Nahel: le policier inculpé pour homicide volontaire, marche blanche à Nanterre

Mounia (centre gauche), la mère de Nahel, un adolescent abattu par un policier, est assise sur un camion suivi par des participants lors d'une marche commémorative pour son fils, dans la banlieue parisienne de Nanterre, le 29 juin 2023. (Photo par Alain JOCARD / AFP)
Mounia (centre gauche), la mère de Nahel, un adolescent abattu par un policier, est assise sur un camion suivi par des participants lors d'une marche commémorative pour son fils, dans la banlieue parisienne de Nanterre, le 29 juin 2023. (Photo par Alain JOCARD / AFP)
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Publié le Jeudi 29 juin 2023

Nahel: le policier inculpé pour homicide volontaire, marche blanche à Nanterre

  • La mère de la victime, juchée sur une camionnette, portant un tee-shirt «Justice pour Nahel», a ouvert la manifestation, suivie de plusieurs milliers de participants regroupés derrière une banderole portant le même slogan
  • Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel

NANTERRE : Une information judiciaire a été ouverte jeudi pour homicide volontaire à l'encontre du policier auteur du coup de feu lors d'un contrôle routier ayant conduit à la mort de Nahel à Nanterre, où une marche blanche s'est élancée en début d'après-midi, après deux nuits de violences urbaines.

Le policier auteur du tir fatal contre l' adolescent de 17 ans, mardi près de Paris, a été inculpé jeudi pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, a annoncé le parquet.

"Le policier déféré ce jour dans le cadre d'une ouverture d'information judiciaire pour homicide volontaire a été mis en examen de ce chef et placé en détention provisoire", selon un communiqué de presse du parquet.

La marche en hommage au jeune homme de 17 ans est partie vers 14h00 de la cité Pablo Picasso, aux cris de «justice pour Nahel» et «plus jamais ça», ont constaté des journalistes de l'AFP.

La mère de la victime, juchée sur une camionnette, portant un tee-shirt «Justice pour Nahel», a ouvert la manifestation, suivie de plusieurs milliers de participants regroupés derrière une banderole portant le même slogan.

La marche s'est terminée dans la confusion avec des heurts, des échanges de tirs de gaz lacrymogène et de fusées d'artifice, quelques feux et du mobilier urbain détruit. Plusieurs voitures ont été incendiées, a constaté l'AFP.

Dans la matinée, le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache, a annoncé que le policier, un motard âgé de 38 ans, devait être présenté dans la journée à deux magistrats instructeurs en vue de sa mise en examen.

«Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme ne sont pas réunies», a souligné le magistrat lors d'une conférence de presse. Il a requis le placement en détention du policier, un choix rarissime dans ce genre d'affaire.

«Nous déplorons que le procureur occulte la possible complicité d'homicide volontaire du second policier et les possibles faux en écritures publiques résultant des déclarations mensongères initiales du tireur, qui avait formellement affirmé que le jeune Nahel avait tenté de lui foncer dessus avec le véhicule», a indiqué l'un des avocats de la famille, Me Yassine Bouzrou, dans un communiqué.

Une vidéo, authentifiée par l'AFP, a montré qu'un des deux policiers tenait Nahel en joue, puis a tiré à bout portant. Le jeune conducteur est décédé peu de temps après avoir été atteint au thorax.

Un des deux passagers du véhicule est toujours recherché.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé au préfet de police la suspension administrative du policier.

La mort du mineur a été suivie d'une flambée de violences, notamment en Île-de-France, qui sont montées d'un cran dans la nuit de mercredi à jeudi.

Devant les façades de mairies noircies par les flammes, les nombreuses carcasses calcinées de voitures et l'odeur de brûlé qui flottait au petit matin dans de nombreuses villes de France, Emmanuel Macron a dénoncé «des scènes de violences» contre «les institutions et la République» qui sont «injustifiables».

Pour tenter d'éviter la réédition des émeutes de novembre 2005 dans les quartiers populaires, le président a convoqué dans la matinée une cellule interministérielle de crise. Les déplacements non prioritaires des ministres prévus jeudi ont été reportés.

Pour la seule nuit dernière, 180 personnes ont été interpellées, 170 policiers et gendarmes blessés, et plusieurs bâtiments publics «incendiés ou attaqués», selon le ministère de l'Intérieur.

- «Eviter toute escalade» -

«J'appelle vraiment à un retour au calme, le plus rapidement possible», a plaidé Benoit Jimenez, maire de Garges-lès-Gonesse, où l'hôtel de ville a été incendié. La Première ministre Elisabeth Borne y a appelé à «éviter toute escalade».

Des écoles ont également été visées, comme à Tourcoing, Evreux (Eure) ou encore Halluin (Nord), et des commissariats à Rouen, Elbeuf (Seine-Maritime) et Trappes (Yvelines) pour ne citer qu'eux. A Amiens, une médiathèque a été «complètement détruite» par le feu.

«Il faut que tout cela cesse», a déclaré le garde des Sceaux, qui s'est rendu à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), attaquée au mortier d'artifice par des personnes encagoulées. «Tous ceux qui de façon irresponsable (...) crachent sur la police et sur la justice sont aussi les complices moraux des exactions qui sont commises», a par ailleurs critiqué Eric Dupond-Moretti.

A Nanterre, dans le quartier populaire Pablo-Picasso en particulier, les heurts ont duré jusqu'au milieu de la nuit, avec des jets de pavés, des cris «à mort les keufs!» et des tags «justice pour Nahel», auxquels les forces de l'ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène.

Dans le département de Seine-Saint-Denis voisin, des sources policières ont fait état de feux multiples de voitures et magasins, de pillages, de commissariats attaqués, de mairies dégradées, d'une médiathèque incendiée...

Des incidents ont été déplorés également dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine mais aussi ailleurs en France, à Lyon, Roubaix, Amiens et Nice, Dijon et Toulouse.

- Renforcement du déploiement policier -

Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel, mineur de 17 ans connu pour des refus d'obtempérer. Le précédent lui avait valu une présentation au parquet dimanche dernier, en vue d'une convocation en septembre prochain devant un tribunal pour enfants.

L'affaire a relancé la controverse sur l'action des forces de l'ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers.

Jeudi, des voix s'élevaient à droite pour réclamer l'état d'urgence, à l'instar du président des Républicains Eric Ciotti, qui souhaite que soient instaurées «sans délai» ces mesures d'exception qui avaient été utilisées en novembre 2005 après 10 jours d'émeutes dans les banlieues.

«Je crois qu'on peut mobiliser énormément de moyens (...) sans qu'on ait besoin de recourir à des articles particuliers de la Constitution», a réagi Gérald Darmanin, qui annonce un déploiement sécuritaire plus important pour jeudi soir: 40.000 policiers et gendarmes mobilisés, dont 5.000 à Paris (contre 2.000 la nuit passée).

Le gouvernement prévoit aussi un «changement de doctrine, plus offensive» dans la réponse aux émeutes, selon une source policière.

Ce que l'on sait des circonstances du drame et de l'enquête

Nahel, 17 ans, a été tué par un tir de police mardi à Nanterre lors d'un contrôle routier. Voici ce que l'on sait des circonstances de ce drame et des investigations menées dans ce dossier, confiées jeudi à deux juges d'instruction.

Le déroulé des faits:

Deux motards de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine viennent de prendre leur service mardi quand ils remarquent vers 7H55, boulevard Jacques-Germain Soufflot à Nanterre, derrière le quartier d'affaires de la Défense, une Mercedes jaune immatriculée en Pologne, a détaillé jeudi le procureur de Nanterre, Pascal Prache.

La "vive allure" du véhicule sur une voie de bus et "le jeune âge apparent des passagers du conducteur" intriguent les policiers, qui tentent une première fois de procéder à un contrôle. Ils activent leur gyrophare, se portent à hauteur du véhicule à un feu rouge et lui demandent de stationner.

La voiture redémarre, grille le feu et continue de rouler près de la station de RER Nanterre-Préfecture, les deux policiers à ses trousses, avant d'être coincée dans les bouchons.

Les deux policiers ont alors mis pied à terre et "crié au conducteur de s'arrêter" en se positionnant "sur le côté gauche" de la voiture, "l'un au niveau de la portière du conducteur, l'autre près de l'aile avant gauche", selon le procureur.

Ils disent "avoir tous deux sorti leurs armes et les avoir pointées sur le conducteur pour le dissuader de redémarrer en lui demandant de couper le contact".

Quand la voiture redémarre, un des policiers tire à bout portant et le véhicule finit sa course dans un élément de mobilier urbain. Il est 8h19.

Les premiers secours prodigués par le policier auteur du tir ne permettront pas de sauver Nahel, pas plus que les tentatives des sapeurs-pompiers. Le décès est constaté à 9h15. Il est dû, selon l'autopsie, à une balle qui a traversé le bras gauche et le thorax de la victime de gauche à droite.

Les protagonistes

Le policier qui a reconnu être l'auteur du coup de feu est un motard âgé de 38 ans. Les analyses toxicologiques et de dépistage d'alcoolémie se sont avérées négatives.

Le conducteur, Nahel, avait 17 ans. Il était élevé seul par sa mère, assure cette dernière. Il fréquentait régulièrement le centre de loisirs du quartier du Vieux-Pont, selon une Nanterrienne interrogée par l'AFP.

Né en 2006, il était connu pour des faits de refus d'obtempérer, les derniers ayant donné lieu à sa présentation au parquet dimanche dernier, en vue d'une convocation en septembre prochain devant un tribunal pour enfants.

A bord de la Mercedes, aucun objet dangereux ni produit stupéfiant n'a été découvert.

Deux passagers se trouvaient dans la Mercedes: un à l'avant, qui a pris la fuite, et un autre à l'arrière, entendu par les enquêteurs et dont la garde à vue a été levée mardi après-midi.

Deux enquêtes puis une information judiciaire ouvertes

Deux enquêtes ont été ouvertes mardi par le parquet de Nanterre.

L'une, pour refus d'obtempérer et pour tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique, a été confiée au commissariat de Nanterre et à la sûreté territoriale des Hauts-de-Seine.

L'autre, pour homicide volontaire par dépositaire de l'ordre public, a été menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices".

Les enquêteurs ont épluché les images de vidéosurveillance et celles amateurs diffusées sur les réseaux sociaux, et ont interrogé à plusieurs reprises les policiers, y compris dans le cas d'une confrontation.

A ce stade, selon le procureur, "l'exploitation des vidéos confirme les déclarations des policiers sur le parcours du véhicule et le refus d'obtempérer".

Pour le reste, une information judiciaire pour homicide volontaire a été ouverte visant le policier auteur du coup de feu, qui avait été placé en garde à vue mardi.

"Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme n'étaient pas réunies", a expliqué Pascal Prache. "Au regard des faits et de la nécessité de préserver les investigations", le procureur a requis le placement en détention provisoire de l'auteur du tir.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé au préfet de police la suspension administrative de ce policier.

La version policière selon laquelle l'adolescent aurait foncé sur le motard a été infirmée par une vidéo du drame circulant sur les réseaux sociaux. On y entend distinctement "tu vas te prendre une balle dans la tête", sans que l'on puisse attribuer cette phrase à quelqu'un en particulier.

Les avocats de la famille de Nahel ont indiqué avoir déposé plainte jeudi pour homicide volontaire et pour faux en écriture publique, et demandé le dépaysement de l'enquête.

Refus d'obtempérer: Bernard Cazeneuve réfute que la loi soit un «permis de tuer»

L'ancien Premier ministre socialiste et ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a réfuté jeudi auprès de l'AFP que la loi modifiant les règles d'usage de leur arme de service par les policiers, qu'il a fait adopter en 2017, soit une loi «permis de tuer», comme l'affirme Jean-Luc Mélenchon.

«Ce texte n'est pas du tout un texte qui dit aux policiers +vous pouvez tirer+», a affirmé M. Cazeneuve, alors que certains accusent l'application de cette loi d'être la cause du tir du policier qui a tué un jeune automobiliste de 17 ans à Nanterre, qui refusait d'obtempérer à un contrôle.

«Ce n'est pas la loi +permis de tuer+», a-t-il insisté. «C'est un texte qui dit : +vous ne pouvez tirer que lorsque vous êtes en situation de légitime défense+. Hors le cadre de la légitime défense, l'utilisation de la force non proportionnée et aboutissant à des drames peut faire l'objet d'une condamnation pénale des policiers», a-t-il précisé.

«Si on trouve un alinéa qui permet de légitimer ce qui a pu se passer à Nanterre, vous me dites quel alinéa. Le permis de tuer, il est où dans ce texte ?», a-t-il demandé, assurant que selon cette loi, «quelqu'un qui part avec un véhicule et qui ne menace personne de mort avec son véhicule, ne peut pas se voir tirer dessus».

«Extrêmement choqué» par les images de Nanterre, M. Cazeneuve exprime toute sa «solidarité» à la famille de la victime, appelant aussi «au calme et à l'esprit de responsabilité».

Mais «quand il y a une tragédie de cette nature, le seul devoir d'un républicain c'est de dire la vérité et de rappeler les faits, pas d'instrumentaliser des drames, en essayant d'attiser le feu qui couve», remarque-t-il.

L'ancien Premier ministre rappelle aussi que «cette loi a été adoptée dans des circonstances particulières, celles des attentats terroristes de 2015 et 2016, où la question se posait de savoir comment des policiers pouvaient interrompre le périple meurtrier d'un terroriste».

Il explique notamment qu'à l'issue d'un groupe de travail parlementaire, «nous avions décidé non pas d'ajouter des dispositions nouvelles en droit mais de transcrire dans la loi, à droit constant, ce que la jurisprudence avait déjà arrêté de dispositions» sur la légitime défense.

Alors que La France insoumise a déposé une proposition de loi pour «abroger l’article 435-1» du code de la sécurité intérieure portant sur cette légitime défense, Bernard Cazeneuve n'est «jamais défavorable à ce qu'on révise un texte de loi, si c'est nécessaire, mais faisons-le de façon rationnelle. Regardons ce qui dans ce texte peut éventuellement poser problème», dit-il.


Gérald Darmanin a rendu visite à Nicolas Sarkozy mercredi soir à la prison de la Santé

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
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  • L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45
  • L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui"

PARIS: Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier.

L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45, a poursuivi cette même source, avant un échange entre le garde des Sceaux et les agents pénitentiaires sur la sécurité de l'ex-chef de l'Etat.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy a été incarcéré le 21 octobre à la Santé. Cette détention d'un ancien président est une première dans l'histoire de la République.

Il a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines.

L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui", avait expliqué le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez.

Gérald Darmanin avait dit avant l'incarcération de l'ex-président son intention d'aller le visiter, afin de "s'assurer que les conditions de sécurité sont bonnes pour ce détenu au statut hors du commun", avait expliqué son entourage.


Nouveau coup de filet dans l'enquête sur le cambriolage du Louvre

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
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  • Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place
  • Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue

PARIS: La procureure de Paris Laure Beccuau a annoncé jeudi cinq nouvelles interpellations liées au casse du musée du Louvre, dont un principal suspect, mais les joyaux de la couronne de France, estimés à 88 millions d'euros, restent introuvables.

Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place. Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue.

Parmi eux se trouve un des cambrioleurs présumés, qui "était effectivement un des objectifs des enquêteurs, on l'avait dans le viseur", a précisé la procureure de Paris sur la radio RTL.

"Des traces ADN" lient ce principal suspect "au vol qui a été commis", a ajouté Laure Beccuau, suggérant qu'il faisait partie du commando des quatre hommes qui ont commis le vol du 19 octobre en moins de huit minutes, une affaire qui a fait le tour de la planète.

"Quant aux autres personnes qui sont placées en garde à vue, ce sont des personnes qui peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", a expliqué la procureure de Paris, sans vouloir en dire plus sur leur profil, "il est trop tôt".

Ces cinq nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis (dans le nord de la région parisienne), a-t-elle indiqué.

"Déterminée" 

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure.

"Je dirais que comme toute enquête, cette enquête, c'est comme un fil d'Ariane", a comparé Laure Beccuau, insistant: "mon rôle n'est pas d'être inquiète (sur le sort des bijoux) mais d'être déterminée".

Et de lancer un message: "ce que je souhaite très clairement dire à ceux qui détiendraient les bijoux aujourd'hui, c'est que évidemment la justice saura tenir compte de l'absence de préjudice de ce cambriolage". "La coopération dans l'enquête, on en tient compte pour la peine évidemment", a-t-elle formulé plus explicitement.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie.

Les deux inculpés - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers (région parisienne au nord) -  "n'ont pas souhaité s'exprimer" devant le magistrat instructeur mercredi soir, a-t-elle confié.

Auparavant, les deux trentenaires "se sont livrés à des déclarations, que côté enquêteurs et côté magistrats du parquet, nous estimons minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", a mis en avant Laure Beccuau.

"Marchés parallèles" 

"Si on analyse leur casier, on ne peut pas effectivement considérer qu'ils font partie du haut du spectre de la criminalité organisée", a-t-elle décrypté à leur sujet.

La procureure insiste sur l'idée de sortir "d'une image d'une criminalité organisée, type mafieux, avec le patron et tout un tas d'équipes qui gravitent autour de lui parce que ce sont des connaissances".

La criminalité organisée peut aussi se nourrir selon elle de "personnes recrutées sur les réseaux sociaux, n'ayant aucun casier judiciaire" et susceptibles de commettre des méfaits graves pour "des sommes qui nous sidèrent", sous-entendu modiques.

La procureure de Paris s'est en outre attardée sur le rôle de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), qui explore "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est sans doute pas sur le marché légal des oeuvres d'art que surgiront les bijoux.

Parmi les hypothèses des enquêteurs, il y a celle "que ces bijoux pourraient être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a enfin pointé la procureure.

 

 


Budget: Lecornu fragilisé par une alliance gauche-RN sur la fiscalité des multinationales

Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
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  • Alliance gauche–RN : Les députés ont adopté plusieurs taxes sur les grandes entreprises, défiant le gouvernement
  • Crise budgétaire : Le budget 2026 est fragilisé, avec un risque de passage en force par ordonnances

PARIS: Les députés ont voté mercredi de nouvelles taxes visant les grandes entreprises, dans une alliance de circonstance entre la gauche et l'extrême droite, rendant plus difficile l'adoption du budget par le camp gouvernemental qui dénonce une "folie fiscale".

Sébastien Lecornu se retrouve face à une équation politique de plus en plus impossible, alors même que les mesures les plus sensibles – notamment sur la taxation des hauts patrimoines, condition posée par les socialistes à leur non-censure – n'ont pas encore été examinées.

Jeudi, les députés feront une pause dans les débats budgétaires, avec une journée réservée à l'examen de textes proposés par le Rassemblement national.

Mais ils reprendront vendredi, avec l'examen prioritaire dès 09H00 de l'article 3 du projet de loi de Finances instaurant une taxe sur les holdings, suivi des amendements de la gauche pour créer une taxe Zucman.

Dans ce contexte déjà tendu, le gouvernement avait haussé le ton dès mercredi matin. "La justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale", a mis en garde mercredi le ministre de l'Economie Roland Lescure. Le Premier ministre s'est lui inquiété devant les sénateurs d'une déconnexion entre le débat fiscal et "la question économique générale et globale".

Dans leur ligne de mire, le vote mardi par une alliance de la gauche et du RN d'un "impôt universel" sur les multinationales, pour lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale.

Une mesure censée rapporter 26 milliards d'euros, selon ses défenseurs, mais jugée inopérante, contraire à la législation et néfaste pour l'économie française, par le gouvernement.

- "Pas honteux" -

Marine Le Pen, pointée du doigt par la droite pour son soutien, a défendu la mesure. "Il s'agit juste de faire respecter la loi", selon elle.

"Pour l'instant, ce qui a été voté" à l'Assemblée dans le cadre de l'examen du budget de l'Etat n'est "pas honteux, contrairement aux hurlements du gouvernement", a enfoncé la cheffe des députés RN.

Mais les mises en garde du camp gouvernemental n'ont pas freiné les députés dans leur lancée, au contraire.

Dans l'après-midi, ils ont continué d'adopter des mesures visant les grands groupes.

Là encore, ce sont les votes réunis de la gauche et du RN qui ont permis l'adoption d'une mesure portée par LFI visant à élargir le champ d'application de l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales.

C'est "une autoroute vers le contentieux", qui fragiliserait les efforts coordonnés avec l'OCDE pour lutter contre l'évasion fiscale, a fustigé dans l'hémicycle le ministre de la Fonction publique, David Amiel.

"On assume à 100%" ce vote, a martelé le député RN Jean-Philippe Tanguy.

Dans la foulée, le gouvernement a essuyé deux nouveaux revers: le RN a réussi à faire adopter de justesse un amendement pour alourdir la taxation sur les rachats d'actions, afin de lutter contre la spéculation. Les députés de gauche se sont pour la plupart abstenus. Puis c'est la France Insoumise qui a réussi à faire adopter, lors d'un vote très serré, un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes.

Ces derniers votes ne devraient pas faciliter la tâche de Sébastien Lecornu.

Mercredi matin, le président de LR Bruno Retailleau avait dénoncé une "folie fiscale", et "le coût de la stabilité politique exorbitant". Le chef des députés MoDem Marc Fesneau estime aussi que le texte "devient totalement invotable".

- Amendement de compromis ? -

A l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, avait relativisé les votes de la veille, rappelant qu'on n'est "qu'au tout début du processus parlementaire".

M. Retailleau pense d'ailleurs que la première partie du budget sur les recettes "sera refusée par l'Assemblée" et donc que ce sera le Sénat "qui devra reprendre la copie".

Sous couvert d'anonymat, plusieurs cadres de la coalition gouvernementale disent s'attendre à ce qu'il n'y ait "pas de budget" et que le gouvernement doive se contenter d'une "loi spéciale", qui lui permet de reconduire en 2026 les impôts et dépenses de 2025.

Autre option: l'adoption d'un budget par ordonnances, comme l'autorise la Constitution si les délais d'examen du texte sont dépassés, et comme s'en inquiète le RN.

Les groupes politiques ont accepté de retirer une partie de leurs amendements afin d'accélérer les débats.

La fiscalité va continuer d'alimenter les tensions dès la reprise vendredi matin.

Du fait de l'opposition résolue du bloc central, de la droite et du RN, la taxe Zucman n'a guère de chance d'être votée, que ce soit dans sa forme initiale (un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros) ou modifiée (3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales).

Un amendement de compromis pourrait donc être encore présenté par le gouvernement au moment des débats. "Il y a encore du travail", a reconnu Mme Bregeon.