il demandé, assurant que selon cette loi, «quelqu'un qui part avec un véhicule et qui ne menace personne de mort avec son véhicule, ne peut pas se voir tirer dessus».

«Extrêmement choqué» par les images de Nanterre, M. Cazeneuve exprime toute sa «solidarité» à la famille de la victime, appelant aussi «au calme et à l'esprit de responsabilité».

Mais «quand il y a une tragédie de cette nature, le seul devoir d'un républicain c'est de dire la vérité et de rappeler les faits, pas d'instrumentaliser des drames, en essayant d'attiser le feu qui couve», remarque-t-il.

L'ancien Premier ministre rappelle aussi que «cette loi a été adoptée dans des circonstances particulières, celles des attentats terroristes de 2015 et 2016, où la question se posait de savoir comment des policiers pouvaient interrompre le périple meurtrier d'un terroriste».

Il explique notamment qu'à l'issue d'un groupe de travail parlementaire, «nous avions décidé non pas d'ajouter des dispositions nouvelles en droit mais de transcrire dans la loi, à droit constant, ce que la jurisprudence avait déjà arrêté de dispositions» sur la légitime défense.

Alors que La France insoumise a déposé une proposition de loi pour «abroger l’article 435-1» du code de la sécurité intérieure portant sur cette légitime défense, Bernard Cazeneuve n'est «jamais défavorable à ce qu'on révise un texte de loi, si c'est nécessaire, mais faisons-le de façon rationnelle. Regardons ce qui dans ce texte peut éventuellement poser problème», dit-il.


Décès de Jean-Claude Gaudin, longtemps maire et incarnation de Marseille

Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pose lors d'une séance photo dans son bureau de Marseille, dans le sud de la France, le 12 octobre 2017 (Photo, AFP).
Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pose lors d'une séance photo dans son bureau de Marseille, dans le sud de la France, le 12 octobre 2017 (Photo, AFP).
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  • S'il a incarné cette cité méditerranéenne, ses dernières années de mandat ont été critiquées
  • Sa dépouille sera ramenée ultérieurement à Marseille, où la population pourra lui rendre un hommage avant son inhumation à une date encore à déterminer au cimetière de Mazargues

MARSEILLE: Jean-Claude Gaudin, ancien maire de Marseille, la deuxième ville de France qu'il a incarnée et dirigée pendant 25 ans, et longtemps figure de la vie politique à droite, est décédé dimanche à l'âge de 84 ans.

"Jean-Claude Gaudin n'est plus. Il était Marseille faite homme. De sa ville, sa passion, il avait l'accent, la fièvre, la fraternité. Pour elle, cet enfant de Mazargues (quartier du sud de Marseille, ndlr) s'était hissé aux plus hauts postes de la République qu'il a servie. Je pense à ses proches et aux Marseillais", a écrit le président Emmanuel Macron sur le réseau social X.

L'ancien maire a été victime d'un arrêt cardiaque dans la matinée dans sa résidence secondaire varoise de Saint-Zacharie et n'a pu être ranimé par les pompiers, a indiqué à l'AFP une source de son entourage, précisant que Jean-Claude Gaudin était "fatigué" mais que "rien ne laissait présager" son décès soudain.

Sa dépouille sera ramenée ultérieurement à Marseille, où la population pourra lui rendre un hommage avant son inhumation à une date encore à déterminer au cimetière de Mazargues, a précisé cette source.

Les drapeaux de la mairie centrale de Marseille, sur l'emblématique Vieux-Port, ont été mis en berne, a constaté une journaliste de l'AFP.

Ancien sénateur, député et ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ville et de l'Intégration sous Jacques Chirac entre 1995 et 1997, Jean-Claude Gaudin a surtout été maire de Marseille, la ville où il est né, de 1995 à 2020.

S'il a incarné cette cité méditerranéenne, ses dernières années de mandat ont été critiquées pour leur "immobilisme" par ses adversaires, et même certains alliés, et marquées par la tragédie de la rue d'Aubagne, le 5 novembre 2018. Deux immeubles insalubres d'un quartier populaire du centre - dont un propriété de la Ville - s'effondrent. Huit personnes meurent ensevelies.

L'onde de choc révèle l'ampleur du logement indigne dans une ville où 40.000 personnes vivent dans des taudis. Les associations accusent la mairie d'avoir ignoré les alertes. Dans la foulée, des milliers de personnes sont évacuées de logements déclarés en "péril imminent".

"Ça me hante chaque jour, en 24 ans je n'ai jamais connu un drame pareil", avait confié à l'AFP Jean-Claude Gaudin.

«Sa trace restera»

Deux ans plus tard, alors que ses héritiers potentiels à droite étaient divisés, certains ayant rejoint Emmanuel Macron, une coalition gauche-écologistes-société civile remportait la mairie après des élections municipales à rebondissements.

L'actuel maire divers gauche, Benoît Payan, qui ne ménageait pas ses critiques dans l'opposition et a souvent assuré avoir récupéré avec ses équipes une ville dans un état "lamentable", lui a rendu hommage sur X: "Jean-Claude Gaudin paraissait insubmersible. Son départ me peine infiniment. A celui qui aimait tellement Marseille, son histoire et ses habitants, je veux rendre un hommage ému et sincère. Il manquera à cette ville. Sa trace restera."

"Jean-Claude Gaudin était comme un père pour moi, tout le monde le sait mais je veux l'écrire. Un grand homme d'État, un inoubliable maire de Marseille dans notre Histoire bimillénaire, et surtout un homme avec un cœur énorme", a réagi de son côté sur X Martine Vassal, son "héritière" présomptive et malheureuse pour la mairie au 2020, aujourd'hui présidente de droite du département et de la métropole Aix-Marseille-Provence.

"Il a servi cette ville et a su l'incarner, avec un talent exceptionnel. Il a aussi servi la France, son pays, et il fut un grand maire. Il laissera une trace indélébile," a réagi le président le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier (Renaissance), qui fut son premier adjoint pendant plus de 10 ans et avait un temps espéré lui succéder à la mairie.

Le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, a salué, "derrière cette vie consacrée à la chose publique (...) l'homme de coeur et l'amoureux de sa chère ville de Marseille". Catholique affiché, Jean-Claude Gaudin avait assisté aux premières loges à la visite du pape François en septembre dans la cité phocéenne, souvent aux côtés de M. Payan et du cardinal Aveline, qui le qualifie dans son hommage "d'ami toujours fidèle".

Le président des LR Eric Ciotti a salué un homme qui "aimait Marseille plus que tout". "J'aimais sa gouaille. J'admirais son courage. J'écoutais ses conseils. Je suis fier d’avoir travaillé à ses côtés. Ma peine est immense, je perds un ami".


La Nouvelle-Calédonie toujours en proie aux blocages avant un Conseil de défense à Paris

Samedi, le gouvernement néo-calédonien a estimé à 3.200 le nombre de personnes bloquées, qui ne peuvent ni quitter ni rejoindre l'archipel. (AFP).
Samedi, le gouvernement néo-calédonien a estimé à 3.200 le nombre de personnes bloquées, qui ne peuvent ni quitter ni rejoindre l'archipel. (AFP).
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  • Les blocages de routes persistent en Nouvelle-Calédonie, malgré les moyens engagés par l'Etat français pour rétablir la circulation dans son territoire du Pacifique Sud, avant un nouveau Conseil de défense convoqué lundi à Paris
  • Permettre la circulation sur la voie express puis la route qui mène vers cet aéroport est le premier objectif des autorités françaises.

NOUMEA: Les blocages de routes persistent en Nouvelle-Calédonie, malgré les moyens engagés par l'Etat français pour rétablir la circulation dans son territoire du Pacifique Sud, avant un nouveau Conseil de défense convoqué lundi à Paris par le président Emmanuel Macron.

Permettre la circulation sur la voie express puis la route qui mène vers cet aéroport est le premier objectif des autorités françaises.

"La situation est vraiment préoccupante", a déclaré lundi le chef du gouvernement australien Anthony Albanese à la télévision ABC.

De même que la Nouvelle-Zélande, Canberra a demandé durant le week-end à pouvoir poser des avions afin de pouvoir rapatrier ses concitoyens, alors que l'aéroport est toujours fermé aux vols commerciaux.

Samedi, le gouvernement néo-calédonien a estimé à 3.200 le nombre de personnes bloquées, qui ne peuvent ni quitter ni rejoindre l'archipel.

Après une semaine d'émeutes et un bilan de six morts, aucune issue proche à la crise sécuritaire et politique ne semble se dessiner lundi, jour férié. En cause, une réforme du corps électoral contestée par les représentants du peuple autochtone kanak qui redoutent une réduction de leur poids.

Malgré une vaste opération des forces de l'ordre lancée dimanche, les voies de communication restent bloquées lundi là où les émeutiers ont installé leurs barrages, notamment dans l'agglomération de Nouméa et sur la route d'une cinquantaine de kilomètres qui mène à l'aéroport international.

« On a remis le barrage »

A la sortie de Nouméa, la chaussée du début de la voie express est impraticable, le bitume ayant fondu après l'incendie de nombreux véhicules, a constaté une journaliste de l'AFP. Ailleurs, la route reste encombrée à de nombreux endroits de carcasses de voitures brûlées, ferraille et bois entassés.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, s'est pourtant félicité lundi du "succès" du début d'une vaste opération de la gendarmerie contre les barrages sur cette route, lancée à l'aube dimanche, faisant état de "76 barrages neutralisés".

D'autres actions des unités d'élite de la police et de la gendarmerie ont été annoncées dans des zones considérées par les autorités comme des "points durs", dans les villes de Nouméa, Dumbéa et Païta notamment.

Dans la nuit de dimanche à lundi, des bruits de grenades de désencerclement, utilisées par les forces de l'ordre pour disperser les émeutiers, ainsi que des cris évoquant des affrontements ont été entendus dans le quartier d'Auteuil à Dumbéa, dans l'agglomération de Nouméa, selon un correspondant de l'AFP.

Et dans la "capitale" calédonienne, des détonations importantes ont résonné dans les quartiers de Magenta et Tuband, selon une autre journaliste de l'AFP.

Lundi matin, la zone industrielle où se trouve la Société du nickel, dans le quartier de Montagne coupée à Nouméa, a vu l'incendie d'un entrepôt dont se dégageait une épaisse fumée noire.

Les gendarmes "sont passés, ils ont déblayé, et nous, on est restés sur le côté", a confié dimanche à l'AFP Jean-Charles, la cinquantaine, tête enturbannée d'un foulard et drapeau kanak à la main à La Tamoa, à quelques kilomètres de l'aéroport. "Une fois qu'ils sont passés, on a remis le barrage".

Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne), dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois Kanak (autochtones), dans l'agglomération de Nouméa.

Risque d'«escalade»

Les forces de l'ordre estiment le nombre d'émeutiers entre 3.000 et 5.000.

"Nous restons dans une démarche pacifique", a indiqué dans un communiqué lundi la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par les autorités d'attiser les violences.

La CCAT se défend en indiquant qu'elle a seulement appelé à des barrages "filtrants", qui laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, et en arrêtent d'autres.

La maire de Nouméa, Sonia Lagarde, a appelé lundi à la retenue. "Moi j'ai peur qu'on ne franchisse une escalade supplémentaire, parce que s'il commence à y avoir des tirs ça veut dire que les gens bien sûr, on le sait, sont armés", a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV.

Pour le Haut-commissaire de la République, les dégâts contre les infrastructures (écoles, pharmacies, commerces...) pénalisent lourdement la population. "On commence à manquer de nourriture", a-t-il prévenu dimanche.

Couvre-feu 

Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00, l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool et le bannissement de l'application TikTok.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux scrutins provinciaux de Nouvelle-Calédonie, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Elle a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d'ici là.

Signe d'une situation qui pourrait durer, le passage de la flamme olympique des JO de Paris, prévu le 11 juin sur l'île, a été annulé.

Le territoire du Pacifique Sud est stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie-Pacifique et de par ses riches ressources en nickel, minerai indispensable à la fabrication des véhicules électriques notamment.


Vaste opération des forces de l'ordre en Nouvelle-Calédonie, après six morts dans des émeutes

Une rue bloquée par des débris et des objets brûlés est visible après les troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024.  (Photo Delphine Mayeur / AFP)
Une rue bloquée par des débris et des objets brûlés est visible après les troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur / AFP)
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  • Cette opération «avec plus de 600 gendarmes» vise «à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport», a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un message sur X
  • Sur la route vers l’aéroport, des indépendantistes filtraient toujours le passage par de très nombreux barrages faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentaient

NOUMÉA, France : L'Etat français a lancé dimanche une vaste opération des forces de l'ordre dans son archipel du Pacifique Sud de Nouvelle-Calédonie pour dégager la route vers l'aéroport, après six morts en six jours d'émeutes contre une réforme électorale.

Cette opération «avec plus de 600 gendarmes» vise «à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport», a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un message sur X.

Une urgence pour les autorités, d'autant que la Nouvelle-Zélande a annoncé dimanche avoir demandé à la France de pouvoir poser des avions, afin de rapatrier ses ressortissants.

«Nous sommes prêts à décoller, et attendons l'autorisation des autorités françaises pour savoir quand ces vols pourront avoir lieu en toute sécurité», a indiqué dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères, Winston Peters.

En l'absence de vols depuis et vers la Nouvelle-Calédonie, suspendus depuis mardi, le gouvernement de l'archipel estimait samedi que 3.200 personnes étaient bloquées, soit parce qu'elles ne pouvaient pas quitter l'archipel, soit parce qu'elles ne pouvaient pas le rejoindre.

- Plus de 3.000 personnes bloquées -

Pour déblayer la route vers l'aéroport, un convoi constitué notamment de blindés et d'engins de chantier à quitté Nouméa, dans un premier temps vers Païta.

Mais des journalistes de l'AFP ont constaté que dimanche à la mi-journée, à Nouméa et dans les communes avoisinantes, des indépendantistes filtraient toujours le passage par de très nombreux barrages faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentaient.

«On est prêt à aller jusqu’au bout, sinon à quoi bon?», a dit un manifestant à l'AFP sur un barrage à Tamoa.

Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi après-midi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois civils kanaks, dans l'agglomération de Nouméa.

Dans un communiqué dimanche matin, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a fait cependant état d'une nuit «plus calme», soulignant que l'Etat se mobilisait.

«Au total, 230 émeutiers ont été interpellés» en près d'une semaine, a-t-il précisé.

Reprendre le contrôle par la force devrait être un travail de longue haleine pour les forces de l'ordre. La violence dans certains quartiers chaque nuit montre que les émeutiers restent très déterminés.

«La réalité c'est qu'il y a (...) des zones de non-droit (...) qui sont tenues par des bandes armées, des bandes indépendantistes, de la CCAT. Et dans ces endroits, ils détruisent tout», affirmait samedi sur BFMTV le vice-président de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Blaise.

La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) est une organisation indépendantiste radicale accusée d'inciter à la plus grande violence.

- «Ingérences» -

Nouvel exemple des troubles dans la nuit de samedi à dimanche: d'après la chaîne de télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, la médiathèque du quartier de Rivière salée à Nouméa a été incendiée.

Interrogée par l'AFP, la mairie de Nouméa a répondu dimanche matin n'avoir «aucun moyen pour le moment de le vérifier, le quartier étant inaccessible».

La maire de Nouméa, Sonia Lagarde (Renaissance), estimait samedi sur BFMTV que la situation était «loin d'un retour à l'apaisement». «Est-ce qu'on peut dire qu'on est dans une ville assiégée? Oui, je pense qu'on peut le dire», ajoutait-elle.

Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18H00 et 6H00 (7H00 et 19H00 GMT), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool, et le bannissement de l'application TikTok.

Signe d'une situation qui pourrait durer, le passage de la flamme olympique en Nouvelle-Calédonie prévu le 11 juin a été annulé.

Pour la population, se déplacer, acheter des produits de première nécessité et se soigner devient plus difficile chaque jour. De moins en moins de commerces réussissent à ouvrir, et les nombreux obstacles à la circulation compliquent de plus en plus la logistique pour les approvisionner, surtout dans les quartiers les plus défavorisés.

Dimanche matin, la province Sud, qui regroupe près des deux tiers de la population, a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées dans la semaine.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak, qui redoutent une réduction de leur poids électoral.

Sans faire de lien direct avec les violences, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a accusé l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie, Bakou dénonçant des accusations «infondées».

Le sénateur français Claude Malhuret, rapporteur d'une commission d'enquête sur TikTok, interdit sur l'archipel en raison des émeutes, a lui estimé qu'il fallait plus craindre «des ingérences de la Chine» qui «veut être dans son pré carré en mer de Chine mais également prépondérante dans le Pacifique». «Elle a besoin de nickel pour produire ses batteries», a-t-il expliqué dans un entretien à l'AFP, en référence au minerai brut dont l'archipel détient 20 à 30% des ressources mondiales.